Autofiction à l’infinitif

Le 26/03/2006
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par Don
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Don aborde la crise de la quarantaine avec le style acéré qu'on lui connait depuis son premier texte, ça lui permet de revenir sur un sujet qui lui semble cher : les relations des hommes mûrs avec les jeunes filles. Don nous pond un manifeste de la quarantaine paumée, en recherche d'identité qui ne laisse aucune place à l'espoir. Tranche de vie qui ne mène à rien mais frappe en plein bide.
Quarantaine (Crise de la):
Etape quasi obligatoire de la vie d'un individu de sexe masculin, caractérisée par une propension certaine à la nostalgie, à la fascination pour des tendrons à peine pubères, à la remise en question existentielle sur fond de souvenirs adolescents.
L'individu en crise fait souvent subir à ses proches ses élans oiseux, un lyrisme bedonnant et un spleen de façade. L'acquisition, à grand renforts de dîners pseudo-romantiques, d'une maîtresse de dix ans de moins, permet à l'individu de survivre jusqu'à la cinquantaine où il devient fréquement affligé du "démon de midi".
Des années passées à faire le grand écart entre sa vie sexuelle et sa vie sentimentale. L’illusion du conformisme et de l’adultère, le frisson minable des chambres d’hôtel pour baiser à la va-vite des filles à qui l’on essaye de ne rien promettre. La fatigue et la lassitude quand la libido de la régulière se réveille trois heures après un cinq-à-sept torride et minuté. « Pas ce soir chérie ».
Le divorce, parce qu’il faut bien payer.
L’introspection rageuse et le mépris de soi quand même la routine conjugale si décriée vient à manquer cruellement. La solitude glauque, entrecoupée de passages aux putes et de beuveries masculines. Le dégoût, la désillusion et l’appétit de frissons sordides pour conforter la détestation quotidienne. Jouer le pygmalion asexué avec une demi nipponne de la moitié de son âge perdue entre hystérie et déprime. Etre fasciné par sa peau mate, ses mutilations, jouer les bodyguard d’opérette pour l’accompagner en soirée fetish puis SM en compagnie d’une psychologue pénitentiaire latexisée jusqu’au lobe des oreilles. Deviser du temps qu’il fait tandis qu’une loque harnachée de cuir lèche consciencieusement les chaussures de son interlocutrice. Partir en soirée goth comme on surveille un jardin d’enfant, bousculer le gamin en résille qui se frotte contre l’icône asiatique. Aller de séances photos en concerts, ne pas la toucher, surtout ne pas la toucher.
Partir, parce que les cendres se réchauffent.
Bosser comme un con au mépris de soi même.
S’oublier dans les boite-à-cul avec des responsables RH de compagnie pétrolière et des analystes boursiers. Descendre plus bas encore, le souvenir de cette boite immonde où un soir de « soirée couscous » une femme enceinte se faisait tripoter par une dizaine de types hagards.
Vomir des hectolitres d’alcool.
S’enfuir après un entretien avec un avocat d’affaires pourri d’oseille organisateur de gang bangs et éleveur d’étalons humains.
Fumer des millions de clopes.
Tenter l’aquoibonisme et le dégoût radical des milieux branchés.
S’éprendre de théories fumeuses sur les rapports amoureux, tester tout et n’importe quoi. Faire des rencontres, élaborer des manipulations minables pour amener des filles trop sages à plonger plus bas dans leurs instincts. Se réjouir quand elles prennent plaisir à révéler l’animal vorace qui gît dans un coin de leur jolie petite tête. Jouer les pygmalions SM, se piquer d’éducation sensuelle et de « dressage du rien », se fasciner pour les cravaches, leur ligne épurée, le tressage du cuir, la prise en main et le cinglement dans l’air ou sur un épiderme.
Rire des cocottes fétish à peine majeures qui s’effarouchent d’un regard trop appuyé et frissonnent de dégoût dans leurs « barbie wear » en vinyle. Ricaner grassement devant toute manifestation de sentimentalisme, se cloîtrer dans l’ironie et la distance.
Souffrir
De tout et de rien, de l’absence d’émotion comme de l’ennui sidéral qui commence à pointer son nez.
Rencontrer quelques étoiles paumées ou fracassées, se surprendre à avoir envie de nouveau, mais rester paralysé par la trouille, la routine solitaire et la crispation névrotique sur des acquis minables de pseudo liberté.
Retrouver un sens de la meute, doucement, doucement, la voir s’éparpiller au gré des vents contraires laissant un noyau en forme de cœur.

La découvrir, la séduire avec des mots tendres et des gestes crus, jouer les mystérieux, les blasés. Frissonner de nouveau devant une jeunesse avide et à vif, une maturité monstrueuse, tenter l’apprivoisement, échouer, tenter de nouveau, fuir et revenir. Etre foudroyé, puis repartir en courant vers le repli en soi, se répéter ad nauseam que le cœur n’est qu’un muscle.
La perdre
La voir s’éloigner, remplacer, rêver de nouveau. La harponner comme on chassait la baleine, se cramponner au filin comme le capitaine Achab. Argumenter, construire, polémiquer, se résigner.
Entrouvrir une porte au hasard du pathos, y entrer à deux, comprendre que « tout se transforme ».
Vibrer de nouveau dans la découverte de noirceurs communes, se faire mal, tenter l’extase tantrique dans une voie sénestrogyre. Comprendre que l’animalité permet la métamorphose, être terrifié par des révélations sur soi-même, toujours sues, jamais acceptées. Assumer la bestialité, le sadisme, le voyeurisme, ces pulsions qui se carbonisent une fois révélées. Faire œuvre au rouge puis œuvre au noir.
Se vouloir pragmatique, se redécouvrir mystique.
Savoir que Dieu est un sexe de femme
S’autoriser l’épiphanie de l’ordure, en être tenté, séduit, effrayé, s’interroger
Plonger ?