La Sororité du Kraken

Le 30/12/2021
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par Un Dégueulis
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Dossiers / Zone parafoutrale
Vous pensiez qu'il avait tout donné dans son premier texte pour l'inauguration de notre Zone Parafoutrale ? Hélas. Un Dégueulis a probablement dû s'enfiler une douzaine de comprimés de viagra dans le bec et l'intégrale de Lovecraft dans le cul pour nous pondre cette nouvelle qui mélange, pêle-mêle (liste non exhaustive) : la promotion-canapé, la reine d'Angleterre, le Kraken, Jésus Christ, des orgies d'élites dignes d'Eyes Wide Shut, des godes en obsidienne, des vagins qui applaudissent... Un carnaval débile, dégueulasse et délirant. Message complémentaire de l'auteur : "Je promets solennellement de ne pas parler de cul du tout dans au moins UN de mes prochains textes. Nan parce que là je suis un peu repu v'comprenez..." On ne perd pas espoir.
Angela Clito était épuisée. Sa première journée en tant que présidente du Gouvernement Mondial avait été longue, mais exaltante. Elle avait remporté l’élection à la dernière minute, face à un opposant dément, mais extrêmement pugnace, qui répondait à l’affreux nom de Ronald Grope. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre comment un homme qui portait des couches et qui tentait d’attraper ses collaboratrices par le vagin devant les caméras avait pu représenter un candidat sérieux pour le Parti de Droite, principale force d’opposition à son parti, le Parti Un Peu Moins À Droite. Enfin bref… Elle avait gagné, c’était le plus important, et maintenant, il était temps pour elle de savourer sa victoire dans ses appartements de la maison arc-en-ciel.
Elle claqua des doigts et son mari vint lui apporter ses pantoufles. Il la suivit à quatre pattes jusqu’au canapé, où elle s’assit et lui laissa lui retirer ses chaussures en lui léchant les pieds. « Entre les orteils. », dit-elle d’une voix lasse. Elle avait en effet une légère inflammation à cause des nombreuses heures passées debout, à haranguer des foules hystériques, et la salive de son mari lui faisait du bien. Elle le chassa d’un léger mouvement du pied, lui déchaussant une dent au passage, et se versa un verre de chardonnay.
Le chemin avait été difficile, depuis ses débuts dans le pantalon d’un obscur député de province jusqu’aux testicules les plus haut placés, mais elle avait réussi. Elle était la femme la plus puissante du monde, et grâce aux informations compromettantes qu’elle détenait sur tous les cadres de son parti, elle n’avait de comptes à rendre à personne.
Son téléphone portable sonna. Elle avait un appel vidéo de la reine d’Angleterre. Angela se composa un sourire d’aspect normal et décrocha.
-    Oh, chérie, vous pouvez tomber le masque. Je peux regarder votre vrai visage sans trembler.
La reine était fidèle à elle-même, malgré ses cent-trente ans : bien coiffée, avec un petit chapeau rose pâle, elle buvait un verre de thé en mangeant des petits gâteaux. Cependant, l’expression de son visage n’avait rien d’habituel. Ses traits étaient durs, anguleux, effrayants. Son sourire, qui pourtant était bien le même que celui qu’on lui avait toujours connu, était une horrible grimace. Et dans ses yeux, on pouvait deviner une haine infinie pour toute humanité, pour toute beauté, pour toute élévation de l’âme et du corps. Ce visage, connu à travers le monde comme une icône de bonté et d’élégance, portait le signe de l’abjection. Angela comprit qu’elle se trouvait en présence d’une sœur.
Elle laissa également tomber son masque et révéla sa vraie nature, aussi abominable et effrayante que celle de la reine. Les deux femmes rirent alors pendant six minutes, six secondes et six dixièmes de secondes, et un silence pesant tomba sur le monde, les oiseaux cessèrent de chanter, le vent cessa de murmurer dans les arbres, les abeilles cessèrent de butiner.
-    Très chère sœur, commença la reine, tu es désormais la femme la plus puissante du monde. C’est une lourde responsabilité. Il te faudra veiller à ce que tous les leviers d’oppression soient utilisés avec mesure et sagesse, afin de ne pas déséquilibrer l’ordre établi. Il te faudra également, en tant que sœur, veiller à ce que d’autres sœurs parviennent à asseoir visiblement leur domination. Nous ne voulons plus rester dans l’ombre, nous ne voulons plus manipuler, mais bien écraser, faire peser le joug de nos talons aiguilles sur les cous des siècles futurs, glorieusement, impitoyablement. À cette fin, tu ne devras reculer devant rien, et même les pénis les plus racornis, les plus froids du monde et du ciel, devront devenir exclaves de ton suc empoisonné.
-    Très chère sœur, contemporaine de trois générations de bites, je promets d’être à la hauteur. Mes genoux, caleux et rapides comme des élastiques, me permettent d’accéder en un instant aux braguettes les plus basses, et ma bouche est entraînée.
-    C’est bien, c’est bien. Je voudrais te montrer quelque chose.
La reine souleva un classeur visiblement pesant et ancien, sur lequel étaient écrits, en lettres presque effacées par le temps, les mots « Top Secret, Property of Her Majesty ». En lettre plus petites (Angela dut plisser les yeux pour lire), l’inscription « Dicks and Cocks of the Nations » se laissait deviner, écrite de l’écriture serrée, méticuleuse de la grande dame. Sa Majesté la Reine ouvrit le classeur et en sortit une photographie noire et blanc, qu’elle approcha de la caméra. Angela laissa échapper un cri.
-    Mais c’est Albert Einstein !
-    En effet. Le grand homme lui-même, en train de se masturber sur une reproduction de mon portrait officiel. À l’époque, il était bien plus difficile d’envoyer des nudes. Il fallait faire venir un photographe, et bien synchroniser son orgasme ou son éjaculation avec le moment où il appuyait sur le bouton de l’appareil, car les pellicules étaient chères et limitées. Et encore, j’ai eu de la chance ! Les amants de Catherine de Médicis devaient tenir la pose, membre en main, pendant des heures, et faire durer l’éjaculation suffisamment longtemps pour que le peintre puisse en saisir toutes les nuances de blanc ! Aujourd’hui, il y a les smartphones et l’enregistrement vidéo en 4K. Votre génération a énormément d'avantages sur les précédentes, Angela, souvenez-vous-en ! La reine replaça la photo dans son classeur et le reposa.
« Et maintenant, il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Si je vous ai contactée, c’est pour vous inviter à rejoindre la Sororité.
Angela frémit. Ce n’était donc pas une légende, la Sororité existait réellement.
-    C’est…un honneur… balbutia-t-elle.
-    Préparez-vous, un hélicoptère viendra vous chercher dans une heure.
La reine coupa brutalement la communication. Angela resta quelques instants affalée dans son fauteuil, sous le choc de ce qu’elle venait de découvrir. La sororité du Kraken était, selon la légende, la plus ancienne et la plus puissante société secrète du monde, la seule dont l’existence était réellement inconnue du grand public. Elle réunissait uniquement les femmes les plus influentes de la planète. Circé en avait fait partie. Mata Hari en avait fait partie. Dans les salons de thé les plus roses de New York, certaines directrices générales et sénatrices disaient même que Marilyn Monroe et Lady Di avaient consacré leur vie à cette vénérable institution, et qu’elles avaient mis en scène leur mort afin de pouvoir mieux la servir dans l’ombre. Ce n’était donc pas une légende. Et maintenant, elle allait enfin y être initiée.
Elle tapa dans ses mains et son mari arriva à quatre pattes.
-    Dick, j’ai besoin de me préparer. Un rendez-vous important. Demande au majordome de m’apporter ma plus belle robe de soirée, celle en satin noir, et mes chaussures préférées. J’ai besoin de couler un bronze, donc va dans les toilettes et ouvre la bouche en attendant que je te rejoigne, s’il te plaît.
-    Oui, chérie.

Une heure plus tard, c’est une Angela resplendissante et allégée de deux kilos qui monta dans un hélicoptère flambant neuf, équipé d’un système de brouillage dernier cri pour éviter les caméras indiscrètes. Le pilote, un bel homme moustachu et viril vêtu d’un uniforme d’écolière japonaise, lui souhaita la bienvenue et lui offrit un verre de champagne. Elle se détendit pour regarder défiler le paysage au-dessous d’elle, avant de pousser un cri de surprise. Il y avait un kraken géant dessiné sur le toit de la maison blanche !
-    Oui m’dame ! On dépense un argent fou pour truquer toutes les photos satellite et toutes les caméras de drones. Même les quelques pellicules encore sur le marché sont préimprimées avec une maison blanche sans kraken, au cas où. Pareil pour les avions et les hélicos, toutes les vitres sont équipées de série d’un système d’effacement du kraken, qui fonctionne par spectrorésonnance.
-    Mais c’est absolument génial !
-    Bienvenue dans la sororité, m’dame !
L’hélicoptère se posa sur le toit d’une belle demeure au style néoclassique, à quelques centaines de kilomètres de Washington D.C. Tout y était d’un goût exquis : depuis les jardins à la française jusqu’aux statues de marbre blanc représentant des scènes mythologiques. Angela remarqua cependant un détail intéressant : toutes les statues possédaient des tentacules à divers endroits de leur corps. Elle en fit la remarque au pilote.
-    Oui m’dame ! Pas que les statues d’ailleurs, nous aussi on a des tentacules à, heu… divers endroits.
Angela regretta immédiatement d’avoir abordé le sujet. En effet, elle n’avait pas apporté de culotte de rechange, et l’augmentation soudaine du taux d’humidité de son entrejambe n’augurait rien de bon pour la suite de la journée.
-    Sauf vot’ respect, m’dame, ça commence à sentir rudement la chatte ici. J’ai un doctorat en études clitoridiennes si vous voulez régler ça avant de rencontrer la reine.
-    Je… oui, merci jeune homme.
Le pilote retira immédiatement ses vêtements, révélant un corps magnifiquement sculpté. Il n’avait pas menti : il avait bien des tentacules. Et des ventouses. Beaucoup, beaucoup de ventouses.

Angela arriva chez la reine un peu décoiffée, mais au moins, elle ne sentait pas la chatte. Le pilote avait en effet nettoyé ses cavités en profondeur, grâce à une langue extrêmement longue et musclée qui paraissait pourvue d’une vie propre.
-    Ma chère ! Vous voilà enfin !
-    Votre Majesté !
-    Pas de cela entre nous, vous pouvez m’appeler Lizzy, répondit la grande dame en se léchant les globes oculaires. Entrez donc, entrez, la cérémonie d’intronisation va bientôt commencer. Oh, j’ai hâte de vous présenter les autres sœurs !
-    Très honorée, Lizzy !
La reine virevolta dans l’impressionnant hall d’entrée et fit un saut périlleux avant. Elle atterrit sur les mains, et sourit à Angela en faisant le poirier.
-    Hihihi ! Ce qu’on s’amuse ! Je suis tout excitée !
Elle la guida à travers un dédale de pièces, jusqu’à une vielle bibliothèque que l’on ne pouvait qualifier que de « vénérable ». Elle pianota sur les livres, et un mur bascula, révélant un escalier en pierre taillée qui semblait s’enfoncer à perte de vue dans les profondeurs de la terre.
Les deux femmes s’y engagèrent en silence. Angela fut tout de suite submergée par l’odeur qui imbibait l’atmosphère, musquée et sucrée à la fois. Cela sentait la chatte, mais pas n’importe quelle chatte. C’était de la chatte aristocratique, raffinée et élégamment lubrifiée. Old Pussey, comme dirait l’archiduc de Canterbury.
Les deux femmes pénétrèrent dans une immense salle circulaire, la plus grande qu’Angela ait jamais vue, elle qui était pourtant habituée aux hémicycles et aux bâtiments officiels délirants de grandeur. Il y avait là des centaines de femmes parmi les plus célèbres et les plus influentes de la planète, toutes vêtues d’uniformes d’écolières japonaises, toutes équipées de couettes, y compris les plus vieilles. Lorsqu’elles virent Angela, elles relevèrent leurs minijupes, exposant leurs sexes, et l’air fut envahi par la clameur de leurs vagins qui s’ouvraient et se refermaient en rythme pour applaudir la nouvelle venue.
Soudain, le centre de la pièce s’illumina et révéla un orchestre de femmes nues, qui se mit à jouer le concerto pour flûte traversière de Vivaldi en utilisant des pets vaginaux. C’était absolument splendide, et Angela baissa sa culotte pour applaudir à son tour. Comme c’était bon de pouvoir enfin se laisser aller selon l’appel de sa nature ! Elle sentit des mains caresser ses seins, et se retourna, surprise. Devant elle se dressait Opérah Onfrey, les mamelles pointant comme deux obus prêts à exploser. La présentatrice télé la plus célèbre du monde aida la présidente du Gouvernement Mondial à retirer ses vêtements, et tout devint confus.
Angela se réveilla bien des heures plus tard au milieu d’un enchevêtrement de corps baignant dans une mare de cyprine d’au moins cinq centimètres de profondeur. Elle avait un peu mal au clitoris et aux tétons, mais elle était euphorique. Jamais elle n’avait eu autant d’orgasmes à la suite.
-    Bien réveillée ma chère ?
La reine d’Angleterre la regardait en souriant. Elle avait un bras enfoncé dans la chatte et un autre enfoncé dans l’anus, et avait elle-même enfoncé ses quatre membres dans quatre vagins différents, tous plus célèbres les uns que les autres.
-    Il est temps pour vous d’assister au sacrifice en votre honneur !
La vénérable dame s’extirpa des corps qui l’entouraient tout en extirpant les corps qui la pénétraient, et se releva d’un bond. Elle attrapa Angela par la main et l’entraîna à sa suite vers une immense porte en fer forgé, dont les motifs monstrueusement syncopés auraient terrifié le plus kafkaïen des lovecraftiens.
-    La salle du Kraken ! Vous allez adorer !
Les lourds battants pivotèrent, révélant un couloir immense, dont les murs montaient si haut qu’ils se perdaient dans les ténèbres. Ils étaient décorés d’abominations indescriptibles, tellement atroces que les aires de traitement visuelles du cerveau les censuraient automatiquement pour éviter que les neurones n’explosent les uns après les autres.
-    Votre Majesté, est-il normal que les murs soient flous… et qu’ils me regardent ?
-    Oui ma chérie, maintenant si vous pouviez éviter de trop vous en approcher s’il vous plaît, ce serait par-fait. Restez bien au centre du couloir et ne tournez pas la tête.

Les deux femmes marchèrent en silence pendant une bonne vingtaine de minutes, et parvinrent enfin à une salle encore plus impressionnante que la précédente. Au centre se trouvait un abîme, un vrai, un abîme nietzschéen, moustachu et impeccablement coiffé. Tout autour, il y avait des gradins, occupés par des dizaines de femmes nues, les cheveux recouverts d’un voile tâché de sang.
-    Ce sont les Immortelles. dit la reine, sans autre explication.
Angela laissa échapper un cri de surprise en reconnaissant la reine Victoria, Catherine de Médicis, Isabelle la Catholique, et même Néfertiti et Cléopâtre, dont le nez aurait rendu fou n’importe quel chirurgien esthétique.
-    Voici nos places. Aujourd’hui, vous êtes à l’honneur.
-    Mais… c’est un godemiché !
-    En effet, un godemiché en obsidienne vibratoire, une pierre rarissime qui vibre au contact de la cyprine. C’est important pour la cérémonie, vous comprendrez pourquoi dans quelques instants.
Angela s’assit, un peu humide de curiosité, et le phallus de pierre commença immédiatement à vibrer, avec un rythme lent, presque méditatif. C’était agréable, et elle se prit vite à rêver de la politique fiscale qu’elle comptait implémenter, comme chaque fois qu’elle était sexuellement stimulée. « Je vais tous les enculer » se dit-elle, avant de se souvenir qu’elle n’avait pas de pénis et de corriger « je vais tous les pegger ». Elle était sur le point d’avoir un orgasme quand elle entendit la reine crier :
-    Et maintenant, le sacrifice ! Accueillons notre nouvelle sœur comme il se doit en honorant le Dieu-Kraken !
Un grondement se fit entendre des profondeurs de l’abîme, profond comme le goudron, brutal comme un léporidé fou. L’assemblée toute entière regarda l’abîme. Après quelques instants d’attente, l’abîme les regarda.

Des centaines de fins tentacules pourvus d’yeux jaunes, intelligents, avaient émergé du trou d’obscurité. Angela frissonna. Elle avait installé un programme espion sur le téléphone de son fils, et savait donc que l’apparition de tentacules au milieu d’une assemblé de femmes n’était généralement pas bon signe.
-    AMENEZ LE SACRIFICE ! hurla la reine, d’une voix presque démente.
Un convoi de huit femmes, nues à l’exception de bas de nylon noir, la rejoignit. Elles portaient un homme, plutôt grand et musclé, un très bel homme qui se débattait de toutes ses forces contre les liens qui l’immobilisaient.
-    Très chères sœurs ! Je vous présente Alfred Dugenou, comptable le jour et dessinateur de hentai sous le pseudonyme de « Masturbor3000 » la nuit ! Nous l’avons choisi, parmi les milliers de dessinateurs de hentai aussi bien professionnels qu’amateurs venus de tous les pays, à cause de son penchant pour l’ero guro, genre dont vous n’ignorez pas qu’il est particulièrement misogyne !
Un murmure approbatif parcourut l’assemblée.
-    Malheureusement, nous avons des intérêts financiers dans l’industrie du porno, et le guro est l’une des micro-niches les plus lucratives… De plus, en raison de la Loi 34 du Code de l’Internet, il est impossible d’endiguer ce fléau. Le Japon est par ailleurs intouchable en raison des partenariats que nous avons avec les Yakuzas. C’est pourquoi j’ai décidé qu’à défaut de mieux, le sacrifice de cette année serait ce déchet humain, qui demande systématiquement à ses petites amies de partager l’addition avec lui et qui écrit sur Twitter que les mères célibataires sont des « looser’s cum depositories » !
Un murmure offensé parcourut l’assemblée, accompagné d’un frémissement de colère.
-    Cet homme va payer pour les autres !
Une voix s’éleva de l’arrière de l’hémicycle.
-    Mais c’est injuste !
-    QUI A PARLÉ ? Hurla la reine.
-    Moi !
La vieille dame plissa les yeux pour regarder d’où venait l’objection. C’était Jésus, dressé.e, les bras en croix. Ce foutu idéaliste non-binaire, comment avait-iel pu se joindre à la sororité ? Le Comité du Suprême Vagin n’était malheureusement pas compétent en théorie du genre, et iel avait réussi à les entourlouper en leur prouvant par A + B que son pénis était en réalité un clitoris hypertrophié. Mais iel avait quand même refusé de se raser la barbe et de changer son nom en « Josette ». La reine sentait bien qu’iel les avait entourloupées, mais elle non plus ne disposait pas des outils théoriques pour le prouver, et elle avait été obligée de se ranger à l’avis du Comité, en attendant de pouvoir recruter une experte sur ces questions-là.
-    Que celle qui n’a jamais pêché lui jette le premier tentacule !
-    Oh ta gueule toi. Va te faire crucifier !
-    Je tendrai l’autre oreille à cette insulte ! L’Amour triomphera !
-    Mais faites-lei taire !
-    Je… Mpffffhhh…
Les voisines de Jésus lei bâillonnèrent et lei ligotèrent, avant de commencer à lei masturber en lei frappant avec des ronces. Iel continua à regarder la reine d’un air courroucé, en tortillant des fesses pour bien marquer sa désapprobation. Finalement, vaincu.e, iel éjacula sur le sol et ferma les yeux en pleurant, terrassé.e par la cruauté du monde. Les femmes qui l'entouraient lui enlevèrent son bâillon, et iel se mit à psalmodier le Daddy Noster.
-    Bien. Maintenant, y a-t-il d’autres objections ?
Un silence de mort plana sur l’assemblée, interrompu uniquement par les psalmodies de Jésus, le bruit des ronces lacérant sa chair, et les cris étouffés de la victime sacrificielle.
-    Parfait ! INVOQUEZ LE KRAKEN !
Sept des femmes présentes se levèrent et urinèrent simultanément en poussant des cris inarticulés. Les yeux jaunes du monstre de l’abîme se mirent à luire d’une façon effrayante, et l’atmosphère devint soudain poisseuse, saturée de relents de poisson pourri et d’iode, une odeur entêtante qui faillit faire défaillir Angela.
Lentement, majestueusement, le Kraken émergea du trou sans fond, projetant une ombre terrible sur la salle, sur les femmes de l’assemblée, sur tout. La bête était toute en tentacules, certains épais comme des troncs d’arbre, d’autres fins comme des fils d’araignée, certains crénelés, d’autres pulsatiles, d’autres encore colorés, et même un ou deux moustachus. L’homme ligoté poussa un long cri de désespoir, étouffé par son bâillon. Le Kraken tendit un de ses membres puissants, musculeux, et se saisit du corps qui lui était donné en offrande.

Le Dieu-Monstre défit les liens de la victime et lui écarta les bras et les jambes pour mieux l’observer. Il était effectivement bien gaulé, avec un membre à la Rocco Siffreddi. Un bel homme, un Chad, si on suivait le vocabulaire des incels. Un tentacule plus aventureux que les autres s’enroula autour de ses testicules pour les soupeser. Ils étaient fermes et lourds, élastiques au contact, sains et gorgés de spermatozoïdes. Le tentacule s’enroula autour et commença à les malaxer. Une voix s’éleva de quelque part dans l’assemblée :
-    Dites, je ne suis pas homophobe, mais tout cela est-il bien chrétien ? C’est que je suis mormone, voyez-vous, et si les rapports entre femmes ne me répugnent pas, j’aimerais éviter de regarder si le Kraken est de sexe masc…
-    Shhhht. Ma chérie, le Kraken est hermaphrodite, je vous garantis que tout ce que vous allez voir est parfaitement chrétien. Oh, regardez, il va l’érecter !
Le monstre tentaculaire avait rapproché l’homme en pleurs de sa bouche monumentale, d’où sortaient deux crochets que l’on devinait venimeux. La bête mordit promptement sa victime dans le cou, et le corps du pauvre hère fut immédiatement parcouru de soubresauts incontrôlables. Lorsque ceux-ci se calmèrent, il avait une érection impressionnante, le sexe pulsatile et violacé sous l’effet de la pression sanguine. Angela Clito eut un petit orgasme, assise sur son godemiché. Cela promettait d’être intéressant.
D’autres tentacules, fins et visqueux, s’enroulèrent autour du membre d’Alfred Dugenou, caressant chaque millimètre carré de peau, avant de s’arrêter devant l’entrée de son urètre. Un premier appendice écarta timidement les bords du trou mignon, avant de s’aventurer le long du canal urinaire. Il fut rapidement suivi par trois autres, et l’assemblée humide put voir le sexe martyrisé se déformer sous l’effet de cette pénétration qui n’avait rien de naturel. Alfred hurla, mais ce n’était que le début.
Un quatrième tentacule, beaucoup plus gros, s’était en effet posté en embuscade à l’entrée de son rectum. Dès les premiers hurlements, il pénétra violemment ses intestins, lubrifiant les parois au fur et à mesure de sa progression en sécrétant du mucus. Un cinquième, presque aussi gros, força alors un passage à travers l’œsophage du sacrifié, et se lova dans son estomac. Un autre, enfin, d’un diamètre similaire à celui d’un ver de terre, défit son nœud ombilical et s’introduisit dans son ventre afin de stimuler la paroi extérieure de ses intestins depuis la cavité abdominale. Un long mouvement de va-et-vient s’enclencha alors, presque hypnotique tant il était calibré comme une horloge. Mais ce n’était pas fini.
Le Kraken déploya une kyrielle de filaments qui envahirent le nez et la trachée du supplicié, s’infiltrant profondément jusque dans ses poumons, avant de se loger dans chacune de leurs alvéoles, contrôlant ainsi le flux d’oxygène qu’il recevait. La bête s’amusa dès lors à mener sa victime au bord de la suffocation, avant de lui donner juste assez d’oxygène pour la ramener à la conscience. C’était une torture exquise, et Angela eut un orgasme plus violent que le précédent. Mais ce n’était pas fini.
Le céphalopode fit émerger deux très fins appendices de son corps, qui vinrent se loger dans les canaux lacrymaux de sa victime, violant ainsi le dernier sanctuaire de sa liberté : ses larmes. Rapidement, ils furent rejoints par d’autres, qui envahirent les paupières d’Alfred Dugenou comme des vers parasites, maintenant ainsi ses yeux constamment ouverts, contrôlant chacun des muscles qui auraient permis à l’homme de détourner le regard. Mais ce n’était pas fini.
Les oreilles de la victime furent violemment pénétrées par des tentacules spécialement conçus pour stimuler les tympans, de telle sorte qu’une cacophonie digne de l’enfer le plus infernal conçu par le plus haineux, le plus dérangé des Princes des Ténèbres résonne en continu dans sa tête. Mais ce n’était pas fini.
Alors que la folie envahissait le regard de Dugenou, dont le corps était grotesquement déformé par les nombreuses horreurs qui rampaient à l’intérieur de lui, le Kraken incisa sa cornée afin de pénétrer ses pupilles, et connecta des millions de filaments, larges seulement de quelques milliers d’atomes, à ses nerfs optiques, afin de lui faire contempler le pire enfer que l’imagination du Dieu Fou, Dévoreur de Mondes, Destructeur de l’Éternité, avait conçu lors de son seul, son unique Cauchemar. Mais ce n’était pas fini.
Alors que l’homme appelé Dugenou était depuis longtemps réduit à un concept, à une pure sensation de douleur pure, les tentacules du Dieu-Poulpe pénétrèrent ses vaisseaux sanguins, et ce fut comme un trillion d’épingles pénétrant chaque muscle, chaque organe pour le transformer en ode à l’enfer le plus froid, le plus abominable imaginé par le plus dérangé des Dieux Cornus dans la solitude de ses royaumes déshérités. Mais ce n’était pas fini.
Lorsqu’il n’y eut plus rien à pénétrer, lorsque plus aucun organe du corps de la victime ne demeura inviolé, le Dieu Tentaculaire attaqua le dernier bastion, le dernier lambeau auquel l’être autrefois nommé Dugenou rattachait sa conscience : son cerveau. Des tentacules neuraux s’infiltrèrent par millions dans ses sinus, provoquant une migraine atroce, insupportable, et envahirent sa boîte crânienne. Là, ils s’enroulèrent autour de son cortex, avant de se lover dans les replis secrets où la pensée même prend naissance, et où l’identité se forme.
L’individu (pouvait-on encore l’appeler ainsi à ce niveau d’abjection ?) se dissolvait lentement pour laisser place à une misérable boule de terreur et de douleur, qui n’avait plus rien d’humain, plus rien même de commun avec le règne animal, mais qui ressemblait davantage à un blob tremblotant, à un amas de viande hachée tout juste conscient de sa dégradation. Mais son corps était toujours intact, bien que déformé, et ce n’était pas fini.
Alors le Kraken commença le lent et minutieux travail de déconstruction. Il arracha les yeux de sa victime, les maintenant en l’air, connectés au cerveau par leurs nerfs optiques. Les tentacules situés à l’intérieur du pénis de Dugenou éjaculèrent directement dans sa vessie et dans ses testicules, les faisant exploser au passage. L’abdomen éclata suite à un phénomène similaire, et les poumons furent noyés dans un bain de sperme corrosif, suffoquant pour quelques instants le cerveau martyrisé de leur ancien propriétaire, jusqu’à ce que les neurotentacules prennent le relais pour l’acheminement d’oxygène. Enfin, il ne resta plus que le système nerveux central, branché sur l’Enfer Tentaculaire.
Alors le Kraken, transcendé par l’Orgasme Poulpaire, déploya dans le système nerveux du sacrifice toutes les Abominations, toutes les Atrocités que l’Inconcevable n’osait pas deviner, quand elles se profilaient comme des ombres à la lisière de son intellect solitaire et plus vaste que les Univers. Celui-ci se désintégra, complètement détruit par la violence de la Douleur, et le Dieu-Poulpe se précipita de nouveau dans l’Abîme, pour y reposer durant les trois-cent jours que durait son sommeil post-coïtal.

Angela était subjuguée par ce qu’elle venait de voir. Son clitoris avait tellement grossi qu’il s’était enroulé autour du godemiché, et ses seins étaient lourds, comme s’ils étaient pleins de lait. C’est alors qu’elle se rendit compte que son ventre avait grossi, et qu’elle avait la nausée.
-    Llll… Lizzy ? Qu’est-ce qu’il m’arrive ?
-    Ce n’est rien ma chérie, vous êtes enceinte. Répondit la reine en soupesant son propre ventre, qui avait triplé de volume.
-    Enceinte ? Mais je suis ménopausée depuis longtemps !
-    Shhhhht, n’ayez pas peur. Vous allez donner naissance à un bébé Kraken.
-    Un bébé QUOI ?!
-    Dans trois… deux… un…
L’utérus d’Angela se contracta violemment, et son vagin s’ouvrit à la volée, pour expulser une espèce de calmar tout gris de la taille d'un bébé phoque, tout monstrueux et dégoulinant de fluides en tous genres. Elle vomit en le voyant, et le bestiau se précipita sur le contenu de son estomac pour le gober à petites lampées dégoûtantes.
-    Mon Dieu ! Mais que suis-je censée en faire ?
-    Mais… Le manger bien sûr ! Répondit la reine en ramassant le sien, qui criait déjà « Lady Diiiii » d’une voix stridente. Allez-donnez-moi ça, vous voyez le chariot métallique là-bas ? Saluez la dame qui le pousse, c’est Maria-Consuelo-Antoinette, notre cuisinière, spécialisée dans les plats à base de bébés. Mon Dieu, ses brioches au coulis de cervelle sont un pur délice ! Oh, j’ai failli oublier votre placenta.
Angela suivit la reine, encore sous le choc de ce qu’elle venait de vivre. Autour d’elle, toutes les femmes ramassaient leur progéniture, certaines en profitant pour allaiter au passage, et se dirigeaient vers le chariot pour y jeter les petits corps poulpaires. Elles se dirigèrent ensuite, toutes ensemble, vers une autre salle, où se trouvait une immense table à manger. Angela s’assit aux côtés de la reine, et elles parlèrent longtemps, toute la nuit, de politique, d’économie et de finance mondialisée, alors que les plats se succédaient, tous plus poulpaires les uns que les autres. Les femmes accompagnaient leurs agapes de lait maternel, directement extrait de leurs poitrines gonflées, généreusement offertes. Lorsque leurs estomacs étaient trop distendus, elles se faisaient vomir, et recommençaient à manger. Au bout de plusieurs heures, après avoir consommé le dernier plat, elles se jetèrent par terre pour nager dans le vomi, qui formait une mare de douze centimètres de profondeur. Elles le burent à longues rasades et s’en remplirent les orifices en riant, avec des entonnoirs, que les servantes avaient apportés spécialement à cet effet. Certaines se l’injectèrent directement dans les veines, avec des seringues de la taille d’un bras. Angela perdit la notion du temps. Plus tard, bien plus tard, elle se souviendrait de ces précieux moments comme ayant été les plus heureux de sa vie.

Angela s’assit à son bureau présidentiel et regarda par la fenêtre. La sororité lui avait ouvert les yeux sur beaucoup de choses, principalement tentaculaires, mais pas que. Elle avait compris la vacuité de toute existence non touchée par la grâce Krakenique, et pourquoi cela justifiait de traiter le reste de l’humanité comme une simple matière brute sur laquelle exercer sa volonté, en niant toute indépendance, toute individualité à ses constituants. Elle avait compris pourquoi le Système avait été inventé, et pourquoi il fallait le maintenir. Elle avait compris… et désormais, il fallait agir.