Fusion

Le 30/11/2003
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par Tulia
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Une nouvelle de base, sans rien de spécial. C'est sous forme épistolaire (ce qui excuse un peu le laisser-aller global du style). La lettre présentée ici revient sur les souvenirs de deux amies inséparables. Ca se laisse lire tout seul, on a l'impression de mater en douce le journal intime du personnage principal, mais y a pas grand-chose d'extraordinaire.
Combien de conneries on a pu faire ensemble ? Un bon nombre. Pendant toutes ces années, à l’école, où on a été dans la même classe, on était inséparables, toujours l’une à côté de l’autre pendant les cours, sauf quand les profs en avaient marre de nous entendre papoter sans arrêt et qu’ils nous séparaient pour nous mettre chacune à un bout de la salle. On s’en foutait, on parlait par signes dès que le prof avait le dos tourné ou alors on articulait bien pour que l’autre puisse lire sur les lèvres.
Je garde un excellent souvenir de toute cette période. Surtout le lycée. On passait notre temps à se foutre de la gueule des autres et des profs pendant les cours, on fumait nos joints pendant les récrés et puis on avait les mêmes idées sur tout, on pensait toujours à la même chose au même moment. On était super fusionnelles, voire même télépathiques parfois. Et dire qu’avec tout ça, on a quand même réussi à avoir notre bac… J’en revenais pas. On avait rien foutu pendant deux ans et on l’avait eu sans problèmes alors que d’autres qui ont trimé comme des esclaves l’ont raté. C’était génial.

Après le lycée, on s’était inscrites dans la même fac et puis on a pris une chambre d’étudiant toutes les deux. On était plus tout le temps dans les mêmes cours mais on se voyait au moins tous les soirs et puis pendant les pauses et les amphis. Enfin, pour ce qu’on y allait… C’est vrai qu’il faut être con pour aller à un cours dans lequel ton absence passe inaperçue alors qu’il y a plein d’autres trucs à faire dehors pendant ce temps-là comme fumer des pétards, se faire sauter par la moitié des mecs de la fac ou tout simplement dormir. Quatre ans comme ça à toujours pas en branler une et on a encore réussi à avoir tous nos diplômes. A l’époque, je me rendais pas bien compte mais c’est quand même assez incroyable quand j’y repense aujourd’hui.

Et puis il a fallu qu’on cherche du boulot. On avait commencé nos recherches ensemble et puis j’avais réussi à trouver un job avant toi. Tu as pas attendu beaucoup plus longtemps pour en trouver un à ton tour, à peine quelques semaines. Et puis, dans ma boîte, j’avais rencontré Bastien, on avait bossé ensemble sur un projet à la con et à force de passer du temps ensemble à faire des heures supp, on avait fini par tomber amoureux l’un de l’autre et par se mettre en couple. On était tous les deux tellement proches sur tout un tas de choses, je pensais pas qu’une entente pareille était possible dans un couple. Je te l’ai rapidement présenté et vous vous entendiez bien aussi, ça me faisait vraiment plaisir de vous voir tous les deux aussi proches. Du coup, on faisait toujours plein de trucs tous les trois, les sorties, les vacances…
Et puis un jour Bastien m’avait dit qu’il était en déplacement toute la journée en Province. En passant complètement par hasard dans le bureau de la DRH, j’ai vu sur le planning qu’en réalité il était en congé ce jour-là. J’étais sciée, je le croyais incapable de me mentir. Et ce même jour, tu avais toi aussi pris ta journée, tu m’avais dit que c’était pour aller passer un peu de temps avec ta copine Emilie qui était en pleine dépression nerveuse à cette époque. J’ai vaguement fait le rapprochement mais je vous pensais tous les deux incapables de faire un truc pareil et je me rassurais en me disant qu’il y avait une explication logique à ce qui ne pouvait être qu’un quiproquo.
Le soir, Bastien est rentré très tard en invoquant le fait qu’il avait eu des problèmes pour prendre son avion. Je l’ai regardé dans les yeux et je lui ai dit que j’avais vu le planning et que je savais que son déplacement était bidon. Et c’est là qu’il m’a tout avoué. Ça faisait plusieurs semaines qu’il me trompait avec toi, que vous me trompiez tous les deux. Je vous ai dégagé illico de ma vie, j’ai démissionné, je me suis trouvée un autre boulot et un autre appart ailleurs.
Ça m’a fait vraiment mal que les deux personnes en qui j’avais le plus confiance me trahissent ainsi. Mais le temps finit par faire oublier et je suis passée à autre chose.

Ça m’a fait super bizarre de te revoir l’autre soir au supermarché, poussant ton caddie avec ton bébé dedans. Quand tu m’as vue, tu semblais vraiment gênée. Ça pouvait se comprendre mais comme je te l’ai dit à ce moment-là, plusieurs années se sont écoulées depuis et j’ai fini par oublier toute cette histoire. C’est pour ça que je t’ai proposée qu’on se revoit et que je t’ai invitée à venir manger chez moi ce soir, même si aujourd’hui tu es toujours avec lui, que vous vous êtes mariés et que vous avez eu un enfant. Pour moi tout ça c’est du passé et on a été proches l’une de l’autre trop longtemps pour que je continue à t’en vouloir. Finalement c’est peut-être mieux ainsi pour tout le monde.

Mais finissons avec tous ces souvenirs et racontons-nous désormais nos petites vies comme on aimait tant le faire autrefois ! En plus, je t’ai préparée un super repas, tu vas adorer. Je suis tellement heureuse de t’avoir retrouvée. C’était la première fois qu’on se séparait l’une de l’autre depuis qu’on était sorties du ventre de Maman à quelques minutes d’intervalle, c’était insupportable.


Marion


P.S : Ne t’inquiètes pas si ta tête s’est mise de plus en plus à tourner pendant la lecture de cette lettre mais j’ai fait exprès de te la faire lire après que tu aies bu ton premier verre dans lequel j’ai versé une certaine quantité de poison. Ce n’est pas la peine de t’affoler, tout est déjà trop tard pour toi, dans quelques instants tu seras morte. Je vais pouvoir reprendre ta place, MA place… enfin. On a déjà suffisamment jouer à s’intervertir l’une l’autre pour savoir que personne ne se rendra compte de la supercherie. Adieu.