Un poing dans la gueule

Le 08/08/2006
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par Dagus
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Dans l'ensemble de ce texte, une tranche de vie d'un type qui arrête pas de saigner du nez, on arrête pas se demander où l'auteur veut en venir. A quoi sert ce texte ? Le dernier passage, plein de sous-entendus semble être une piste, mais dans l'ensemble, c'est assez intrigant. Il n'empêche qu'il retient pas trop mal l'attention.
Je n’arrête pas de saigner du nez en ce moment à force de penser à cette salope.
« Cette salope » c’est sans doute un peu fort mais c’est ce que je me dis parce que sinon ça serait trop dur de me dire que tout est de ma faute, même si parfois dans un éclair de lucidité le matin devant la glace je me dis qu’il faut accepter la réalité. Mais après je recommence mes conneries. C’est fou comme des fois on se sent si fort et qu’après le fait de penser à une personne peut nous détruire ainsi. Je dois plus être amoureux de moi qu’autre chose dans cette histoire.
Je saigne du nez, c’est peut-être du à mon alimentation en ce moment. Il faut dire que j’ai augmenté fortement ma consommation d'alcool ces temps-ci pour tenir le coup et bien souvent dans la journée j’avale au plus un kebab et le goût des crudités pas fraîches et des vieilles frites me donne envie de gerber. Ce Kebab en bas de chez moi il fait vraiment les pires Kebab imaginables. Quand on rentre dans sa boutique ca pue, mais bon c'est ça ou alors affronter la rue serait encore plus terrible. Je me demande aussi si ce n'est pas les aspirines ou autres pilules que je prends au hasard qui me rendent mon sang plus fluide que de la flotte.

L’autre jour j’avais réussi à trouver un boulot de serveur dans une soirée, tout se passait bien et d’un coup j’ai recommencé à saigner du nez et j’en ai mis un peu dans l’assiette que j’étais en train de servir. Ni vu ni connu je me suis mis un bout de kleenex dans le nez et j’ai essuyé l’assiette un peu avec la main. J’avais vraiment pas d’allure quand je tenais l’assiette avec la main pleine de morve et de sang. J'avais l'impression d'être un figurant de film d'horreur. Mais l’assiette était immaculée, c’est l’essentiel… Au prix où ils paient l’assiette ça leur fait un supplément gratuit, des bactéries dégueulasses venant de mon corps, et ça m’a même arraché un sourire avec du sang entre les dents au moment où j’ai déposé l’assiette devant le lambda. A un moment le bout de kleenex qui pendouillait de mon nez est tombé et j'ai du le ramasser devant tout le monde pendant que j'essuyais le désastre avec ma manche. Après le patron qui était pourtant sympa ne m’a jamais rappelé pour ses soirées.

J'aime les saunas, ces petites quasi-serviettes improbables devant notre nudité qui tombent dès la première bouffée de vapeur. Pour me changer les idées j'étais retourné au sauna parce que Marion n'aimait pas trop quand j'y allais avant. Ca avait une certaine dimension artistique, tout le monde à poil dans les vapeurs suffocantes, ce blanc partout, nos quéquettes à l’air et moi d’un coup en train de gicler partout avec ce rouge qui venait souiller l'espace. J’avais l’impression d’être un vampire détraqué victime, non pas suceur de sang mais à la disposition de bourreaux. J'avais une période d'insomnie et je me demandais comment une telle fille pouvait me mettre dans des états comme ça. Au petit matin j’arrivais à m’endormir mais je me réveillais avec l’oreiller rouge écarlate et mes yeux humides aussi.

J’ouvrais les yeux. Le sang giclait maintenant violemment dans ma bouche et se répandait partout sur ma chemise toute blanche que j’avais mis 30 minutes à repasser ce matin. C’était pas forcément un goût désagréable. Je ne sais plus où je suis et ce que j’ai fait. La chemise je me suis souvenu d'un coup du nom du magasin mais c'est le genre de truc qui sert pas à grand chose et je me demandais pourquoi je m'interessais à ce genre de détails. Je me suis pris un coup violent par un connard là-bas. Je ne sais plus pourquoi il a fait ça et j’ai vaguement mal à la mâchoire et ma première pensée est de fermer les yeux parce qu'il me semble que le connard en question est le nouveau petit ami et j'ai du lui dire une connerie. Je suis au sol et je n’ai même pas la volonté de me lever ou de faire quoi que ce soit.

Maintenant le rideau s’ouvre et j’entends les spectateurs qui hurlent au scandale il me semble. Je ne sais même plus mon texte et je sens le sang dans ma bouche qui coule et c’est chaud vaguement sucré et je ne retiens plus mes lèvres et je bave du sang. J’entends des cris autour. Entre deux instants de coma je me demande quel est ce rôle à la con que je joue.