Agarttha (IV)

Le 26/07/2016
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par Lourdes Phalanges
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Rubriques / Agarttha
Lourdes Phalanges copie-colle son Agarttha (III) sauf que son personnage principal est une femme à présent aussi pense-t-on que le point de vue et les actions vont être différentes à celles du précédent chapitre. Pas du tout. Dans ce monde de clones, où même les chapitres sont clonés les uns aux autres, les personnages féminins et masculins, ont exactement les mêmes automatismes et mécanismes de pensée. Violent pied de nez au machisme paternaliste nazi d'Eric Zemmour ? Extrapolation d'un futur tout droit dérivant de la théorie du genre introduite dans l'éducation nationale par Najat Vallaud Belkacem ? (Il est vrai que dans cet univers personne ne parle allemand, latin ou grec ancien) Un reboot de licence d'un homme et une femme de Claude Lelouch ? Difficile de trancher pour le moment : va-t-on découvrir par la suite qu'il s'agit d'un surprenant chapitre transitoire parsemé de petites nuances imperceptibles avec le précédent, nuances qui vont faire toute la différence dans l'évolution de l'intrigue, ou bien peut être entrons-nous dans un remake du groundhog day avec Bill Murray, qui revit toujours la même journée mais en étant un jour un homme, un jour une femme, la prochaine fois, peut-être un poney nain, un moustique tigre, un sac plastique hors la loi ? Seul Lourdes Phalanges sait s'il se fout de notre gueule, s'il veut commettre un attentat terroriste neuronal en effectuant une inception de masse nous inculquant un déjà-vu collectif, une OPA sur l'oeuvre de David Lynch ? L'avenir nous le dira. (ou pas si Lourdes Phalanges ne poste pas de suite.)
« Un être humain devrait savoir changer une couche-culotte, planifier une invasion, égorger un cochon, manœuvrer un navire, concevoir un bâtiment, écrire un sonnet, faire un bilan comptable, monter un mur, réduire une fracture, soutenir un mourant, prendre des ordres, donner des ordres, coopérer, agir seul, résoudre des équations, analyser un nouveau problème, répandre de l'engrais, programmer un ordinateur, cuisiner un bon repas, se battre efficacement, et mourir bravement. La spécialisation, c'est bon pour les insectes. » Robert Heinlein.
Elle se réveilla, 3 heures avant l'horaire habituel, et ce, sans l'aide de son logiciel de reboot interne.

Elle se mit sur le ventre puis revint sur le dos; tourna, se retourna, sans jamais trouver la position idéale. Elle tenta de rallumer sa vieille app de trucs et astuces mais impossible de lancer ne serait-ce qu'un seul logiciel. Ces derniers dormaient, programmés pour reprendre du service à 6 heures précises - Elle s'imaginait pixel ou circuit imprimé, simple rouage vers l'Objectif.

Depuis quelques temps, rien n’allait plus. Elle se réveillait la nuit affolée, après avoir exploré des lieux étranges ou vu des choses qu'aucunes de ses solutions de régulations mentales ou somatiques ne pouvaient expliquer. Des choses qui semblaient si réelles. Sa dernière transaction. Des hommes aux visages tuméfiés qui se battaient en duel dans une caverne ou un sous-sol mal éclairé. Des visages familiers. Des sensations non-paramétrables.

«Dors.»

Allongée dans son lit, elle repensa à son antépénultième coït. Impossible cependant d’annoter les moments-clés sans le logiciel de rediffusion interne. 


«Dors !»


Elle sauta de la couchette en suspension et déverrouillera, non sans mal, la box à gélules nourricières. Elle avala celle du jour 602. Les macro-bots endormis glissèrent les uns après les autres dans son estomac.

Des tréfonds de son esprit, une mélodie entêtante s'invita, puis une, deux, trois énigmes, désormais libres à tout jamais d'être prononcées, criées, hurlées même à la face du Nouvel Ordre. 
Elle tenta d'ouvrir le volet opaque du hublot, pour voir la lune ou tout autre chose d’ailleurs, tout en sachant pertinemment qu’il n'y aurait rien.Tout le monde dormait. Le monde entier dormait et se réveillerai dans une petite heure - Le volet céda. Et comme prévu, il n'y avait rien.

Les bâtiments productifs et Les résidences interchangeables s'étendaient à perte de vue. Pas un bruit, pas une lueur, rien. Une simple nuit sans étoiles, celle du jour 535. A une autre époque, certaines personnes auraient trouvé ça beau. Une image, inspirant un poème, un mythe, que d’aucuns diffuseraient, années après années, et qui en inspirerait d’autres, à diverses époques.
Mais là, présentement, l'architecture fonctionnelle engloutissait toute possibilité.

Ou presque, puisque le Sélectionneur-Acheteur-Récupérateur de la dernière fois passa devant sa résidence, vers une destination qui ne semblait ni interchangeable ni productive.



Encore en tenue de sommeil réparateur, elle se rua dehors, à la poursuite du Sélectionneur. Pieds nus, elle remonta en courant l'unique boulevard de sa cité-dortoir.

Au loin, elle aperçut le Sélectionneur. Ce dernier disparu soudainement, comme happé par le flexibo-granit du bâtiment productif n°116. Elle n'était jamais venu dans cette zone. Elle n'en avait pas l’utilité et n'avait rien à y faire. Les portes du bâtiment étaient bien évidement toujours verrouillées. Elle regarda à droite : une résidence, puis à gauche : une résidence, ou presque, puisque s'enfonçait entre les deux édifices une très mince ruelle, large d'à peine la taille d'un adulte de corpulence standard, presque imperceptible pour qui ne prenait pas le temps de regarder autour de lui. Et Le monde entier se réveilla. Six heures : dans quelques minutes, les rues seraient pleines de gens productifs et interchangeables. Elle ne savait pas ce qui arrivait à ceux qu'on trouvait dans la rue avant cette heure. Elle rebroussa chemin à toute vitesse.

Arrivée chez elle, les macro-bots anti-datés sortirent également de leur sommeil et, privés de tout objectif, s'auto-détruisirent. Elle eu cependant le temps d'arriver jusqu'au bloc d'hygiène.

Peu de temps après, elle était de retour à son poste de Coordinatrice de la Stratégie Reproductive, gérant périodes d’ovulation et morpho-catégories, mais ce soir, quand le monde entier sera à nouveau endormi, elle remontera l'unique boulevard.