Chute en soi

Le 28/08/2009
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par Putsch
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Le contexte, on le connait tous : seul et déstabilisé face à une foule d'anonymes, on tente de se frayer un passage dans la cohue. L'individu face à la masse et tout le folklore des marginaux misanthropes à la petite semaine quoi. Bon OK, là le narrateur se tape carrément une syncope, c'est le niveau au dessus. On connait tellement que le texte occasionne peu de surprises et le style laisse à désirer.
Un soleil plein, écrasant, darde ses durs rayons dans un ciel nu et profondément bleu. Je sors de chez moi, ébloui par la l’agressive lumière de l'été, et une fois mes yeux acclimatés, je vois la foule turbulente grouillant devant moi. Etouffé de chaleur, en nage déjà, j'y plonge, et me laisse emporter.
Je croise mille visages à la minute - tous semblables-, tous bouffis et rouges, accablés de chaleur. Mes pieds visent des espaces que d'autres s'approprient; je tâtonne dans cette immense masse de chair en mouvement. Leurs regards vides me traversent, semblent voir au delà.
La ville et ses us.
Je n'ai pour eux aucune consistance, pourtant ils me gênent. Je suffoque, et ils ne voient rien. Je pourrai fondre devant eux, ils ne verraient rien non plus.
A contrario, un clochard me fixe, intrigué. Je dois être pale, je sens une crise de vertige poindre. Je trébuche; quelqu'un vient de me pousser. Je me relève, et le vois s'esclaffer. Salopard.
"Une petite pièce, monsieur?"
Non, je n'ai pas de pièce. Non. Je n'ai rien. Rien du tout.
Je me remets à marcher, indigne.

J'avance de moins en moins vite. Je bute contre tous ces corps en mouvement, frénésie sans fin. J'aimerai m'arrêter, mais je n'y arrive pas; ce serait pire. Le soleil, multiple sur les vitres des voitures innombrables, m'aveugle, et je ne vois plus que des bribes de profils obscurs, toujours plus nombreux, passer fugitivement devant moi.
J'ai envie de vomir, ma tête brûle. Mes membres m'envoient des messages de supplice que je ne comprends pas. Les bâtiments alentours s'éloignent, rapetissent. Je suis seul contre toute une foule grouillante, et il n'y a plus que du vide autour de nous.
Je ne sais plus si je marche, je ne sens plus mes jambes. Le ciel s'assombrit, je ne vois plus que des ombres, et je fouille cette masse informe de mes bras. Rien n'a de consistance, mes mains butent sur des masses souples qui se dérobent rapidement. Je hurle, mais je n'entends rien.
Plus rien ne bouge, les ombres se soudent, forment un mur que je ne pourrai franchir. Je ne vois rien. Je ne sens rien. Ma tête flotte seule dans l'espace froid et noir, je n'ai aucun poids. Suis-je endormi? Je ne ressens plus; béatitude.
Des lances transpercent mon corps, mes jambes de nouveau sensibles, et je sens le macadam dur et cuit par la chaleur contre ma peau. Douleur.

J'existe à nouveau; je vois. Où suis-je?
Des visages flous, partout autour de moi. Je suis à terre, je n'entends toujours rien. Ils semblent tous me fixer, mais je ne parviens pas à distinguer leurs yeux. Certains bougent, d'autres restent figés au dessus de moi. Je me sens flotter au ras du sol, retenu par la voûte des corps penchés. Je panique; que me veulent ils? Je tente de me débattre, de sortir du carcan de la foule cimentée autour de moi, mais mes membres endoloris ne parviennent qu'à ébaucher de faibles gestes.
Des silhouettes blanches, lumineuses, se détachent alors de la geôle qui est mienne, et me plaquent au sol avec force. Ils s'affairent. Suis je mort, enfin? Je suppose, à la douleur des lames froides que l'on m'enfonce dans les bras, que non. Le ciel s'éclaircit, et nous sommes seuls, les anges et moi.
Je parviens à relever la tête. En vain.
Les anges m'envoient, miséricordieux, des rêves de pluies, de solitude dans les bras. Béatitude.