Céline

Le 10/10/2004
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par William Kramps
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Ca fleure bon l'alcoolisme de quartier et la déchéance de troisième zone, avec une épave d'anti-héros largué dans les affres de la picole et une héroïne courageuse et compatissante. Histoire sordide, touchante, bien écrite et fin intéressante, ce texte a tout pour plaire, d'autant que c'est un genre encore pas trop abordé sur la Zone. Il a un coté un peu trop lisse et un peu trop mode, on dirait du Miossec, mais ça reste un chouette texte.
Quand elle est entrée dans la salle du bar tabac, j’étais déjà saoul. Elle s’est approchée, a posé sa main sur mon épaule et a déposé un baiser sur ma joue. Les yeux remplis de larmes elle a murmuré à mon oreille un « je t’aime » comme un souffle. J’ai vidé mon picon. Elle s’est assise sur le haut tabouret à côté de moi, sa main toujours posée sur mon épaule. Elle a fait signe au patron de me resservir et a commandé une smirnoff-ice.
« -     Combien vous doit-il ?
-     67 euros Mademoiselle avec cette tournée et la vodka est pour moi »

J’ai eu un geste vers cette main qui venait enlever mon verre vide, j’aurai voulu avoir un geste vers cet enculé qui offrait des verres à ma femme, devant moi. Elle a sorti son portefeuille du petit sac noir Christian Dior que je lui avais offert en sortant du casino de la Grande Motte. Merci le 18. Elle a réglé.

« -     On finit nos verres et on rentre ? »

J’ai bu deux grandes gorgées. Elle m’a sourit en essuyant la mousse accrochée à ma lèvre. J’ai embrassé ses petits doigts.

« -     Je suis saoul mon amour.
-         Tu en as l’air oui.
-         Je suis heureux que tu sois là
-         Je serai toujours là, rentrons. »

La nuit était tombée dans la rue. Au comptoir je ne m’en étais pas aperçu. Je ne sais même pas combien de temps j’ai passé à ce comptoir. De la poche arrière de mon jean j’ai tiré une liasse de billets de 500 euros que je lui ai donné avant d’aller vomir contre un arbre. Trois étudiants se foutaient un peu de ma gueule. Céline m’attendait à quelques mètres. Une vieille avec son chien est venue lui commenter la scène.

« -     Si c’est pas malheureux de se mettre dans des états pareils !
-         …
-         Mon petit fils est devenu alcoolique quand sa femme l’a quitté il y a deux ans. Elle est partie avec les enfants vous savez, il n’a pas supporté.
-         Chéri ? On y a va là ou j’explique tout de suite à Madame que le malheur c’est d’être seule au point de raconter sa vie à une inconnue sur le trottoir ?
-         … »

Je titubais légèrement mais j’arrivais quand même à me tenir à peu près droit. Pas un seul mot de reproches sur le trajet jusqu’à la voiture. La conversation ne battait pas son plein. J’avais hâte d’être rentré à l’appartement maintenant. Dormir, simplement dormir. J’ai sombré au premier feu rouge. Un quart d’heure plus tard c’est la portière claquée qui m’a réveillé. Je suis descendu tant bien que mal. Elle a appuyé sur la fermeture automatique et la voiture m’a fait un clin d’œil comme pour dire au revoir et pour me remercier de n’avoir pas vomi à l’intérieur.

J’ai eu l’idée d’embrasser Céline en attendant l’ascenseur mais je me suis ravisé et avec l’haleine de chacal que je me trimballais, il valait mieux.

Appuyé au mur je regardais ma beauté ouvrir la porte de l’appartement. Elle dansait légèrement dans mes yeux qui n’arrivaient pas à se stabiliser. Nous sommes entrés, elle a allumé et je n’ai pas réussi à refermer derrière moi. Trou noir.

Mon arcade a du s’exploser dans la chute, le sang qui commence à coaguler m’empêche de bien ouvrir les yeux. J’essaye de me relever mais je n’y arrive pas. Il y a du mouvement autour de moi. Des bras me soulèvent, me traînent jusqu’au canapé. Mon oreille bourdonne, mon cerveau résonne, j’essaye de faire le point. Céline est là, je distingue sa jupe écossaise.

Un jet chaud vient brûler sur ma plaie. Je détourne la tête mais une main m’agrippe violemment par les cheveux et la pisse m’inonde la gueule. Je crache, je vomis et les insultes se mêlent aux rires et aux coups qui pleuvent sur ma tempe, sur ma mâchoire, sur mon crâne. Céline est là, j'entends ses hurlements.

« -     Elle est belle ta pute espèce d'enculé, regarde comme on va bien la défoncer. »