Extérieur nuit

Le 27/11/2006
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par Kirunaa, Glaüx-le-Chouette
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Après un départ laborieux et atmosphérique, genre introspection désabusée sur fond nocturne, l'action se lance... Et est trop vite torchée, sans grands coups d'éclat. Le style est correct sans rien transcender et doit à vue de nez plus à Kirunaa qu'à Glaüx, dont on perd un peu la trace dans ce tas de larmoyances femelles. L'idée de fond est intéressante mais pas neuve, et est rarement sauvée par une réalisation plutôt sage.
Fatigue. La neige tombait avec une douceur silencieuse. Dans le ciel, une seule lueur, floue - une torchère. Je poussai un soupir. Le froid me pénétrait jusqu’aux os alors que je marchais dans la nuit, résignée, pour rejoindre ma voiture.
Je me demandais vaguement si c’était sérieux, de conduire pour rentrer. J’avais quand même bu davantage que quelques verres... Mais en y repensant, c’était aussi davantage que quelques heures auparavant et je savais bien que j’étais en état de conduire. Et puis les routes étaient désertes à cette heure-là. Et j’avais manqué le dernier tram, alors c’était ça ou tourner des heures à la recherche d’un taxi. Assez réfléchi.

Je marchais d’un pas mécanique et je laissais glisser mes pensées mollement sur tous ces détails qui faisaient que ma vie ressemblait à une flaque de boue noirâtre recouverte d’une jolie couche de glace scintillante. C’était le problème avec la vodka. Elle faisait semblant d’être ma meilleure amie, mais elle me collait toujours dans des humeurs moroses et mélancoliques à faire baver d’envie la plus artificielle des préadogothicodépressives fardées. Surtout la nuit. Bah. A quoi bon lutter. Je pensais à ma vie, au train-train, aux prétendus amis, au pseudo copain avec qui même le sexe n’était plus qu’une parodie, au travail devenu une façade ravalée sur des murs décrépis.

Ce soir là, je marchais en rêvant à tout ce que je pourrais dire, à tout ce que je pourrais faire, à leur cracher ma haine, mon dégoût, ma lassitude amère, à tout plaquer, à disparaître sans laisser d’adresse, à faire quoi que ce soit d’autre, ailleurs. Loin. Visiter des pays inconnus, m’essayer à des coutumes barbares, faire tomber les tabous dans des lieux interdits, devenir, tout à coup, quelqu’un d’autre. Ou bien juste devenir « moi-même ». Et de nouveau sentir, et revivre.

Je longeais le nouveau parc, à coté de la gare, en suivant la piste cyclable de terre rouge couverte de givre. C’était plus agréable que de marcher sur le trottoir. La haie d’arbres cachait la route et coupait un peu la hideuse lumière jaune des lampadaires. J’entendis alors un bruit derrière moi et je me retournai. Je distinguai une ombre dans la haie, qui se rapprochait de moi. Quand il fut à trois mètres, je vis que c’était un homme. Quand il fut à deux mètres, je vis qu’il était armé. Une belle lame blanche de vingt centimètres, tranchante et sensuelle, qui reflétait sur mon visage les éclats des lampes au sodium du parc. Quand il fut à un mètre de moi, je compris qu’il était bien trop tard pour m’enfuir. Il était petit, bestial, avec cette barbe de trois jours qui arrache la peau comme du papier de verre, des lèvres sombres et humides et de la crasse au coin des yeux. Répugnant.

« T’en as un joli sac ! J’suis sûr qu’il est bien lourd. File moi l’liquide que t’as d’dans, ça l’rendra plus léger. »

« Allez salope ! »

Je m’exécutai, la peur au ventre. Mais en tremblant de peur, je fis tomber mon porte-monnaie.

« Putain de conne. Ramasse. »

Je me penchai pour obéir, mal à l’aise sur mes talons, et consciente que me baisser ferait remonter ma jupe le long de mes cuisses. Et c’est comme ça que tout a commencé. Ce qui aurait pu n’être qu’une banale agression pour quelques dizaines d’euros s’est transformé soudain en l’histoire de toute une vie. Je l’ai entendu jurer ; la seconde d’après, il était sur moi.

« Tu bouges, tu meurs. »

Il a appuyé son couteau sur ma gorge, sa belle grande lame coupante. J’ai vu dans ses yeux le désir et la bave à sa bouche. Ca le rendait encore plus dégoûtant, encore plus immonde. Pourtant je sentis mon corps répondre à ce regard par une chaleur entre mes jambes oubliée depuis longtemps. D’une main, il déchira le devant de ma chemise, et le couteau libéra mes seins, laissant une fine coupure brûlante sur ma poitrine. Me repoussant sur le dos au pied de la haie, tenant toujours son arme glacée au contact de ma gorge, il commença à me mordre les seins, à les lécher, et à les malmener de sa main libre. Il sentait mauvais, il avait la peau grasse et visqueuse, cela me fascinait et me dégoûtait à la fois. Il était si petit que lorsqu’il me mordait les seins, il était juste à la bonne hauteur pour me coller sa braguette dure entre les jambes. Je me rendis compte que ma jupe était remontée au-dessus de mon pubis, et laissait voir l’avant de mon string. Collé sur moi, mon agresseur était agité de soubresauts, se contrôlant à peine. Sa lame entaillait ma peau ici et là, au hasard de ses spasmes, et me faisait gémir de douleur. Je crois. Il s’énervait contre son pantalon qu’il n’arrivait pas à ouvrir, et il poussa un cri aigu de frustration.

« Fais-le toi, pétasse ! Mais fais gaffe ! Tu tentes une connerie, tu meurs ! »

J’obéis, et libérai moi-même sa queue sale. Elle lui ressemblait : petite, laide, velue, baveuse. Il me jeta à nouveau contre les pierres du sol et coupa maladroitement mon string. Puis il appuya sa queue immonde contre moi et me pénétra brutalement. Il me fit mal, et je soupirai de plaisir.

« Mais t’es vachement mouillée, salope ! T’aimes ça on dirait ?! »

Il me laboura pendant quelques brèves minutes, puis il grogna plusieurs fois et s’écroula sur moi, appuyant son couteau un peu plus fort sur ma gorge. Il était temps, j’aurais pu jouir s’il avait continué un peu plus.

Quand il se retira et se releva, je repris conscience du froid. Le sol était gelé, les cailloux contre mes hanches à nu étaient gelés, l’herbe givrée laissait des gouttelettes glaciales sur ma peau à chaque mouvement. La douleur des coupures décupla, et je gémis. Mon violeur s’était relevé. Sa réaction fut immédiate. Il sembla revenir brusquement à lui, ramassa l’argent et commença à me rouer de coups de pied, jusqu’à ce que je perde conscience. J’accueillis les coups comme autant de preuves qu’il voulait me terminer proprement.

Fatigue. La neige tombe avec une douceur silencieuse. Je suis couchée par terre, j’ai froid, et tout mon corps me fait mal. Tout est calme autour de moi. J’entends parfois une voiture passer de l’autre coté de la haie, mais la piste cyclable est toujours aussi déserte. Je repense à cette soirée, je repense à mon héros. Il est sorti de nulle part pour me rappeler ce que c’est que de sentir, et vivre. J’ouvre les yeux, et je vois que ma main est toute couverte de neige. Je trouve ça beau. Je referme les yeux et laisse ma conscience s’égarer au souvenir de cette rencontre inoubliable, tandis que la chaleur de mon corps continue à faire fondre sous moi le sol noir et boueux.