Nuit après nuit

Le 05/06/2006
-
par Invisible
-
Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Un beau gros dépressif de base, amorphe et épuisé, nous sert de héros. C'est toujours jouissif de voir ce genre d'amoindris patauger dans leur bordel et suffoquer au moindre problème. J'ai l'impression de lire des rushs de mon texte LEX, c'est assez bizarre. Le texte laisse un bizarre goût d'inachevé, il est sans doute trop court pour qu'on comprenne bien l'aspect cyclique et écrasant de cette vie quotidienne merdique.
Je suis allongé dans mon lit, la lumière allumée, et je me dis qu'il serait temps de dormir vu que je bosse demain. Je me rends compte que le reveil indique 6h06, je l'éteins avant même qu'il ne sonne. Je suis à moitié habillé, et je me sens fatigué.
Je lève la tête et regarde dans la pièce autour de moi. Le sol est jonché de linge sale, il y'a aussi quelques cannettes dans un coin. Rien de propre à me mettre, tant pis, je ramasse ce qu'il me faut par terre, c'est juste pour aujourd'hui, j'arrangerai tout ça plus tard... Plus tard... Merde, je suis à la bourre, j'ai dû rester assis sur mon pieu trop longtemps, 7h21 déjà.
J'arrive dans la cuisine, la table est encombrée de restes de repas de la veille, de l'avant-veille depuis je ne sais combien de temps. Je trouve un paquet de gateaux entamé, en mange cinq ou six avant de remarquer les vers et de recracher ce que je n'ai pas encore avalé. La poubelle est encore pleine, c'est pourtant le tour de mon colocataire de la descendre, mais je ne l'ai pas vu depuis trop longtemps ; cela dit, avec le désordre qui s'accumule, je sais qu'il est encore ici. Cet enfoiré pourrait ranger un peu. C'est son tour.
Je sors et je croise la concierge :
"Bonjour, pourriez-vous dire à mon colocataire que je le cherche si vous le voyez ?"
La vieille peau ne semble pas avoir compris un traitre mot de ce que je viens de lui dire, je me sens même con d'avoir essayé. Cette vieille bique me regarde avec des yeux ronds. J'écourte cette scène surréaliste :
"Ca fait rien, je me debrouillerai, bonne journée."
Je l'entends marmonner. Complètement ravagée celle là.
Dehors la nuit se lève peu à peu, laissant apparaître un ciel blanc uniforme.
J'arrive sur mon lieu de travail, m'installe à mon poste. Les néons me font mal aux yeux et celui placé au dessus de mon bureau scintille avec un bruit désagréable. Aujourd'hui, mon boulot va consister à mettre des prospectus dans des enveloppes. C'est aussi ce que je faisais hier, et avant-hier ; en fait c'est ce que je fais depuis deux mois. Ou peut-être deux ans.
Je bosse depuis deux heures, peut-être plus, quand je remarque une fissure dans le sol. Je me baisse instinctivement, je suis persuadé qu'elle n'était pas là avant, d'autant plus qu'elle ne cesse de s'agrandir, je la fixe jusqu'à ce que je sois submergé et il me semble qu'elle veut me parler, sa voix s'intensifie :
"On a plus beaucoup de temps !"
Je sursaute, c'est cette enflure de supérieur qui me gueule dessus :
"T'es pas là pour pioncer ! Les enveloppes doivent être prêtes d'ici la fin de la journée ! On a plus beaucoup de temps !"
Après le départ de cet abruti ventripotent, les autres employés me regardent avec un air moqueur, l'un d'eux laisse entendre que j'aurais pu décrocher un rôle dans Les Affranchis : je comprends que j'ai un timbre collé sur le front. Ca les fait tous marrer. Bande de connards.
Je me rends compte qu'il n'est que 9h : ça ne fait qu'une heure que je suis ici, mes paupières veulent se refermer, j'ai la bouche pâteuse, mais je continue. Ca durera comme ça jusqu'au soir, jusqu'à ce que l'horloge indique 18h. Une fois chez moi je cherche des restes de bouteilles à finir et je m'endors directement. Une journée normale.

Je me reveille avec l'impression que des enculés de nains dansent dans mon crâne : putain de gueule de bois, je sais même plus où j'ai passé la soirée. Je me rends compte en allumant la télé qu'on est déjà le soir. Je prends deux ou trois aspirines, bien décidé à sortir. De toute façon je n'ai aucune intention de rester dans cette turne plus longtemps. Je me demande comment j'ai pu emmenager avec l'autre porc, d'ailleurs je lui ferais bien bouffer ses post-it "C'EST TON TOUR." qu'il pose sur toutes les saloperies à faire, encore faudrait-il que je mette la main dessus, je n'arrive même pas à me souvenir de la dernière fois où l'on s'est parlé.
Comme toujours je vais manger à l'exterieur avec des amis vu que le frigo est en panne et que les cafards s'y plaisent.
Je croise la concierge, une vieille cinglée, qui me regarde fixement sans rien dire.
"Madame ? Un problème ?"
Pas de réponse.
"Oh ! Tu veux quoi la vieille ?!"
Elle s'en va en maugréant et en secouant la tête.
Vieille tarée.
Il fait déjà nuit dehors et je vais rejoindre mes amis dans un restaurant branché. Ils ont l'air mieux remis que moi de la soirée d'hier et ne manquent pas de me le faire remarquer (ce qui me confirme que j'étais bien avec eux), et pour ne pas perdre la face je dois laisser entendre que j'ai passé ma journée en bonne compagnie (hypothèse que je n'exclus pas, ayant déjà eu des surprises par le passé).
Ma fatigue passe finalement grâce à l'euphorie qui me gagne avant une fête et surtout au comprimé d'ecstasy.
Après, tout devient flou : je me vois arriver en boite, commander un Piña colada, danser, me battre, commander un Cosmopolitan, en vomir une partie, dessoûler, m'assoupir sur une banquette...
Finalement, j'ai les idées à peu pres claires quand on me raccompagne chez moi, l'odeur de l'appartement me choque dans un premier temps mais après quelques seconde je n'y prête plus attention. J'entre dans ma chambre en me deshabillant partiellement, manque de tomber en marchant sur une cannette qui traîne là et finalement, m'allonge sur le lit, trop cassé pour éteindre la lumière. Déjà 6h05.