Home sweet home à l'HP

Le 17/03/2005
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par Nounourz
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Thèmes / Obscur / Tranches de vie
C'est un genre d'extrait de blog, de la pure vie quotidienne même pas romancée, sauf que ça se passe dans des circonstances plutôt particulières : après sa tentative de suicide, Nounourz se retrouve aux urgences psychiatriques.
Servvice des urgence psychiatriques de l’hopital de Toulouse. Un long couloir blanc, rouge, gris clair. Des chambres blanches et bleues. Un personnel hétéroclite face à une foule d’individus hors-normes, disjonctés, dépressifs, schizophrènes.
Certains membres de l’équipe médicale font preuve d’une patience pour le moins étonnante, je les admire. D’autres sortent facilement de leurs gonds ; on devine dans peine qu’ils n’ont pas atterri ici par choix. Je me demande de toute façons si un seul d’entre eux a réellement atterri ici par choix.
Dans le couloir, un individu passe en riant bruyamment. On dirait presque un grognement, on se demande s’il est humain. On se demande ce qu’est être humain, quand on est entouré d’anormaux, de dégénérés, de désaxés. Si je suis ici, sans doute suis-je comme eux. Mais je ne parviens pas à le croire, je ne veux pas y croire. Je ne les connais pas, j’ignore leurs prénoms. Je connais les horaires des repas, les horairres des pause-clope, le nombre de coups de fil auquel j’ai droit chaque jour. Je connais le grattement de mon style-bille sur le papier. Je ne connais pas la date de ma sortie, mais je l’espère très proche. J’en ai assez de cette ambiance glauque, tordue, de ces repas insipides, de ce pyjama d’un vert ecoeurant, de cette robe de chambre arborant fièrement ce nom de l’établissement où croupissent les déments pathologiques et les fous à lier de la région.
Je prends tous les soirs un médicament dit « antipsychotique ». J’espérait qu’il fasse cesser la machine à penser mais il n’en fut rien. Le médecin m’a dit que c’était normal. Ca doit m’aider à retrouver des sentiments, des affects. C’est un peu vrai, je suis assez fréquemment triste, mais le plus souvent en colère (refoulée) ou déprimé (allongé sur mon lit défait, le cerveau sur le mode : « sans espoir »). Parfois, j’entrevois un futur plus intéressant. Ce n’est qu’une éventualité parmi tant d’autres, mais je n’ai pas le choix. C’est cela, ou finir comme l’autre primate qui a repris ses grotesques ricanements. J’ai envie de l’assommer. On me dit de rester ici pour penser, et il y a du bruit en permanence. J’ai survécu au froid, j’ai survécu aux crises de manque, je survivrai à leur folie.
Je ne lui écraserai pas ma chaise sur le crâne. Contrairement à eux j’ai du self-control. Je suis capable de réprimer mes envies sanguinaires. J’ai beau imaginer son cadavre dans le couloir, le sang qui s’écoule de sa tête fracassée, l’image me laisse de marbre. Enfin presque, je souris, tout de même. Mais ne suis même pas tenté. Je pourrais lui arracher l’oreille avec les dents. Je pourrais lui enfoncer ce stylo dans ses yeux déments, en ricanant comme il le fait sans cesse. Je pourrais lui lacérer le dos et verser du sel sur ses plaies, tirer sa langue et la coller sur une prise électrique, décrocher la télé de son socle et lui encastrer sur le crâne, prendre cette poire trop mure sur ma petite table et lui enfoncer dans le rectum.
Mais je ne suis pas ainsi. Je ne ferai tout cela que lorsque j’aurai trouvé un bouc émissaire, quelqu’un qui passerait pour l’auteur de mes méfaits. Je suis peut-être violent et psychotique, mais je ne suis tout de même pas complètement stupide.

Pas encore, mais la médecine y travaille activement…