Guerre sans nom

Le 01/05/2007
-
par Lahyenne
-
Thèmes / Obscur / Tranches de vie
LaHyenne délaisse les parodies poétiques pour un instantané de vie guerrier et violent. Le style nous mène tout droit à l'essentiel, sans réflexions philosophiques ni métaphores foireuses. Ça pourrait être regrettable, mais ici c'est plutôt un bon point : on est pris dans l'action immédiatement, et on n'a droit à un répit qu'à la fin, abrupte. Un bon texte sur le sadisme guerrier.
Trois plombes qu'on est là, planqués, à se laisser griller le cul. Les autres gars aussi en ont marre. Je suis sûr que même les rochers autour en ont marre. Le sergent nous a promis un soutien aérien mais ces branleurs doivent encore être en train de se coller une sacrée race. Les enculés.
Qu'est-ce que je fous là, putain ?
C'est ça qui est est chiant avec l'inaction, c'est qu'on fout rien. Alors on réfléchit trop. Le sergent se lisse la moustache comme s'il voulait se l'arracher. Pourquoi tous les sergents ont la moustache ? Je me laisserais pousser la moustache si j'étais sergent ?

Du bruit. Les bombardiers font un bruit sourd caractéristique. Un vrombissement de bourdon en encore plus fort et le village que nous mattons ne s'y trompe pas. Les gens courent dans tous les sens. Une cloche se met à sonner, de plus en plus fort. Le gars doit s'arracher les bras sur la corde. Putain de dégénérés de terroristes. Le sergent lève le bras, nous force à ne pas bouger. Les habitants vident les rues, mais nous on sait que ça ne sert à rien du tout. On va les écrabouiller, point. Le grondement devient de plus en plus fort. Il emplit le ciel et de peur les villageois. Tout bon pour nous. Mon coeur vibre, maintenant.

Après un moment de confusion totale, les avions repartent. On entend leur bruit diminuer de volume. Et on commence à les entendre siffler. Des saloperies de bombes à fragmentation, une pluie mortelle. Je commence à bander en voyant les premières arriver par terre. Elles explosent et font un grand dôme de poussière. Le bruit arrive après. On commence à plus voir grand chose à part de la poussière qui vole et plein de bruit. Ca me rappelle un pote de chambrée qui disait tout le temps « destruction et chaos ». Bizarre que je repense à cet enfoiré maintenant. On dirait qu'on a un orage devant nous, un orage local, sous le soleil. C'est super long. Ca doit faire cinq minutes que je bande. C'est jouissif d'être là, devant la colère de Dieu alors je lève les bras et hurle. Je ne m'entend que par l'intérieur.

Elles s' arrêtent de tomber d'un coup et c'est le tour du silence de tomber. On se croirait dans le camp la nuit. Un silence de mort, rien qui bouge, le sergent a toujours le bras en l'air. Costaud le chef, sa moustache regarde la poussière qui vole. Le village est maintenant recouvert d'un genre de dôme, un dôme brun argent. C'est beau. Il commence à se disloquer, à retomber.

Le bras du sergent se baisse et nous déclenchons l'enfer. Enfin. Je cours derrière Boudoin et je sais que Frichel me suit. Nous rentrons dans le nuage de sable tout déformé. La vision thermo a ça de génial qu'on se croirait dans un jeu vidéo. Un truc multi-joueurs où on doit tuer, torturer et violer les méchants terroristes. Je suis dans mon élément, c'est mon truc. Je suis balèze en jeux vidéos.

On se sépare automatiquement en trois groupes de trois. Nous à gauche, celui du sergent au centre et les autres à droite. Personne dans les rues, juste des débris, un bordel incroyable et des cratères. Je vois un cadavre de chat explosé sous une brique, mon érection revient. Ces enculés ont dû souffrir. On choisit une maison qui tient encore debout; Boudoin à gauche, Frichel à droite. Je met un gros coup de pied dans la porte et elle tombe comme une merde. Je jette un coup d'oeil et me planque avec Frich. Trois gugusses au moins dont un armé. AK47. On va s'amuser un peu. Je souris à Frichel. Pendant que j'arme mon FAMAS, j'entend du bruit à l'intérieur. Du mouvement. Je fais signe aux deux autres qu'il y en a au moins trois dedans. Boubou arme et jette une grenade. Elle explose au centre de la pièce. J'entend des cris alors j'entre. Je mitraille là où ils étaient. Du sang part de l'épaule gauche d'un des deux qui restaient. Frich flingue l'autre qui s'écroule.

Ils avaient dû être secoués par la grenade, ils n'ont même pas tiré. L'en reste juste un qui s'est cassé, sûrement la porte à droite où il a dû passer. Boubou se prend la rafale. Son casque vole. J'explose la tête du connard qui a tiré. Revenu de sa putain de porte, il était juste allé chercher un flingue. Je lui met le corps en charpie en vidant mon chargeur, il m'a fait peur l'enfoiré. Comme j'étais premier, il a pas dû pouvoir m'aligner. Par contre Boudoin, lui, il y a un trou dans son casque qui est par terre et un autre dans sa tête par terre aussi. Comme il n'a plus de bide, ni de couilles, il en a plus pour longtemps. Pas de pot, il a pris les trois balles en plein dedans. C'est marrant, il fait des petites bulles de sang avec la bouche et gazouille comme un bébé. Je savais qu'il était gamin, mais là...

Pendant que je le regarde en réfléchissant, Frich lui l'achève. Comme ça, paf, pour pas qu'il souffre. On se partage ses munitions, il prend la dague et moi la gourde. Je récupère sa plaque aussi. Puis Frichel fouille Boudoin en détail pendant que je m'occupe des autres rats. Ils ont que dalle. Quelques billets d'ici pleins de sang, inutiles. On a pas idée de saigner autant.