Tiens tu es là ?

Le 01/12/2005
-
par Pas Sage
-
Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Ce texte, c'est un peu une tranche de vie sombre telle que l'imaginerais un enfant de quatre ans qui vient de visionner les télétubbies dix-sept heures d'affilée. Pour un zonard averti c'est léger. Ca se veut triste et désabusé, mais c'est tellement doucereux que c'est plutôt attendrissant.
« Tiens tu es là ? » la question n’en n’était pas une, plutôt une constatation. Bien sûr qu’elle était là. Fidèle. A l’attendre. Sa constance ne laissait de le surprendre, jour après jour.
Il posa ses clefs sur la console de l’entrée, sa veste rejoignit les autres sur le portemanteau, puis il ôta ses chaussures, qu’il laissa au pied de la porte. Le sol n’était pas froid et le parquet glissait un peu sous ses chaussettes. L’appartement était bien chauffé de toute façon, la chaudière tournait au maximum depuis déjà quelques semaines et l’hiver s’arrêtait définitivement au seuil de l’appartement.
Sans rien dire, dans un soupir, il alla aux toilettes. Il sortait juste du métro et les transports en commun lui donnait toujours envie d’uriner. La prostate ? Non ! Sûrement pas à son age ! Même pas trentenaire ! Plutôt une question de vibration si vous voulez son avis. Les vibrations qui accéléraient le cheminement du liquide à sa vessie.
Quasi immobile au dessus de la cuvette, son esprit vagabonda. Il se voyait acclamé sur l’estrade, prix Nobel de médecine, le précieux papier à la main (et le chèque dans son compte en banque) pour la démonstration de l’effet des vibrations sur l’appareil urinaire masculin.
Il sourit.
La dernière goutte s’épancha dans le caleçon. De toute façon quoiqu’il fasse, aussi fort qu’il se secoue elle finissait dans le caleçon.
Lavage de main dans la salle de bain.
Il devait préparer le dîner. Elle était toujours là à l’observer. Dans la cuisine, rien de particulier. La vaisselle sale, un lave-vaisselle en attente d’être vidé... Le réfrigérateur ne contenait pas grand-chose : des œufs, du fromage râpé. L’idéal pour une omelette.
La flamme bleue souffla, l’huile frétilla quand il versa dans la poêle les œufs battus avec le fromage. Un reste d’endives compléterait le repas.

Pas la peine de salir trop d’assiettes, il en prit une dans le lave-vaisselle.

Dans la pièce principale il alluma la télévision. Le son chassa le silence, mais elle était toujours là.
Elle l’observait en silence.
Elle était là, constante.
Elle serait toujours là.

Fidèle solitude.