Mémoires d'enfance - Grande Section

Le 21/02/2010
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par Yog
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Ce dernier épisode de "Mémoires d'enfance" est aussi le plus ennuyeux. Il ne se passe pas grand chose, la grand-mère est en petite forme, l'humour poussif, bref, ça sent la fin pénible. La série aurait sans doute gagné à être condensée sur moins de dates, mais l'ensemble reste honnêtement divertissant.
06 septembre 2017 :
A douze ans il paraît qu'on est en âge de travailler; surtout quand on n'a rien à bouffer un jour sur deux depuis trois mois.
Mémé Tine est parano même avec moi, elle ne m'a présenté qu'un membre du Réseau (les joyeux dealers conventionnés), une vieille psy d'au moins 40 balais avec une touffe crépue comme une chatte sur la tête et des petits gilets en velours « couleurs automnales » à la con.
Elle sent le maquillage et la crème hydratante hors de prix.
On a bu un cognac, Mémé Tine m'a introduit et la vieille Gisesmortes a blablaté sur son métier déchu de psychiatre libérale. J'écoutais bien poliment.
Son diplôme qui n'est pas un diplôme de spécialiste d'état ne vaut plus rien alors elle fait médecin de campagne « compliante sur les prescriptions ». Elle donne ce qu'ils veulent aux patients qui payent cash quoi.
Elle m'a souhaité un joyeux anniversaire, gavé de tarte tatin et tapoté la tête; elle a dit que je commençais après-demain. Je souriais comme un demeuré.
De retour à l'enclave, tout à l'heure, j'ai demandé à Mémé Tine en quoi consistait ce travail précisément.
« Tu seras son petit valet de chambre bien mignon, mon grand »
J'ai fait trembler mon iris valide.
« Faut bien qu'on mange petit con, si t'as une autre option je suis preneuse »
Je n'avais pas d'autre option, je n'ai rien dit.

06 septembre 2018 :

Quatorze ans. La vieille Gisesportes a calanché et pas de mon fait.
Ceci dit, je suis son légataire testamentaire vu que par bonheur elle n'avait pas de descendance, mais cet argent je l'ai bien gagné.
Un soir sur trois dans son lit qui sentait la crème et la sciure, si je ne bandais pas c'était le « martinet du vilain garçon ».
Une maline, prendre des coups me fait bander.
Débarasser la table, manger ma soupe, être habillé et tenu bien mignon, l'appeler « maman chérie » et autres conneries.
Un week-end sur deux chez Mémé Tine, tout de même, les bras chargés d'échantillons pharmaceutiques.

06 septembre 2019 :
Mon écriture s'épuise, Mémé Tine aussi. Entre son cancer et son arthrose elle est gavée de morphine jusqu'aux cils.
Les services vétérinaires, suite à la pandémie de grippe C, ont interdit tout élevage d'animaux aux particuliers.
Un branleur a balancé Mémé Tine, elle a du payer une amende conséquente et a été assignée à résidence avec le bracelet électronique.
Souvent elle reste au lit à radoter au sujet de Pépé Vianney.

06 septembre 2020 :

Elle a perdu la boule, la Mémé, elle réclame sans cesse le Glaviot en geignant. J'ai beau lui dire que j'ai interdiction d'approcher mes géniteurs, elle me tire la manche en chialant pour que je l'appelle à son chevet, ses yeux rouges pleins de pus et de larmes.
C'est triste - heureusement qu'on ne vit pas deux vies.
Seize ans déjà.

06 septembre 2021 :
Mon « death note » moisit et moi aussi.
Mémé Tine est canée dans la nuit, je l'ai retrouvée raidie dans sa merde ce matin, le visage flasque et plâtreux.
J'attends le toubib.

18h :
Par hasard c'est un médecin du Réseau qui est venu, il m'a proposé la crémation au black tranquille pour que je perçoive encore la pension; il a du scier le pied droit pour que je récupère le bracelet électronique sans donner l'alarme.
Je suis redevable au Réseau désormais, je ne peux pas bouger de l'enclave.

06 septembre 2022 :
Bourrée de Nubain (r) comme elle était, Mémé Tine reste bonne à sniffer et il n'y a pas à tortiller du cul pour chier droit, avec une urne il y a de quoi faire.
Ca me permet de rester pas trop vivant. Je suis majeur, libre (haha) et constipé.
Fin de cendres prévues pour dans deux mois.
J'aurai alors deux solutions. La première serait la corde dans le poulailler désaffecté. La deuxième serait les trois emembres du Réseau qui tournent des snuffs.
Ce qui me permettrait au moins une dernière gaule.
Dix-huit ans, ça se fête !