En pleine nature 2

Le 06/03/2019
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par HaiKulysse
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
On va passer à un rythme hebdomadaire pour HaiKulysse, ça me semble raisonnable. Cette semaine, nous nous rendons en Alaska pour manger des saucisses au petit déjeuner avec Ida, forcément alsacienne. Ne partez pas trop vite, il y a aussi du cognac.
Des silhouettes de craie et de fusain plaisantaient dehors, parmi les sapins qui surplombaient le Magic Bus, tandis que j’écrivais ma mésaventure en Alaska.
Chaque jour, dans un grand cahier, je consignais des court-métrages sanguins, surchauffés d’excitation, de ferveur sanglante : j’étais comme un possédé silencieux qui résistait au vent glacial soufflant à travers la lucarne du Magic Bus ; instinctivement je sentais qu’il fallait rentrer chez Ida, l’alsacienne, pour se reposer, manger des saucisses et du bacon au petit déjeuner.

Dans la nuit, j’interrogeais les auspices de la tempête ; et, chaque nuit, un papillon miteux tombait au fond de ma tasses de thé aromatisé à l’arganier.

Et, sans concurrence, ces silhouettes de craie et de fusain, séchant au soleil demeuré le lendemain, réfléchissaient une douce lumière quand je prenais ma douche, défoncé à la colle et à la vodka. Parfois, passait une clique de baba cool herculéen qui me proposait des baies noires en l’échange de fourrures sensuelles pour l’hiver.

Et dans le capot du Magic Bus le moteur se remplissait de pluies diluviennes ; le moteur : un hache-légumes croisé avec un radar de surveillance que je ne manquais pas, moi aussi, d’inonder de rhum encéphalographique.

J’avais aussi des ruches avec des abeilles qui provoquaient en duel les sportifs des descentes en ski alpin.

Un jour, un homme à l’oreille coupée, hagard, était venu me rendre visite ; il me racontait son téléphone était tombé en panne mais je ne pouvais pas l’aider. Et même si j’aurais pû l’aider, je ne daignais pas relever la tête sur un travail d’orfèvre que j’étais en train de réaliser.

Le manant, furax, avant de faire valdinguer mon œuf sur le plat qui était en train de chauffer, et après s’être débarrassé des ronces qui l’entravait, gesticulait comme un bougre de diable.

Plus tard, enfin de nouveau en catimini avec moi-même, je relançais la machine du Magic Bus avec du cognac qui, désormais, remplaçait la vodka !

Chapardé par grand vent, il y avait aussi mes draps et mes hardes, sur un fil de fer, qui absorbaient la rosée ; en marchandant mes fringues contre une brosse à dents, je me laissais capter par les sirènes du consumérisme et mon périple ne pouvait plus se vanter d’anéantir l’infâme imposteur qui vivait en moi.


Toutefois, de cette thébaïde tumultueuse, je gardais encore les souvenirs de ces silhouettes dans les sapins au clair de lune ainsi que mes interminables et tourmentées équipées parmi ces ombres tournant sur elles-mêmes.

Elles clignaient de l'oeil à mon passage et, comme fasciné par leur déhanchement, leur stature languissante, divine, je rentrais exténué de ces cavalcades et m’allongeais aussitôt sur le lit.

Enfin, insensible au roman, toujours en chantier, toujours à taper sur la machine, je clôturais mon testament par des psaumes que personne n’allait lire. Je luttais déjà contre les impitoyables cauchemars, prémices de la mort en pleine nature !