My favorite things

Le 13/01/2010
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par Deerrf
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Difficile de faire moins intéressant que ce dialogue de comptoir. Des potes parlent de musique, des filles, d'alcool et de drogues. On apprend par exemple que Loïc a quitté Sandra. OSEF magistral. Ah, si, l'un des types se définit comme un écrivain maudit. S'il pouvait nous écrire un texte, la prochaine fois, ça serait gentil.
- Soyons honnêtes, Coltrane, à l'exception de trois ou quatre standards, je n'y comprends rien, tu n'y comprends, 99% des gens qui l'écoutent n'y comprennent rien. Pour un autiste intelligent qui apprécie chacune de ses harmoniques dégénérées à sa juste valeur, il y a une blinde de fumistes qui veulent juste avoir l'air moins cons que leurs voisins de table.
- C'est pas parce que les cons aiment bien qu'il faut arrêter d'écouter.
- C'est souvent un signe quand même.
- Y a des morceaux géniaux.
- Quelques-uns, y aussi pas mal de trucs qu'ils pourraient passer en boucle à Guentanamo.
- De toute façon toi tu n'aimes rien.
- Disons, pas grand chose.
- Ouaip, pas grand chose.
- Mais les filles adorent ça.
- Pas longtemps.
- C'est vrai...
J'aime bien Thibault, il distingue tout à fait clairement l'escroc en moi, ma façon de me balader avec trois bouquins dont j'ai à peine lu dix pages ou de faire semblant de boire à la bouteille pour être toujours un peu moins bourré que les autres et, malgré cela, il apprécie ma compagnie. C'est bon d'être aimé par un mec qu'on ne peut pas décevoir. Il me raconte :
- Tu sais que Loic a quitté Sandra ?
- Ah bah quand même.
- Tu sais pourquoi ?
- Nan
- Pour leur un an de vie commune, elle lui a offert un "repose laptop" pour mettre sur ses genoux et poser son Macbook.
- Ahaha la vilaine pute !
- Loic m'a dit "quand une meuf commence à soigner ta semence il faut prendre ses distances".
- Un poète...
- Par contre ils vivent encore ensemble, ils font juste chambre à part.
- Pour le loyer ?
- Ouaip.
- Ça doit être super facile à vivre.
- Surtout qu'il a recommencé à voir un peu son ex.
- Ah ah !

Thibault écrase sa canette, il écluse sans problème trois fois plus vite que moi et s'envoie en prime des gros spliffs dans le cornet. Ca colle pas du tout avec nos personnages respectifs, c'est moi l'artiste maudit wannabe normalement et pourtant je tise des verveines tilleuls quand il boit du pastis à la bouteille. Il se taperait volontiers une ligne de verre pilé si ça lui permettait de dormir une heure de moins. Le pire c'est qu'il se lève tous les matins et bosse comme un dingue. Il est bon en plus...
- Bon je vais pisser
Il se barre, il titube même pas l'enculé... Il est toujours ultra sobre jusqu'à ce qu'il soit ultra sec, son alcoolisme procède par palier. "Thibault est un alcoolique quantique", putain, faut que je note ça... Je regarde mon portable, il est onze heure et ma mère m'a appelé (ma mère m'appelle toujours après ma troisième canette). Onze heure, ça va, il nous reste deux litres, Thibault va pas m'obliger à traverser le quartier pour trouver un Paki ouvert et faire le plein. Y a une vraie crise du Paki en centre ville, ils ferment de plus en plus tot et vendent plus d'alcool après 22h30. Apparemment les flics font chier. Mo revient vers moi, avec une teille de rosé.
- T'en veux ?
- Nan merci.
Je connais pas bien ce type mais à chaque fois que je viens sur les quais il est là, on discute un peu et il me tape de la maille pour acheter du rosé. Il est plutôt marrant et pas collant. Il me montre du doigt Rachid qui revient aussi vers nous.
- Il s'est encore fait jeter comme une merde par les Anglaises là-bas.
- Elles sont Hollandaises je crois. Elles étaient déjà là l'autre jour.
- Je sais pas comment il se démerde pour jamais rien pécho... C'est pas bien compliqué pourtant. La tu vois, je reviens des vendanges et c'est plein de gamines qui veulent se faire sauter. Elles se font payer en vin ces connes, le vigneron il écoule les stocks invendus de l'année d'avant et elles sont contentes... Lui, ça lui coûte rien et elles travaillent bien. Comment tu veux te faire payer si ces merdeuses viennent bosser pour du vin...
- En même temps, toi avec ta thune, t'achète du rosé de merde.
- Ouaip ben elles veullent se faire sauter c'est tout... Oh Rachid, qu'est-ce qui t'arrive ? Qu'est-ce que t'as fait encore ?
- La vie d'ma mère c'est des putes... Franchement des putes, j'leur parle gentiment et tout. Des putes...
- Tu sais quoi dans la vie moi une meuf que j'ai pas sautée je la traite pas de pute.
- Mais j'leur parle gentiment je discute c'est tout c'est des putes.
- Vas-y regarde je vais te montrer.
Mo se barre vers le groupe de nana. Rachid se tourne vers moi :
- C'est des putes...
Je dis rien, je souris. Il continue :
- J'pillave trop.
- Ouaip
- Tu trouves ?
- Nan je dis ouaip genre...Ouaip. Enfin, ouaip beeen ouaip, tu picoles trop quoi.
- Ouaip... Franchement pour le ramadan je sais pas comment je vais faire.
- Ah ouaip c'est la semaine prochaine...
- Déjà ? Sa race chuis dans la merde.
- Ahaha...
- Je vais aller chez mes parents je crois, je vais brancher la playstation j'vais dire à mon ptit frère viens là bouge pas. Ca va être long putain.
Il met son deuxième écouteur et s'allonge sur les marches. Au bout de cinq minutes Thibault revient.
- Qu'est-ce que t'as branlé ?
- Je cherchais des clopes.
- A cette heure-là ?
- Ouaip...
- T'as trouvé ?
- Un type m'a filé la fin de son Interval contre un bout de shit.
- Ahaha putain tu brasses tellement de drogue, c'est devenu ta monnaie d'échange.
- Tu parles, j'ai presque fini le stock dans deux semaines je suis à sec.
Thibault a un deal avec un Indien qu'il a rencontré pendant ses études. Il fait venir du shit par la poste depuis le Cachemire. Il en vend un peu à ses potes et il fume l'essentiel. Apparemment c'est pas vraiment une affaire et il perd du pognon mais bon, ça l'occupe.
- Ca va te secouer un peu au début mais après ça te fera du bien
- Bah, je dois recevoir 500 meuge d'ici un mois.
- Professionnel.
- Toujours. Bon, on se casse ? On va chez moi ? Ca meule putain.
Mo revient.
- Et bah tu vois, moi je leur ai parlé correctement elles m'ont fait un bisous. Faut que t'apprenne à leur parler aux filles. Oh Rachid. Il dort ?
- Bon Mo, nous on se casse. On se voit à l'occase !
- Bah ouaip moi je suis toujours là. Oh tu peux pas me dépanner deux euros ?
- Nan la je suis à sec...
- Allez à plus Mo