Bruxelles dissociation

Le 06/06/2007
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par Omega-17
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Omega est en boucle et cause comme d'habitude d'écriture et d'alcool, peut-être même de leur interaction. Ca pourrait être intéressant, mais une fois encore ça part dans tous les sens sans s'arrêter sur rien et on se retrouve avec un puzzle de bouts de scènes à peine esquissées, dont on ne sait quoi faire. La routine quoi.
Combien de types vont pisser dans les bars en refermant consciencieusement la porte derrière eux pour ne pas sortir leur queue face à l’urinoir, même quand ils sont seuls dans les chiottes ?
Un bon paquet, si vous voulez mon avis.
J’en suis.
Et si vous ne le vouliez pas, c’est déjà trop tard.
J’étais écrivain et je suis devenu alcoolique juste après.
Cause à conséquence ?
Pas sûr.
Peut-être.

« T’as besoin de ça pour pouvoir écrire ce que tu vois ?
- T’enchaînes pas comme moi les doubles vodkas dans les pubs belges, ça se voit, tocard. Alors, retourne à tes protocoles populaires et laisse faire le maître.
- Tu baises quelqu’un qui te ressemble et tu crois que ça y est, il y a la connexion que tu attendais, que maintenant il est bien légitime de se sentir fort ?
- Ouais. Ca te défrise ?
- Non, c’était juste histoire de commenter l’étape actuelle de ton périple.
- Merci du geste. »

Mes verres altèrent les paravents, ils rongent les apparences par leur statut corrosif.
Je vois par-delà l’inhibition et les morales suspectes.

J’ai dit à un ami que je partais au bar et que je reviendrai plus tard : ça me donne l’impression d’éviter le parjure pour une fois.
La fidélité, l’amitié : encore des concepts malléables.

J’aimerais qu’elle soit là, avec quelques nazes en guise de faire-valoir, qu’elle me regarde d’un air tendre descendre mes verres aussi vite que mes pages, qu’elle ressente mon regard profond quand je les inonde dans les siens entre deux spasmes scripturaux, que ces nazes observent notre petit jeu que nous sommes seuls à comprendre alors qu’un élément majeur de l’écriture néo-réaliste se produit devant eux.
Ils ne savent rien, on en sait assez.

« Mais t’es tout seul à ta table avec tes délires, mon petit gars…
- Et alors ?
- Ben, t’es tout seul, c’est tout.
- Ouais. »

La serveuse me propose d’amener deux bières en même temps, histoire d’en gagner : elle a peut-être saisi que je n’allais pas m’arrêter de sitôt. Un réflexe commercial.
Ou alors, elle est plus maligne que je ne le pensais.
Je n’en sais rien.
Un échantillon notable de la population camerounaise débat sur des sujets incompréhensibles à moins d’un mètre.
Ma table, mes trois verres bien positionnés, mes clopes, mon bob, le cendard : ils n’ont aucune idée de ce que je peux ressentir, écrire.
C’est un bar à putes qui ne dit pas son nom ; ça doit changer de registre après vingt-trois heures à mon avis et je pense que je n’y serai pas, ça m’ennuierait plus qu’autre chose. De toute manière, je serai sûrement dans une de ses épiceries moyennement orientales qui font accès Internet, en train de scruter le genre de charcuterie qui me tient lieu de commentaires sur mes textes glorieux.

Tu fous quoi ?

« A cette heure-là, elle est dans le train vers les meubles Ikea.
- Ouais, sûrement. Mais non : on est dimanche, crétin, elle y est depuis vendredi soir, chez les suédois.
-Certes. »

Vil plagieur.
Le ‘certes’, je l’ai intégré à mon discours par facilité, suite à l’intervention d’un rappeur sur France 2 qui avait sorti ça en guise d’introduction à la promotion de son album foireux, en guise de réponse à la question sans intérêt posée par un chroniqueur consternant de l’ordre de Laurent Ruquier.
Comme quoi, on peut briser des mythes comme des verres de Poliakov sur les murs.

Je suis le deuxième plus grand écrivain français vivant après MH et je suis à peu près le seul à être au courant. On peut chercher, fouiller, analyser, comparer et opposer autant que l’on veut : je suis capable d’écrire ‘gaufre’ avec deux ‘f’ et demeurer grand de façon simultanée.

Ma queue dans ton vagin.
Mes mots dans les tiens.

« Il nous faut diviser pour mieux régner », affirme d’un ton péremptoire le Cameroun United.
Je ne fais que ça mais ils ne le sauront jamais.
J’en ai pas l’air.
Ca m’a souvent aidé, de pas avoir l’air.

Il me reste encore un verre sur trois : tout n’est pas encore perdu.

Je vais devoir échanger avec des gens qui n’ont aucune idée de la vie ; je n’ai rien de plus perfectionné à proposer mais j’ai le mérite de créer ce qui n’existe pas au départ.
Comme la pulvérisation du monumental par l’aura néo-réaliste qui est la mienne dans un bar curieux de Bruxelles.
Je vais devoir revenir subrepticement dans la capitale française sudiste ( notions hautement péjoratives s’il en est ) la plus infâme.
Je ferai en sorte d’abréger ma souffrance.
Au tant que faire se peut.

Pour réintégrer les sourires des réceptionnistes et mes clés en plastique.
Le prix de ce vide n’est pas assez élevé pour me faire plier.
J’ai développé une inquiétante mais sûre résistance à ce genre de phénomènes, au point de les coopter en tant que nature propre.
Ce qui est inexact, évidemment.
Mais ma faculté à me convaincre est très avancée, à l’image de ceux qui viennent grossir mes rangs.
Des rangs bien faibles en substance mais d’apparence colossale dès que l’envie me prend de les mettre en valeur.

Tu m’as dit qu’il ne te baisait plus.
Que ce soit le cas ou pas, ça m’en fous.
Muffle ?
Non : néo-réaliste, ma chérie.
Nous n’a rien à voir avec vous.
Des univers sans rapport ne sauraient s’offusquer d’agissements opposables.

A Bruxelles, on peut visiter le musée de l’escrime ou celui de la radiologie, je suis au courant.
Moi, je vais au cybercafé pour lire et écrire.
Question de priorité et de positionnement, sans doute.