Fredaine, toussa

Le 30/07/2007
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par Slashtaunt
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Le nouveau là, il a un style tarabiscoté. Si t'es pas concentré, tu captes rien. Je soupçonne de la poésie frauduleuse, maquillée sous une tranche de vie standard un peu sombre, un peu traînante. Perso c'est pas ma came, mais je sens un potentiel intéressant, un style qui mériterait d'être dégrossi de ces arabesques impressionnistes de fiotte. En même temps si on dégrossit ce texte, il reste rien. C'est peut-être une bonne alternative en fait.
Parfait, il n'y a plus de soleil, plus de lune, plus d'étoiles; personne ne me verrait.
J'ouvre la porte de ma chambre, délicatement, tirant la langue tout ce que je peux pour lui intimer de faire moins de bruit. Le grincement résonne presque, une note me semble une timbale battue par un troupeau.
Ouverte je la franchis; et j'avance, et je vais dans la cuisine. Je m'y sens déjà étranger, je suis déjà le mal-venu, j'anticipe. Prends un Post-It et écris un mot suintant d'amour, du lait qui déborde de la casserole. Ca pue l'hypocrisie, mais faut bien, c'est mon rôle, et ça servira de réservoir, ça les dispensera des soirées entre coupables, de toute l'angoisse que je cherche, moi.
Mes billets en poche, j'ouvre, passe, et ferme la porte de l'entrée. Ma vie est morte; les souvenirs naissent, les remords, eux, apparaissent. Denué de raison; je me sens exister. Héle un taxi. Gare de Lyon.
Je ne laisse aucun pourboire une fois devant la gare, j'aurais fait pareil une deuxième et une troisième fois, si j'avais pu.
La musique à quatre notes, et l'annonces. Le train échoue au bout de la voie, je composte le billet qui scelle ma décision, et j'y monte.
Presque personne. Une dizaine d'individus, une vingtaine si je compte les autres, ceux qui ne méritent pas même un chiffre. Les coquilles vides d'une vie qui se finira comme elle s'est déroulée; dans le silence, dans l'abnégation de soi. Si un seul mérite de vivre, c'est moi, merde. J'ai tout foutu en l'air, je ne veux pas que ça m'arrive.
Je ne pleurs pas sur l'Inexorable, je ne mouille pas de larme Papa et Maman, je ne couvre pas de glaire la société, non, je vois le gouvernail, je le prends en main, et je sombre moi-même dans l'abysse, sans envie, sans raison, sans but. C'est la liberté, c'est la merde.
Pourquoi partir? Quelle belle vie! La gâcher? Alors que des enzymés, alors que d'autres en jouieraient?
Foutaises.
Arrivé là-bas, je prendrais un boulot dans un boui-boui crasseux, un snack mal famé, avec des porcs mal rasés, puant la Corona à longueur de journée.
C'était subtil. Je marchais dans des pas tracés avant moi, c'était pour moi. La neige ne fondait jamais où je me reposais.
Ni papier, ni crayon, ni plan, rien. Rien d'autre qu'un passport, et une agrapheuse, comme tout le monde veut un Nord, bordel, je me le crée. Et de l'argent. Encore, pas d'argent! Juste de quoi être dans la merde.
Je m'assoupis, en regardant mes pupilles dans les vitres du TGV. Elles s'impriment de manières éphéméres sur chaque paysage, je m'élevais, haut, bien haut, bien haut.

Le train arrêté, je descends. L'air est frais, mes poumons en souffrent, mes yeux piquent, mon nez me démange.
Je vais chialer.
C'est une journée parfaite. Ils ont déjà dû se réveiller; ils ne se rendront compte de mon absence que ce soir, ils verront le Post-It, et peut-être pleureront-ils, peut-être pas. Peut-être qu'ils se rassureront. Il va revenir, j'en suis sûr. C'est vrai.
Ils pensaient ça, mais moi, j'avais des remords, des regrets, de l'angoisse, avec une souffrance quoi. Putain, j'étais quelqu'un. C'était Monsieur Douleur, maintenant. Clochard, futur vieillard merdeux, édenté, imbibé, enfumé, noircit par la grave des mauvaises joies, mais joyeux d'avoir été, d'avoir fait.
Travailler, commencer à zéro, à moins un, partir dans le négatif, plus bas encore. Comme un thermomètre russe, comme un hussard, que ça casse, que le mercure coule, qu'il soit. Que je fus.