Béquille

Le 26/07/2006
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par Moi
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Ca ressemble de loin à de la vie quotidienne pourrie, en version redescente de trip pénible. Les perceptions prennent le dessus, désagréables et obsédantes. Dès le début on sait que le texte parle de drogue, et on ne se trompe pas. C'est en quelques lignes l'enfer du manque qui est décrit, puis le soulagement et la montée une fois la substance obtenue. Pas mauvais, un peu léger, mais bien pensé.
Il est tard. Il fait chaud. Trop. Il y a du bruit. Trop.
En fait, pas plus que d'habitude, mais aujourd'hui c'est pas ça. Je me sens pas bien. Les conversations glissent sur mon crâne et je n'arrive pas à les assimiler.

Un grand Parasite de voix, de rires et de musique s'installe dans ma tête. Il tâte les replis de mon esprit, fait son nid et, de son fauteuil cognitif, empoigne la zapette de ma migraine et met le volume à fond avec un sourire sadique.

L'effet ne se fait pas attendre, les gens, leur conscience, leurs personnalités, leur charme pour certains, fondent peu à peu et rejoignent le théâtre cartésien de ma conscience. Un grand Tout, coloré et animé, est projeté en ombre chinoise sur la toile de ma bulle perceptive. Les bras, les jambes, les lasers, les mouvements, tout m'apparaît insensé, absurde, extérieur à moi. Je suis le centre d'un aquarium inversé et je contemple passif la fresque qui se déroule à des années lumières de moi.

Mon univers personnel est déphasé. Mes amis m'ont largué depuis longtemps. Il faut que je bouge, que je me mette au diapason de l'Extérieur, que je rattrape le train de la réalité. Marre des bad solo qui se terminent au fond d'une bouteille et qui balancent au vide-ordure le peu d'estime de moi que j'avais réussi à trouver en solde pour pas cher. Je dois rejoindre ce bal absurde qui empêche de penser.

Mais j'y arriverai pas tout seul. Il me faut prendre l'auto-stop des substituts chimiques. Je vais aller voir Marco. Marco c'est pas qu'un vendeur, un commercial, c'est presque un pote. Il te connaît et arrive même à te faire croire qu'il se souvient de toi au milieu de tous ses clients. Son sourire et ses considérations bateaux sur la vie et le cul de la demoiselle blonde là-bas t'accordent une parcelle momentanée d'humanité. Même si il est un peu plus cher, tout le monde va le voir. C'est surtout pour lui qu'on vient ici.

Dès qu'il voit la tête que je trimballe au dessus de mes épaules (a priori la mienne), il comprend : "un autre ? " Ouais un autre, même si j'avais dit que je ralentissais, même après les défis à la con passés avec celle qui se targue d'être ma meilleure amie, même après tout ça, il m'en faut un autre.

Ca y est, l'échange est fait. Je prends le temps de savourer ma dose. Elle ne devrait pas faire effet tout de suite mais je la sens déjà. Le dos se redresse, le sourire aussi, les mains ne pendent plus lamentablement au bout de leurs bras respectifs mais commencent à se mouvoir.
A l'intérieur, c'est encore plus spectaculaire. La scène se précise, la focale joue son rôle et le grand Tout se désolidarise en personnes uniques, vivantes, douées de parole et peut-être même de conscience.

Ca y est, je rejoins mes amis et la conversation. Je donne mon point de vue, je le réfute, je charme, je casse, je séduis... Je me comporte en homo sapiens du 21ème siècle intégré dans sa société occidentale. J'ai réussi, je ne pense plus.

J'ai réussi à détourner le regard du miroir de ma conscience, qui trop souvent m'a donné l'envie de me flinguer après en avoir fini avec le reste de l'humanité. Merde, mais qu'est-ce qui me prend de penser à ça. C'est le signe que ça va recommencer, que je retombe. Merde, non pas déjà. J'essaie encore de retourner vers la scène mais la migraine, cette salope, arrive par derrière et me balance un grand coup de pioche dans le crâne.

Merde, bon bah je crois qu'il va m'en falloir un troisième. Marco un café !