Vodka pomme (version buddha bar sans jus de fruits dub edit)

Le 31/10/2007
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par Traffic
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Le héros de cette histoire a connu le marriage, la paternité, les amantes, les accidents avant de sombrer dans l'alcool. Il pourrait sembler en pleine crise existentielle si il n'y avait pas ce petit ton détaché, tranquillement cynique caractéristique de Traffic. Peut-être que pour une fois certaines scènes marquantes auraient mérité plus d'intensité, mais ça reste un bon texte, comme d'hab.
J’aime l’idée du vent dans les arbres pendant que je bois une vodka double dose avec juste ce qu’il faut de jus de pommes et que s’apprête à me tomber dessus l’apocalypse.
On aime établir des comparaisons faciles, dixit le manuel de "philosophie pour les nuls". Ca fait un peu comme si nous étions pour quelque chose dans ces moments de miséricorde. Comme si cette merde intense et ostentatoire nous appartenait pour de bon.

Moi j’aime l’idée du vent dans les arbres pendant que je bois une vodka double dose avec juste ce qu’il faut de jus de pomme et que s’apprête à me tomber dessus l’apocalypse. Et je l'écris.

Avouer ainsi que j'ai mérité les sournoises ténèbres revient sans doute à révéler que je ne m'occupe que de mon nombril. On en est tous là à un moment donné.

A la différence que moi, je ne redoute plus fébrilement la solitude. Et la chape noiratre qui l'accompagne. C'est sans doute par ce fait précis que je me dégage de la sinstre colonne de connards qui postule au challenge de la névrose de platine.

Désormais, je m'aperçois qu’une bombe pourrait exploser à 50 mètres de mon gâteau d’anniversaire, étriper la moitié d'un car de pélerins en goguette ou des familles entières du camping des Flots bleus d'un village balnéaire quelconque, je ne sursauterais pas. Je m’appliquerai à souffler les bougies avec détermination. Seul. Je remercierai le garçon du restaurant et ensuite je me lèverai et prendrai la direction de la sortie calmement.

Auparavant, j’ai eu une épouse et une petite fille. Dans cette autre vie, j'ai tué ma femme lors d'un accident de la route. On s'était disputé peu avant. Je n'en pouvais plus de ce couple loupé et vide. L'idée a surgi au moment où j'ai compris que le choc avait déclenché un incendie. J'ai donné quelques gros coups de poing dans le visage de ma femme afin de l'assommer sévèrement. L’enfant n’avait qu’un an et je l'ai sauvé des flammes, je l'ai cajolée dans mes bras tout en surveillant la combustion de ma femme, le visage écrasé contre la vitre. Ma fille a été rapidement récupérée par la belle famille lorsque j’ai fait l’objet d’une enquête et que j’ai été condamné à quelques années de prison pour avoir conduit avec 1.8 grammes d’alcool et des traces de cannabis dans le sang.

Je n’ai pas effectué ma peine grâce à un vice de procédure que mon avocat a su opiniatrement soulever. Ma satisfaction et mon soulagement ont choqué mon entourage mais ça n'a pas été bien grave. Je me foutais déjà grandement de tout ce petit monde avant cette histoire.

Ensuite je suis revenu vivre dans notre maison de lotissement. J’ai d’abord eu envie d’y foutre le feu à son tour et de m’asseoir en attendant de carboniser la culpabilité qui saignait au fond de ma poitrine. Mais en fait, ce jour là je me suis contenté d’allumer la télé. Il y avait des avions qui rentrait dans des tours géantes à New York et tuaient pleins de monde. C’était divertissant.

Je me suis passionné un temps pour ces histoires de terrorisme. Ca chassait ma souffrance. Je découvrais Al Qaida, les guerres américaines et la douleur de partout dans le monde avec une satisfaction tout à fait apaisante.

Ensuite, je me suis détaché de ce qui régit ce monde. Je suis rentré dans le noble culte de la vodka et j’ai songé à acheter une pommeraie en Normandie pour soutenir la culture de mon breuvage fétiche.

Cela n’a bien sur été qu’une vague intention. A la place, j’ai rencontré une fille dans un bar de mon village. Elle avait des seins superbes et aussi une grosse tâche de vin sur la joue gauche qui avait tenu à distance pas mal de mecs. Nous avons commencé à vivre une histoire d’amour et d’ivresse. Je la couchais bourrée et je la baisais négligemment au début. Ensuite je me suis contenté de la coucher avant de retourner dans ma grande salle devant la cheminée pour finir la vodka.

Je pensais à Delphine, ma petite fille. Je songeais à ce bébé visqueux qui était sorti de ma femme un matin d’avril et à la série de vomissements que son éruption avait provoqué. Cela avait été la cause d’une cassure et d’un éloignement dans mon couple. J’avais été rassuré par la tournure des choses vu que je ne savais plus très bien comment comprendre ce qui m’arrivait. Ma femme m’avait avoué un ressentiment tenace et je m’étais contenté de me tenir dans mon coin. J’imaginais que dans quelque temps ma femme obtiendrait de ma part que je tolère qu’elle ait un amant jeune et vigoureux et que peut-être tout cela déboucherait sur un nouveau départ dans notre vie. Nous n’avions pas eu le temps de connaître cela.

C’était plutôt une bonne chose. J’avais pu rencontrer la fille avec la tâche de vin et ainsi fourrager sans encombre dans son corsage à la rencontre de ses seins impétueux. J’avais pu établir la relation à ma véritable nature alcoolique et dépendante et finalement me débarrasser sans encombre d’une existence aliénante et vide.

Un jour la fille à la tâche de vin est partie. Elle m’a laissé un mot pour me dire que je n’étais sans doute qu’une étape, détour pardon, elle a employé le mot détour, dans la vie de quiconque. Elle m’a dit qu’elle ne m’en voulait pas et qu’elle trouvait même plutôt chic de m’avoir connue. Je suis resté à lire la lettre pendant plusieurs jours. J’allais bosser dans l’usine viticole et je rentrais ensuite lire la lettre en buvant de la vodka plus exactement. Il me semblait que c’était sans doute la meilleure chose qui me soit arrivé dans la vie, cette lettre.

Je l’ai relue jusqu'à user les mots. Ensuite je suis allé la balancer dans la poubelle du jardin.

Peu après, la nuit même, je me suis employé à me défoncer la tête et j'ai oublié la plupart des trucs que ça racontait.

J’ai juste retenu que j’étais un détour. Un détour chic. J’ai admis ce jour là que je n’étais pas l’homme dangereux que j’avais cru. J’ai encore passé pas mal de temps à boire et à fumer clope sur clope dans une majeure partie de silence.

Quelque temps plus tard, un médecin aléatoire m'a appris que j’avais un cancer du pancréas à un stade qui rendait la maladie incurable. Je me suis senti soulagé à nouveau. J’en ai conclu alors que je n’étais pas du tout hostile à la vie.

De ce fait, je suis venu ici et je vous ai raconté tout cela parce que je n’avais plus honte de qui j’étais.