Sabbat suite

Le 07/02/2002
-
par nihil
-
Thèmes / Polémique / Histoire
Réponse en bonne et due forme de nihil à Gwen (article Le sabbat celte) quant à la mini-polémique qu'il avait lui même lancée dans l'article Manipulation 4
Qu'est-ce qu'on est sérieux sur ce site : on polémique sur la mythologie celte, on se donne des éclairages différents, on argumente, on fait pas de vannes foireuse. Franchement j'aurais pas cru ça de nous. J'ai un peu honte, même.

Cet article est donc la réponse à l'article de Gwen, le Sabbat celte, qui réponsait lui-même à l'article Manipulation 4.

OK, allons-y pour la réponse à la réponse.
D'abord je tiens à dire que ton article, Gwen, est très très bien, très éclairant et très intéressant, j'ai appris plein de trucs. La majeure partie de ton texte concerne le sabbat celte, qui semble-t-il a donné naissance au sabbat des sorcières du moyen-âge. On note très bien la relation entre la fête païenne des origines et le culte diabolisé par l'Eglise : parfait, tu apportes les élements qui me manquaient pour étayer ma thèse.
Pour la plupart des points que tu soulignes à ce niveau, je ne peut qu'être entièrement d'accord, je me contenterait de quelques précisions et justifications :
- je note que tout ce qui a trait à la Nature (la fête, le feu...) et aux pulsions (l'accouplement, la danse...) est considéré comme diabolique (au moins dans ce cadre-là) par l'Eglise, ce qui ne me surprend pas et est confirmé par l'ensemble de l'histoire chétienne.
- je reviens quelque peu sur Hécate, parce que j'ai l'impresseion de ne pas avoir la même info que toi : OK, Diane (ou Artémis chez les grecs) représente la fertilité et la germination (notamment), mais elle n'est qu'une des trois faces d'Hécate. L'ensemble du "concept" Hécate représente quelque chose de quelque peu différent, et est notamment patronne des magiciens et des sorcières, et pour le coup c'est la facette qui nous intéresse pour le sabbat des sorcières. Précisons ici, c'est important, qu'Hécate n'a rien de celte, c'est une déesse romaine, qui bien sûr son équivalent chez les celtes (la Déesse-Mère) comme dans la plupart des religions. Bon OK y a eu un mélange à un moment donné, quand la Grande-Bretagne a été colonisée par les romains. Je n'ai jamais entendu dire que Hécate (ni la Déesse-Mère) était cornue, par contre l'équivalent masculin celte de la Déesse-Mère est le Grand Cornu (Kernunos), le dieu-cerf. Peu importe : il est lui aussi impliqué dans les fêtes de Beltane (c'est avec lui que s'accouplent symboliquement les femmes celtes lors de cette cérémonie).
Janus ? Moi j'avais entendu dire qu'il représentait le passage de la vie à la mort ou les différents tournants de notre existence, mais qu'il avait un visage de chaque coté de la tête et aucun rapport avec Diane... Je me gourre peut-être.
Dans le même chapître (tu en parles plus loin), je ne crois pas que la Déesse-Mère soit réellement à l'origine le la Vierge Marie, je pense plutôt que ce sont deux dérivations d'un même mythe, mais pas plus que deux cousines éloignées en quelque sorte. Par contre, ce qui est à peu près sûr, c'est que en Irlande, la Déesse-Mère des celtes a été assimilée à Sainte-Brigitte. Une troisième stratégie de l'Eglise pour tenter de faire disparaître les survivances des cultes celtes : avant de nier, avant de détruire, on assimile et on digère. Le folklore celte est passé par edroits dans la mythologie chrétienne.

Revenons maintenant sur l'attitude de l'Eglise face au sabbat : encore, on trouve mention du Sabbat (ou plus exactement de la chevauchée nocturne en compagnie de Diane) dans les textes chrétiens depuis le IXe siècle, mais pendant longtemps effectivement, l'attitude officielle fut de nier leur existence et de traiter comme hérétiques ceux qui y croyaient, et ce jusqu'en 1458. En 1487, en approuvant le Malleus Maleficarum de Sprenger, l'université de Cologne déclarait même que quiconque contesterait la réalité et l'art des sorcières serait poursuivi. On dut expliquer que la sorcière perdait tout pouvoir dès qu'un officier de justice posait la main sur elle.
A partir de cette époque, c'est là que je veux en venir, l'Eglise a soigneusement ENTRETENU la superstition populaire grâce à Sprenger, Institoris ou Bernard de Côme. Les bûchers se sont répandus dans l'Europe et on laissa à croire que la moitié ou plus du peuple était complice de Satan et que la société ne serait sauvée que par l'extermination de tous ces ennemis. Cette folie furieuse a duré deux siècles ! Par contre c'est vrai que la pérsecution proprement dite (procès et éxécutions) n'ont pas duré et certaines victimes ont même été réhabilitées.
D'accord pour les notions de bien et de mal, beaucoup plus contrôlable, je ne m'étends pas sur ce point.

Maintenant le dernier point : quel est le pire selon toi, les fils de pute qui dénoncent des juifs ou ceux qui appellent à la dénonciation, qui déforment la réalité pour accuser les juifs de tous les maux, qui les torturent, les éxecutent et les brûlent (les nazis quoi) ? C'est effectivement une très bonne comparaison, et je suis tout à fait d'accord avec toi sur le jugement sévère que tu portes sur les masses abruties qui profitaient de l'état de terreur généralisée pour bousillerceux qui les énervaient. Mais pour autant faut-il réduire la responsabilité de l'Eglise (et de son bras armé, l'Inquisition) dans cette histoire ? La manipulation vient de l'Eglise, et les tortues, les massacres, les procès en pagaille, les bûchers à tous les coins de rure, ça reste quand de la responsabilité de l'Inquisition, ne l'oublions pas.
Et puis presque aussi important : comme dans le cas de l'Allemagne nazie, il y a eu truquage de l'histoire et influence sur la moralité de toute une région du monde. Et qui a fonctionné, en plus.

Ceci étant dit, j'en arrive presque à regretter qu'on soit aussi d'accord l'un et l'autre, j'aurais préféré écharper quelqu'un qui me soutienne que l'Eglise était dans son bon droit, ou une autre connerie de révisionniste comme il en existe encore !

Un dernière chose, mes sources les plus importantes : Histoire de l'inquisition au Moyen-âge, de HC Lea, troisième tome (1887), les dossiers secrets de l'histoire n°37, divers sites web, et pour la partie celtique l'excellent roman de Marion Zimmer Bradley, les Dames du Lac.