Dans ma bulle

Le 04/11/2004
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par Nounourz
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
Description méticuleuse et détaillée des effets du LSD : on se balade au milieu des hallucinations chaudes et agréables... Résultat ce texte n'a pas grand-chose à faire sur la Zone, puisqu'il est axé essentiellement sur des sensations agréables, douces et un bonheur chimique mais réel. Le seul truc qui colle, c'est le besoin palpable de quitter l'insupportable réalité pour se réfugier dans le cocon psychédélique de l'acide lysergique. Pas mon truc.
Les voyages me manquent.
Le monde est pareil à lui-même, chaque jour, déséspérément normal. Chaque jour, je regarde ma petite fiole, la dernière goutte d'acide, celle que je me réserve pour "le" voyage. Celui dont mon intuition me fera signe qu'il est le bon, qu'il vaudra la peine d'avoir attendu pour lui.
Qui crois-je tromper en disant cela ? Pas moi... L'acide n'attend pas un moment pour être bon ; chaque expérience, unique, l'est par essence. L'extase psychédélique ne demande qu'une unique précaution : ne pas avoir à gérer les "petits soucis de la vie quotidienne". Ceci étant assuré, je peux en consommer quel que soit le contexte, chaque détail, chaque bruit, chaque couleur, deviendra un puits sans fond de sens jusqu'alors inconnus et de subtilités insoupçonnables ; chacune de mes perceptions aura un avant-gout d'infini.

Les voyages me manquent, je veux retourner dans ma bulle colorée.

Dans ma bulle, le monde est couleur pastel, et respire en même temps que moi - je ne fais qu'un avec le monde. Les cigarettes ont le goût de fraîcheur, et la fumée que j'exhale me fascine, par ses morphismes insensés, ses brumeuses transformations aboutissant à leur totale désintégration dans l'air frais et sec de ma tanière de nounours. Les pensées se succèdent et s'entrechoquent à une vitesse folle, ce sont des auto-tamponneuses à la fête foraine, les boules numérotées du loto balayées dans cette grande sphère translucide qu'est mon cortex en fusion.

Dans ma bulle, chaque percept délivre toutes les émotions cachées en lui, tous les souvenirs emprisonnés dans son noyau par la force de l'habitude, et les liens se font et se défont dans ma petite tête surchargée de concepts nouveaux, d'inhabituelles associations d'idées, de métaphores surréalistes.

Chaque pas en avant est une prodigieuse aventure, je suis Neil Armstrong marchant sur la Lune, je suis Christophe Colomb découvrant les amériques, je suis un enfant devant la vitrine du magasin de jouets, un enfant dont les yeux découvrent un monde d'une incommensurable prodondeur. Je déambule dans les rues de la ville rose ; chaque bruit m'est une musique complexe et chaotique née de quelque compositeur en proie à une démence indicible ; les néons m'hypnotisent - kebab, tabac, fast-food - les mots perdent leur sens, seules les idées, seul l'abstrait sont vérités immanentes. Le monde est une mélodie étrange et colorée, le monde est une équation complexe aux inconnues changeantes, un tableau abstrait et surréaliste chargé de mon passé, de mon inconscient, de mes espoirs, de mes peurs, de mes joies et mes peines, et je le traverse d'un pas serein, essayant de ne pas rater une miette de ce spectacle ineffable.

Dans ma bulle, je peux m'asseoir et fermer les yeux, et les couleurs tourbillonnantes remplacent bientot les ténèbres de mes paupières ; dans la spirale chromatique apparaissent ici et la des formes connues, des visages, des objets, des sons, l'un remplaçant l'autre de façon quasi subliminale ; les visions iridescentes et incandescentes se stabilisent dans un tableau onirique, il n'ya pas d'horizon, je me trouve devant un parterre arc-en-ciel, un tapis dont les nuances s'étendent depuis mes yeux clos jusqu'à l'infini - et même au delà, et je vois des arcs de lumière traverser ce paysage dément, selon une pulsation au rythme indéfinissable, et j'entends les craquements et les grincements de la musique, délicieuse torture pour mon cerveau en demande de sensations fortes ; les sons s'étirent, se séparent et se rejoignent, s'appellent, se répondent, et chacune de mes cellules semble vouloir suivre un son qui lui est propre, et je sens mon cerveau qui se malaxe de l'intérieur, qui vibre de tant de stimuli... qui implose.

Ma bulle, c'est tout ceci et bien plus encore, et malgré mes efforts, les mots sont vains pour vous retranscrire ce que j'y ai vécu et y vivrai encore.

Comprenez-moi...
Je veux y retourner...
Je veux revoir ma bulle...