Partir avec quelque chose dans le ventre

Le 22/07/2025
-
par olive
-
Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Voilà une nouvelle qui pue la vie de merde. Ici, rien de spectaculaire. On suit Serge, un vieillard à la dérive dans un quotidien d’une banalité sans nom. Y’a pas de suspense, pas de montée, pas de dialogue. Juste un gars en chute libre dès la ligne 1. Le rythme est lent, juste ce qu’il faut, car le texte est court, très court. Quelques envolées poétiques sont appréciables. On reste dans l’absurde quotidien et le désespoir tranquille.
« Partir avec quelque chose dans le ventre ».
(Nouvelle)
By : Olive.
Il est 6 heures quand sonne le réveil matin de Serge.
Il redresse son vieux corps odorant et tape vite sur le snooz de l’appareil qui achève sa mélodie du premier journal d’actualités qu’il entendra ce jour.
Serge respire mal, son nez est bouché car il fume beaucoup. Il crache une glaire dans un vieux sopalin qu’il jette à la poubelle à côté de son peignoir accroché. Il attrape son kimono de coton et enfile ses pantoufles sur un pied puis l’autre avec un orteil qui ne veut jamais rentrer.
Le pipi du soldat l’appelle et la porte des toilettes s’ouvre dans un filet neutre de raclement de bois et carrelage. Écarter son peignoir puis sortir sa bite du pyjama ne lui demande plus d’y penser depuis longtemps et son petit déjeuner commence à lui manquer.
Ses mains passent l’une sur l’autre dans le jet mou du robinet de la salle de bain avant de stopper cette danse chamanique dans un linge déjà humide mais réservé à cet usage. Il se sèche et se voit vite dans le miroir émaillé de giclures blanchâtres de dentifrice.
Le couloir fait résonner ses savates trainantes comme de petits sifflets de bave éruptant d’une bouche d’ado à travers son appareil dentaire.
La cuisine sent la même chose chaque fois qu’il y passe. Ça le rassure sans y penser.
Les tranches de mie commencent à griller pendant que le café fait frissonner le bord de la casserole en inox. De toute part, ça noircit.
Enfin le beurre vient fondre dans une éponge de mie et teinter les bords de la tartine d’une auréole sirupeuse.
Il tourne le café d’une main molle et maitrisée pendant qu’il soulève la première navette à destination de la bouche avec escale dans le bol noir.
Il mange tranquillement ses deux tartines comme d’habitude et entend bien finir son café aussi.
Dernière gorgée suivie d’un rot glaireux, puis il se penche sur sa table et attrape un truc.
Se redressant, il arme le barillet du flingue. Se le pose sur la tempe puis tire et s’écroule de sa chaise.

Fin.