La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 
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Messages - lionrobe

#1
= INUTILE = / Re : Un mot au hasard
Janvier 20, 2009, 08:27:07
Au temps pour moi.

Correct ou pas ?
#2
= TRI SELECTIF = / Tri sélectif : Lionrobe
Décembre 13, 2008, 18:21:13
Bon, celui-ci, je l'avais commencé, il a bien fallu "la" finir, mais certains sauront sûrement trouver une césure de 2 ans entre les deux parties. A part ça, dans l'esprit, il est peut-être assez zonard sans être bon, et puis c'est mon seul texte contemporain, merde....
Au fait, attention, texte SM M/f, non consensuel, tortures extrêmes.

                                               LA TRADUCTRICE


La noblesse de ses traits le dispute à son authenticité de femme du peuple.
Nulle trace d'afféterie sur la moue de ces lèvres sombres et largement ourlées. Ce visage de piéta a été remodelé par le génie français, le front bombé et le menton un peu large auraient pu appartenir à une femme volontaire, une de ces opposantes à toutes les tyrannies des siècles passés.
Seul le nez, un peu court et légèrement trop fin, tempère l'impétuosité d'un regard pénétrant, dont la vitalité est rehaussée par des sourcils noirs très fournis et à peine épilés.

Mes yeux se détournent sur le dossier posé sur mon bureau, car je ne veux pas l'inquiéter ou la mettre mal à l'aise.
Je suis tendu et je dois me racler la gorge avant de prononcer :
« Votre publicité indiquait, je cite – je traduis tous les textes-. Je voudrais quand même vous prévenir qu'il s'agit de textes d'un genre un peu spécial ».
Elle réplique sans se démonter, avec un sourire un peu forcé :
« Monsieur, je viens juste de m'installer. Je prends tous les textes qu'on me propose ».
Je m'en doutais un peu, figure-toi, et c'est pour ça que je t'ai choisie. Mais ces mots ne franchissent pas mes lèvres, bien sûr.
Je la laisse détailler quelques secondes le mobilier du bureau, les rares objets qui le décorent, pour qu'elle se rassure en se familiarisant avec mon antre.
Puis je tapote le volumineux dossier rempli de sous-chemises avant de reprendre :
« Avez-vous déjà traduit des textes érotiques ? ».
J'ai mis dans ma question tout le sérieux professionnel dont j'étais capable pour ne pas l'effaroucher. Elle me répond, très vite pour éviter toute ambiguïté :
« Pas encore, monsieur, mais ça ne me dérange pas, ce sont des textes comme les autres- ou presque-«
Elle a tenté de donner un peu plus de chaleur à son sourire en prononçant- ou presque- pour atténuer la vivacité un peu sèche de sa réponse.
Je crois que je l'aime déjà, rien que pour ce sourire confus qui a illuminé son regard un court instant.   
Elle est un peu perplexe depuis son tour d'horizon. Pas de cadres supportant les photos de mon hypothétique charmante famille. Je fais semblant de devancer une question pour créer un début de complicité :
« J'ai congédié femme et enfants. Nous pourrons travailler tranquillement ».
Elle se renfrogne légèrement, pour bien signifier qu'elle ne veut pas être concernée par mon intimité :
« Cela ne m'aurait pas dérangé, monsieur. Et si on parlait un peu de vos textes ? »
Elle s'est légèrement penché en avant pour renforcer sa proposition, et son décolleté dévoile involontairement un sillon mammaire dont je pressentais la profondeur. Je me force à détourner les yeux, mais elle m'a vu. Elle se renfonce dans le fauteuil et serre inconsciemment les genoux. Il faut que je détourne rapidement son attention, je ne suis pas prêt.
« Tout à fait. Sachez d'abord que je suis payé pour ces textes, je n'écris pas à compte d'auteur. C'est pour cette raison que je veux élargir mon public ».
J'ai capté son attention. Je ne suis plus un obsédé sexuel fortuné prêt à fantasmer sur elle, mais un collègue en écriture qui gagne sa vie à la sueur de sa plume. Elle s'est radoucie :
« C'est sympa, comme démarche. Mais vous savez, c'est rare de traduire ce genre de textes dans une autre langue, on perd beaucoup du potentiel érotique «
Elle essaye de rester très technique, mais une petite lueur d'amusement a filtré sous les paupières modestement baissées pour l'occasion. Je décide de profiter de mon avantage et je hasarde :
« Attention, il s'agit de textes un peu déviants.... ».
Elle relève le menton, légèrement inquiète. Je la teste :
« N'ayez crainte, pas de pédophilie, zoologie et autre scatologie ! Les films d'horreur ne vous choquent pas, j'espère ? ».
Son sourire naissant se rembrunit légèrement :
« Ben...pas trop », le ben nuancé d'une petite fossette semble indiquer que ce n'est pas bien grave, on fera avec.
J'ai brutalement envie de me jeter sur elle, je crispe mes doigts sur le rebord du fauteuil en précisant :
« En fait, c'est plus de SM que de gore qu'il s'agit, vous savez... ».
Elle se détend avec un petit rire de gorge assez grave qui se vrille dans mon bas-ventre :
« Ah oui, ces trucs de pervers avec des femmes qui se font fouetter et se laissent enfoncer des trucs dans le machin ? ».
La complicité est renouée, elle vient même de se laisser aller plus qu'elle n'aurait voulu. Je n'en profite pas immédiatement pour installer une tension sexuelle entre nous, je laisse cet aparté en réserve, pour plus tard.
« Oui, ils sont drôles, n'est-ce pas ? De vous à moi, on dirait de Funès au pays des messes noires la plupart du temps ». Là, ça ne marche plus. Elle se contrôle admirablement, droite dans son siège, la main tient un stylo pour lui donner une contenance. Bien, on va passer à autre chose.
« En fait, j'essaye de divertir.... une autre catégorie de pervers. Tenez, rendez-vous compte par vous-même »
Elle pose son stylo sur une console et soulève à deux mains l'épais classeur pour le feuilleter. Je la fixe intensément à son insu... comme je m'y attendais, elle a commencé par ciller un peu, avant de sursauter quelques instants plus tard. Quand elle reste la bouche ouverte quelques instants, je sais que j'ai gagné, elle est profondément mal à l'aise et regrette d'être venue. Elle relève les yeux et semble me découvrir. Elle soupire et parvient à suspendre un court instant sa respiration, avant de reprendre :
« C'est très cru, MONSIEUR, je ne sais pas si je pourrais rendre exactement les nuances que vous souhaitez ». Elle a délicieusement accentué Monsieur, pour relever la barrière entre nous. Ma belle, je vais te rompre, je n'en peux plus d'attendre.
« Eh bien, que diriez-vous de nous entraîner un peu sur la page que vous avez devant vous ? Oui, celle-là, là, voilà ». Quand je me suis légèrement relevé pour désigner la dernière page de « l'exécution de Catherine », j'ai bien vu qu'elle s'était raidie. Il faut absolument que je la rassure. Ma main farfouille dans la poche intérieure de ma veste et je parviens à exhiber triomphalement mon portefeuille :
« Au fait, j'avais prévu de vous donner 400 euros à titre d'arrhes, aujourd'hui ». Je compte les billets en la regardant par en dessous. Je sais qu'elle est en train d'évaluer le nombre de pleins d'essence et de courses à la Supérette du coin que ça représente. Nouveau soupir, mais elle parvient à me sourire sans montrer qu'elle se sent piégée.
« Voyons un peu ce début de paragraphe,  »-
Elle a rougi, les yeux un peu vides, pour déconnecter une partie d'elle-même de ce qu'elle est en train de faire.
« Eh bien, je dirais... ». Elle se jette à l'eau et écrit quelques lignes. Elle relève la tête et commence à déclamer, comme s'il s'agissait de sa propre prose. Elle se rend instantanément compte du ridicule, et reprend sur un ton neutre et étouffé.
« Ah ! ! ! ! ». J'ai froncé les sourcils, et elle me regarde, légèrement interloquée :
« Euh, oui...je vous ai dit que j'étais incapable de traduire mes textes, mais je comprends parfaitement l'anglais, surtout avec un dictionnaire ». J'ai souri en montrant les dents, comme un client mécontent.
« Mais...dites moi ce qui ne va pas ? ». Pour la première fois, elle semble redevenue une petite fille, prise en faute à l'école pour une leçon mal apprise.
Il y a que vous traduisez :
"Sa main s'empara de sa fourche. Un doigt s'insinua à l'intérieur de sa chatte. Il ouvrit doucement les lèvres et entreprit de secouer son clitoris.. Bon Dieu, dit l'un des témoins, regardez-moi ça, la truie prend son pied. Elle est bien chaude", par :
"His hand grabbed her slit. A finger crept inside her pussy. He opened the vagina slightly, and then fingered her clitoris. God damn, said one of the witnesses, have a look on that, the wench is blushing. I think she's gettin' hot".
Eh bien, non, ce n'est pas exactement ce que j'ai voulu dire. Vous êtes vraiment fâchée avec les mots...impolis ? Vous ne connaissiez pas ces équivalences ? Moi, j'aurais écrit :
" His hand strayed to her crotch. A finger crept inside her cunt. He opened the lips slightly, and then stroked her clitoris. A Hot damn, said one of the witnesses, a look at that will ya, the pig is blushing. I think she's gettin' hot ».
Ma voix a imperceptiblement monté, comme quand vous dites à votre banquier que vous refusez de payer des agios en essayant de vous contrôler. Je sens qu'elle va se lever et partir et je me radoucis aussitôt. Avec un clin d'oeil, j'ajoute :
« Ce n'est pas très important, je vais faire votre éducation ». Elle s'est renfrogné, de plus en plus mal à l'aise, ne sachant pas si elle doit protester de mon allusion. Je la précède, l'air sérieux.
« Je trouve parfaitement normal qu'une jeune femme de bonne éducation comme vous ne sache pas tout d'un certain vocabulaire ». Elle se radoucit et lit la suite :
"Non, c'est faux, c'est faux ! S'indigna la pauvre Catherine en pleurant, bien qu'elle se sente submergée par une étrange excitation de se sentir ainsi exposée et sans défense devant cette troupe de sadiques, tandis que l'homme qui devait l'exécuter manipulait ses seins, ses mamelons et son con rasé".   
« Ecoutez, là je proposerais bien : No, you're wrong, you're wrong! The poor Catherine sobbed with indignation though she found herself indeed getting a strange feeling from being exposed naked, helpless, in front of the crowd of sadistic men while having her breasts, nipples, and shaved pubic hair manipulated by the man who was going to execute her". J'adore souffler le chaud et le froid, mais je vais taper un peu moins fort. Je soulève les épaules en pinçant un peu les lèvres. C'est elle qui s'inquiète la première :
"C'est pas ça encore ? ".
Well...j'ai employé l'anglais pour la faire rire un peu...Eh bien, il y a décidément des subtilités qui vous échappent. Même moi, je crois que je dirais :
« AI'm not. I AM NOT! sobbed poor Cathryn indignantly though she found herself indeed getting a strange thrill from being displayed naked and helpless, in front of this group of sadistic men while having her
breasts, nipples, and shaven cunt manipulated by the man who was going to execute her."
« Vous voyez, c'est bien du ...con, pardon, dont je voulais parler, pas du tout des poils pubiens ! »
« Et puis, elle est vraiment excitée sexuellement -thrill- , ce n'est pas une sensation ordinaire ! ! »
Son visage a délicieusement rosi de nouveau quand elle a relevé la tête :
- « Je n'écris pas pour un public très raffiné, vous savez, désolé de vous infliger la lecture de ces...horreurs ».
Elle fait front courageusement :
« Ce n'est pas ça le problème, Monsieur, mais mon vocabulaire n'est pas très riche dans ce domaine, c'est tout « . Elle hésite un peu :
« Vous pourriez m'indiquer les toilettes, s'il vous plait ? « . Délicieux. Cette envie brutale me prouve qu'elle va être bientôt à point.
Elle se lève. Son parfum de prisunic s'est estompé en cette fin d'après-midi. Les légers effluves animaux qui se dégagent de son corps échauffé dilatent mes narines un court instant. Je pense qu'elle s'en est rendu compte, car elle se recule un peu trop brusquement.
Ses seins sont pleins et fermes comme ceux d'une très jeune femme. Leur forme en poire les fait retomber un peu lourdement sur les côtés de son buste étroit et les rend particulièrement vulnérables.
Quand elle se rassied, je vois bien qu'elle s'est refait une contenance en même temps qu'une beauté. Il est temps de passer aux choses sérieuses.
« Vous prendrez bien quelque chose...pas d'alcool, bien sûr, nous devons garder l'esprit clair ! !».
Elle s'est forcé à sourire, mais je sens toute la réticence du monde à verser la petite bouteille de jus de pamplemousse dans son verre. Quand elle abaisse son regard velouté, je suis certain qu'elle a surpris mon regard et pressent quelque chose, car elle ajoute très vite :
« Mon mari doit passer me prendre à 20 heures, il faudrait reprendre ». Elle m'a dit cela si brutalement que je sais que ce n'est pas pour me rappeler l'heure de la fin de la séance, mais pour que je n'ai aucune illusion sur sa situation. Ne t'en fais pas, ma chérie, nous allons prendre tout notre temps.....
Elle a repris les notes sur ses genoux et je savoure sa moue d'horreur, elle est à la fin de la fin de Catherine Hayes.
« Je...excusez-moi...j'ai un peu trop...j'ai trop chaud...on peut ouvrir la fenêtre ? «  Elle continue d'une voix ensommeillée, sans attendre « Hugo empoigna le fer rougi à blanc...le fer ...qu'est-ce que vous... m'avez... ». Elle glisse doucement sur le côté du siège, sans s'effondrer complètement. Le narcotique aura un effet de courte durée, je dois me hâter...

Elle n'est pas rasée – merci, mon dieu- sauvage et naturelle comme je le rêvais, comme je le voulais. Elle pèse dans mes bras, c'est une vraie femme, pas un sac d'os. Je l'ai dénudée sans la caresser, même si ses seins s'enfoncent dans mon épaule quand je la soulève du fauteuil.
Je veille à ne pas râper ses fesses dans l'escalier de la cave, je veux que ce corps soit intact quand je tournerai les premières vidéos.
Quatre chaînes pendent du plafond avec leurs menottes de cuir. Sous les chaînes, un lutrin sur lequel j'ai déposé mes textes feuille par feuille.
Pour le début, j'ai choisi d'enfiler une tenue de maître des écoles de la troisième république, blouse grise, béret basque, épais croquenots des années trente aux bouts ferrés, et bien sûr une badine à la main.
Je préfère qu'elle se réveille naturellement pour diminuer le nombre d'injections que je lui ferai.
Sa tête gît sous son corps, les quatre fers largement écartés en l'air, membres retournés dans le dos, en suspension face au sol. Je m'amuse à la balancer doucement en poussant ses fesses, pour que les caméras saisissent le spectacle émouvant de ses seins qui ballottent gracieusement dans le vide.
Je fais le tour du propriétaire. C'est vrai qu'elle a eu chaud, ses poils sont restés collés sur sa fente. Si j'osais...Mais oui, tu peux, bougre de couillon, même que tu vas la réveiller comme ça...Je n'ai qu'un bouton à presser dans le mur et les chaînes de ses jambes remontent à hauteur de mon visage.
Mes doigts font le tri dans l'abondant buisson, ma bouche se rapproche. Ma langue balaie longuement les grandes lèvres charnues au goût un peu fort. Ma moustache raidie par le cirage se prend comiquement dans sa toison. Son frémissement me surprend rapidement. Je viens devant elle.
Elle ne me reconnaît pas tout de suite. Il faut quelques secondes pour qu'elle profère : « Vous ? ». Quelques secondes de plus « Qu'est ce que vous m'avez... ». Elle doit faire un effort important pour maintenir soulevée sa  tête qui dodeline. Je l'aide en saisissant doucement sa tête par les cheveux. La douleur achève de la réveiller, son regard devient net, elle ouvre la bouche pour hurler...Ma main s'est refermé brutalement sur ses lèvres :
« CHUT........chuuuuuuuut........ ».
Ses grands yeux sont envahis par la panique. Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir.   
« Alice, Alice, convenablement aidée, vous eussiez pu vous arrêter à sept ans ». Elle me regarde sans comprendre. Je secoue à pleines mains ses seins lourds et striés de veinules bleutées : « Qu'allons nous devoir faire de tout cela, petite fille ? Ah, pourquoi avoir grandi si vite ». Elle vient enfin de prendre réellement conscience de sa situation, de sa nudité en mon pouvoir....Elle ouvre la bouche sur un cri silencieux qui la submerge. J'enchaîne sans lui laisser de répit :
« Où est la montre du lapin blanc ? ».
« POURQUOI VOUS FAITES CA ? ». Elle a hurlé comme si j'allais la bâillonner de nouveau.
Je l'ai giflée si violemment que sa tête a touché son épaule. Les larmes de colère et de douleur qui dégoulinent sur ses joues cramoisies oignent ma main quand je relève lentement son menton.
« Pauvre petite fille qui a oublié d'apprendre sa récitation et qui va être punie ».
Ma main caresse maintenant les fesses fermes et rebondies. Elle crie « Salopard, enlevez vos mains, ENLEVEZ VOS MAINS ! ! ! ! ! », elle tente de faire onduler son mignon fessier comme une jument chasse les mouches. Je reviens devant elle en secouant la badine d'un air menaçant : « Alice, je compte jusqu'à trois ».
« Mais vous êtes fou, arrêtez, je ne dirai rien, c'est pro... ».
Le coup de baguette a stoppé net son discours. Vingt coups de badine se succèdent très vite pour lui couper le souffle. « Swakt, Swakt, Swakt, « . « Aie, aie, aie » « Swakt, Swakt, Swakt, « . « Aie, aie, aie »
Je contemple mon œuvre avec attendrissement, la paume de ma main effleure les marques rouges qui dessinent des lignes parallèles boursouflées « Joyeux non-anniversaire, Alice...tous les jours comme ça ? »
Lorsque ses sanglots se sont estompé, elle reste silencieuse quelques instants et découvre seulement alors les caméras posées sur les chais, au dessus des bouteilles poussiéreuses au col maculé de traces de doigt.
Elle hurle, un râle profond d'animal piégé, une peur viscérale la submerge. C'est l'instant que j'attendais. Je prends la hache près du bûcher et la soulève d'un geste décidé: 
« Qu'on lui tranche la tête ! »
Elle rentre la tête dans ses épaules d'un mouvement convulsif :
« Non, non, non, ne faites pas ça, arrêtez, arrêtez ». La hache siffle dans l'air et s'enfonce dans la terre battue avec un bruit mat. « Il n'y a plus d'Alice, hélas, c'est là qu'est l'os ». Je rigole de cette blague d'un vieux film, et je sais qu'elle souffre de contractures tant elle a bandé son cou. Elle est au bord du choc nerveux et sanglote doucement. Lorsqu'elle me voit reprendre la badine, elle me supplie doucement « non, monsieur, non ».
« Et si nous reprenions notre traduction ? Il faudrait si peu de chose pour me faire plaisir et que je vous relâche ? ? ». Oh, une lueur d'espoir dans son regard, petite flamme que je vais m'empresser de nourrir et de revigorer.
Il est temps de me changer. Quand je reviens dans la pièce, j'ai revêtu l'uniforme d'un carabinier napolitain d'avant guerre, avec son bicorne surmonté d'une plume d'autruche, les bandes molletonnées rouge sang de boeuf les galons blancs et la ceinture en bandoulière. Je pose un monocle d'officier sur mon nez en lissant avantageusement ma moustache en crocs.
Elle me regarde, l'horreur et le rire se disputent le droit de franchir ses lèvres, et dans un sens, elle est rassurée, ce qui n'en est que meilleur.
J'abaisse les chaînes pour que le lutrin soit à hauteur de ses yeux.
« Alors, Gina, comment traduirions-nous ça - il n' y avait plus qu'un coup de fouet à donner et Mbane en asséna un bon ? ? ? ».
Elle reprend espoir avec cette petite phrase facile, heureuse de me satisfaire sur l'instant, et articule clairement :
« One more lash remained and Mbane made it a good one »
« Bien, Gina, bien, tu es une bonne fille, continue... « . Je viens de passer derrière elle, mes mains ont empoigné ses fesses douloureuses...
»Et maintenant- qui dessina une coupure profonde autour des bouts de seins et tortura les mamelles rouges et dures qui pointaient ».
Je me suis défait et même si elle s'attend au viol depuis le début, elle a sursauté lorsque mon gland a commencé d'effleurer comme s'il hésitait ses orifices. Elle doit se demander lequel vaut mieux, le plus douloureux ou celui qu'elle ne veut pas partager. Mon ventre retombe sur ses fesses, ma main a filé entre ses cuisses, avide, à la recherche de son clitoris. Elle souffle fortement lorsque mon doigt le rencontre, et commence à transpirer. Je prolonge longuement jusqu'à la faire presque venir malgré ses soubresauts de révulsion puis m'arrête d'un seul coup.
« Gina, Gina, nous attendons ».  « Well ». Elle reprend son souffle  »A harsh whistling cut OOOOOh »
Je me suis enfoncé brutalement entre ses lèvres desserrées. Je la tiens par les seins et l'empale plusieurs fois sans effort en la balançant. Elle ne savait pas qu'elle pourrait jouir aussi vite à son corps défendant malgré l'horreur de la situation. Elle est encore davantage humiliée. Elle pleure doucement.
Je me dégage brutalement et me refroque dans son dos. Ma main a saisi un fouet de bouvier et je l'agite dans son dos.
« Gina, Gina, je suis très mécontent !? ? ? D'abord, on vole notre brave curé pendant la messe ? Ensuite, tentative de corruption de fonctionnaire ? Tout ceci mérite une petite leçon ! ! « Je brandis haut un index accusateur « Le fouet n'épargnera aucune zone de ce corps coupable ! ! ! » 
Je le fais claquer une fois devant ses yeux atterrés, je veux qu'elle perçoive son poids, la consistance du cuir qui va cingler sa féminité dans un dialogue charnel que je peux prolonger à volonté.
Les épaules d'abord, je veux les voir s'affaisser. Je cingle le sol à toute volée « SCHWAAAKT ».
Elle s'est d'abord redressé sous le premier coup, tout son corps s'est cambré, elle a simplement hurlé « aaaaaaaaahhhhhh ». Quand je fouette de nouveau le sol, j'ai le plaisir de la voir frémir, elle reprend son souffle « non, non, s'il vous plait, on peut s'entendre, je ne dirAI RIEN A PERSONNE » J'ai attendu qu'elle finisse avant de projeter mon bras en arrière et de le détendre de toutes mes forces :
« SCHWACKT » « YYYYYYYYYAAAAAAAAAAAAAH ».
Oh oui, tu as mal, je sais, le coup a été bref, mais si intense que la coupure saigne d'une épaule à l'autre, un joli coup, ma foi. Elle sanglote bruyamment.
« Nous avons dit combien de coups, cette fois ? Oh, j'ai oublié, tant pis, ça ne compte pas ». Je repasse devant elle. J'essuie ses larmes. Je lui souris. Elle ne peut pas croire que je vais continuer quand je m'écarte. Elle hurle avant le coup « NOOOOOOOON ».
« SCHLAAAAACK ». J'ai frappé en travers, sur les fesses, une belle marque qui tranche sur les autres boursouflures. Je reviens face à elle « Alors, on commence à compter ? Jusqu'à quel chiffre ? » « Cin....CINQ, mon...mon ...monsieur ».
« Pauvre, pauvre petite fille effrayée, allons, soyons sérieux, disons dix ? ».
Je frappe les cinq premiers coups dans une succession très rapide, je vise la chatte, les fesses de nouveau, les seins –elle claque des dents-, les épaules encore. Tout son corps la cuit, elle ne peut pas reprendre son souffle. Je fais maintenant une pause, car aucun endroit de son corps ne pourra supporter le prochain coup. Je tourne autour d'elle en faisant claquer mon fouet comme un dompteur. Elle a senti que mon bras se levait et toute sa chair se recroqueville. « SIX ! ». J'ai trouvé ses grandes lèvres juteuses et bafouées, je les barre de ma griffe. « SEPT ». Le ventre légèrement incurvé s'est bandé à l'extrême, demeure la balafre. « AAAAAAAAH, ah, ah, ah ». Elle pleure de longs sanglots de révolte, mais ce n'est que de la chair châtiée qui se rebelle ». « Arrêtez , par pitié, arrêteeeeeez ».
« HUIT ». Les épaules, au centre, sur les os, le derme éclate. « AAAIIIIIIIIIIIEEEEE ». Je me tiens sur le côté, et ce ne peut être que pour capturer ses mamelles au bout de mon lasso. Elle le sait et elle tente spasmodiquement de rentrer sa poitrine. Je frappe en travers la base de ses seins « OUUUUCH », les pointes ont presque touché son menton tandis que ses glandes amortissaient l'impact. La lanière a donné l'impression d'être absorbée par le coussin de chair. Je veux vérifier cette extraordinaire illusion d'optique, je recommence tout de suite « NEUF » Le sifflement se noie dans son « NOOOOOOOON » de pure agonie. Incroyable. Je termine à regrets par ses fesses pour la laisser récupérer.
Le temps est venu d'une première injection d'un tonicardiaque. Elle n'a pas senti la piqûre dans son bras, j'ai eu du mal à trouver sa veine.
Les larmes et la suffocation submergent sa voix lorsqu'elle reprend enfin » Je vous....EN PRIE, laissez-moi partir ». Quand elle relève la tête, eh, eh, surprise, Bernardo Gui se tient devant elle.
Je baisse la capuche de ma robe de Grand Inquisiteur, et je vois qu'elle panique complètement, car elle commence à comprendre la relation entre ma tenue et les châtiments qu'elle doit subir.
« Esmeralda, Esmeralda, avoue que ta chèvre et toi avez connu charnellement le grand bouc ? AVOUE que tu as commerce avec Belzébuth ! Avoue, soulage ta conscience et donne le nom des autres sorcières qui t'accompagnent au Sabbat ! ! ! ! ». « Vous....vous êtes complètement fou......maman, maman, j'ai peur, j'ai si peur ».
Je me suis emparé des deux tenailles qui étaient réservées sur un établi proche, avec d'autres matériels.
Je pince la base de ses tétons. Comme la peau est douce quand je la rassemble entre mes doigts avant de refermer les mâchoires des tenailles. J'y vais progressivement - lambeaux de peau qui rougissent sous des pressions légères. Le poids des seins dans mes paumes et l'érection des pointes raidies par la peur me font douloureusement bander. Je contrôle ses spasmes délicats, elle s'attend à juste titre à souffrir beaucoup plus dans quelques instants et elle cherche à préserver ses forces. Les veines bleu-vert forment un entrelacs qui souligne la fragilité de ces pis épanouis. Les mords ont mâché d'autres zones pour souligner leur relief. Festin de roi, les aréoles, que j'agace par petites pressions. Ma main file à nouveau vers sa fourche. Je la masturbe encore d'une main. Lorsqu'elle vient en serrant les cuisses, je serre la pince avec la même force sur son bout de sein. « ooooooooaaaaaaaaaah ......AAAAAAAAAAAAAH». La tenaille tourne et retourne sans desserrer son emprise. « ASSEEEEEEEEZ , ASSEEEEEEEEEZ, faites moi ce que voulez, arrêteeeeeeeeeez ». J'attendais son invitation. Je la laisse pantelante, épuisée, pendant que je me défais. J'attends encore un peu, elle pourrait me mordre sans le vouloir dans son état. Au bout de quelques instants, je présente mon gland suintant de liqueur séminale sous son nez. « Tu peux encore échapper à ton juste châtiment en recueillant la sainte semence. Tu disposes de dix minutes, pas une seconde de plus ».
Elle ouvre la bouche, mais je me recule, elle ne peut que m'effleurer avec sa langue. Elle réalise que je resterai maître de ma jouissance, offrant et dérobant mon membre à volonté. Je présente à nouveau la pointe de mon gland , dont elle s'acharne à parcourir très vite le filet de sa langue dardée.
« LICK MY PRECUM, BITCH ».
Dieu, que c'est bon tant elle va vite, je me recule pour récupérer. J'avance à nouveau et vicieusement je m'enfonce brutalement. Elle s'étouffe mais essaie comiquement de pomper de toutes les forces qui lui restent en même temps. Elle tousse et s'étrangle, je la regarde en souriant « Le temps passe, Esmeralda, le temps passe... ».
Elle ouvre une bouche qui supplie de m'accueillir à nouveau. Bon garçon, je lui laisse une deuxième chance. A cette distance, elle doit allonger considérablement sa langue pour effleurer mon méat. Comme elle ne peut rien contrôler, elle a pris le parti de laisser sortie sa langue le plus loin possible, et c'est moi maintenant qui fais glisser ma verge à volonté sur ce tapis chaud et humide. Je ralentis mon rythme pour laisser une profonde jouissance sourdre de mes couilles. « Prends, et ne laisse pas perdre une seule goutte du divin liquide ». Je laisse les premières gouttes gicler entre ses lèvres, puis j'enfonce mes contractions qui durcissent encore mon pénis au fond de sa gorge. Elle n'ose pas cracher, mais émet de curieux bruits. Elle se reprend et aspire fortement pour me drainer. De peur de laisser échapper le moindre filet, sa langue s'enroule autour de mon prépuce en même temps qu'elle pompe. Je m'enfonce une dernière fois « AAAAAAH ! Vade retro, Satanas, tu es bien possédée par le malin pour m'avoir sucée aussi habilement ». Je me rejette en arrière en la giflant brutalement.
Je reprends une voix normale et pose le doigt sur mon texte :
« Allez, reprenons, traduisez, jeune fille ». J'essuie son visage mouillé et ôte les mèches de ses yeux. Elle semble réfléchir intensément et se lance timidement :
« that bisected...... the aching nude nipples........... and tortured the hard red teats jutting....jutting from their centers ». Elle rentre la tête comme si elle appréhendait une autre gifle.
Je me penche pour hurler en postillonnant à ses oreilles « EXCELLENT ! Vous voyez que je suis parvenu à faire de vous une vraie traductrice ». Elle est d'abord heureuse et surprise, ou plutôt le contraire, puis très vite elle appréhende la suite. Je la regarde sans rien dire, une autre seringue à la main. « Qu'est ce que....qu'est ce que vous allez faire de moi ? »
« Moi ? rien du tout ma chérie, mais lui...hummm. ». Cette fois, je la pique dans la cuisse, et je disparais dans son dos.
Quand je reviens, elle identifie tout de suite la gégéne, même si elle n'en a jamais vu, simplement parce qu'elle a reconnu mon uniforme de para –béret, rangers, treillis. Elle essaie dans sa pauvre tête confuse de se souvenir de ce qu'on faisait aux femmes en Algérie, refusant le pire.
Je caresse son dos parfait, la courbe arrondie de la naissance de sa croupe. Elle me laisse passivement fixer les électrodes sur ses bouts de sein. Mes doigts farfouillent un peu, son clitoris a beau être proéminent, il glisse. Je jure. Je le tiens enfin. La pince crocodile happe fermement le bout de chair rose. J'en ajoute deux autres pour faire bonne mesure sur ses grandes lèvres. Les poils vont-ils cramer... ? ? ?
Je sangle ma graisse et claque les talons de mes rangers impeccablement cirées sous son nez :
« Farida, Farida....je suis très en colère...y a plein de braves petits gars en train de se faire buter par les fells et tu t'obstines à te taire. ». Je m'assois à côté de la gégéne, et je tourne lentement la manivelle, juste pour lui faire goûter la sauce. Elle se cambre déjà en gémissant. Pas de doute, ils savaient y faire, nos héros. Je parviens vite à ajuster durée et intensité, salves brèves qui tétanisent les mâchoires, yeux exorbités, cheveux dressés, corps désaxé puis pantelant quand j'arrête. Oui, sa chatte a cramé un bref instant. »NNNNNNNNhhhhhh ».
Elle bave du sang depuis qu'elle s'est mordu.
Je la laisse reposer un instant. Mes doigts parcourent sa peau hérissée baignée par la sueur. Je la caresse pour l'apaiser « Allez, sois une bonne fifille, c'est où la mechta où se cache Abdel ? « . Elle relève un regard où la folie a commencé de se déposer. Elle est trop épuisée pour gémir. Un discours organisé pour faire appel à mon humanité ? Elle est maintenant à mille lieues de ce raisonnement, chair inerte, docile, brisée.
Il est temps de la réveiller avec une troisième injection.
Elle souffre beaucoup, membres étirés et contraints, brûlures électriques, hématomes violacés sur les seins déformés, fesses et dos presque hachés par le fouet. Les contractures musculaires dessinent des vagues sur son dos. J'allume mon cigare et expire une bouffée en plein dans son visage « La fumée ne vous dérange pas, j'espère ? « . Elle tousse affreusement. « Oh pardon, je ne voulais pas être impoli ». J'aspire une nouvelle bouffée et rejette la fumée sur le côté. Je pose le bout incandescent sur la base du sein que je maintiens fortement.
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHH ».
« C'est mieux comme ça ? Non ? Vous êtes vraiment difficile...Comment je fais pour travailler, moi, hein ? ».
Comme ses seins sont lourds et souples. Je les traque pendant qu'elle remue de toutes ses forces pour tourner son buste sur le côté. Je le tiens. Nouvelle bouffée. Le grain magique de sa peau grésille un court instant. Une autre cloque. Epave de chair brûlée. Ampoules crevées. Sanies de fluides et de sang. Gémissements inarticulés dans une gorge râpée. Grandes lèvres parsemées de tâches noires qui mènent inexorablement à son clitoris. Odeur épouvantable de peau racornie et de poils consumés. Je tire deux ou trois longues bouffées. Je lui montre le bout incandescent.
« Si on mettait un peu le feu au con, hein ? ». Je le presse longuement sur son clitoris. Hurlement démentiel coupé par l'évanouissement.
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHH ».Seau d'eau dans la figure. Un coup de gégéne pour la réveiller en profitant de la conductivité de l'eau. Cigare qui grésille sur la peau mouillée. 
Je suce longuement les bouts de sein pour les ériger. Cigare qui grésille encore sur la peau mouillée. Longue bouffée. Fin des mamelons. Je fais sauter un œil avec mon poignard de commando. Je m'astique quelques instants et enfonce mon membre dans l'orbite sanguinolente.
« Et maintenant, je vais te faire rentrer dans la tête ce qu'une bite veut dire »
Elle est morte.
Je range soigneusement mon matériel dans deux cantines que je hisse dans le coffre de mon break.
Je sors de la maison. Je referme soigneusement le portail du petit pavillon de chasse. Quelques minutes me suffisent pour arriver en ville. Je gare ma voiture devant une petite librairie.
« Bonjour. Vous avez un annonceur ? Oui ? Ah, tout à fait... celui là, pour les annonces immobilières, il est très bien ». 
Juste à la sortie de la ville, je m'arrête et coche rapidement une annonce :
« A louer pour vos WE. Maison de campagne en pleine forêt avec belles dépendances.15 km de la gare. Calme et retiré. Loyer selon saisons ». 

                                                                       

#3
Et donc, la suite de la deuxième partie :
Devant les cafés, les métiers humbles s'étaient rassemblés, artisans bourreliers, employés aux écritures, garçons de ferme. Sans aucun sentiment de revanche sociale ni d'affirmation de leurs opinions anticléricales, d'ailleurs plusieurs parmi eux soulèveraient tout à l'heure les cercueils d'Adèle et Amandine dont Victor et moi avions ramené les corps.
L'homélie du prêtre était pathétique, c'est lui qui avait tenu à ce que l'enterrement soit très rapide compte tenu de l'état des corps. Avec une grande pudeur, il avait dit le minimum pendant la messe, mais le rapport des gendarmes était sur toutes les lèvres, et lorsque Jean franchit le caquetoir pour partager la douleur de la foule immense qui débordait des travées, il fut surpris d'une telle affliction. Toutes les femmes sanglotaient, et même les notaires, les fermiers, les commerçants offraient un visage aussi bouleversé que la déploration des servantes du Christ dans le tableau qui surmontait la poutre de gloire entre le chœur et la nef.

FRANCE. VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914

Les exécutions commençaient à 9 heures du matin sur la place du village.
Roland s'était réveillé en sursaut dès 5 heures, un mauvais goût dans la bouche et des frissons qui secouaient sa grande carcasse.
A sept heures, il se leva péniblement, lassé par le chant du coq qui appelait à une belle journée.
Le café au lait était amer, les tartines de pain beurrées mais insipides lui soulevaient le cœur. Il aurait mieux fait de se recoucher, pensa-t-il un court instant dans son hébétude. Il l'aurait peut-être fait dans sa résignation fataliste de quinquagénaire si le premier de la liste n'avait pas été Adolphe. Le souvenir des pleurs de l'enfant arraché à ses parents fous de douleur le souleva à moitié de sa chaise. Il finit par émerger péniblement de ses cauchemars en renouant maladroitement sa robe de chambre.
La tante de Marie-Jeanne se tenait près de la porte, à surveiller la cour comme un fidèle chien de garde. Elle savait que Roland allait tenter quelque chose. Pour ne pas le troubler, elle ne dit pas un mot de l'arrestation de ma bien-aimée.
Mon père remonta dans sa chambre d'un pas de plus en plus ferme, comme un homme d'action qui a pris sa décision.
Au bout de la chambre, il s'accroupit derrière son lit et dévissa deux planches.
Il avait maintenant accès dans l'un des greniers de la ferme qui communiquaient avec ses propres appartements.
Par une trappe, il redescendit avec un luxe de précautions dans sa chambre, et referma silencieusement la porte entrebâillée.
Il s'assit d'abord devant son bureau pour rédiger d'une plume pressée plusieurs lettres, dont son testament.
Puis, il ouvrit une malle de marin après en avoir ajusté les charnières en cuir.
Il contempla quelques instants les morceaux épars de sa vie et dégagea les affaires enfouies tout au fond de sa mémoire, les traces d'un passé d'un autre temps et d'un autre monde. Il posa d'abord doucement le Mauser sur une console basse, puis il sortit un pantalon, une boussole, une paire de bottes, une curieuse veste et une casquette. Il les regarda longtemps, et ses yeux allaient aussi à la rencontre d'un miroir pour apprécier d'un regard sarcastique les ravages du temps sur ses tempes ridées où des tâches brunes étaient apparues l'hiver dernier. Il se releva au bout de quelques instants pour prendre un jeu de cartes dans le tiroir d'une commode. Il se rassit et battit les cartes avec souplesse pour s'échauffer, croisant et recroisant les deux moitiés avec l'aisance d'un croupier. Puis il posa soudainement deux cartes debout, appuyées l'une contre l'autre. Il disposa côte à côte plusieurs séries de paquets pour constituer la base du fragile édifice. Une demi-heure plus tard, le château de cinquante deux cartes se dressait fièrement au centre de la table. Roland caressa sa longue moustache grise avec le brin de forfanterie qu'il convenait lorsqu'on réussissait l'exercice préféré des pistoleros mexicains.
Alors seulement rassuré sur ses capacités intactes, il se redressa pour se peigner et s'habiller, sans oublier de ceindre l'écharpe tricolore qu'il avait ramenée de la mairie.
Il descendit les marches polies du grand escalier central du corps de ferme, et s'arrêta devant la salle à manger qui bruissait.
Son regard fiévreux embrassa très vite toute la scène.
A gauche, deux hussards, le shako à leurs pieds, étaient affalés mollement sur notre canapé en merisier, en train de jouer aux échecs avec le jeu qu'il m'avait sculpté dans du buis  pour mes quatorze ans. Rien que pour cela, il se prit à les haïr encore davantage.
Un uhlan retranscrivait sur un bloc les ordres de deux hussards penchés sur une carte d'état major. Une main appuyée sur une vitre du bow-window, le tzin avait le dos tourné, face à la cour, il semblait défier la tante de Marie-Jeanne dans la même position de sentinelle.
Juste devant lui, un autre uhlan montait la garde.
Le casque à pointe sursauta en reconnaissant mon père, et sans le prestige de l'écharpe tricolore, il ne se serait peut-être pas écarté.
Le maire semblait plus grand, vêtu d'une antique casquette réglementaire de capitaine de l'armée française. Il portait un demi-manteau de flanelle noire en queue de pie, qui retombait à mi-cuisses sur un pantalon de serge bleue, un pantalon d'artisan, qui recouvrait d'authentiques bottes d'uhlan perdues à Sedan.
En reculant maladroitement, le soldat accrocha un guéridon et fit tomber un vase. Tous les boches relevèrent la tête.
Von Hentzau comprit bien avant les autres en face de qui ils se trouvaient. Un mince sourire élargit sa mâchoire reptilienne :
" Alors, cher ami, on est venu soulager sa conscience...Eh bien ce n'est pas si difficile que ça, après tout ? ".
Les soldats étaient interloqués par la métamorphose du vieillard. Le garde se rapprocha instinctivement du tzin. Certains ouvrirent comiquement la bouche, avant de déglutir rapidement leur salive lorsque Roland releva le bord de son manteau. Le Mauser 96 brillait d'un éclat magique dans le hall où le soleil du petit matin s'était lové. Son étui en bois de santal luisait de cire, et le geste vif de Roland pour le révéler alarma brusquement ces hommes d'armes.
" "C'est ça que tu cherches, espèce de pourriture de tzin ?".
Seul le lieutenant Manfred Von Ritterschein comprit les paroles du français, qu'il prit pour une insulte. Les soldats échangèrent un regard entendu. A sept contre un vieillard, ils ne se pressaient pas pour empoigner leur lugers.
Von Hentzau faillit crier sa rage devant leur stupidité, mais il n'était plus temps de leur expliquer à quel point leur adversaire était dangereux et rompu à cette situation. Ils furent soudain cloués sur place par un sifflement, tempo bas, tempo haut, qui évoquait un crotale prêt à mordre.
Tout le monde semblait hypnotisé par la mélopée sauvage inlassablement sifflée par Roland. Un changement de tonalité alerta brutalement les allemands. A la dernière note, ils dégainèrent tous les sept ensemble, mais Roland maîtrisait le temps. Ce tempo d'avance le vit rouler à terre tandis que par magie l'arme d'un autre monde avait surgi dans sa main, extraite de son incroyable holster en bois accroché dans la doublure de sa veste.
Le tzin avait cherché à se protéger d'abord, et il fit pivoter le uhlan pour qu'il forme un rempart de son corps, avec pour résultat de l'empêcher d'épauler son fusil. Il prit en pleine tête la balle destinée au tzin qui s'accroupit lentement avec son bouclier humain. Roland roula à terre en lâchant deux salves en direction du canapé au cuir couleur de miel, doigt bloqué sur la détente. Aucun soldat n'avait encore eu le temps de tirer. Le uhlan épaula enfin son fusil, et les deux derniers hussards renversèrent la grande table de la salle à manger. En bout de course, Roland se mit souplement à genoux et tira en même temps que le lancier. Les balles militaires se saluèrent sèchement en se croisant, mais seul le boche s'effondra. Roland ne perdit pas un millième de seconde à examiner sa casquette crevée et il projeta de ses jambes le canapé avec ses deux cadavres sur l'angle de la table. Lorsqu'elle pivota, le hussard brutalement découvert pointa son luger et pivota sur ses genoux, très vite, mais pas assez pour échapper à la balle de 9 mm qui explosa sous son plexus.
De l'autre côté de la table, Von Ritterschein venait de réaliser, au-delà de tout entendement, que le vieillard qu'il avait souffleté la veille avait été capable de tuer ses frères d'armes. Il retint son souffle et passa son arme au-dessus de la table en vidant son chargeur. Il avait fait sous lui, tant il avait été suffoqué par la brutale explosion de violence.
" Alors, saloperie de boche, t'es moins fier maintenant, et ça se sent, hein ? "
Les deux hommes reprenaient leur souffle, mais Roland agit le premier, car le temps lui était compté. Il engagea rapidement un nouveau chargeur, et visa brusquement le lustre qui pendait au-dessus du hussard. Lorsque les éclats de verre arrosèrent le visage convulsé de rage et de terreur, le grand hussard se redressa en arrosant le canapé d'une salve aveugle. Puis Roland jaillit à un bout du canapé, à moins de deux mètres, et tira deux balles au front de bas en haut.

FRANCE. ETREPILLY. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

Je n'eus pas le temps de m'expliquer avec Jean de Saint Marc. Une estafette courait dans le village pour mobiliser tous les hommes valides. Une escouade de chleuhs était en vue du cimetière. Jean m'intima l'ordre de l'attendre au café le plus longtemps possible, et il courut à son tour vers les bivouacs. Dans un bosquet proche de la route, à la sortie du bourg, quelques troufions avaient élu domicile au-dessus d'un fossé qui tenait lieu de feuillées de fortune. Certains avaient pris soin de se munir de racloirs en bois, car le papier était rare et chichement compté.
La section commandée par Jean de Saint Marc était composée d'étudiants des Beaux-Arts, sa mission étant bien sûr de composer les camouflages des matériels d'artillerie, engins mobiles et tentes d'état-major.
Deux peintres égarés et amoureux de la nature remballèrent promptement leur chevalet,  tandis que d'autres rengainaient leur coupe-choux sans s'être rasé complètement. Plus ou moins dépenaillée, la section d'intellectuels, dont c'était le baptême du feu, se précipita en désordre vers le cimetière. Certains se rhabillaient en courant, tous tentaient de suivre les gendarmes qui les guidaient. En file indienne, les coureurs longeaient la forêt proche d'environ six cent mètres lorsque qu'une salve sèche partit du bosquet de fougères, couchant à terre une dizaine d'hommes.
Le fossé dans lequel plongèrent les survivants n'était pas busé, et ils pataugèrent quelques instants avant de retrouver leur équilibre et pouvoir riposter. Les têtes dépassaient craintivement, et lorsque Jean de Saint Marc, parvenu bien seul aux portes du cimetière, les héla, aucun n'eut le courage de se redresser. A la sortie du bourg, derrière le château d'eau, une petite troupe commençait de se masser. Alors, une mitrailleuse Maxim fit trépider son mortel staccato. Lorsque les balles miaulèrent devant les bottes des fantassins, il apparut préférable de se mettre hors de portée de la mitrailleuse, quitte à essuyer une fusillade en règle.

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LE MATIN DU 30 JUIN 1896.

Deux hommes blancs avaient rejoint le Tzin. Des seringueiros, des chercheurs d'or prêts à vendre leur âme au diable et leur colt aux grands propriétaires terriens. Ils étaient manifestement à ses ordres, et les jivaros leur manifestaient de la déférence. Ce furent eux qui suggérèrent au mutant l'ultime supplice de Charlotte Corday.
Sur leur ordre, quatre solides sauvages pénétrèrent dans l'hacienda pour en ressortir quelques minutes plus tard porteurs d'un immense chaudron et de son trépied.
Pendant ce temps, Charlotte avait été de nouveau ligotée, bras et jambes rassemblés derrière le dos, elle pendait maintenant à un peu plus d'un mètre du sol, face contre terre, en se balançant doucement telle une araignée au bout de son fil.
Elle poussa un hurlement de terreur quand les femmes rassemblèrent sous son ventre des brindilles, des branchages, et enfin posèrent dessus deux ou trois grosses bûches. Elle poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle vit les jivaros reposer sur le petit foyer le trépied, puis le tzin assujettir sur le socle en fer le grand chaudron en fonte. Son répit fut de courte durée lorsqu'elle réalisa que les jivaros formaient une chaîne pour prélever de l'eau dans le fleuve avec des grandes calebasses. Sans même attendre que le chaudron ait été rempli, le tzin avait posé une torche sur le bois sec qui s'enflamma aussitôt. D'âcres fumées piquèrent aussitôt la gorge et le nez de la jeune aristocrate, dont les muqueuses étaient accoutumées à des parfums plus délicats. Elle pleura en toussotant, sans que ses larmes interrompent pour autant la sinistre besogne des sauvages. Les volutes de fumée s'anéantirent tandis que la braise gagnait, et ce fut le moment que choisirent les seringueiros pour apporter d'autres branches en riant, avec leur mauvais accent espagnol. La voluptueuse poitrine gigotait sans discontinuer tandis que sa propriétaire se trémoussait en tous sens pour échapper aux vagues de chaleur qui montaient. Ce n'était rien pourtant, ainsi que le savaient les blancs qui avaient inventé l'affreuse torture dont les seins ébouillantés n'étaient qu'un prélude. Tous s'assirent pour savourer tranquillement le spectacle. En vérité, Charlotte accueillit d'abord avec reconnaissance les bienfaits des vapeurs tièdes qui réhydrataient sa gorge et son nez, et ses soubresauts s'apaisèrent un instant. Petit à petit, une étrange suffocation la gagna de nouveau tandis que ses lourdes mamelles commençaient de chauffer imperceptiblement. Elle posa les yeux sur ses pointes de sein en forçant sur son cou et discerna tout de suite une rougeur écarlate semblable à un coup de soleil. Le mal n'était pas bien grand pour l'instant, et elle se força à en sourire. Son sourire s'effaça lorsqu'elle vit les démons au teint basané, aux grandes moustaches effilées, se relever pour rapporter chacun un petit tronc d'arbre.
" Oh, non " hurla-t-elle "Arrêtez, ça suffit comme ça, vous allez me brûler ! ! ! ".
Le tzin répartit, goguenard " Mais c'est exactement ce que nous voulons, jeune fille... " et il ajouta à la cantonade " sauf si ton chevalier servant nous donne ce que nous voulons ". La peau de lézard du mutant se plissait bizarrement lorsqu'il souriait, mais personne ne trouvait cela drôle, tant la force physique du tzin avait sidéré tout le monde lorsqu'il avait posé seul et sans effort apparent l'énorme chaudron.     
Le feu se mit à ronfler avec une vigueur accrue, tandis que les seringueiros se saisissaient avec dextérité d'un tison pour allumer leurs cigares. Cette fois, la vapeur surchauffée monta beaucoup plus vite, nimbant le beau corps tourmenté d'un halo fantomatique.
Charlotte pleurait et sanglotait tout à la fois, cambrant ses muscles fessiers pour donner une impulsion qui lui permettrait de se balancer et de soustraire à la morsure des langues de fumée ses tétons qui se balançaient rythmiquement. Elle supplia jusqu'à perdre la raison et la voix que l'on arrête l'effroyable supplice, en vain bien sûr.
La peau était devenue très rouge, très vite, et les adorables mamelons pleins et bien dessinés s'étaient rétractés comme un boudin dans son jus de cuisson. Les cannibales salivaient par anticipation devant le festin qu'ils espéraient leur voir servi.
Charlotte poussait maintenant des hurlements démentiels qui vrillaient les oreilles du pistolero, car les larges aréoles roses qui mangeaient le devant de ses seins avaient pris une vilaine couleur grise. Les mamelles écarlates, gorgées de vapeur d'eau et diminuées d'autant de chair, ballottaient avec moins de souplesse qu'auparavant. Elles réagirent comme un ballon de rugby un jour de pluie à Twickenham sous la palpation des doigts gantés du tzin.
" La viande est prête " annonça-t-il en éclatant de rire.


FRANCE. VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914

La section était presque complètement rassemblée à l'intérieur du cimetière. Les hommes achevèrent de se rhabiller avec ce qu'ils pouvaient, et sans attendre les ordres, ils se dispersèrent le long des murs quadrangulaires. Les cinquante hommes étaient inégalement répartis le long des murs, pour faire face à la forêt. Un grand hurlement provenant de centaines de poitrines jaillit des fourrés, et à quatre cent mètres devant eux, les allemands chargèrent à la baïonnette depuis l'extrémité la plus rapprochée du bois de Varinfroy. Sitôt jaillis du bois, les fantassins s'alignaient pour offrir une cible plus dispersée qui eut fait le bonheur d'une mitrailleuse que la jeune section n'avait pas emmenée.
J'étais monté dans le clocher de l'église pour suivre le combat.

FRANCE. ETREPILLY. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.
 
Sur les talons du Tzin qui avait défoncé le bow-window à coups de bottes pour s'extraire du piège mortel, Roland contempla stupéfait les bonds de six mètres que venait de réaliser sous ses yeux le mutant pour traverser la cour.
C'est la première fois qu'il assistait lui-même aux exploits physiques d'un tzin, et il n'eut pas le temps de dire " non " ou de tirer lorsque la tante de Marie-Jeanne s'effondra lentement sous ses yeux, décapitée par le coup de sabre que la créature avait décoché en retombant d'une de ses gigantesques foulées.
Puis Von Hentzau disparut sous le pigeonnier-porche cylindrique, laissant une courte seconde de silence absolu reposer comme un étau dans la première cour de la ferme. Roland ne s'arrêta pas devant le cadavre, même si ses larmes avaient jailli un court instant. Lorsqu'il passa la tête au delà du porche, une fusillade nourrie l'accueillit, faisant éclater de larges copeaux de pierre de Varreddes qui le cinglèrent durement.
Mon père prit l'escalier qui montait à l'intérieur du pigeonnier-porche et s'effondra, le souffle coupé par sa course et les émotions intenses de ces dernières secondes. A l'extérieur, les salves se succédèrent à intervalles réguliers, les lucarnes d'envol en forme d'œil de bœuf constituaient les seules ouvertures massivement visibles, et les uhlans les prenaient stupidement pour cible. Ils cessèrent de gaspiller des cartouches sur un ordre guttural du tzin, et Roland entendit une cavalcade de bottes se précipiter sur les pavés de la cour.
Il saisit le premier barreau de l'échelle circulaire et la gravit très vite. Par de rapides pressions des mains sur les trous de boulins, il lui fit parcourir une petite révolution pour se trouver devant la première lucarne d'envol, juste sous le lanternon en grès qui faisait de la ferme le phare de ce petit plateau briard . Des pigeons affolés d'être dénichés rejoignirent ceux qui voletaient en tous sens, chassés par les ricochets des balles allemandes. Malgré les plumes et les roucoulements stridents, Roland entrevit une petite colonne qui courait précipitamment sous les avancées charpentées. Le chargeur plein du Mauser coucha les cinq premiers uhlans tandis que les suivants refluaient en jurant. Roland donna alors un grand coup de pied dans l'embrasure de la fenêtre pour repartir en sens inverse et se retrouver face à la seconde lucarne. Prévenus par la fusillade, les uhlans de la colonne qui remontait la cour sous le préau face aux avancées charpentées avaient redressé leurs fusils. Lorsque l'arme meurtrière pointa son canon court au-dessus du rebord de la lucarne, la colonne n'eut pas le temps de refluer, et les maigres coups de feu hâtivement tirés n'opposèrent qu'une faible résistance à la salve tirée en position automatique qui coucha la moitié de la file indienne, certains traversés par la même balle.
Les chleuhs calmés pour de longues heures, Roland redescendit tranquillement. Il s'assit sur un tonneau de cidre et chercha quelque chose à manger, le ventre creusé par l'énergie folle qu'il venait de dépenser. Quelques œufs crus de pigeon et du lait caillé de brebis lui composèrent un petit festin. Epuisé mais heureux d'avoir détourné l'attention du tzin et sauvé les otages, Roland voulut somnoler quelques secondes.

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LE 30 JUIN 1896 A MIDI.

Les cannibales redressèrent Charlotte et écartèrent le chaudron fumant après avoir dispersé les braises. La volumineuse poitrine de l'admirable héroïne avait imperceptiblement rétréci, mais le plus frappant était la flaccidité des chairs d'un brun rougeâtre. Après l'avoir solidement ligotée debout sur ses jambes, les chevilles étirées par des lianes fixées à des piquets et les bras douloureusement étirés en l'air, des femmes jivaros babillaient joyeusement en soulevant les seins gorgés de vapeur et en tirant la peau molle et cuite qui ne revenait pas en place. Charlotte était virtuellement incohérente hors de rares plaintes. Elle leva à grand peine des yeux morts lorsque le tzin fit face au corps pantelant. Il brandit sous ses yeux un bowie-knife et un court instant, Charlotte espéra que c'en était fini de son atroce châtiment :
" Oh, oui, tuez-moi maintenant, je vous en supplie, merci ". Le tzin ne répondit pas et se contenta de lever son couteau à la large lame parfaitement affûtée. Charlotte ferma les yeux avant de les rouvrir en poussant un horrible hurlement. Le fil aiguisé comme un rasoir avait profondément dessiné deux longue entailles tout le long de ses pauvres tétons recuits. Le tzin se recula un peu pour apprécier la rectitude des incisions circulaires. Satisfait de son œuvre, il se rapprocha et entreprit de labourer profondément les mamelles secouées de spasmes par un réseau d'entailles perpendiculaires aux premières coupures, qui convergeaient vers les aréoles soigneusement préservées.
En dépit des hurlement animaux de la jeune femme, les seins lourds mais défraîchis furent rapidement striés de sanglantes incisions.
Le tzin rangea son instrument de supplice dans sa gaine et saisit entre deux ongles aussi longs que durs le rebord à vif de l'épiderme qui apparaissait à la naissance des entailles circulaires. Quand sa prise fut solidement assujettie au prix d'un grognement de la jeune aristocrate, il la fixa dans les yeux un court instant pour être certain qu'elle réalise par anticipation le nouveau supplice réservé à ses opulentes mamelles. Il rencontra un regard de folie complété par un :
" NON, pas çaaaaaaaaaaaaaaa ".
Le tzin tira d'un coup sec d'abord, puis plus lentement lorsqu'il constata que la bande de peau cuite venait sans effort particulier. Malgré la cuisson, des macules rouges accompagnaient l'effroyable mutilation. Le tzin tira jusqu'à ce que le lambeau de chair rencontre le contour légèrement nacré de l'aréole. Il laissa alors retomber sur le mamelon le morceau de peau avant de concentrer ses efforts sur une nouvelle pelure. Les cannibales affichèrent à l'unisson une rangée de dents cruellement limées à angles vifs au spectacle de la chair rose à point. 
Les bandes de peau retombaient sur la poitrine ou le ventre au gré de la fantaisie du monstre, chutes accompagnées par des hurlements de douleur incoercible auxquels succédaient de longs gémissements qui arrachaient des sanglots au pistolero. Puis, la poitrine de la jeune femme devint deux fleurs monstrueuses, deux dahlias au charme rose et vénéneux, dont les pétales laissaient entrevoir le fragile pistil encore préservé.
Ce n'était pas assez pour le tzin.
Rassemblant dans sa main les lambeaux qui pendaient du sein droit, il les noua en une sorte de tresse, qu'il boucla avec une ligature grossière. Après avoir infligé le même traitement à l'autre sein, il inséra une liane en travers des deux boucles ainsi formées et en fixa solidement l'extrémité à un pieu fiché en terre devant sa victime.
Sur son ordre, l'un des seringueiros s'empara d'une torche à un feu voisin qui préparait le festin cannibale.
" Heya, jeune fille, un peu froid ce matin ? ". Sous les yeux horrifiés de Charlotte, le seringueiro souleva son sombrero pour attiser la flamme de la torche, qu'il promena lentement sous les mamelles mutilées. Avec un rugissement de souffrance, Charlotte tenta de dérober ses pauvres seins à la brûlure infernale, tendant à l'extrême les tresses de peau qui tiraient sur les fragiles mamelons. La flamme brandie par le monstre d'iniquité la poursuivit sous les rires gras des hommes blancs et les murmures d'approbation des Jivaros, qui avaient faim et souhaitaient le début d'autres réjouissances.     
Les cris de Charlotte auraient attendri un inquisiteur, mais pas le tzin. Les bases des mamelles marbrées de tâches noires et sanglantes, la jeune aristocrate ne put s'empêcher de s'auto-mutiler. Sa tête retomba sur ses épaules.

Lorsqu'elle se réveilla, elle ne vit que l'herbe tondue ras par le bétail sous ses yeux, tandis qu'une sensation de chatouillement sur tout le corps leurra un instant l'extrême douleur qui envahissait sa poitrine sauvagement massacrée. Sa perception s'affina et elle distingua sous son corps ligoté parallèlement au sol les préparatifs d'un grand feu. Devant elle, deux pieux qui portaient en travers la perche à laquelle son corps était suspendu tremblaient sous un grouillement intensif. Lorsque sa vue s'améliora davantage, elle poussa un cri affreux en reconnaissant les longues colonnes de fourmis rouges qui avaient nourri ses cauchemars de petite fille.
Un bruit de pas à ses côtés lui fit douloureusement tourner la tête. Le tzin se pencha un peu :
" Eh bien, tu n'es pas satisfaite par la garniture ? Les jivaros te font l'honneur de t'accompagner d'un bouquet de marabunta et tu protestes ? Tsss, tss, aucune éducation, ma chère... " Le tzin se gobergea de son bon mot avec un rire sinistre. Charlotte sentit les premières morsures dévorer les chairs à vif, tandis que d'autres insectes entreprenaient de coloniser son intimité après s'être extirpé de sa riche fourrure pubienne. Elle sentit bientôt ses chairs les plus tendres à leur tour fouaillées par des morsures dévastatrices qui la faisaient se cambrer en convulsions démentielles. Elle avait l'impression que ses grandes lèvres étaient hachées menues pour faire place à l'infernale infestation. Ses seins croulaient sous une masse confuse de mandibules qui se disputaient les derniers morceaux d'autant plus savoureux qu'ils avaient été précuits. Puis elle sentit que les derniers remparts qui protégeaient sa matrice s'effondraient. Les parois vaginales à vif, elle se tendit dans un spasme brusque qui fit craquer sa colonne vertébrale. Elle souffrait tant qu'elle ne réagit pas lorsque le foyer fut allumé sous ses yeux juste avant que les fourmis n'attaquent la gelée de ses globes oculaires après en avoir déchiré les cornées.

FRANCE. ETREPILLY. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

Les balles s'aplatirent sur le  bronze de la cloche avec un bruit mat. Je passais prudemment la tête sous les abat-sons le temps que l'orage se calme. Rapidement, les tireurs d'élite camouflés sous les fougères changèrent de cible. Ils avaient mieux à faire que viser un poste d'observation, car une compagnie de la troisième armée était apparue au bout de la plaine. Pour éviter d'être encerclé, le bataillon allemand commença d'affluer vers le grand cimetière pour le dépasser et se replier sur Varreddes comme point d'appui. Le bataillon tenta d'abord de l'emporter sur la petite troupe. Les quatre cent hommes qui chargeaient à la baïonnette formaient une cible idéale qui partait de très loin. Les cinquante français tiraient sans relâche, soigneusement abrités derrière les  murs de pierre sèche, fauchant par dizaines les vagues de casques à pointe. Certains s'étaient juchés au sommet de caveaux familiaux, abrités derrière de grandes croix ouvragées. Ils concentraient sur eux les salves ennemies, et peu survécurent, mais ils permirent aux autres d'ajuster confortablement leurs tirs. Ces jeunes artistes mouraient dans une geste héroïque, les chemises blanches en lin maculées d'un sang vif s'effondraient lentement sur les chapiteaux sculptés. Puis vint un instant d'équilibre où les allemands pouvaient prendre d'assaut le cimetière avec les forces qui leur restaient ou le contourner. À cinquante mètres, Jean de Saint Marc, à court de munitions pour son fusil Lebel, dégaina son revolver et tira au jugé, tant la portée était longue. Par miracle, il toucha le soldat le plus pugnace qui rameutait l'avant-garde. Brutalement, un vent de panique s'empara des premiers rangs, dont la course s'infléchit pour s'écarter du cimetière. Une forme de superstition s'empara de la troupe décimée, et les boches fuirent le cimetière comme s'ils avaient vu leur propre tombe.   

FRANCE.VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.     

L'uniforme rutilant défraichi par sa fuite éperdue, Rupert Von Hentzau éructait dans le téléphone de campagne.
" Ja, mein General, Ja, aber.... ".
Le général Klaus Von Heisel ne lui avait laissé aucune échappatoire, le régiment devait se replier tout de suite.

Assis sur le siège du passager de l'automitrailleuse souillée de poussière, le tzin reposa le combiné en ebonite. Il réfléchit un peu et prit sa décision très vite. Il donna les ordres pour que le mouvement de ses troupes s'opère, en conservant auprès de lui une section d'une cinquantaine d'uhlans. D'ici trois heures, il devrait avoir rattrapé ses hommes, sinon, il était bon pour la cour martiale. Un tzin en prison ? Cette pensée le fit sourire sinistrement un court instant, tandis qu'il marchait le long de la ferme aux hauts murs délités par le temps, en fumant un cigare pour réfléchir.
Il cherchait comment prendre par surprise le pistolero dans son nid lorsqu'il leva les yeux sur les otages, assis dans un carré d'herbes folles entre deux gros contreforts qui soutenaient les larges façades de la grange ouest. Il reconnut en Marie-Jeanne la jeune servante qui avait aidé au repas la veille.   
Réajustant son monocle, le mutant demanda des explications au sergent Dieter Klemberman. A la fin de son récit qu'il n'écoutait plus, le tzin avait la bouche fendue d'un sinistre sourire de prédateur.
Sur ses ordres, deux uhlans remirent sur pieds ma bien-aimée, forçant les autres otages à se rasseoir à coups de crosses. Les capotes vert de gris encadrèrent Marie-Jeanne devant le grand portail d'entrée de la ferme, dont les battants avaient été refermés tant le tir de Roland était encore précis à cent mètres.
De l'autre côté de la route, une petite halle abritait des outils de travail dans une soupente, au-dessus d'un travail à ferrer les chevaux. Tandis que des soldats inspectaient le réduit et jetaient par terre des outils de fenaison, des fourches à foin ou à betteraves et des houes à vignes, le tzin contemplait les instruments du charron. Une idée démoniaque germa soudainement.
" Attachez la fille sur l'engin, là, allez, vite....oui, comme un cheval, c'est ça ".
Marie-Jeanne se débattit vigoureusement, mais sans crainte, simplement parce qu'elle ne supportait pas que le gros uhlan rougeaud aux yeux porcins porte la main sur elle. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi, liée étroitement en travers des gros rondins en chêne, le buste penché en avant au-dessus d'une poutre, elle avait la cheville maintenue sur un gros bloc de grès en forme de bitte. Elle ne réalisa l'horreur de son destin qu'après avoir senti plaqué contre son talon le contact froid de l'acier d'un fer à cheval. Son corps hurla sa peur horrible bien avant qu'elle ait consciemment appréhendé la douleur atroce qui lui monta au cœur après le premier coup de marteau.
Le tzin se délecta un court instant du hurlement démentiel qui avait perforé les tympans de toute la petite communauté assise dans l'herbe sous le feu des vert-de-gris, pétrifiée par la cruauté des envahisseurs.
Roland se redressa en sursaut, le cœur battant à se rompre dans sa poitrine fatiguée. Il était certain d'avoir reconnu le timbre de la voix.
Rupert Von Hentzau défit son casque rutilant. Son crâne rasé luisant de sueur semblait refléter l'éclat du soleil au zénith. Il fit un signe et la lourde masse de charron s'éleva impitoyablement.
Le second clou s'enfonça dans le bord du talon droit. Dieu merci, le sergent Klemberman ne cherchait pas à transpercer les os, il visait de biais pour que les pointes acérées des clous glissent facilement dans les chairs juvéniles.
Les sanglots de Marie Jeanne étaient indescriptibles. Les fers à cheval atrocement cloués sur ses talons et épousant le tour de la tendre plante de ses pieds semblèrent bientôt peser une tonne.
Elle saignait abondamment, et lorsque les allemands la libérèrent, elle s'effondra sans pouvoir se relever.
Roland volait d'une lucarne à l'autre pour tenter d'apercevoir quelque chose. Il ne vit que quelques casques à pointe qui dépassaient des tuiles faîtières de chaque mur de la ferme.
Fou de rage à la pensée de l'ignominie qui était en train de se commettre au delà de ses yeux, les sens aiguisés par l'adrénaline, le pistolero fixa en un tour de main la petite lunette de visée qui accompagnait l'arme dans son étui de bois. Puis, retrouvant la précision qui le faisait haïr de tous les forains qui tenaient un stand de tir, il tira posément sur tous les casques alignés comme au ball-trap. La puissante munition militaire trouva les trois  premiers fronts des rangées alignées sur chaque pente de toit, avant de provoquer des fuites éperdues qui se traduisirent par des chutes verticales et des pans de toiture crevés.
" Faudra me les payer, mes tuiles, bande d'enfoirés ", murmura le pistolero pour s'obliger à ne pas penser à Marie-Jeanne. Las, des cris trop facilement identifiables précédèrent l'ouverture des grandes portes cochères peintes en bleu briard.

FRANCE. ETREPILLY. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

La voie n'était pas libre. Entre mon père et nous, des dizaines de colonnes de fantassins boches remontaient pour fuir d'ouest en est. Ce fut Jean de Saint Marc qui trouva la solution en réquisitionnant un aérostier et son ballon. Sous couvert d'aller observer le repli des allemands, il nous fit monter dans la grande montgolfière avec quatre de ses hommes les plus décidés. Les flammes du ballon réchauffèrent l'hélium quelques instant, du lest fut jeté pour accélérer la montée verticale hors des balles ennemies, et nous fûmes rapidement à cinq cent mètres au-dessus du sol. C'était notre baptême de l'air à tous, et les six jeunes gens fixaient avec émerveillement la campagne encore si proche et déjà déformée, les bois qui découpaient les champs en propriétés indivises, l'Ourcq qui évoquait une artère palpitant dans le paysage de bocages, le bétail qui paissait paisiblement parmi les volutes de fumée des engagements sporadiques entre les piétailles ennemies.
Etrepilly était encore visible derrière nous que déjà Varreddes s'annonçait. Nous survolâmes la ferme des Plancys et son lot d'horreurs, dans laquelle Victor s'affairait déjà à effacer les traces du drame. Au-delà de la commune désertée par l'armée allemande se trouvait la ferme de Beauval. Des bandeaux en ardoises sur lesquels glissaient les petits prédateurs ceignaient le tour des lucarnes du pigeonnier. Elles réfractaient les rayons du soleil comme un sémaphore militaire qui aurait envoyé un message de détresse. Nous vîmes en même temps les panaches de fumée qui témoignaient du combat désespéré que mon père était en train de mener. Il fallait se poser à Varreddes, Jean parvint à m'en convaincre.     

FRANCE.VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

" Du gottverdammtes achtloch !!!" Sacré trou du cul de français, pensa le tzin, tu vas faire quoi maintenant ?

Sur son ordre, les uhlans repoussèrent avec précaution les immenses battants du portail.

Dans l'encadrement pendait Jeanne. Par les seins. Le corps magnifique baigné de sueur sous le soleil se détachait dans l'ombre sous la porte cochère, comme une lumière christique qui aurait nimbé un saint. Les fils de fer barbelé qui sanglaient sa forte poitrine étaient fixés sur l'élevatoir des boisseaux de blé. Elle ne bougeait pas, attentive à éviter tout mouvement ou gémissement qui aurait déchiré davantage ses seins magnifiques et tragiquement distendus, dans lesquels mordaient de plusieurs tours les barbes acérées. Les habitants de Varreddes s'étaient astreint à un silence absolu par respect de sa souffance, évitant tout sanglot ou supplication superflus. Deux femmes avaient caché le visage d'Adolphe sous leur tablier en priant de leurs lèvres closes et tremblantes.
Sous Marie-Jeanne dégoulinaient continuellement des gouttes de sang depuis ses pauvres pieds mutilés, mais elle oubliait cette douleur pourtant insoutenable tant les élancements dans la chair de ses seins lui semblaient transpercer son cœur. Réduits à l'état de ballons sanguinolents, ils étaient devenus violacés, d'une vilaine couleur lie de  vin marbrée de tâches d'un sang carmin et par d'autres qui s'assombrissaient de plus en plus. Les pointes de sein semblaient jaillir pour monter au ciel, affreusement durcies par la pression abominable. Ses jambes pendaient librement, et son corps se balançait doucement sous le petit courant d'air qui traversait la cour de la ferme.
Un instant d'équilibre précaire s'établit entre tous les spectateurs.
Roland avait posé sur le grand baril de cidre les cinq chargeurs qui lui restaient. Il les fourra dans les poches de ses guêtres et remit la lunette dans son holster. Il reposa l'étui en bois, son manteau et sa casquette, sur un tas de tomettes qui attendaient d'être posées sur le sol en terre battue depuis tant d'années. Il sourit en repensant à cette corvée à laquelle il allait sans doute échapper définitivement.
Un claquement sec suivi d'un hurlement inhumain le rattrapa dans sa rêverie fugace.
Il ouvrit brutalement la porte.
De l'autre côté de la cour avait commencé la bastonnade.
Marie-Jeanne se débattait sauvagement sous la cinglée des sarcloirs dont les manches visaient sa croupe rebondie. Chaque sursaut était un coup de poignard supplémentaire dans ses mamelles horriblement distendues. Elle tentait de monter ses fesses pour les protéger en bougeant le moins possible, mais cette cible évidente était trop facile à atteindre pour le sergent et les deux uhlans qui frappaient à tour de rôle la toupie humaine dont les fesses dansaient la gigue sous leur nez. Il y avait une atmosphère de bal pour les trois soudards, tant les frémissements désespérés de la croupe zébrée de marques profondes restaient grâcieux comme ceux d'une ballerine.

"NON, CELA NE SERA PAS". Le terrible hurlement de Roland monta tout en haut du pigonnier, encore plus impressionnant pour les pigeons que les détonations qui les réveillaient depuis l'aube. Le vol de tous ceux qui ne nichaient pas s'enfuit par les lucarnes.
Il poussa des deux pieds le grand baril de cidre qui lui arrivait à mi-corps. Il choisit le côté de sa sortie et projeta le baril sous l'avancée charpentée. Plusieurs coups de feu mirent en perce le tonneau, répandant le cidre sur les pavés. Dans l'encadrement de la porte, Roland localisa les tireurs par le résidu des fumées. Il fit brusquement sa sortie, évitant une course rectiligne qui en aurait fait une cible idéale. Deux mètres avant le tonneau, il tomba à genoux et visa à travers la toiture les emplacements qu'il avait mémorisés. Quatre, cinq, six, balles plus tard, plusieurs chutes lui confirmèrent la précision de son tir. Au-dessus de sa tête, des pas de fuite précipitée lui indiquèrent le repli d'une petite escouade. En position automatique, le Mauser 96 cracha une longue salve qui découpa pratiquement la toiture sur toute sa largeur. Quatre corps invisibles tombèrent, deux soldats finissant leur chute sur les pavés de la cour. Il n'avait pas la possibilité de se montrer chevaleresque et il les acheva d'une balle chacun.
Des cinquante uhlans qu'il avait conservés, le tzin pouvait encore compter sur la moitié.

Dieter Klemberman et ses hommes s'étaient écarté de Marie-Jeanne, stupéfaits par la sortie du pistolero.
Dans l'angle mort de la cour, Roland ne pouvait plus distinguer ce qui se passait à l'extérieur de la porte cochère.

Rupert Von Hentzau  rameuta ses troupes. Il les renvoya prendre position sur le toit de la ferme tandis qu'il s'avançait sous la porte cochère, son propre pistolet à la main. Il était un excellent tireur lui aussi, et Roland fut obligé de s'abriter complètement derrière le tonneau qui le dissimulait. Allégé de son contenu, il roulait facilement sous la poussée de l'épaule du pistolero. Sa progression fut assez vite ralentie quand les uhlans le mirent en joue. Son tir était partiellement aveugle, tant les salves précises du mutant l'obligeaient à garder la tête baissée. Deux chargeurs de quinze cartouches pour vingt adversaires valides fut le prochain rapport de force.
Ce fut le moment que choisit le tzin pour relancer le supplice de Marie-Jeanne et forcer le pistolero à se découvrir.
Sur un ordre aux consonnes martelées et aux labiales sifflantes, le sergent Klemberman passa à l'arrière de l'auto-mitrailleuse pour en retirer un jerrycan d'essence. Les habitants de Varreddes s'agenouillèrent. Ils n'étaient plus gardés, mais personne ne pensa à fuir.
Marie-Jeanne poussa un cri de terreur irrépressible en voyant les préparatifs de l'infernal bûcher.   
   
FRANCE. VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.
 
Je cherchais en vain des chevaux attellés ou non pour nous rendre à la ferme et secourir mon père. Mais tous les habitants avaient soigneusement refermé leurs portes et clos leurs volets, chacun en sa chacunière, laissant au temps le soin d'évacuer les horreurs d'une si courte mais combien tragique occupation. Nous partîmes à pied en direction de la ferme, attentifs à demeurer cachés par l'ombre de la forêt de chênes en lisière de la route.
Un couple d'otages avait choisi de s'enfuir pour retrouver leurs enfants dès que la poignée d'uhlans qui restait au tzin avait eu le dos tourné. Nous nous rencontrâmes à mi-chemin. Jean me retint par la manche et suggéra un mouvement tournant pour prendre les chleuhs à revers.

FRANCE.VARREDDES. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

Au même instant, Roland économisait ses cartouches en ne tirant qu'à coup sûr, mais les casques à pointe tiraient sans viser en laissant simplement passer leurs fusils au-delà des tuiles faîtières pour n'offrir aucune cible. Ces salves aveugles n'étaient pas très dangereuses pour le pistolero, mais elles le clouaient sur place car l'essentiel de la troupe lui faisait face, allongée le long du toit crevé par les impacts des balles de mon père.
Les tirs du Tzin s'arrêtèrent tandis qu'il disparaissait derrière le grand portail. Passant à côté de Marie-Jeanne, il tira sauvagementt sur ses épaules pour augmenter le déchirement des généreuses mamelles.
Une sentinelle avait averti le mutant de l'arrivée d'un dirigeable.
Dès cette annonce, Von Hentzau envoya tous les hommes au sol prendre d'assaut le baril de cidre qui le narguait dans la cour. Deux uhlans plongèrent sous la porte cochère pour couvrir avec leurs fusils la charge de leurs camarades, baïonnette au canon. Roland se découvrit lui même dans un rouler-bouler à droite du tonneau, dans la position qu'il affectionnait le plus. Cible mouvante pour les deux tireurs, il coucha lui-même sur le flanc sept soldats en cinq secondes avant qu'ils n'aient franchi la moitié de la cour. Les trois soldats survivants se replièrent en rampant parmi les cadavres.
Rupert Von Hentzau contempla le désastre d'un regard glacial. L'infâme sergent Klemberman s'empara hâtivement du jerrycan d'essence qu'il renversa sur les fagots qui entouraient les fines chevilles de la jeune paysanne. Il n'était plus temps de perdre un instant pour le tzin et tout alla très vite. Le mutant regarda un court instant le corps parfait qui tressautait sous la morsure du fer, puis il jeta son cigare au milieu des branchages.
Un "wouf" aspiré par la porte cochère traversa la cour. Roland comprit instantanément ce qui se passait, et il poussa devant lui avec l'énergie du désespoir le tonneau si lourd.
Les cris de Marie-Jeanne atteignirent un registre suraigu. Les flammes qui léchaient les jambes musclées embrasèrent le nid tiède et moussu qui protégeait sa fente tandis que les fagots se transformaient en braises incandescentes qui dévoraient la plante de ses pieds horriblement mutilés. Ses soubresauts démentiels accentuaient la hideuse torsion de ses seins qui éclataient par endroits sous la pression de l'infernal garrot ou par celle des coupures infligées par les barbes effilées. Réduite à l'état d'un animal saisi de démence, Marie-Jeanne se consumait littéralement sous les yeux des habitants saisis d'horreur.
J'avais entendu dans la plaine ces hurlements de bête à l'agonie. Maintenant, le sergent Klemberman promenait la lame d'une faux chauffée à blanc sur le corps superbe de la française, infligeant de profondes coupures sur les flancs, ciselant de la pointe recourbée et affûtée comme un rasoir les lèvres vaginales boursouflées et épilées par les flammes  Mes cinq compagnons ne perdirent pas une seconde pour me raisonner. Nous chargeâmes ensemble la ferme sans plus de précaution, épaulant et tirant au jugé sur les silhouettes vert de gris qui rampaient sur mon toit. Les uns après les autres, les boches se retournèrent en équilibre instable pour riposter. Notre fusillade plus précise les coucha sur le flanc au bout de quelques minutes.
Roland  n'était qu'au milieu de la cour lorsque les soldats perchés sur le toit cessèrent leur fusillade pour faire front à notre arrivée. Mais le pistolero ne comprit pas qu'il n'était plus seul.
Dans l'encoignure de la porte cochère, le tzin attendait, les bottes bien calées par la porte, tapi derrière la borne fleurdelysée que nous avions enterrée quatre ans avant. Roland se releva, haletant, pour se précipiter d'une course gauche et ankylosée vers le tzin qui le séparait de ma bien-aimée, et le contraindre à sortir en feignant d'être à court de munitions. Il tira sans résultat deux de ses trois dernières cartouches, les balles se croisèrent dans un miaulement meurtrier, mais ce fut lui qui fut touché le premier par la rafale du tzin. Il s'effondra de tout son long en gémissant. Il se savait mortellement touché au foie, mais il parvint à se redresser sur un coude pour tirer sa dernière cartouche. Le tzin se rejeta en arrière, la gorge traversée par la balle précise.
Sans pouvoir parler, étouffant dans son propre sang contenu par un mouchoir, Rupert Von Hentzau s'approcha du cadavre du pistolero. D'un coup de pied méprisant, il retourna le corps de mon père et récupéra le Mauser 96, l'une des cinq reliques qui pouvaient changer la destinée des humains. 
Le mutant repoussa rageusement le bras du sergent avant de s'approcher de la pauvre dépouille qui se convulsait encore dans les feux de l'enfer. Il dégaina lentement son sabre avant de faucher d'un geste précis les plantureux appas offerts au bout des fils de fer barbelés.
Quand nous contournâmes la ferme quelques instants après, ce fut pour voir disparaître dans le lointain l'auto-mitrailleuse qui emportait le monstre qui m'avait ravi les deux êtres que je chérissais le plus au monde, mais aussi le Mauser 96 que je devrais passer ma vie à retrouver.
#4
J'avais pas vu la limite du nombre de caractères, donc la suite de la première partie :
. Certains autres apaches choisirent de tirer directement leurs flèches sans observer ce que faisaient leurs frères. Le vieux chiricahua, que Natacha reconnut malgré sa position à son bandeau rouge vif, était réputé comme tireur.
Ses deux premières flèches trouvèrent sans peine les fesse rebondies de la jeune russe, dont le corps évoquait un poisson sorti de l'eau au bout d'une canne à pêche. Il se relâcha légèrement après ce succès, se tournant avec vanité vers ses frères pour recevoir leurs compliments. Furieux d'avoir raté sa cible, il s'appliqua mieux pour ses deux dernières volées, touchant le torse en fracturant une côte, coupant un instant le souffle de Natacha. La douleur qui paralysait sa respiration fut exacerbée quelques secondes plus tard quand un caillou rond s'enfonça profondément dans la chair tendre de son sein avant de rebondir. Son rugissement étouffé valut de longs applaudissements au vieux chiricahua. Ensuite, les autres apaches choisirent d'alterner leurs tirs, car peu faisaient mouche tant les flèches lestées de pierre étaient lourdes.
Mangas Coloradas s'était réservé pour la fin. Les apaches qui attendaient un nouveau prodige de sa part ne furent pas déçus. Bandant son arc avec beaucoup plus de vigueur que les autres, il décocha avec une vitesse stupéfiante cinq flèches qui laissèrent Natacha pantelante de douleur. Dès la seconde flèche qui avait choqué son ventre, elle avait crié grâce en vain, alors que le Tzin continuait de décocher ses traits où il voulait. Une flèche percuta sa cheville, la rendant provisoirement invalide. Enfin, le Tzin prouva son habileté en touchant le cerne bleu qui indiquait le premier impact dans son sein. Natacha pleurait sans discontinuer, incapable de maîtriser les sanglots profonds qui soulevaient spasmodiquement sa poitrine.
Pourtant, ses gémissements de souffrance durent s'interrompre lorsque deux coins de bois furent placé au fond de ses mâchoires, écartées par la lame d'un couteau dont elle dut respecter le tranchant. Bouche ouverte et salivant malgré elle, elle vit le chiricahua au bandeau rouge venir chercher le deuxième prix.
Le plus vieux des apaches entreprit de violer longuement la bouche chaude et hospitalière. Il allait toujours plus loin, les mains solidement accrochées dans les tétins qu'il serrait fortement pour conserver son équilibre. Natacha souffrait terriblement de sa poigne vigoureuse. Autant que de l'étranglement combiné de la lanière et du bâton de chair au goût faisandé qui lui donnait envie de vomir. Le poignard d'une fermeté de bronze percutait sa luette à chaque poussée, accentuant la nausée qu'elle tentait d'accompagner en déglutissant le plus souvent possible. Elle ne pouvait empêcher sa langue de s'agiter en tous sens, et de parcourir délicieusement le filet malpropre du sauvage. La tête renversée en arrière, le vieux renégat s'appliquait à retenir son plaisir sous les encouragements de ses frères, conscient que de sa vie il n'éprouverait plus jamais de telles sensations. La langue qui le léchait maladroitement le rendait fou, tant par le contact délicieusement abrasif de la pointe de la langue sur son gland que par la domination qu'il exerçait sur une superbe femme blanche. D'un seul coup, Natacha réalisa qu'elle prolongeait elle-même son supplice en se dérobant. Si elle ne pouvait mordre, du moins pouvait-elle, avec un effort modéré, refermer ses lèvres autour du long membre viril dont les testicules ridées battaient contre son nez. Le vieil indien sentit le puits profond se refermer sur son pénis brun, tel les mâchoires d'un piège, pour mieux pomper. Il cessa de bouger, les chevilles arc-boutées, pendant qu'il sentait sa semence aspirée remonter irrésistiblement le long de sa verge. Il se rendit en grognant, aspergeant l'arrière-gorge de Natacha d'un sperme âcre et épais qui descendit directement dans son estomac. Il continua d'éjaculer longuement sous l'œil amusé du Tzin avant de se retirer en laissant des macules crémeuses pendre au bout du nez de la jeune femme.
Alors, Mangas Coloradas harangua longuement sa petite troupe après avoir fait ligoter Natacha, assise devant le tronc d'un arbre.   
Des clameurs d'approbation jaillirent des poitrines profondes. Après avoir été reconnu comme chef de guerre sans contestation possible, Mangas Coloradas avait décidé de remettre en vigueur le plus ancestral des supplices apaches, tombé en désuétude depuis si longtemps que les plus jeunes des sauvages ne l'avaient jamais vu pratiqué.
Dès la tombée de la nuit, l'un des mescaleros avait entrepris de confectionner un tambour à partir d'une vieille souche creuse et de la peau boucanée d'un opossum. A la lueur rouge des flammes d'un grand feu de camp, les apaches dansèrent toute la nuit en souvenir de leur gloire passée, de leurs plus beaux faits d'arme et pour honorer leurs morts. Demain serait un grand jour, une belle journée non pour mourir, mais pour torturer la femme blanche qui avait tué tant de leurs frères. Ils hurlaient aux étoiles leurs farouches cris de guerre, tout en psalmodiant l'effroyable mélopée qui glaçait d'effroi Natacha : " EyahEyah EyahEyah EyahEyahEh ".

Loin au dessus de sa tête, les roulements de tambour lancinants martèlent leurs sons graves. Roland ferme les yeux et continue de délirer.

Dans l'hôtel particulier cossu et discret de l'avenue Abraham Lincoln à Washington, acquis par les shadow-eyes  en hommage à deux des plus grands noms de leur confrérie, les immortels, rassemblés dans leur séminaire annuel, applaudissent longuement Roland.
A la lueur des candélabres haut perchés, Mark Twain lève son verre, suivi de bon coeur par Ambroise Paré, Léonard de Vinci, et Simon Bolivar un peu plus loin. Légèrement étourdi, Roland abrège son discours. Il repose sur l'immense table circulaire en bois cérusé l'arme forgée par les Tzins qu'a dérobée le jeune Karl Liebknecht. Celui qui sera un jour le leader du mouvement spartakiste a été longuement félicité avant lui pour cette action d'éclat historique. La première des reliques des Tzins, refaçonnée à Berlin en 1896, va pouvoir être confiée aux Pères fondateurs, dans le berceau brésilien des shadow-eyes. Roland est fier de la confiance que ses pairs lui ont témoignée. Dans la rue, il marche lentement, le cœur gonflé de confiance. Il est prévu que son périple prenne des voies détournées, car les Tzins vont certainement le pister. Première étape : Chicago.

Natacha n'avait pas pu fermer l'œil de la nuit, tant ses blessures superficielles la lançaient. Elle avait parfois plongé dans une sorte de coma halluciné d'où la tirait bien vite un hurlement plus sauvage que les autres, mais jamais plus de quelques secondes. Elle idéalisait sa prochaine rencontre avec le Tzin, se complaisant à l'insulter par anticipation, inventant ses tirades héroïques en réponse à l'infâme interrogatoire. Puis elle repensait à l'enfant qui disparaîtrait avec elle, et de grosses larmes roulaient silencieusement sur ses joues. Elle savait qu'elle n'avait de toute façon aucune pitié à attendre du Tzin et des redoutables apaches. Le petit jour la trouva épuisée, tremblante de fièvre, mais résolue.
Lorsque Mangas Coloradas vint lui dire que le temps de son supplice était venu, elle détourna fièrement son beau visage en lui disant ; " Va en enfer, pourriture. Jamais je ne trahirai les miens ". Le Tzin haussa les épaules et s'accroupit pour murmurer presque sensuellement " Aujourd'hui, tu vas regretter d'être née ".
Elle vit avec étonnement les indiens s'égailler dans la plaine, se demandant ce qu'ils pouvaient bien chercher avec tant de précautions au bout de leurs bâtons fourchus. Elle ne devait pas tarder à avoir la sinistre réponse.
Au bout d'une heure, les indiens avaient surpris, encore engourdis par la fraîcheur matinale, deux beaux crotales qu'ils ramenaient en les tenant soigneusement serrés par le col, juste sous la tête. Les deux reptiles sifflaient de colère en dardant leur langue fourchue, et leurs queues battaient continuellement les torses des deux guerriers tandis qu'ils revenaient au campement.
Natacha ne comprenait pas pourquoi des lianes s'enroulaient si violemment autour des mescaleros alors qu'elle ne sentait aucun souffle de vent sur la plaine.
Elle fut déliée et conduite sous la barre qui avait connu son précédent supplice, sans pouvoir se retourner pour comprendre ce qui était prévu pour elle. A la dernière seconde, alors qu'elle allait être à nouveau douloureusement suspendue tête en bas, garrottée, avec les jambes largement écartées qui révélaient délicieusement l'orée de sa féminité tapie dans ses longs poils blonds et bouclés, elle comprit quel instrument avait été choisi pour son supplice. Elle poussa un long hurlement de terreur inextinguible à la pensée que l'objet de sa pire phobie s'approcherait d'elle sous peu d'instants. Sa fermeté d'âme s'évanouit sans qu'elle se pose une seule question. Elle avait envie de vomir, elle se rappelait trop bien l'odeur de la couleuvre qui s'était enroulée autour de sa jambe un jour de promenade dans la steppe.  Elle sentit une rigole de sueur couler entre ses seins et piquer ses yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle aperçut dans son champ de vision étréci que, dieu merci, les farouches renégats se contentaient d'approcher une liane épaisse tout près des crocs des reptiles. Fous de colère, les crotales piquèrent à plusieurs reprises, sous les rires amusés des indiens. Puis, quand l'essentiel du venin fut retiré de leurs glandes, les apaches vinrent s'agenouiller devant Natacha. Ils levaient chacun la tête plate des reptiles, encore plus terrifiante vue par en dessous, lorsque Natacha craqua : 
" ASSEZ ! ASSEZ !ASSEZ . JE VAIS PARLER, ENLEVEZ MOI LES SERPENTS ! JE VOUS EN PRIIIIIIIIIE, VIIIIIIIITE ".
Sur un geste de Mangas Coloradas, les indiens se retirèrent.
Natacha avoua tout. Dans sa terreur panique, elle était presque incohérente, et le Tzin dut souvent lui reposer les mêmes questions pour être certain de la réponse. Avec des sanglots de honte et de pleurs mélangés, la fière libertaire redevint une petite fille prête à tout pour échapper à la punition. Alors, Mangas Coloradas se releva et donna un ordre bref " Continuez de la torturer ".
Sans un regard pour celle qu'il venait de condamner à mort, le Tzin s'éloigna jusqu'à sa monture. Il jeta un regard rapide derrière lui, certain de n'avoir pas été suivi, car les apaches avaient mieux à faire. Il fouilla quelques instants dans ses fontes avant d'en extraire une sorte de grosse boite d'allumettes. Le Tzin mit rapidement en marche le télégraphe sans fil et tapa en morse un rapport laconique sur la minuscule touche.

Pendant ce temps, le vieux chiricahua avait entrepris l'initiation du plus jeune des mescaleros. Malgré les supplications insensées de Natacha, ils s'étaient rapproché, dardant en direction de ses seins les têtes sifflantes dont la queue ondulait d'une façon incroyablement agressive. Le vieux chiricahua accomplissait, selon toute apparence, un rite qui célébrait la force et le courage du Dieu serpent. Tétanisée par l'angoisse, la jeune femme rentrait sa poitrine de son mieux à chaque passage des reptiles devant ses tétins dont les pointes étaient raidies par la peur. La cible charnue semblait se reculer toujours plus loin, et les autres apaches riaient comme des enfants tant le spectacle des contorsions désespérées de Natacha était érotique.
Elle n'avait pas vu venir le Tzin dans son dos. Elle sentit d'abord son ongle, aussi dur et long que la serre d'un faucon, séparer sa toison épaisse collée par la sueur. Un index froid et inquisiteur pénétra sa vulve, lui faisant oublier un court instant le danger imminent. Le doigt épais et rugueux s'enfonça de nouveau, la faisant sursauter avec moins de retenue. Deux doigts effleurèrent alors son clitoris, en revenant caresser ses petites lèvres, puis continuèrent de danser inlassablement sur ses parties les plus intimes. Malgré elle, son ventre s'avança alors que sa poitrine reculait. Ses muqueuses s'enflammaient sans qu'elle puisse se contrôler, alors qu'une part d'elle même restait morte de terreur, subjuguée par la danse hallucinée des crotales au-dessus de ses yeux, parfois dissimulée par ses seins opulents qui retombaient sur son nez. Chaque fois qu'elle sentait les têtes humides et froides des reptiles caresser le dessous de ses mamelles envahies par la chair de poule, elle poussait un petit cri très bref, de peur d'exciter davantage les serpents.
Son souffle devint court lorsque monta un orgasme irrépressible malgré la situation. Les indiens commentèrent abondamment sa jouissance, en soulignant qu'il fallait être aussi dépravé qu'une femme blanche pour prendre du plaisir dans de pareilles circonstances.
A l'instant où roula le tambour, Natacha s'attendit au pire. Tenant moins fermement au bout de leur doigts les têtes effilées, les bourreaux de la jeune femme cessèrent de déclamer leur longue litanie incantatoire et attendirent le second roulement solennel. Avec un ensemble parfait, ils avancèrent les reptiles. Natacha poussa un hurlement de terreur qui se mua en un cri démentiel lorsque les crocs s'enfoncèrent profondément dans la base de ses seins. Elle s'évanouit presque immédiatement quand les gouttes du venin résiduel se diluèrent dans les lobules de la poitrine épanouie.
Lorsqu'elle émergea du néant salvateur, elle prit tout de suite conscience de la boursouflure de ses seins dilatés. Les tétons marmoréens avaient quasiment doublé de volume et obstruaient presque son champ de vision. Ses lobules enflammés répercutaient des ondes douloureuses comme s'il avaient été piqués par des orties géantes. Ses seins avaient pris une vilaine couleur bleuâtre, marbrée de tâches vertes qui s'élargissaient jusqu'aux aréoles prêtes à éclater. Elle gémissait continuellement, maintenant :
" NON-NON-NOOOOON, ARRETEZ, J'AI TOUT DIT, QUE VOULEZ-VOUS ENCORE ? OOOOOOHHH J'AI PEUR ".
La prière n'émut nullement ses tortionnaires, car le rite sacré devait être appliqué jusqu'au bout selon le cérémonial ancestral.
Prenant avantage de la turgescence de ses muqueuses vaginales, deux mescaleros déposèrent au creux de sa vulve la liane au milieu de laquelle les crotales avaient déversé leur venin. La tenant chacun par un bout, ils entreprirent un lent mouvement de va et vient, séparant d'abord le profond tablier pour dégager la fragile corolle de son sexe. Lorsque la liane entra en contact avec ses grandes lèvres, Natacha frémit en comprenant quel nouveau supplice diabolique allait lui être infligé. Elle se cambra de toutes ses forces en tentant de resserrer en vain ses cuisses. Déjà, le venin attaquait tel un acide ses chairs les plus tendres. Ce fut bien pire lorsque la liane s'enfonça plus avant, développant progressivement son abrasion sur les tissus encore en éruption après son orgasme. Puis, ses bourreaux augmentèrent progressivement leur cadence infernale, sciant doucement les chairs à vif. Natacha était maintenant prise de spasmes incontrôlables. Elle criait comme une démente en sursautant continuellement, ses seins rebondissant lamentablement sur son torse. " AAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH "  " JE VOUS EN SUPPLIIIIIIIIIIIIIIEEE ". Sa voix se cassa au bout d'un moment, lorsqu'elle prit conscience du viol de son clitoris. Le passage de la liane au milieu de sa fente s'accéléra encore lorsque du sang tacha les fibres de l'infernal instrument. Au bout de longues minutes d'un épouvantable calvaire qui la laissa épuisée, au bord de la folie, elle prit conscience qu'elle n'était plus tout à fait une femme, et qu'elle demeurerait à jamais mutilée, excisée comme ces femmes africaines auxquelles le plaisir solitaire était refusé. Elle pleura de rage et de souffrance mêlées, avec de longs râles de bête piégée. Les gros yeux globuleux du Tzin se penchèrent d'un seul coup sur le joli minois défraîchi " Je t'avais bien dit de me dire ce que tu savais tout de suite. Tu nous aurais fait gagner du temps. Tant pis pour eux... ".Mangas Coloradas gloussa et ponctua son discours en saisissant sauvagement les seins énormes qu'il agita en tous sens à plusieurs reprises en riant de plus belle.
La douleur dans les mamelles monstrueusement ballonnées était indicible. Natacha n'imaginait pas qu'elle put souffrir davantage. Elle ne tarda pourtant pas à voir repousser ces limites lorsque les renégats se déplacèrent devant ses yeux.

Roland se mordit le poing pour hurler silencieusement sa rage et sa peine. Caché derrière un rocher au bord du précipice, il n'y avait rien qu'il puisse faire sans son arme dans un tel état de délabrement. Il ne lui restait plus qu'à attendre son heure, pour venger l'amour de sa vie et reprendre son arme. Il se força à détourner son attention, tête renversée en arrière, appelant la mort. Il était à nouveau dans la ferme où les chasseurs de prime étaient en train de pendre un émigrant polonais devant sa femme et ses enfants. Il dégaine, il souhaite mourir pour oublier Natacha, le regard épouvanté de la petite famille le retient à la vie, il gagne son duel, toujours et encore, la machine à tuer contemple maintenant les cinq cadavres frappés par la foudre, il lève son arme, il va délivrer Natacha, il glisse dans l'inconscience avec soulagement. La fin de Natacha lui sera épargnée. 

Des " han " de bûcheron rythment la cinglée impitoyable des guerriers. Les apaches qui ne participent pas au supplice scandent les coups en claquant dans leurs mains. Les coups de la liane séparée en deux entre ses tourmenteurs s'incrustent profondément dans ses chairs tuméfiées. Les seins pitoyables sont déformés, écrasé par le lourd paquet de fibres. Maintenant, de sinistres traînées rouges marbrent la peau autrefois éclatante, et les mignons tétins symboles d'amour et de
fertilité ne sont plus qu'un lointain souvenir. Allongés, avachis, noircis, ils ne méritent plus le nom d'appas que par leurs aréoles préservées par la volonté du Tzin, naguère glorieuses, aujourd'hui gorgées d'un sang carmin sous l'insoutenable pression de la flagellation.

Mangas Coloradas vient achever Natacha. Elle a presque perdu la raison, vaincue, elle cherche à se désincarner, cherchant dans l'espace éthéré ce qu'elle ne peut appeler Dieu. Un gémissement rauque franchit difficilement ses lèvres lorsque le Tzin promène une torche le long de ses seins ravagés. Il fait flamber doucement la peau, pour que Natacha ait le temps d'apprivoiser la nouvelle douleur. Puis il crève soigneusement les premières ampoules, s'appliquant à décorer les globes de chair d'une myriade de plaies à vif. Il pèle lentement les mamelles, ne laissant pas intact un seul carré de peau, ne s'interrompant que pour ranimer Natacha en urinant sur son visage et ses plaies à vif. Enfin, tout à la fin, lorsque les yeux de Natacha sont prêts à vaciller définitivement, il laisse sa torche un long moment sous les pointes de sein, observant avec intérêt d'abord la rétraction brutale des mamelons, tels un hérisson qui se recroqueville, puis la lente crémation des aréoles qui se fendent et brunissent avant de devenir cendres.

Natacha était au bord de ses derniers instants. Par un suprême effort de volonté, elle parvint à détacher les yeux de son corps ruiné...
Tout là haut, dans le ciel immaculé, court inlassablement une petite fille. La neige floconneuse éclabousse les fines chevilles bleuies par la bise. Elle se retourne de temps en temps, gracile musaraigne, avant de filer de nouveau. Parvenu enfin à sa hauteur, le Tzin lève son sabre et disparaît avec elle au coin de la rue.... Au même instant, par delà le temps et les âges, des milliers de tortionnaires lèvent leur fouet, leurs tenailles, leurs torches, leurs couteaux...

Mangas Coloradas se réveilla brusquement. Il éprouva de sa main le contact rassurant du Mauser, juste avant de sentir le contact poisseux du liquide qui dégoûtait de ses doigts. Il n'eut pas conscience d'avoir porté la main sur sa carotide tranchée avant d'avoir ouvert doucement les yeux, à peine conscient de son extrême faiblesse. Il s'étonna de ne pas voir scintiller les étoiles et eut l'impression qu'un ciel de plomb tombait sur son visage juste avant que la pierre ne fracasse ses traits. Roland se redressa lentement, à bout de forces. Il venait d'achever le dernier des assassins de Natacha. Sa main tremblait lorsqu'il remit son Bowie-Knife dans son étui de bottes, et il dut s'aider de sa main gauche pour ne pas se blesser. Il cracha sur la dépouille sans vie du Tzin avant de s'emparer du Mauser.     

#5
la suite :

                                                 SEPTEMBRE 14

JOURNAL DE MONSIEUR CELESTIN GUYOT
BOULANGER A VARREDDES (Seine et Marne), de 1931 à 1962

DATION  A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE LE 13/05/1981
COTE AFFPRIV/SM/1980-1985/ARTISANS/ N°1254

J'écris ces quelques mots pendant l'été 1976.

La sécheresse a rendu toute récolte vaine, et il n'est pas encore l'heure de travailler la terre.
Je suis assis sur la première marche de l'échelle tournante, à l'intérieur du pigeonnier porche qui sépare notre ferme en deux cours.
Roland, mon père, ce héros, a acheté la ferme de Beauval en 1905.
Je contemple les impacts des balles des fusils allemands, tout en haut, juste au dessus de la dernière rangée des boulins, à l'opposé de la lucarne d'envol. Ma gorge se serre, j'ai laissé reposer le pot de lait caillé sur la terre battue, près d'un tas de colombine.

Roland est revenu en France  à la fin de l'année 1896, brisé. Il a rencontré ma mère sur le bateau. Elle est morte en couches.
Je suis là.
Il ne s'est jamais remarié.
C'est lui qui m'a soulevé de mon berceau pour me faire marcher, qui m'a appris à cuire le pain, tresser une corbeille en osier et braconner avec son arme de guerre.
Nous sommes en 1914. Il va me marier avec la Marie-Jeanne l'année prochaine, dès que la guerre avec le prussien sera terminée.
Nous sommes heureux.
Quand elle vient nous visiter à la ferme pour laver notre linge, mon père court presque dans la cour pour l'embrasser avant moi.
Il a toujours le même geste bref pour essuyer sa moustache toute grise.
Dans trois semaines, il sera mort.


PROLOGUE


BRESIL. PORT DE BELEM. AUBE DU 11 JUIN 1896.

Le ferry-boat " La Picadora " fit mugir joyeusement sa sirène une dernière fois avant de se fondre dans les lambeaux de la brume équatoriale. Les colons et les métis accoudés sur l'embarcadère, les esclaves juchés sur les billes de bois ou les ballots de coton, saluèrent longuement les honorables membres de la Société Européenne Royale de Géographie. Ils avaient affrété le luxueux bateau à vapeur pour reconnaître les chutes du Rio Xingu, loin à l'intérieur du Matto Grosso encore inexploré.
L'île flottante évoquait irrésistiblement une grande baleine blanche dont le front aurait été ceint d'une couronne de balustrades dorées. Elle semblait cornaquée par de minuscules pygmées qui agitaient inlassablement leur casque en direction du port.
Un petit yacht de course se détacha un peu plus loin de la côte, et il fut évident que le passager à l'étrange tenue était chaleureusement attendu lorsqu'il franchit la coursive.
Les cheminées continuèrent de pouffer des ronds de fumée visibles bien après que le bateau eût disparu au-delà de la pointe de la petite crique.

Personne ne le revit jamais ni ses passagers.


FRANCE . ETREPILLY. MATIN DU 7 SEPTEMBRE 1914.

Le lapereau se renfonça au fond du terrier. Adolphe allongea encore le bras. Il y était presque. Ses doigts effleurèrent la minuscule boule de poils fauves et il parvint à saisir une touffe tiède et soyeuse. Jeannot Lapin s'aplatit complètement en poussant sur ses antérieurs. Adolphe trébucha un peu en se redressant, car son sabot avait glissé sur l'humus gorgé de rosée. Il pleurnicha un peu d'avoir déjà perdu ce nouveau compagnon avant d'avoir pu le connaître, puis il se fit une raison en entendant le carillon qui marquait 8 heures. Il reprit son petit baluchon en ajustant ses affaires de classe et se retourna vers le chemin qu'il avait abandonné quelques instants auparavant.
Son baluchon descendit lentement de ses doigts pétrifiés. Au bout de quelques secondes, il s'accroupit sur ses genoux par réflexe.
De la colline opposée de la petite vallée, à environ deux mille mètres, une tâche d'un vert sombre recouvrait rapidement l'herbe grasse et chassait devant elle les bêtes au pâturage. Adolphe chercha dans le ciel le nuage qui pouvait avancer aussi vite pour cacher le soleil. L'astre naissant l'éblouit si fort qu'il lui fallut quelques instants pour accommoder de nouveau. Il lui fallut encore un peu de temps pour comprendre que les éclairs qui jaillissaient de la vague en mouvement ne provenaient pas de ses propres rétines. Des milliers de piqûres scintillantes semblaient suivre une marche ordonnée et intelligente. Le gamin posa ses doigts sur ses paupières pour les tirer en arrière comme le dernier des Mohicans dont il dévorait les exploits tous les mois dans " l'Illustration ".
Ce qu'il vit lui coupa le souffle. Il se redressa d'un seul coup et partit en courant à l'école, mais il savait qu'il n'y aurait pas classe aujourd'hui. 

FRANCE. FORET DE VILLEROY. MATIN DU 7 SEPTEMBRE 1914

" Oh, bon diou, l'est pas tombé loin celle-là ". Le caporal Charles Mougeotte s'essuya mentalement le front, les oreilles encore remplies du fracas de l'obus boche de 305. Il n'osa pas témoigner davantage, par respect pour le lieutenant  qui se tenait bien en avant de leurs lignes, le corps droit comme un I, insensible à tout ce qui aurait ralenti sa mission d'observation. Ses jumelles inspectaient le long sillon des boucles de la Marne enchâssées dans un paysage de bocages, de champs moissonnés et de pâturages. Pourtant, il semblait surveiller plus attentivement l'est, tout au fond du paysage bucolique d'où jaillissaient d'innombrables petits nuages de fumée, témoignage des corps à corps déjà engagés dans la région d'Etrepilly et de Varreddes. Les pieds solidement campés sur le bord du piton rocheux qu'il avait escaladé, l'écrivain ressemblait aux héros de ses romans.
Charles Péguy disposait d'un téléphone de campagne pour notifier ses observations. Mais le numéro d'appel civil qu'il demanda à l'opératrice était inconnu de quiconque à l'Etat Major de la VIe Armée.

A quatre cent mètres plus bas, tapie dans un épais réseau de fougères, la petite colonne d'uhlans venue en reconnaissance se préparait à battre en retraite. Le colonel Rupert Von Hentzau attendit que ses trois flanc-gardes soient remonté en selle. Il s'approcha de sa monture en flattant doucement ses naseaux. Puis sa main ouvrit l'étui en bois du Mauser 96 qu'il était habilité à porter comme tout officier d'un grade supérieur. Dans la poche intérieure de sa vareuse noire de hussard, il prit une courte lunette de visée qu'il adapta avec des gestes précis sur le canon de l'arme aux reflets d'un bleu métallique. Il souleva son casque et l'accrocha à sa selle. Le visage au profil exagérément aquilin se concentra à l'extrême, la peau du front tavelée de tâches orangées se plissa profondément.

Loin devant lui, sur un petit promontoire escarpé, le shadow-eye apparut nettement dans la visée de sa lunette. Sa tête et son buste pivotèrent lentement pour balayer toute la campagne. Le pantalon garance rouge et la casquette écarlate encadraient la capote d'un gris de fer bleuté pour former une cible idéale. Le tzin attendit que l'écrivain se présente complètement de face pour avoir le meilleur angle de tir. Une fraction de seconde avant d'être mortellement touché, Charles Péguy eut le temps de voir sa mort inscrite dans ce reflet dessiné dans le taillis opaque.

Au bout d'un téléphone, à Paris, une femme laissa retomber lentement le combiné sur la fourche en métal. Tout doucement, par respect pour le frère qui venait de tomber. Puis elle se releva, le visage grave mais résolu, pour monter d'un pas rapide à l'étage d'un petit hôtel particulier de l'avenue Daumesnil.

Les quatre cavaliers partirent au galop. A l'intersection de deux chemins dans la forêt, la petite colonne prit la direction de Varreddes. Les trois uhlans se regardèrent, un peu déconcertés de ne pas revenir aux avant-postes de la Première armée de Von Kluck. A quelques lieues du village, Von Hentzau fit cabrer son cheval avant de marquer le pas. D'un geste autoritaire, il indiqua à ses hommes de passer devant lui. Tandis qu'il s'arrêtait, les trois cavaliers s'écartèrent devant lui en fredonnant un lied. Les trois coups de feu ne firent qu'une détonation sèche et assourdie par la voûte clairsemée des frondaisons. Des passereaux s'égaillèrent à toute volée. La tête de mort dessinée sur le kolchak de hussard semblait sourire sinistrement du plan machiavélique mis au point par le tzin.

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. 28 JUIN 1896.

Roland fumait tranquillement sa pipe en poussant du pied sur le bastingage pour élancer son rocking-chair. Il ne prêtait qu'une oreille polie aux démonstrations vigoureuses de François Marie Haroüet, dit Voltaire. Il est vrai que les formes de Charlotte Corday auraient distrait un saint, tant elle mettait de passion à expliquer au vieux philosophe pourquoi elle serait prête à tuer encore Marat ou tout autre tyran. Le rose de ses joues s'était délicieusement empourpré tandis que le cynisme affecté de son contradicteur semblait n'avoir pour but que de faire jaillir d'indignation les deux magnifiques globes qui étouffaient dans leur corset. Un clin d'œil égrillard du vieux libertin convainquit rapidement Roland de ne pas se mêler à la conversation.
Il avait rattrapé les shadow-eyes dans le port de Belem à la toute dernière minute. Les rescapés du massacre de Rio de Janeiro avaient  juste eu le temps de télégraphier à leurs frères américains l'étendue du désastre et leur départ pour la plantation de Checoba.
Ils se savaient traqués par les tzins, mais Natacha n'avait pu révéler l'existence de l'hacienda, puisqu'elle l'ignorait.
Les yeux de Roland s'emplirent d'une peine indicible, et il se força à chasser les images de sang et de meurtre qui le hantaient.
Il se leva pour sentir les parfums poivrés qui effleuraient les coursives de " la Picadora ". Marcher la nuit le long des cabines l'apaisait. Les lumières vacillantes lui rappelaient l'éclairage au gaz incertain de la rue Mouffetard, la vie dans les cafés, les peintres sur les terrasses, les jurons des artisans, l'odeur forte des pipes et des pieds et le reflet de l'absinthe dans les longs verres effilés.

FRANCE. VARREDDES. MATIN DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Le maire de Varreddes émergea de sa rêverie lorsqu'un rayon de soleil se refléta dans la batterie de casques de pompiers et de trophées athlétiques soigneusement époussetés et rangés dans la vitrine par Marie-Jeanne. Il repoussa avec un petit sourire les factures abusives du maçon. Vingt francs pour la réfection du chaperon des murs du cimetière !!! L'ami Albert ne se poussait pas du coude. Il entreprit de rédiger avec minutie le mémoire qu'il demanderait au Conseil municipal d'approuver le soir même. Sa plume crissait avec application. Sa pensée était claire et son style fluent, il se surprit à se retrouver une fois de plus dans deux dimensions, lorsque l'odeur de cire et d'encre mélangées lui rappelèrent les longues discussions dans la cabine de Voltaire. Mais cette fois, avant qu'il n'ait pu s'enfuir dans le passé, un brouhaha qui montait de la petite classe unique au rez-de-chaussée lui fit dresser l'oreille. Avant qu'il ait pu se lever, l'instituteur était dans le bureau du maire, le visage grave :
"Roland, ils arrivent chez nous".

FRANCE. PARIS. MATIN DU SEPT SEPTEMBRE 1914

L'amnésie sélective dont était frappée Charlotte Corday s'évanouissait toujours brutalement devant la porte de la crypte. Une grimace de souffrance enlaidit son joli minois et un soupir de résignation souleva son buste bien dessiné. Elle descendit néanmoins d'un pas ferme les premières marches de la longue cave voûtée. Elle dépassa les Chablis et les Château-Margaux , tourna à gauche après les Morgon pour s'arrêter devant les champagnes. Elle déplaça le chais sur ses roulettes. Automatiquement, une partie du mur en brique s'effaça, ménageant l'accès à une grande salle circulaire. Plusieurs cercueils étaient alignés à droite de la pièce, et Charlotte évita comme toujours de s'attarder devant la dépouille de Voltaire. Ses seins commençaient bizarrement à la faire souffrir, comme d'habitude. Elle se hâta pour mettre fin à l'épreuve qu'elle ne connaissait que trop bien et se dirigea tout droit devant une niche aux reflets opalescents. Elle vérifia que le processus de régénération du clone de Charles Péguy avait bien débuté, et sourit en voyant l'embryon s'agiter en refermant ses petits poings. Elle referma doucement la porte, comme une mère qui évite de réveiller un bébé. Elle remonta l'escalier en se frottant les seins pour oublier la brûlure de ses chairs à vif.

FRANCE. VARREDDES. MATIN DU SEPT SEPTEMBRE 1914

"Dis-donc, soeurette, ça sent le tritouti, par ici, faudrait aérer, de temps en temps". Les deux garces de soeurs partirent d'un grand éclat de rire qui se termina en chuchotements. La femme de not'maître retrouvait toujours sa complicité avec sa soeur dès qu'Armelle venait visiter le jeune couple à la ferme des Plancys. Victor, le vieux bouvier, redoutait ces visites impromptues, qui se traduisaient immanquablement par des larmes de fierté bafouée étouffées dans son oreiller. Il n'avait que la ferme où vivre, et il ne voulait pas finir à l'hospice chez les soeurs qui le priveraient de vin et de tabac. Il se tenait droit sur sa chaise pour couper sa miche de pain avec son laguiole,  le dos tourné à l'entrée de la cuisine, pour faire semblant de ne pas entendre les petites phrases lâchées à demi-mots comme des coups de griffe. "Le vieux cochon....regarde ses oreilles, tellement de poils qu'il doit jamais se nettoyer les écuries....Tu crois qu'il se touche encore...à son âge quand même...doit même pas s'essuyer, en plus...".
Les rires continuèrent de poursuivre le vieux vétéran de Sebastopol tandis qu'il se levait en fixant l'étable loin devant lui. Quand il passa à côté d'elles, il ne put s'empêcher de humer la fragrance de ces femelles qu'il aurait monté toutes les deux l'une après l'autre trente ans plus tôt. L'espace d'une seconde, une tension sexuelle s'installa entre les deux jeunes femmes, qui jouissaient de leur domination sur le vieux bouc mal rasé, et l'ancien héros de guerre et coq du village.
Victor gonfla le buste, et les soeurs s'écartèrent malgré elles devant le grand corps pesant. Amandine lui ferait payer cette reculade en lui donnant le plus petit morceau de viande ce soir.

Roland se força à descendre lentement l'escalier pour ne pas affoler les enfants qui étaient déjà bien excités comme ça. Adolphe était le héros du jour, et tous ses camarades, même les plus âgés, l'écoutaient avec respect. Il répétait dix fois les mêmes mots, et Roland sourit malgré lui lorsque l'enfant sembla gonfler sur la pointe de ses pieds pour lui parler des monstres verts qui avalaient la campagne. Les plus grands étaient taiseux, ils avaient entendu leurs parents parler des atrocités commises chez les belges :
"M'sieur l'maire, c'est y vrai qu'y coupent les bras aux hommes et aux gars comme nous ?", lança audacieusement le grand Firmin en ravalant sa morve.
"Non, non, les enfants, n'ayez pas peur, ce sont des soldats comme les nôtres, ils ont de l'honneur, ils ne s'en prennent pas aux civils". Il garda pour lui la suite "sauf quand ils n'ont pas ce qu'ils veulent". Il ne voulait pas croire aux rumeurs de seins coupés et de bambins embrochés avec des baïonnettes, peut-être parce qu'il ne supportait pas l'idée de revoir des violences. Son esprit s'évada encore une fois.

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LA NUIT DU 29 JUIN 1896.

Roland se rendit compte avec attendrissement qu'il était le seul passager à veiller encore. Les autres shadow-eyes dormaient tous dans leur cabine, comme si le récit de la controverse de Valladolid les avait épuisé. Pourtant, écouter Las Cases expliquer comment il avait réussi à prouver que les indiens avaient une âme envers et contre l'inquisition l'avait lui-même fasciné, et il comprenait mieux maintenant le magnétisme et la force qui émanaient du chef de la branche brésilienne des shadow-eyes. 
Il hésita devant la porte entrouverte de la cabine de Charlotte....puis il la tira doucement en arrière. Un jour, peut-être...
L'homme de quart se détachait crûment sous la pleine lune. Roland s'allongea dans son rocking-chair. Le grondement des chutes du Rio Xingu dans la petite crique était devenu au fil des heures une ambiance qui lui rappelait le crissement des fraiseuses, des scies et des meules de l'atelier de son père. Il réussit péniblement à chasser des images de fusillades, de barricades pavées et d'exécutions sommaires par les Versaillais, en se concentrant sur la grande hacienda blanche qui surplombait l'embarcadère au bout d'une pelouse à l'anglaise. 
C'est son instinct de coureur des plaines qui le sortit de sa rêverie. Quelque chose n'allait pas dans l'immobilité de l'homme de quart. Un ressac un peu plus accentué fit tourner le gouvernail sur lequel il se reposait. Le corps du marin l'accompagna dans une lente descente. Roland se garda de bouger en voyant l'empennage de la longue flèche se hisser comme le nouveau drapeau du ferry-boat. Des ombres se profilèrent à la proue du bateau, des deux côtés de la salle des machines. Un bref coup d'oeil sur ses arrières le rassura. Mais ses cartouches étaient pour l'essentiel dans sa cabine. Il jura entre ses dents. Deux chargeurs !!! Pour tenir deux ponts à la fois ?. Il allait falloir tirer à coup sûr...
Les Jivaros s'avançaient très lentement, les pieds nus glissant sur le pont avec le buste incliné et projeté en avant, la sagaie ramenée dans le dos pour être décochée instantanément. Certains tenaient leur casse-tête levé, d'autres les couvraient avec une flèche encochée. Leurs peintures effrayantes semblaient jaillir de l'ombre pour éclater à la lueur des fanaux. Caché derrière le rocking-chair, Roland attendit que les deux groupes qui avançaient parallèlement le long des cabines comptent une quinzaine d'hommes. Puis il s'élança en hurlant. 

FRANCE. VARREDDES. MATIN DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Le cliquetis grave d'un gros moteur envahit le couloir de la petite mairie. Roland s'ébroua et entrouvrit la porte. Il la repoussa, parut réfléchir un court instant et repoussa l'instituteur et les enfants dans la classe. "Toi, tu restes là avec les enfants et tu ne sors sous aucun prétexte". Il chuchota à l'oreille "Et s'il y a du grabuge, vous filez par le jardin du curé ". Il courut dans l'escalier et repassa dans son bureau pour prendre ses attributs de maire. Il noua fiévreusement autour de sa taille l'écharpe tricolore, pas le temps de l'ajuster à l'épaule.
Quand il se tint cérémonieusement debout devant la mairie, ce fut pour contempler stupidement une majestueuse Horch blindée, noire et scintillante de chromes jusque sur ses marche-pieds. Un cuir lie de vin cossu capitonnait largement la coque en bois en forme de berceau. Le véhicule des officiers d'état major manqua l'écraser sans s'arrêter. Les deux officiers supérieurs continuaient leur conversation sans paraître le remarquer, ni lui ni les quelques rares civils qui étaient sortis des cafés.
Les voitures militaires qui les escortaient allaient presque aussi vite, mais les soldats avaient le doigt sur la gâchette de leurs fusils. Quelques cavaliers suivirent, plutôt des estafettes chargées du renseignement qu'une unité constituée. Eux prenaient le temps de toiser avec arrogance la petite foule qui avait fini par s'agglutiner devant la mairie ou l'église selon les convictions. Ils se redressaient exagérément sur leurs selles, en faisant hennir leurs puissantes montures du Mecklembourg.
Puis, une longue colonne d'infanterie qui se fragmentait à chaque changement de drapeau apparut après les premières maisons. Sa densité soulevait un petit nuage de poussière qui ne retomba qu'au bout d'une heure.
Dix mille hommes venaient de traverser Varreddes, des visages de morphologie inconnue, des moustaches farouches, des nuques rasées jaillissant d'uniformes à la coupe rigide.
Puis une colonne de cavalerie mixte arriva sur leurs talons. Des uhlans d'abord, encaparaçonnés dans des cuissardes et des braies rutilantes, certains porteurs des mêmes lances que leurs pères à Sedan, avec le sabre bringuebalant le long des selles. Puis quelques hussards, qui semblaient tous officiers et s'amusaient à terrifier la population en chantant d'une voix sauvage :

"Es schlug mein herz, geschwind zu pferde, es war getan, fast ehe gedacht....", et parfois ils laissaient leurs chevaux monter sur les trottoirs. Tous éclatèrent de rire en voyant le crottin fraîchement déposé devant la mairie.

Les villageois surent que les loups étaient rentré dans le village lorsque l'un des hussards les plus décorés mit pied à terre devant Roland, mais ils ignoraient que le diable les accompagnait.

"A qui est la ferme avec le krand pigeonnier ? On la prend pour les officiers maintenant". Le lieutenant interprète relança impatiemment Roland pour affirmer son autorité souveraine :
"Alors ? ".
"Avez-vous un ordre de réquisition ?". La gifle claqua à toute volée.
"Schweinhund, cochon de français, à qui tu crois parler ?"-"Tiens, le foilà, ton papier". Roland esquiva la seconde gifle en portant la main à son flanc pour dégainer. Ses mouvements furent si vifs que le lieutenant resta abasourdi quelques secondes. Roland réalisa que sa situation ne lui permettait rien d'autre que de calmer le soudard et il répartit très vite :
"C'est la mienne, Herr Leutnant, la ferme de Beauval, je l'ai achetée en 1896 à Théodore Proffit pour deux cent louis d'or et je serais très heureux de vous accueillir avec mon fils. Mais il n'y a pas de femme, il faudra vous débrouiller pour la cuisine". Il fit une sorte de salut militaire en portant la main à son chapeau et il se retourna sans laisser le temps à l'officier de réagir, et surtout pour masquer l'envie de meurtre que dégageaient ses joues cramoisies.
Le lieutenant Manfred Ritterschein sourit en voyant le grand vieillard soumis lui tourner piteusement le dos. Ach, sacrés français qui croyaient pouvoir reprendre l'Alsace et la Lorraine...Nach Paris, oui, ils allaient voir....et leurs bonnes femmes aussi. Il sourit au commandant de la colonne qui arrivait au trot, mais le sourire s'effaça lorsqu'il vit le cortège macabre que tirait par les rênes le grand hussard à la veste exagérément chamarrée.

C'est par les volets entrebaîllés de son bureau que Roland vit pour la première fois le baron Rupert Von Hentzau. Son coeur manqua un battement en reconnaissant les traits hais du mutant. Le cauchemar allait recommencer.


FRANCE. PARIS. SOIR DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Il se redressa lentement, mais son coude dérapa légèrement contre la paroi glissante du sarcophage en titane. Charlotte Corday étouffa un petit rire gêné, car il y avait toujours une part d'intimité traumatisée dans le réveil d'un shadow-eye. Charles Péguy sentait encore la balle de calibre militaire percer son flanc avant de lui traverser les poumons dans un éclair de douleur qui précéda de peu le silence de son âme. Il se souvint tout de suite qu'il s'appelait maintenant Jean de Saint-Marc, et qu'il avait un logement et des papiers qui l'attendaient sous ce nom rue Mirosmenil. Il n'avait pas envie de parler de son traumatisme à Charlotte. Perdre l'une de ses sept vies était toujours mourir un peu pour un shadow-eye, une partie des souvenirs s'effaçait, et une rééducation par des livres et la tradition orale aidait les immortels à recouvrer leurs facultés et le sens de leur destinée. Mais chaque mort les rapprochait un peu plus de l'ultime vérité, et ils avaient tous vu plus que ce que peu d'humains étaient revenu raconter. Il émergea de son caisson avec les jambes qui tremblaient un peu, mais il refusa le bras de Charlotte avec un sourire las. Il était nu, mais il n'y avait pas de pudeur de corps entre les frères. Il saisit la robe de chambre de soie mauve que lui tendait Charlotte et il remontèrent l'escalier.
Charlotte le guida au début à travers le dédale des étages, mais la mémoire de l'écrivain revenait progressivement. Il franchit sans hésitation le seuil du dernier étage pour entrer dans un fumoir où un groupe d'hommes et de femmes dégustait liqueurs ou café en l'attendant. Georges Sand et Jules Ferry se levèrent les premiers pour le réconforter. Charlotte resta en arrière...Elle tendit l'oreille, écouta de nouveau...puis elle redescendit la volée de marches en laissant glisser fermement son bras le long de la rampe.

FRANCE. VARREDDES. MIDI LE SEPT SEPTEMBRE 1914

Les Chleuhs sont dans la ferme. Roland leur a abandonné le corps de logis principal, nous nous sommes replié dans la maison de nos employés. Père essaie de calmer l'indignation de la tante de Marie-Jeanne " Roland, c'est y pas des barbares ? Vlà qu'l'grand, là bas, il a bouffé toute une roue de brie avec la paille autour, et il a trouvé ça bon encore ! ! ! ".
Elle roule les r d'émotion, et Roland ne peut s'empêcher de sourire malgré le tragique de la situation.
Il est très inquiet depuis que le médecin a été sorti de son cabinet un peu avant midi pour faire l'autopsie des trois cadavres ramenés par le tzin.
Les curieuses casquettes des uhlans ont envahi tout Varreddes, ils ont réquisitionné la Poste, la fournée de pain, les pédiluves et monté de grandes tentes circulaires pour une partie des troupes. Quelques groupes de cavaliers sont partis en reconnaissance dans les hameaux. Les enfants ont repris la classe, c'est moins dangereux que de passer sous un cheval lancé au galop.
Après manger, mon père nous a réunis dans la chambre de Marie-Jeanne. Moi, je savais déjà tout des tzins, mais il a expliqué le minimum à Marie-Jeanne, pour ne pas dépasser sa compréhension trop vite. Elle a au moins compris que la situation est grave, et que notre pire ennemi fait partie d'une sorte de secte, qu'il cherche quelque chose que Roland possède, mais que nous avons des amis à Paris. Il boit son café très chaud par petites gorgées qui rythment ses phrases brèves.
" Mon fils, il va falloir que tu passes leurs lignes pour aller téléphoner à Etrepilly, à ce numéro ". Il me tend un petit bout de papier griffonné à la hâte " Moi, je dois rester ici pour les protéger, tous ". Il ajoute " Dis leur qu'ils sont revenus, qu'ils le cherchent encore, que j'ai besoin d'aide ".
J'ai embrassé tendrement ma future femme avant de partir.
J'aime tomber dans ses yeux bleus et profonds.
J'aime comme ses joues rosissent sous ses tâches de rousseur.
J'aime sa voix douce et grave. Elle fera institutrice, Monsieur Delagarde l'a dit, elle est plus intelligente que moi.
Elle nous fera de beaux petits, à mon père et à moi. Je suis très dur quand je pense à elle.
Bon, pas le temps pour un gros câlin, cachés dans une meule de foin à lui manger les deux belles poires que je tiens en coupe dans mes mains en labourant son bourgeon tout dur et glissant avec mon gland.   

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LA NUIT DU 29 JUIN 1896.

Roland fut obligé de tirer par brèves rafales pour bloquer la masse compacte des sauvages. Il se recula brusquement pour échapper à la volée de flèches décochée à tribord après le premier effet de surprise. Il courut sur quelques mètres mais eut le réflexe de bouler par terre pour prendre le pont de bâbord en enfilade. Prévenus par la première fusillade, les Jivaros s'étaient presque allongé sur le pont après avoir fracassé les fanaux. En position de coup par coup, l'arme automatique fit quelques dégâts, et des gémissements se mêlèrent au bruit des combats dans les cabines. Roland se replia au milieu du pont et assista au massacre des hommes d'équipage exécutés un par un en sortant des soutes. Quelques coups de feu dispersés témoignaient de luttes éparses. La cabine de Charlotte était proche, et les sauvages étaient surtout occupés à piller les salons et salles à manger. Il lui restait un demi-chargeur lorsqu'il s'élança. Les premières balles touchèrent toutes leurs cibles, formant un barrage provisoire qui lui permit d'entrouvrir la porte de la cabine. Charlotte pointait devant elle un petit pistolet de femme à un coup, une poivrière de l'ancien régime. Roland fut fugacement ému par la fragilité dérisoire de l'arme et le courage de la jeune héroïne. Des bruits de pas l'avertirent que l'hésitation allait être fatale. Il s'accroupit brusquement devant la porte, et tira ses dernières cartouches. Derrière lui, il entendit une troupe l'encercler. Il se retourna. Les flèches partirent en même temps qu'il plongeait dans les eaux noires et tumultueuses. 
Le courant le charriait comme un galet plus vite qu'il ne nageait. Le bateau disparaissait très vite derrière lui. Il remonta une dernière fois à la surface en crachant et en toussant pour saisir une grande liane tendue comme une perche miraculeuse. Petit à petit, il parvint à extraire son corps happé par une gangue liquide. Il noua ses poignets pour soulager ses muscles crispés pendant quelques minutes. L'aube le trouva allongé sur une grande branche au sommet de l'arbre de fer à la dureté légendaire. Dans les senteurs moites des végétaux pourris ou renaissant, il dénouait péniblement son corps recroquevillé que réchauffait les premiers rayons lorsqu'il entendit un hurlement.

FRANCE. VARREDDES. APRES-MIDI DU SEPT SEPTEMBRE 1914

La ferme des Plancys, dans le hameau le plus éloigné sur le territoire communal, apparut après la dernière clairière aménagée dans le petit bois en réserve de chasse. Victor avait distingué tout de suite la petite tâche d'un brun foncé qui était surgie de nulle part. Le vieux soldat n'hésita pas une seconde pour se cacher dans une soupente entre deux sacs de blé. Il savait trop bien de quoi les teutons étaient capables, et il était le seul homme à la ferme. Personne ne lui reprocherait d'avoir abandonné les deux garces vives qui s'exhibaient honteusement dans la cour pour le provoquer sexuellement.
" J'te dis que tu rentres pas dedans ".
" Et moi, j'te dis que si, allez, donne le moi, donne, DONNE ! ! ! ".
Amandine et Armelle tiraient sur le corset comme deux gamines se disputant une poupée. Les deux accortes femelles avaient une prétention déraisonnée, tant le bustier peinait à se refermer autour de leurs voluptueux appas. Elles transpiraient sous l'effort de contention, et leurs chemises largement ouvertes dévoilaient savamment de quoi exciter le vieux mâle. Victor n'avait pu s'empêcher de reluquer les rondeurs des croupes et le galbe des fortes poitrines, même s'il avait bien compris le jeu des jeunes salopes.
Epuisées par l'effort, elles babillaient sous une tonnelle, affalées sur un banc, lorsqu'un bruit martial de sabots bien ferrés les tira de leur rêverie.
Le sergent Gustav Eisenerst et trois autres uhlans firent leur entrée dans la cour en repoussant de leur lance l'imposante porte cochère à moitié refermée.
Les deux sœurs se rhabillèrent en hâte, mais le mal était fait.
" Ach, cheunes françaises, pas avoir peur, nous chentils ".
Armelle et Amandine ne répondirent pas, les bras recroquevillés sur la poitrine.
" Nous occuper la ferme, nous fouloir manger ". L'un des uhlans était descendu de cheval. Il posa la main sur le bras nu d'Armelle " Cholie cheune fille, moi aussi fiancé ". Elle retira brusquement son bras et trébucha sur Gustav  " Ach, pas aimer allemands ? ". Amandine s'interposa pour faire une diversion " Si, si, nous aimer soldats, nous avoir bonnes confitures pour vous, dans la grande armoire de la cuisine, là, c'est cette porte, là, oui, celle là ".
Les deux sœurs se blottirent instinctivement l'une contre l'autre tandis que Victor était de plus en plus intéressé par la scène qui se déroulait sous ses yeux dans la cour.
Un autre uhlan, le visage rougeaud et bovin, fit claquer gentiment les rênes de sa monture sur les fesses d'Amandine " Femmes françaises pétites fesses, mais cholies, ah oui ". Un cri de colère monta de la cuisine qui se confondit avec la claque sur la joue du soldat. Atterrée par ce qu'elle venait de faire, Amandine se tourna vers le soldat furieux qui brandissait un pot d'encaustique :
" Pouah, pschuitt, DONNERWETTER ".
" Salopes de françaises, toi fouloir empoisonner nous ? ". Gustav secouait Amandine par le bras comme un chien secoue un rat. La chemise s'entrouvrit brutalement, un sein magnifique apparut. Le regard des uhlans devint fixe, dès le début ils avaient sans vraiment le savoir cherché un prétexte pour pouvoir toucher et dénuder ces deux superbes femelles.
" Fous, espionnes, à poil ". Les quatre brutes partirent d'un gros rire pendant que les jeunes femmes s'exécutaient en tremblant. Tapi dans sa cache, le vieux Victor se rinçait l'œil avec un sourire de revanche.
Les mains en conque autour des seins et de leurs fentes très velues, les jeunes femmes durent se résoudre à parader sous les schlagues qui menaçaient leurs postérieurs rebondis. Tels des maquignons, les allemands palpaient sans vergogne les fesses bien dessinées, pinçaient les seins, caressaient les joues fraîches, effleuraient les chattes aux poils collés par la transpiration en riant aux éclats.
" Ach, françaises mouiller, françaises putains ! ". " Fous fouloir foir comment allemands bien montés être ? ".
Les casques à pointe étaient soûlés par les relents de sueur, de jeunes cons au musc puissant et d'eau de Cologne bon marché des petites garces.           
L'un des uhlans, la queue raide et bloquée par son pantalon, n'y tint plus et se dégrafa rapidement. Il fit pivoter Amandine et la força à écarter les jambes en se penchant en avant. Armelle ouvrit la bouche pour hurler, mais une main vigoureuse bloqua son cri, la forçant à s'agenouiller d'une poigne de fer.
Le souffle coupé, Amandine sentit un membre vigoureux la transpercer sans fioritures dans son fondement. Son cri bref et perçant donna une idée au gros paysan déguisé en soldat " Ja, ja, toi faire le porc, scroui, scroui, encore ! ! ! ".
Armelle fut en même temps suffoquée par le viol de sa sœur et l'odeur d'urine marinée du bâillon de chair qui lui était présenté. Sous ses yeux hagards, une poigne vigoureuse massait énergiquement les gros roberts de sa sœur, mais pour ne pas tomber, elle dut vite se concentrer sur la bite boche qui violait sa bouche. Gustav empoigna ses longues anglaises comme il aurait guidé son cheval pour mieux marteler ce temple délicat dont la chaleur frétillante le rendait fou.
Dans un long râle, le sodomite se rendit en écrasant les seins d'Amandine comme des pêches juteuses. Un autre uhlan se présenta devant Amandine qui reprenait sa respiration en sanglotant de honte et de douleur. Penchée en avant, elle offrait un profond sillon mammaire en forme de cravate espagnole. Le soldat ne s'y trompa point, et il lova entre les globes fermes et doux comme un oreiller un long membre rouge dont la tête frémissait d'aisance. 

FRANCE. VARREDDES. APRES-MIDI DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Atmosphère sinistre dans le café-tabac de la place du village. Il manquait tout simplement la musique de l'air de Cadet Rousselle. Ce soir, pas de joyeux :
"la boulangère est une salope, la boulangère est une salope,
un doigt dans l'trou d'mon cul et hop, un doigt dans l'trou d'mon cul et hop ".
Les journaliers aux traits tirés par les dernières moissons et l'inquiétude gardaient un visage grave et pensif, le nez dans leurs verres. Quelques fléchettes traversèrent une cible ébréchée pour donner une illusion de vie. Elle trônait entre une publicité pour la manufacture d'armes et de cycles de Saint-Etienne et une affiche jaunie prônant la tempérance, encadrée par dérision.
Roland poussa doucement la porte, gêné de voir tous les regards converger vers lui.  Claude Courtier, le mari d'Armelle et plus gros propriétaire de la commune, lança :
" Marcadieu, qu'est ce qu'y fait à c't'heure, l'toubib ? ça va faire trois heures, ç'tantôt "
Alphonse Proffit, le bistrotier, ajouta " Qu'est c'qu'y prendra, m'sieur l'maire ".
Roland dit au hasard " Oui ?....ce vin blanc avec du sirop de cassis, du curé....machin ".
" Ah, oui, il veut un Kir ? ".
Avant que Roland ait pu répondre, une effervescence parut animer la place. Un client souleva la tenture au dessus d'une vitre dépolie et sortit précipitamment. Tous les hommes le suivirent.
Les grands hussards de la mort arrivaient en même temps. Ils avaient fermement encadré par les bras le vieux docteur Maurice, qu'ils portaient presque, tant il peinait à les suivre. Le plus haut gradé des allemands se hissa souplement sur la haute margelle de la fontaine dont les angelots veillaient sur la place depuis des siècles. Il tenait au bout de ses doigts gantés un rapport d'autopsie dont l'encre était à peine sèche. L'oeil vissé sur son monocle, le tzin attendit que la place fut convenablement remplie avant de commencer :
" ICH HEISSE RUPERT VON HENTZAU ".
Il reprit tout de suite en français : "
" Ici, je commande pour l'armée allemande et je représente le Kaiser avec tous les pouvoirs ". Il s'interrompit pour surprendre les protestations d'éventuels agitateurs. Les visages soumis lui arrachèrent un rictus de satisfaction.
" Ce matin, des franc-tireurs ont lâchement abattu DANS LE DOS trois soldats allemands ". Les gens retinrent leur souffle.
" Ils ont été tués avec une arme militaire allemande volée, comme celle-là ". Le tzin fit un geste bref, et son ordonnance tendit le bras pour lui remettre son pistolet automatique.
Von Hentzau leva le bras pour montrer le Mauser 96.
" A partir de demain matin, un otage sera fusillé toutes les heures tant que je n'aurais pas retrouvé les assassins et cette arme. Où est le maire ? "   
Roland fendit la foule pour se présenter.
" A la mairie ".
Le tzin n'eut pas un regard pour l'homme qu'il cherchait sans le savoir en sautant souplement de son perchoir. Les yeux de Roland semblaient hypnotisés par les grandes cuissardes en cuir d'un vert bronze qui le précédaient. Ils montèrent les escaliers de la mairie d'un pas vif pour le tzin et résigné pour Roland. Ils se firent face au -dessus du bureau du maire :
" Le registre d'état civil ". Roland fit semblant de ne pas avoir compris " le              quoi ?". Le hussard frappa du poing sur le bureau, renversant plumes et encrier.
" Che feux dix otages ou je les désigne moi-même ". L'accent revenu sous la colère fit sursauter Roland.
" Vous ne pouvez pas me demander une chose comme ça ".
" Ecoute, petit français, c'est le moment de te débarrasser de tes socialistes et de tes agitateurs... ".
" Je suis le maire de tous les habitants. Je refuse de vous livrer quelqu'un ".
" Très bien...ça sera n'importe qui ". Le tzin ouvrit une page au hasard et pointa un doigt étonnamment griffu sur la première ligne. Roland sursauta en entendant le premier nom. L'énoncé de chaque nom que le tzin griffonna sur une feuille arrachée à l'album épais fut un coup de poignard dans sa chair.
"Non, pas les enfants ! ! ! " Le tzin éclata de rire " C'est toi qui l'as voulu, maintenant c'est trop tard ". Il brandit sa liste sous le nez de l'homme vieux et fatigué qui semblait écrasé par la souffrance et la culpabilité et sortit. 
Roland laissa lentement retomber son front sur ses mains jointes et allongées sur le sous-main en cuir que Marie-Jeanne et moi lui avions offert pour ses cinquante ans. Les cauchemars revinrent très vite.

BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LE MATIN DU 30 JUIN 1896.

Les hurlements devinrent plus aigus en même temps que les contours de la silhouette qui se balançait sous le grand hévéa se précisait. Le cœur affolé par ce qu'il pressentait, Roland fouilla dans l'étui en bois du Mauser 96 pour en extraire une courte lunette de vue. L'étroit champ de visée ne lui permettait qu'une vue très fragmentaire de la scène d'un autre âge qui se déroulait sur l'autre rive, devant l'hacienda des shadow-eyes. Ce fut comme un puzzle qu'il reconstitua difficilement, tant son entendement était plus lent que ses gestes de fou. D'abord les Jivaros, qui sortaient de l'hacienda les bras chargés de robes, d'armes et d'objets de confort, avec des chapeaux sur la tête et les mâchoires refermées sur des salaisons. A gauche, un autre groupe s'affairait sur les cadavres des shadow-eyes. Roland faillit vomir lorsque l'un des sauvages s'affaira sur le cadavre de Voltaire et exhiba triomphalement sa tête tranchée. Il s'approcha du feu au-dessus duquel ses congénères étaient en train de fumer et réduire d'autres têtes. Un rictus amer souleva les lèvres de Roland lorsqu'il songea que le vieux philosophe aurait lui-même bien ri de la blague pour idiots qui se réalisait sous ses yeux. Car un archéologue pourrait un de ces jours trouver le crâne de Voltaire enfant.
Dans son champ de vision apparut d'abord un casque colonial allemand, puis le profil honni de saurien et de prédateur d'un tzin plus âgé que celui qu'il avait tué au Nouveau-Mexique. Un fouet se leva. Roland connaissait d'avance la cible, mais il se força à regarder, c'était son devoir.
Les joues de la jeune aristocrate étaient aussi rouges que ses fesses. Elle cria une nouvelle fois, vrillant les oreilles de Roland tant ses pleurs et supplications étaient pitoyables. La beauté de son corps fin d'une blancheur diaphane suffoqua Roland. Le bras du Tzin retomba. Tandis que le corps de Charlotte continuait de se tordre de douleur, il porta un grand verre de vin à sa bouche en se reposant quelques instants. Il donna un ordre bref, et l'un des sauvages qu'il avait soudoyés avec des bijoux de pacotille amena le porte-voix du capitaine du ferry-boat. Le fouet de vacher laboura alors les flancs délicats, fouaillant le jeune corps qui se trémoussait comme un poisson au bout d'une ligne pour se soustraire aux morsures infernales. Charlotte tentait de se hisser au bout de ses liens, de se balancer en repliant et en refermant sensuellement ses cuisses, mais rien n'y faisait, et les cinglées sauvages trouvaient implacablement leur cible, les hanches voluptueuses et l'adorable buisson bouclé que Charlotte tentait d'effacer en creusant le ventre. Mais alors, c'étaient les seins pleins et frissonnants qui s'exposaient en première ligne. Le corps magnifique était strié de zébrures roses d'où commençaient de sourdre quelques gouttes carminées sur les chairs plus fragiles du ventre et des aréoles. Au bout de quelques instants, le mutant laissa reposer le corps pantelant d'une douleur atroce qui irradiait tout l'épiderme de la jeune fille. Il se saisit du porte-voix qu'il plaça devant la bouche mutine qui se convulsait en cherchant de l'air.
La respiration saccadée et les sanglots incoercibles emplirent la tête de Roland comme si Charlotte avait le menton blotti dans le creux de son épaule, sans qu'il puisse la consoler. Il cassa un branchage entre ses doigts de rage avant de reprendre la petite longue-vue. Le mugissement du tzin résonna douloureusement dans ses oreilles et le fit tanguer sur lui-même comme s'il avait trop bu.

L'instituteur et secrétaire de mairie secouait doucement son épaule. Roland émergea de son voyage au pays des réducteurs de tête et se leva en chancelant comme un homme ivre. Il prit le bras charitable comme une bouée de sauvetage.


FRANCE. VARREDDES. APRES-MIDI DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Le gland heurtait sans pause la luette d'Armelle. Elle ne pouvait pas se dégager de la poigne d'acier pour respirer normalement. Elle étouffait petit à petit, tant la queue dilatée à craquer emplissait sa bouche. La décharge brutale d'une longue traînée de foutre la surprit, malgré son attente, par sa densité visqueuse et son volume. Le goût âcre du à un amour immodéré du schnaps accentua son intolérance. Le sergent continua de s'enfoncer pour mieux se vider. Elle dut mordre pour se dégager en crachant et en suffoquant. Gustav hurla en tombant à la renverse. Un sinistre craquement de branches brisées résonna sur les pavés de la cour. Tous surent que l'irréparable s'était produit sous leurs yeux à ce bruit. Les deux sœurs se regardèrent en pleurant tandis qu'un uhlan reposait doucement la tête aux vertèbres rompues.
Les yeux exorbités, le uhlan siffla entre ses dents " Françaises terroristes. Françaises mourir ".
Armelle et Amandine bondirent sur leurs pieds comme de jeunes chatons, mais trois lances implacables les rabattirent dans un cercle de plus en étroit
" Amandine, j'ai peur, qu'est-ce qu'ils vont nous faire ". " Il faut crier, appelle Victor. APPELLE AU SECOURS ! ! ! ".

FRANCE. ETREPILLY. SOIR DU SEPT SEPTEMBRE 1914.

De ma première rencontre avec Charlotte ne restera qu'une voix chaude et grave à l'autre bout d'un fil qui nous relie et nous sépare en même temps, entre Etrepilly et Varreddes. Un jour, je serai plus vieux qu'elle.
Je ressors de la cabine téléphonique qui sent bon le bois tout neuf, sous le regard du receveur des postes qui bégaye de fierté pour l'arrivée du progrès dans le petit bourg. J'essaie de donner un corps à Charlotte, mais je tiens presque déjà le long visage aristocratique, le nez fin et légèrement busqué que je découvrirai après la guerre. Puis je pense à Marie-Jeanne, un peu honteux.
Dans la poste d'Etrepilly bruissent les rumeurs les plus contradictoires. Les hommes serrent les poings ou tirent sur leurs pipes tandis que les femmes essaient d'appeler les familles à Varreddes. A chaque fois, elles tombent sur les boches qui les insultent avec de gros rires gras dont elles comprennent parfaitement le sens. Je suis très entouré, car je suis le seul à avoir passé leurs lignes. Je leur ai dit que les colonnes  remontaient depuis le rû de l'Ancoeur, en tirant du matériel, mais personne ne veut regagner les fermes, car les bleus arrivent.
Charlotte m'a dit que Jean de Saint-Marc avait pris la tête d'un détachement parmi les premiers sortis de la capitale avec les taxis de la Marne. Demain matin, Varreddes sera sauvée. Mon père doit simplement rester tranquille.
Je vais couper par la ferme des Plancys pour le prévenir. En pleine nuit, j'arriverais bien à berner les doryphores.

FRANCE. VARREDDES. SOIR DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Depuis deux heures, les uhlans n'avaient pas interrompu leur jeu cruel. Ils étaient d'abord remonté sur leurs selles après avoir fermé toutes les issues de la cour de la ferme. Puis, tels des picadors, ils s'étaient amusé à pourchasser de leurs lourdes lances les proies dénudées. Les cavalcades se succédaient, dans un effrayant martèlement de sabots qui résonnait dans la cour fermée jusqu'aux oreilles de Victor. Le pauvre bougre avait tout vu, amusé et revanchard au début, maintenant pétrifié par sa propre lâcheté et révulsé par le crime qui était en train de se commettre sous ses yeux. Car il n'avait aucun doute sur la détermination des lanciers ennemis. Au jeu épique des premières heures, au coups de plats de fer sur les fesses, aux frappes de taille avec le bois dans le creux des épaules bien découplées, avaient succédé des coups d'estoc de plus en plus vicieux avec les pointes. Les soeurs étaient épuisées par leurs courses incessantes, qui trouvaient toujours le poitrail fumant d'un hongre pour s'opposer à leur poitrine haletante.
Quand elles risquaient une pause, une main agrippée sur la tonnelle, l'autre retenant leur souffle oppressé, un ordre cinglait à leurs oreilles bien trop vite suivi d'un coup.
"LOS !!! SCHNELL". Les opulentes mamelles ballottaient sans gaine et sans fierté, elles n'avaient plus cure de les dérober aux regards tant leurs gestes saccadés devenaient lourds et disgracieux. Dans la fin du jour, elles frissonnaient d'une peur affreuse qui les faisait transpirer davantage. Le visage cramoisi, elles avaient conscience de la puanteur de leurs effluves sui generis, auxquels se mêlait l'âcre parfum tourné de l'eau de Cologne. Les uhlans fronçaient le nez en se moquant d'elles, et en profitaient pour les maltraiter davantage. Les soeurs prirent enfin conscience de leur destinée au premier sang qui coula. Pas celui qui dégoulinait de leurs genoux écorchés par d'innombrables chutes sur les instruments aratoires, mais celui qui coula de la fesse d'Amandine au premier vrai coup de pointe.
Elle s'effondra en hurlant, les jambes coupées par la douleur qui paralysait sa croupe. L'un des uhlans descendit de sa monture pour allumer des torches attachées sur la tonnelle. Le spectacle promettait d'être beau, et ils voulaient en garder un souvenir inoubliable, comme d'une fête joyeuse. Les uniformes aux galons rouges cousus de fil d'or dessinèrent des ombres fantastiques sur les murs hourdés à la chaux.
Victor se rejeta en arrière, tandis qu'Armelle soutenait sa soeur qui claudiquait. Elles avaient renoncé à demander pitié, leurs voix enrouées toujours couvertes par les cris joyeux et les insultes des cavaliers virevoltant. Traquées, très affaiblies, le coeur au bord de l'explosion, les soeurs s'enfuirent à l'autre bout de la cour en trottant comme des limaces. Les uhlans se contentaient de les suivre au pas, tant les chevaux allaient plus vite. Maintenant, à chaque fois que l'un de leurs bourreaux les dépassait, une marque de son passage restait incrustée dans les chairs pantelantes. Elles butaient sur des crinières échevelées et écumantes, cabrées après des ruades vicieuses qui les affolaient. Les cariatides de douleur se redressaient à chaque infime perforation des seins, des cuisses, des ventres tétanisés par des souffrances incoercibles. Les mains jointes pour demander merci retombaient pour aider à ramper les corps faits pour les caresses de mains viriles. Puis vint le temps où des frémissements de plus en plus rares animèrent les corps épuisés.
"SCHNELLER, FRANZÖZISCHE FOSE". Les torches éclaboussaient de leurs lueurs dansantes les casques à pointe qui se penchaient sur les chairs à l'agonie dans un ballet fantasmagorique.
Les sabots clapotaient maintenant dans de petites flaques de sang qui s'étaient insinuées entre les pavés. Les soeurs s'étreignaient pour mieux se protéger, mais lorsque les fers piquèrent plus profondément les flancs et les cuisses, le hérisson humain s'entrouvrit pour offrir les poitrines vulnérables et presque mutilées. Les seins affreusement piqués, perforés, ne méritaient plus le nom d'appas. Les brunes aréoles congestionnées par les soubresauts incessants étaient le centre d'une cible que les soudards ne rataient jamais. Un mamelon fin et ferme tomba au champ d'honneur, salué par un rugissement de souffrance et des applaudissements. Victor revit fugacement la petite fille de douze ans qui s'était avancé au-dessus de son corps noyé de sommeil dans les blés chauds. Elle l'avait regardé effrontément avant de relever sa jupe, dévoilant sa jeune chatte glabre avant de relever son capuchon rose pour diriger un petit jet d'urine sur sa bouche bée. Bien qu'Armelle lui ait fait durement payer par la suite ce moment d'égarement, le vieux paysan se masturbait encore parfois lorsque l'odeur de cyprine emplissait ses narines.   
La fin approchait. Une pointe acérée transfixia une grasse mamelle et se releva comme un hameçon aurait ferré un brochet. Amandine rassembla ses dernières forces pour se soulever et accompagner l'épouvantable déchirure. Son bourreau prenait plaisir à secouer sa lance pour arracher le fer et provoquer des hurlements démentiels. Armelle se tordit comme un ver lorsque sa fente fut visitée par un pal inquisiteur pendant que ses mains étreignaient vainement une autre lance pour la détourner de ses tétons dont le sang dégouttait.
Les beaux corps mutilés roulèrent lentement, repoussés par les pointes comme des ballots de foin. A l'approche de la fosse à purin, des gémissements imperceptibles traduisirent le refus de la fin ignoble que les tourmenteurs avaient prévue. Les soeurs s'enfoncèrent lentement dans le magma ignoble, les cheveux maculés de fiente, le corps aspiré par les déjections, les mains levées émergèrent quelques instants du cloaque dans une ultime prière. 

FRANCE. VARREDDES. SOIR DU SEPT SEPTEMBRE 1914

Les plus vieilles des lavandières guettaient avidement les draps de la jeune mariée.
Elles poussèrent ensemble un soupir résigné. La Yolande présentait ostensiblement le drap nuptial de sorte que toutes puissent voir la macule de sang qui attestait de sa virginité déflorée.
Elles recommencèrent à battre et essorer leur linge sur les planches rabaissées au niveau des basses eaux du grand lavoir circulaire. Une délicieuse moiteur régnait sous les petites tuiles surchauffées imprégnées par l'humidité résiduelle des murs centenaires.
Un trot léger interrompit le concert de médisances. Une dizaine de cavaliers s'étaient arrêté au bord de la route de Trocy, qui surplombait le lavoir communal. Puis les soldats mirent pied à terre et donnèrent le change en faisant boire leurs montures dans le bassin. 
Les uhlans sifflèrent d'admiration lorsque Marie-Jeanne se pencha pour tirer l'eau du puits qui jouxtait le lavoir. Ma bien-aimée fit semblant de n'avoir rien entendu. Elle se contenta de resserrer sur sa poitrine le col de sa chemise ouvert sur la naissance de ses seins. Il faisait encore beaucoup trop chaud pour passer un fichu sur ses épaules, mais elle se maudit de ne pas y avoir pensé lorsque le sergent Dieter Klemberman s'approcha. Elle se força à regarder les planches et les battoirs en sifflotant à son tour, par défi. Le gros sergent  posa une main autoritaire sur la corde :
" Ach, laisser soldats faire, matemoiselle ". Marie-Jeanne détourna les yeux en soupirant, tâchant d'ignorer le gros tas de graisse malodorant et boudiné dans son uniforme qui lui cachait le soleil.
L'ignoble lui adressa un grand sourire en remontant le seau plein. Il ajouta pour la forme " Matemoiselle chentille afec soldats ? Ach, nous aimer petites femmes de Paris, french cancan ". Il hésita un peu " Fous Pigalle ? ". Marie-Jeanne éclata de rire. Le rustaud la prenait pour une pute parce que son chemisier baillait. Prenant le rire pour un oui, le gros soldat posa une main confiante sur le sein opulent qui s'était gonflé sous ses yeux. La seconde d'après, le seau d'eau dégoulinait comiquement sur ses cheveux et ses épaules. Le redoutable uhlan était redevenu un péquenaud abruti et mortifié. Marie éclata de rire avec les autres lavandières, pendant que les uhlans gardaient un visage sévère. Le sergent s'essuya lentement le visage et la moustache avec le manche de son uniforme. Aussi lentement qu'il le fallait pour laisser à sa colère le temps de mûrir. Puis elle éclata avec une rage imbécile et méchante.
" AFEC LES OTAGES ". Marie-Jeanne resta abasourdie. La Pierrette courut pour s'interposer :
" Mais, arrêtez, elle n'a rien fait, vous n'avez pas le dr... ". Sa tête partit en arrière sous l'impact de la gifle. Tout se passa dans un ralenti accéléré ensuite, et les lavandières restèrent longtemps immobiles tandis que Marie-Jeanne trottinait très vite derrière l'escouade, les poignets attachés par une longue lanière à la selle d'un cheval.


FRANCE. VARREDDES. SOIR DU SEPT SEPTEMBRE 1914/ BRESIL.QUELQUE PART AVANT LES CHUTES DU RIO XINGU. LE MATIN DU 30 JUIN 1896.

Roland regardait fixement le plafond. Allongé sur le lit de la chambre d'hôte de la ferme de Beauval, il n'avait pas sommeil et il fumait par courtes bouffées la cigarette qu'il venait de se rouler. Puis la nuit envahit son lit, une nuit sans lune aussi profonde que la jungle amazonienne. Il recommença à compter de tête ses cartouches entreposées dans sa vieille malle. Elles avaient disparu. Il fouilla fébrilement dans les poches de sa veste, de son pantalon, plongeant même le bras dans son holster en s'accrochant fermement par les cuisses aux branchages de l'arbre de fer.
Le beuglement dans le porte-voix le réveilla de sa fièvre hallucinée.
" ROLAND GUYOT " " ROLAND GUYOT ". Roland reprit peu à peu ses esprits et chercha la petite longue-vue. Quand il parvint à accommoder, le visage brutal du mutant éclata dans la minuscule visée. Les muscles du cou congestionné se soulevèrent lorsqu'il entendit, comme si le tzin était sous l'arbre :
" Regarde bien cette shadow-eye, Roland ". La voix reprit son souffle " Si tu ne te rends pas avec l'arme qui nous appartient ..." - la voix se cassa un peu, et le tzin dirigea le porte-voix sur sa gauche, preuve qu'il ne savait pas où se trouvait le pistolero- " Elle sera torturée à mort sous tes yeux ".
Roland resta paralysé. Les tzins connaissaient son nom, Natacha avait parlé, il serait un homme traqué pour le reste de sa vie. Il se redressa pour encercler la position adverse et s'arrêta stupidement. Il n'avait plus de cartouches sur lui. Son impuissance lui rappela cruellement les tragiques événements des derniers mois, et sa nuque reposa lentement sur la branche immense. Ses yeux étaient mouillés lorsqu'il reprit la lunette, et il dut les frotter avant de reconnaître la colonne de Jivaros qui s'était amassée parallèlement au beau corps supplicié de la jeune héroïne.
Chacun tenait à ses côtés une longue sarbacane et comptait ses courtes flèches. Roland ferma les yeux de joie. Le supplice serait de courte durée, car le poison au curare des flèches jivaros était connu pour son extrême violence. Le chef des Jivaros parla quelques instants au tzin, qui opina de la tête. Cinq jeunes guerriers se présentèrent ensemble devant Charlotte. Puis une vieille femme, l'épouse du chef apparemment, s'approcha de la corde qui maintenait en suspension le corps dénudé de la jeune femme. Elle la détendit suffisamment pour que ses pieds reposent sur le sol. Charlotte fut brièvement reconnaissante à la vieille sorcière à la peau ratatinée, avant de comprendre que les sauvages voulaient jouir de ses tentatives pour échapper aux traits acérés qui allaient percer sa peau de lait. Elle chercha partout du secours, confiante dans l'arrivée du pistolero qui l'avait déjà secourue sur le bateau. Une profonde piqûre dans sa cuisse la ramena à la réalité. Elle vit que quatre autres guerriers s'apprêtaient à décocher leurs traits. Au moment où ils tiraient, elle se détendit astucieusement en sautant sur la liane qui ligotait ses poignets. Elle resta suspendue comme une jeune reine de la jungle, légèrement blessée à la cuisse et au ventre. Elle souffrait un peu, mais elle comprit que le pire était à venir, car elle ne pourrait réaliser deux fois le même tour. Elle reposa lentement les pieds au sol en épiant la bande de mâles nus dont les étuis péniens la fascinaient malgré le tragique de sa situation.   
Un nouveau groupe prit position. Roland comprit tout de suite que les fléchettes dont l'empennage était imperceptible n'avaient pas été enduites du mortel venin. Il se renversa en arrière et psalmodia une courte prière.
Charlotte observait attentivement chacun des visages obtus dont le nez camus était traversé d'un os. Lorsque les joues se gonflaient, elle faisait habilement un saut de côté. Mais les sauvages détectèrent bien vite l'origine de ses prémonitions et ils se dispersèrent en cercle autour d'elle. Au début, elle parvint à suivre assez bien les évolutions des cinq sauvages, tournant rapidement le cou de tous côtés, en veillant à ne jamais rester en place, puis ses muscles s'alourdirent peu à peu et elle devint une cible docile pour les escouades suivantes. Chaque souffle puissant projetait avec un petit " pop " une fléchette affreusement aiguisée dans la peau vulnérable de son ventre et de ses fesses. Ses gémissements de souffrance étaient perceptibles depuis l'autre rive et crucifiaient Roland en permanence. Le beau corps opulent dans la fermeté éternelle de ses vingt ans n'était plus agité que de rares soubresauts. Ce fut le tzin qui ranima l'ardeur des guerriers démunis devant cette cible inerte. Il promit son porte-voix et des parts de butin supplémentaires aux meilleur tireurs, aux premiers qui perceraient les délicates aréoles et sauraient trouver le chemin du clitoris dans l'épais buisson sauvage. Les sauvages avaient droit à une flèche chacun. Il fallut de nombreux tirs sur les seins lourds et pleins, traversés de toute part, avant que les mamelons ne s'ornent à leur tour d'une atroce parure. Les mamelles littéralement lardées de fléchettes de face et sur les côtés ressemblaient déjà au dos d'un porc-épic. Charlotte se convulsait de douleur, les yeux fous. Son entre jambes était farci de traits comme une volaille décorée. Lorsque enfin une flèche précise trancha dans le fragile bouton de chair, elle hurla en bavant et en pleurant sa féminité perdue. Roland reposa la longue-vue. Il ne pouvait plus supporter le spectacle du joli minois affreusement enlaidi par la douleur. Le visage de Natacha se superposa quelques instants à celui de la jeune aristocrate, l'obligeant à se rallonger sur la large branche foisonnante. Par respect pour le sacrifice de sa bien-aimée, il ne lui était tout simplement pas possible de se rendre, et ce n'était pas sa propre vie qui était en jeu, mais l'arme qu'il détenait, qui devait à tout prix rester dans le camp des humains. Il se força à accompagner la jeune shadow-eye dans ses derniers instants.

FRANCE. ETREPILLY. MATIN DU HUIT SEPTEMBRE 1914.

Casimir Legrand s'était auto-baptisé en toute modestie le roi des fortifs. Le vieux chauffeur de taxi avait soûlé Jean de Saint Marc avec ses exploits de jeunesse. La Goulue aurait eu des faveurs pour cet ancien apache de Villejuif, avait-il laissé entendre, la bouche faraude. Jean de Saint Marc avait opiné poliment toute la nuit, il ne parvenait pas à dormir avec les ronflements des trois bienheureux troufions qui l'accompagnaient dans le petit taxi Panhard-Levassor. Les bidasses étaient restés éveillés pendant les récits de guinguette dans les bals musette des bords de Marne qu'ils étaient en train de parcourir, et aussi les histoires de filles de la haute levées sur les boulevards, mais quand leur chauffeur leur avait raconté son évasion de La Santé avant de visiter la veuve Guillotine, leur intérêt s'était émoussé, et ils avaient suivi des yeux des paysages qui leur étaient inconnus après le fort de Chelles. Puis, vautrés sur les sièges en bois inconfortables quoique molletonnés, ils avaient peu à peu piqué du nez, les cheveux sales emmêlés au vent, les calots posés sur les genoux, et les mains accrochées aux fusils Lebel. Philosophe, Jean de Saint Marc avait repris d'une écriture fine et appliquée, en léchant parfois la mine de son crayon, le roman fauché par la mitraille qu'avait commencé Charles Péguy.
Au petit matin, la colonne pétaradante et biscornue des taxis réquisitionnés fut stoppée par un barrage devant Etrepilly. Un jeune lieutenant remonta le cortège pour donner quartier libre de deux heures à tout le régiment. La piétaille s'égailla pour se dégourdir les jambes et pisser au bord de la route, après avoir repéré les bivouacs qui promettaient du café et du mauvais pain d'infanterie, lourd comme du plomb. A la recherche d'un mets plus raffiné, Jean rentra dans le petit bourg.
Le glas sonnait précisément lorsqu'il passa devant l'église consacrée à Saint Arnoult. Comme dans tous les villages briards depuis 1905, les messalisants se recrutaient parmi les femmes et la bourgeoisie. Devant les cafés, les métiers humbles s'étaient rassemblés, artisans bourreliers, employés aux écritures, garçon
#6
j'avais commencé là, alors je continue.

A ne pas lire si vous n'aimez pas :

Les scènes sm extrêmes et non consensuelles, les descriptions concrètes, les décors historiques soignés.
Texte en 2 parties :
Natacha et le pistolero français (1896, Nouveau-Mexique) 13 597 mots
Septembre 14 (le pistolero 20 ans après pendant la première bataille de la Marne) 18 070 mots


A travers les siècles, méchants tzins et bons shadow-eyes sont des mutants qui se disputent le pouvoir


JOURNAL DE MONSIEUR CELESTIN GUYOT
BOULANGER A VARREDDES (Seine et Marne), de 1931 à 1962

DATION  A LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE LE 13/05/1981
COTE AFFPRIV/SM/1980-19985/ARTISANS/ N°1254



Les quelques mots qui vont suivre constituent le récit de certaines parties de la vie de mon père, Roland GUYOT, telles qu'il me les a lui-même racontées et telles que je les ai moi-même vécues.


                                                    Natacha et le pistolero français

" C'est une belle arme, n'est ce pas ? ".
Natacha Smernova ne répondit pas. Ses yeux pers restaient attachés à la minuscule flamme que le pistolero français entretenait avec précaution depuis le début de la soirée. A peine suffisante pour qu'elle puisse distinguer le regard illuminé de son sauveur pendant qu'il accomplissait ses exercices quotidiens.
Dégainer, pointer, viser, rengainer,...elle parvenait à peine à suivre le ballet hallucinant de la main de Roland tandis qu'il faisait ses gammes avec le Mauser 96.
Un craquement de branchages écrasés la fit sursauter. Roland visa l'entrée de la grotte dans un geste souple, sans la moindre rupture avec son mouvement précédent. Il n'était pas vraiment inquiet, car les apaches mescaleros mettraient des heures à débarrasser le canyon des tonnes de rochers qu'il avait lui-même précipités.
Au bout de quelques instants, il rabaissa le canon de son arme, attendant une réaction.
Elle prit son temps pour répondre, en contemplant une nouvelle fois l'arme extraordinaire. Elle avait sous les yeux le premier exemplaire du Mauser modèle1896, fabriqué en Allemagne. C'était aussi un modèle unique, avec son holster en bois de santal, qui pouvait s'adapter sur la crosse pour la prolonger. Dans cette position, ce pistolet automatique pouvait tirer, gâchette bloquée, une rafale de 15 balles logées dans le chargeur placé sous le long canon. Il était plus précis, avec une portée supérieure, que la plupart des carabines de son époque. La crosse plaquée en argent, richement décorée de symboles et de monogrammes gothiques, indiquait l'arme de prestige réalisée au bénéfice d'un collectionneur fortuné. Seul Roland connaissait le destin fabuleux de cette arme, mais, pour l'instant, il avait complètement oublié sa mission et jouait comme un enfant avec le poids rassurant de l'arme merveilleusement équilibrée.
Il la tendit à Natacha :
" Essaie-la. Il se peut que tu ais à t'en servir, s'il m'arrivait quelque chose ".
Natacha leva enfin les yeux :
" Da, Roland, elle est... ". Elle ne trouvait pas toujours facilement ses mots, car le souvenir des six années passées dans l'Institut Français réservé aux enfants de diplomates à Saint Pétersbourg commençait doucement à s'estomper. C'était dans une autre vie, celle du ballet impérial, celle qui avait eu l'infortune de croiser le destin de l'archiduc Michel et de son frère Serguëi.
Roland attendit avec tact, tendrement. Le regard de Natacha se voila légèrement, et chacun comprit que le passé de l'autre le submergeait. Roland vint se coucher à ses côtés, et fixa le plafond de la grotte encombré de buissons et de toiles d'araignée...

-   La  gifle claqua comme une détonation en déchirant l'atmosphère enfumée du saloon. Serguëi porta la main à sa joue empourprée et saisit rudement le poignet de Natacha " Mais pour qui tu te prends, petite traînée ? Maintenant, tu m'appartiens, TU AS COMPRIS ! ! ! ".
-   Le boyard avait hurlé les derniers mots en la secouant pour lui faire mal. Natacha luttait pied à pied pour résister, mais le frère de l'Archiduc la tirait inexorablement sous le regard amusé de ses quatre gardes du corps. Elle parvint à se cramponner un court instant à une petite balustrade, reprenant assez de forces pour crier " Vous êtes tous des LACHES. Aidez- moi, il ment, j'étais l'amie de son frère, lui c'est un salaud, je sais qu'il l'a tué ".
-   Les stetsons de ceux qui n'approuvaient pas la scène se baissèrent quand les mercenaires mexicains bombèrent le torse en effleurant leur colt Walker. Chacun savait le dégât que ces véritables obusiers pouvaient faire à bout portant entre les mains de ces professionnels de la gâchette. Les autres clients émaillaient de chuchotements égrillards leurs conversations. De toute façon, une femme dans un saloon ne pouvait être qu'une catin, alors, à quoi bon se mêler d'une histoire de fesses ? La fille n'avait pas été assez payée, ou n'en avait pas donné pour son argent à l'homme ? Et alors, quelle importance ? Seul valait le spectacle offert par une ex-danseuse du ballet impérial, toutes griffes dehors, les cheveux en bataille, envoyant des coups de pied qui visaient les parties du géant roux ridicule avec son manteau de fourrure. La somptueuse chevelure de blé doré dévoilait parfois deux globes magnifiques enchâssés dans un corset prêt à se mettre en grève.
-   Une bouteille de whisky se fracassa par terre, enveloppant la scène de lourds relents alcoolisés, sous le regard réprobateur du barman. Le plus âgé des pistoleros jeta quelques dollars sur le comptoir, tandis que Natacha commençait à faiblir. Serguëi glissa brutalement dans la flaque sombre, reprenant de justesse son équilibre après avoir du relâcher le poignet meurtri de la jeune femme. Les yeux congestionnés par la fureur, il arracha une longue cravache des mains d'un de ses sbires. Il fouetta immédiatement le comptoir pour marquer son autorité, provoquant des reculs inquiets des clients les plus proches du bar.
-   Natacha s'était reculée lentement, sans cesser de le défier du regard. Elle pointait devant elle comme une arme le tesson du col de la bouteille. Le temps sembla se diluer à l'infini tandis que Serguëi levait son fouet, dans un silence absolu.
-   " Vous ne devriez pas faire ça, Monsieur ".
-   Le raclement de la chaise qui retombe avait juste précédé, comme un avertissement chargé de menace, la phrase prononcée d'une voix calme et distinguée, teintée d'un fort accent de la Louisiane.
-   Incrédules, les pistoleros tournèrent ensemble leur sombrero à gauche du saloon, dans la partie la plus enfumée. Serguëi laissa lentement retomber sa cravache, contemplant avec stupeur l'espèce d'épouvantail improbable qui se dressait maintenant en pleine lumière.
-   L'étranger était très grand, vêtu d'une casquette réglementaire de capitaine de l'armée française. Il portait un demi-manteau de flanelle noire en queue de pie, qui retombait à mi-cuisses sur un pantalon de serge bleue, un pantalon d'artisan, qui recouvrait d'authentiques bottes d'uhlan perdues à Sedan. Les quatre pistoleros partirent d'un gros rire communicatif, qui roula longtemps sous les poutres, tandis que Serguëi plissait les lèvres dans une parodie de sourire.
-   " Heeeey, Hoooombrrrre, qu'est ce que tu veux .... ? ".
-    " Je dis que la demoiselle ne veut pas venir avec vous, et qu'elle va rester là ". Serguëi ne prit même pas la peine de répondre. Esteban Jimenez avait pris les choses en main, il n'y avait plus qu'à voir comment ce cloporte de français allait tenter piteusement de sauver sa peau. Les trois autres pistoleros s'écartèrent légèrement du vieux bandit, formant un demi-cercle qui semblait tenir en respect toute la salle. Des chaises tombèrent dans la précipitation de certains à fuir l'angle de tir des mexicains hirsutes. Esteban Jimenez gratta lentement sa barbe avec l'ongle, comme s'il cherchait à comprendre ce que Roland venait de dire.
-   " Ma, tou es fou, hombrrrrrre, mes amis et moi, on est les rois de la gâchette. Allez, offre nous un verre, et on te laisse la vie ". Natacha entrevit pour la première fois les traits aristocratiques du long visage prolongé par un petit bouc satanique, mais auquel une large bouche sensuelle et moqueuse, un regard très clair, donnaient une lueur pleine de charme et d'humour. Elle fut tout de suite amoureuse de cet homme prêt à risquer sa vie pour elle. Elle avait peur de le perdre s'il se dérobait maintenant ou s'il était assassiné en se battant. Elle n'eut pas à trancher longtemps dans son conflit de conscience. Roland ne répondit pas.
-   Il saisit tout doucement une chaise devant lui, la tira silencieusement en dévisageant les hors-la-loi, et s'assit calmement en penchant le torse légèrement en avant, tout en dépliant soigneusement les bords de sa veste par dessus ses cuisses. Puis il fredonna en boucle quatre notes, tempo bas, tempo haut, tempo bas, tempo haut.
-   Serguëi s'était imperceptiblement décalé à l'extrême-droite du demi-cercle. Natacha ne bougea pas, le laissant se rapprocher sans un regard. Elle porta la main à sa poitrine tout en retenant sa respiration. Esteban Jimenez poussa un soupir de résignation et sollicita du regard l'aristocrate dépravé. Serguëi acquiesça en passant la langue sur ses lèvres. Les pistoleros se tendirent imperceptiblement, tout le monde semblait hypnotisé par la mélopée sauvage inlassablement sifflée par Roland. Un changement de tonalité alerta brutalement les professionnels. A la dernière note, ils dégainèrent tous les quatre ensemble, mais Roland maîtrisait le temps. Ce tempo d'avance le vit rouler à terre tandis que par magie une arme d'un autre monde avait surgi dans sa main, extraite d'un incroyable holster en bois accroché dans la doublure de sa veste. Doigt bloqué sur la détente, Roland arrosa droit devant lui en roulant plusieurs fois sur le plancher. Les pistoleros n'avaient pas l'habitude de ce genre de duels. Habitués à tirer sur des cibles statiques, ils vidèrent l'essentiel de leur chargeur droit devant eux avant de réaliser, tombant un à un à chaque rotation de Roland. Seul, Esteban, pourtant touché le premier, réussit à faire sauter le képi du français, avant de s'effondrer lentement, comme dans ces premiers films muets qu'on commençait à voir à New-York.
-   La plupart des hommes toussèrent pendant que l'âcre nuage bleu à l'odeur de cordite tourbillonnait dans la pièce. Roland se releva souplement. Personne ne croyait ce qu'il avait vu, quatre des plus dangereux tueurs jamais vus sur la frontière du Rio Grande exécutés par un homme seul. Exécutés, car malgré l'incroyable vitesse de bras du français, tous pressentaient que le duel avait été inégal, tant la cadence de feu de l'arme étrangère, que Roland remettait dans son étui avec un geste précis, avait semblé surnaturelle. Roland avança lentement vers Serguëi. L'assassin de son frère recula et buta sur Natacha, qui, sans un mot, lui assena une gifle sur l'autre joue. La demoiselle en colère toisa la foule quelques instants avec mépris, se pencha pour saisir un petit baluchon, et tendit avec grâce son bras au héros du jour.
-   
-   Roland saisit galamment le pied de Natacha pour l'aider à monter en selle sur son alezan gris pommelé. Il s'empara des rênes de son mustang, et sauta lestement en prévenant une ruade. Natacha avait déjà avancé, le port fier et altier, comme si son nouveau serviteur se devait de rester en retrait. Au bout d'une centaine de mètres, prise d'un repentir et d'une soudaine angoisse, elle se tourna pour voir si Roland la suivait bien, toute prête à accompagner soumise et obéissante l'homme qui lui avait épargné un sort particulièrement abject. Elle poussa un cri lorsqu'elle vit, devant la porte du saloon, Serguëi viser avec son arme de chasse le dos de Roland. Le pistolero se coucha sur sa selle tandis que la balle sifflait aux oreilles de l'ex-danseuse étoile. Elle eut à peine le temps de voir Roland décrocher le holster en bois, en sortir l'arme de guerre, plaquer la crosse de l'arme au bout du fût en bois, et viser pratiquement dans le même mouvement. Serguëi prenait sa mire lentement, sûr de gagner son duel. Armé d'un fusil Holland face à un simple pistolet, c'est comme si l'étranger était mort. Il avait tort. La balle de 9mm à haute vitesse initiale creva l'œil gauche, emportant la moitié de la calotte crânienne.
-   Roland fit effectuer une volte à son poney, et leva un regard inquiet sur Natacha. Elle dit simplement :
-   " Michel est vengé, tovaritch ". Elle ne desserra plus les lèvres avant le premier bivouac.       

I
La tête du papoose sembla rouler interminablement sur le sol aride, pendant que sa mère poussait un hurlement démentiel. Le sergent Burl Nolan se retourna  tranquillement et avança en direction de la squaw clouée nue sur l'énorme cactus. Il leva lentement son sabre et commença de taillader à petits coups la large poitrine du superbe corps cuivré.
Black Kettle poussa un cri en émergeant du cauchemar qui le tourmentait depuis dix ans. Celui qui se faisait appeler Mangas Coloradas le secouait par l'épaule.
Autour d'eux, le parti de guerre composé d'apaches mescaleros  et de quelques Chiricahuas renégats s'affairait à replier le petit campement dans la lueur naissante qui nimbait de pans profondément obscurs et de reflets aveuglants les parois abruptes du canyon.
Black Kettle se recula instinctivement, comme à chaque fois que le visage terrifiant du Tzin approchait le sien. Lorsque celui qui prétendait être la réincarnation du chef Mangas Coloradas, assassiné par les tuniques bleues en 1863, ôtait son masque de sorcier, les regards fuyaient le visage long et bosselé, les yeux noirs et étrécis, la peau d'orange que le soleil du Nouveau-Mexique ne parvenait pas à tanner.
Il s'était joint deux mois plus tôt à la cinquantaine de braves qui avaient suivi Black Kettle pour un dernier combat, pour sentir une dernière fois le sang, le crin des poneys en sueur et la poussière, pour emporter à jamais dans leurs oreilles les cris des colons scalpés et de leurs femmes violées et lentement torturées. Ils savaient tous qu'ils ne reviendraient pas vivants de leur dernière chasse, ce qui les rendait pratiquement invulnérables dans ces collines impraticables pour un convoi militaire.
Black Kettle était un chef particulièrement impitoyable, qui ne laissait à personne le soin  d'exorciser sa soif de vengeance. Ce n'était pas par sadisme qu'il écorchait ou brûlait vives les épouses des fermiers, mais par simple souci d'équité. Le soin qu'il mettait à accomplir rituellement sa mission avec le respect de ses victimes le distinguait de la sauvagerie du Tzin. Mangas Coloradas interrogeait toujours avant lui leurs victimes, en les insultant ou en urinant sur leurs plaies. La force physique du Tzin était terrifiante, et il n'avait eu à la montrer qu'une seule  fois devant le conseil des braves pour se faire reconnaître comme sorcier.
Une clameur incrédule s'éleva devant l'éboulis de rochers qui avait stoppé la veille au soir la colonne des guerriers. Black Kettle accepta la main tendue avec un sourire énigmatique par Mangas Coloradas, et se releva. Parvenu devant l'amas de roches, il dut se rendre à l'évidence. Le Tzin avait gagné son pari. Sorcellerie ou nouveau prodige physique, il avait tout seul dégagé dans la nuit un passage parmi les énormes blocs de pierre. La chasse pouvait reprendre. 

Roland reposa son cigarillo. Le sommeil l'avait fui au fur et à mesure que ses pensées avaient continué de vagabonder. Il avait dix ans lorsqu'il avait vu son père assassiné par les Versaillais à l'angle de la rue Mouffetard et de leur atelier d'ébénisterie. Petit gavroche de la Commune, il avait fait partie des insurgés déportés dans les colonies. Il serait mort ou hors-la loi s'il n'avait pas rencontré Mark Twain et les autres shadow-eyes.
Du coin de l'œil, il vit que Natacha avait rejeté la couverture sur ses jambes. Sa totale impudeur l'excitait autant que ses seins fermes et lourds, dont il se complaisait à imaginer qu'ils allaitent un jour leurs enfants. Pour l'heure, son désir se portait sur la motte drue et dorée comme un croissant du petit matin. Il s'accroupit et rampa discrètement jusqu'à effleurer de sa barbichette une fesse rebondie mais musclée. Natacha se retourna doucement du bon côté. Profitant de son avantage, il parcourut lentement de sa langue souplement dardée les moindre recoins des cuisses laiteuses. Au bout de son parcours amoureux, la fente de Natacha baillait si largement qu'il put prendre tout son temps pour effleurer par petites touches les grandes lèvres pulpeuses. Mais, lorsque sa bouche s'entrouvrit pour happer le clitoris dardé, Natacha le repoussa tendrement sur le côté. Interloqué, il fut vite rassuré lorsqu'elle dégrafa fébrilement son ceinturon. Sa bouche un peu gourde s'empara maladroitement de son membre avant de trouver son rythme. Chacun tentait vainement de retenir son plaisir tout en essayant de prolonger celui de l'autre. Lorsque la main de Roland crocha dans le sein épanoui, il sentit deux doigts caresser en écho son scrotum. Ils interprétaient maintenant une partition à deux langues qui virevoltaient ensemble, qui s'interrompaient seulement pour sucer et aspirer tendrement, lentement. Ils jouirent ensemble, longuement, et Natacha tint à l'embrasser la bouche remplie de sa semence. Il se laissa faire de bon gré, à moitié surpris de ne plus vraiment trouver de différence entre toutes ces saveurs qui se mélangeaient.

Les apaches avaient repris leur poursuite infernale presque immédiatement. Mangas Coloradas chevauchait en tête, rameutant inlassablement les cavaliers qui laissaient trottiner leurs pur-sangs. Pour la plupart torse nu, les féroces guerriers, certains assez âgés, laissaient apparaître leurs peintures de guerre bariolées, enduites à la craie teintée d'herbes ou d'autres colorants. Le Tzin leur avait dit qu'ils affronteraient un ennemi redoutable, un tueur d'indiens qui avait prélevé beaucoup de scalps lorsque les derniers campements cheyennes avaient été pris d'assaut par la cavalerie américaine. Il était seul à savoir que Roland n'était pas un de ces comancheros tueurs de femmes et d'enfants, mais le messager et le porteur des shadow-eyes. Il avait soigneusement attisé la colère de Black Kettle, qui espérait trouver enfin le sommeil au bout d'une mort honorable pour lui ou par l'exécution d'un exterminateur de sa race. Il avait aussi promis aux guerriers le viol et les longues souffrances de l'une des plus belles femmes blanches qui aient jamais foulé le sol du Nouveau-Mexique. Retrouver la trace de Roland depuis la dernière assemblée à Washington des shadow-eyes lui avait pris six mois, mais il n'avait jamais été aussi proche de sa cible.

Repus de leurs corps, les deux amants reprirent leur tendre querelle. Passé le coup de foudre physique qui les avait rapproché charnellement dès leur seconde nuit, ils s'étaient reconnus anarchistes tous les deux et discutaient inlassablement depuis des théories de Proudhon et Bakounine. Ils avaient aussi confronté leurs expériences d'activistes. Natacha avait échappé de peu à la police tsariste grâce au soutien de l'Archiduc Michel, qui était un grand amateur du ballet impérial. A la même époque, Roland s'était rangé quelques semaines aux côtés des petits émigrants de l'Europe de l'est fraîchement arrivés dans l'Utah et le Wyoming, que les grands fermiers anglo-saxons massacraient allègrement avec la bénédiction du Congrès.

Michel avait jugé plus prudent de soustraire Natacha pour quelques temps aux investigations des redoutables services spéciaux du Tsar. Elle s'était offerte par reconnaissance, car Michel n'avait rien demandé en contrepartie. Ils s'étaient exilé quelques mois plus tôt, avec Serguëi, le frère maudit, et trois marins qui composaient l'équipage du yacht de Michel. La croisière, depuis le départ de la datcha de Michel au bord de la Mer Noire, jusqu'à l'escale à la Nouvelle-Orléans, avait été enchanteresse, malgré les violentes disputes entre les deux frères.

Roland avait fui, lui aussi, sa tête mise à prix dans trois états du Middle-West après qu'il ait décimé avec son arme venue d'ailleurs une petite armée de chasseurs de prime. Après ce périple de justicier solitaire que Mark Twain et leurs frères ne désavoueraient pas, il le savait, le temps était venu de remplir sa mission et de remettre aux shadow-eyes de la branche sud-américaine l'arme extraordinaire dont il se séparerait avec tristesse et apaisement. Il ne voulait plus tuer, c'est ce qui le séparait de Natacha, toujours prête à se battre encore et encore contre les grands bourgeois, les militaires et les prêtres.

Michel avait occupé leurs loisirs forcés avec de multiples campagnes de chasse, mais Natacha boudait le plus souvent, parfaitement hostile aux massacres des bisons, des orignals et des grizzlys, qu'elle abandonnait aux boyards chasseurs dans l'âme. Parfois, Michel acceptait de l'écouter, mais il ne pouvait pas réellement accepter l'idée que tous les hommes soient égaux et qu'ils devaient respecter la vie. Il lui fermait gentiment la bouche d'un baiser sonore ou lui laissait le bénéfice d'un joli coup de fusil, la seule faiblesse de Natacha, sous le regard brûlant de haine de Serguëi. 

Roland éprouva un choc brutal en se retournant avant d'entreprendre la montée du col escarpé qui menait au Jardin du Diable. A l'autre bout de la plaine, un nuage de poussière planait rapidement, se déplaçant aussi vite que la bande d'indiens renégats que Roland avait emmurés hier matin. Il n'avait pas besoin de ses jumelles pour reconnaître le Tzin qui, il en était sûr, devait éperonner sauvagement sa monture. Il regretta une nouvelle fois de n'être pas allé le tuer dans son campement. Maintenant, avec Natacha, les choses allaient être beaucoup plus compliquées.
Ils auraient du fuir beaucoup plus tôt aussi, ne pas tourner en rond autour de la frontière, jouer à se cacher dès qu'ils avaient su que la tête de Roland était mise à prix depuis le meurtre de Serguëi à Laredo. Peut-être parce que les paysages étaient trop beaux et les missions espagnoles abandonnées depuis des siècles trop romantiques, ils ne s'étaient pas résolu à gagner Rio de Janeiro au plus vite. Jusqu'à ce jour où, cachés derrière le sommet d'une colline, ils avaient assisté au massacre d'une famille de commerçants. Ils avaient assisté à toute la scène, juste après que l'homme se soit effondré sur le corps de ses enfants, à son tour criblé de flèches. Pendant que les sauvages mettaient en perce un baril de whisky en hululant leur joie et en installant le campement, le Tzin avait découvert l'épouse malheureusement rescapée du massacre. Il n'avait laissé à personne d'autre le soin de l'interroger, clouée à la roue du chariot. Roland avait reconnu un beau spécimen de Tzin lorsque celui-ci s'était légèrement détourné, inscrivant dans les lentilles de ses jumelles le visage maléfique tant redouté. L'affiche qui mettait sa tête à prix dansa un court instant dans l'air surchauffé avant qu'il ne la reconnaisse. La distance leur épargnait les cris de la femme du colon. Natacha avait fermé les yeux quand le Tzin avait prélevé des morceaux de chair dans les seins, découpant d'abord les bouts érigés, avant de creuser dans les aréoles pour évider les opulentes mamelles. Lorsque la poitrine fut réduite à deux outres flasques, Mangas Coloradas éleva la voix pour être bien entendu de tous. Roland le vit se redresser et désigner de nouveau l'affiche. La pauvre femme secoua la tête de droite à gauche avec frénésie. Alors, le Tzin dit à Black Ketlle qu'il allait lui offrir une ceinture comme celui-ci n'en avait jamais eu. Même pour les Apaches, la cruauté du Tzin surpassait l'inimaginable. Malgré les hurlements démentiels, Mangas Coloradas découpa rapidement la bande de chair composée de tout le tablier pubien et des parties intimes de la jeune femme blanche. Il brandit fièrement au-dessus de sa tête le trophée sanguinolent en poussant un cri de triomphe, puis s'approcha d'un feu et le mit à sécher.
           
Natacha et Roland gravissaient difficilement l'étroit passage qui serpentait le long de la paroi abrupte du piton rocheux. Par delà la cime de la crête, le soleil commençait à disparaître à moitié, accentuant la sauvagerie du paysage désert. Le sentiment de désolation était souligné par une maigre végétation d'arbustes épineux qui se projetaient au-dessus du précipice. La monture de Natacha boitait bas depuis une bonne heure, et Roland cheminait à pied depuis, après avoir fait monter la jeune femme sur son mustang.
Ils débouchèrent sur le large promontoire sans s'en être rendu compte.
Devil's Garden, le Jardin du Diable, était un cirque rocheux naturel, un carré de quelques centaines de mètres de côté qui coupait la montée vers le col de la Sierra Ladre. Un ruisseau descendait d'une poche de glaces bien plus haut dans les montagnes, et les eaux de ruissellement s'épandaient depuis des temps immémoriaux dans le minuscule vallon, irriguant une végétation exubérante de cactus, de fleurs aux couleurs primaires éclatantes, et d'arbustes dont les graines avaient été amenées par les choucas. La beauté vénéneuse de l'endroit avait ensorcelé de nombreux voyageurs qui avaient tenté d'y établir un campement définitif, comme en témoignaient plusieurs vestiges de huttes, et même de cabanes bien construites. Plusieurs tombes en ruine, matérialisées par des croix pourries ou des tumulus de pierre, attestaient de leur destin tragique. Devil's Garden n'avait jamais été colonisé par quiconque. Natacha frissonna en reconnaissant les restes décomposés d'un berceau en osier, puis elle chercha ailleurs du bois pour la nuit.
Roland avait installé le bivouac assez près du début de la passe dont ils venaient de sortir, afin de mieux entendre le martèlement des sabots. Il se retourna lentement sur sa droite, parcourant du regard l'immense précipice délimité trois cent mètres plus loin par un autre flanc rocheux. Puis il contempla dans son dos la reprise de l'étroit chemin escarpé qui montait abruptement dans un paysage lunaire, en surplombant le vide prodigieux. Le flanc de la colline, qui semblait surveiller la petite vallée, était inaccessible par le haut, et il pouvait constituer une parfaite position de repli. Roland sourit. Bien calé derrière le large rocher qui semblait fermer l'accès du Jardin du Diable, il pourrait retenir une armée avec son Mauser pendant que Natacha s'enfuirait. Après... ?     

Les apaches n'attaquaient jamais la nuit, car les âmes des guerriers tombés n'auraient pas su trouver le chemin qui menait au territoire des chasses éternelles. Roland pouvait commencer une nuit courte mais réparatrice. Natacha avait conservé sa main dans la sienne, ils reposaient le cou pelotonné dans la même couverture posée sur leurs selles. Lorsqu'il se redressa pour embrasser le dos de sa main avec un baise-main faussement cérémonieux, elle se renversa en arrière avec son rire de gorge rauque et envoûtant. Le même rire troublant qu'elle avait eu quand Michel lui avait déclaré sa flamme dans la loge de l'Opéra de Moscou. Elle avait alors prestement retiré sa main. Deux ans déjà...elle était beaucoup plus mince à l'époque, au prix d'un régime astreignant qui l'épuisait alors qu'elle n'était pas tout à fait formée. Elle savait qu'à terme, elle ne pourrait plus lutter contre sa robuste constitution et l'épanouissement de son corps sculptural. Elle avait d'ailleurs pris sa décision d'arrêter sa carrière de danseuse ce soir là, après avoir fait craquer son corset sous l'œil égrillard de l'Archiduc. Dès que Michel, au début de leur relation platonique, l'eut installée dans un appartement à Saint Petersbourg, elle avait achevé sa croissance en quelques semaines, se gavant de tout ce que sa babouchka fourrait dans son panier lorsqu'elle la quittait, la bouche décorée par le sucre du rituel gâteau au miel. Elle ne voyait plus guère sa famille à part sa grand-mère, car ses parents et ses deux jeunes frères passaient le plus clair de leur temps dans les ambassades européennes où son père était en poste. Ses nouvelles formes pleines et pulpeuses avaient exacerbé sa féminité et, si elle continuait à se refuser à Michel sans trop savoir pourquoi, elle recherchait une forme d'aventure pour vivre enfin sa vie de femme.
Youri avait été immédiatement séduit par sa vitalité. L'étudiant en droit maigre et fiévreux était mal à l'aise lorsque le rire charmant et plein de vitalité tonitruait parmi les joueurs d'échec dans l'arrière-salle du café de la place Stanislas.

Natacha prit conscience de la verge glorieusement bandée qui palpitait entre ses fesses. Elle se souleva pour aider Roland à insinuer son gland entre ses lèvres déjà humides. Allait-elle le lui dire maintenant ? Bonne fille, elle choisit de ne pas le perturber et d'attendre qu'il ait fini de la prendre en levrette. Elle aimait bien cette position aussi, après tout, même si Roland était plus rapide à venir ainsi, mais elle savait qu'il était fatigué et tendu. Il se rendit très vite, en même temps qu'elle avait joui, le clitoris dardé sous son doigt en serrant fortement ses cuisses.
" Goloubnik ? ". Roland adorait qu'elle l'appelle son petit pigeon dans sa langue
" Je crois bien que je suis pleine, mon amour... ".

Black Kettle comptait et recomptait ses hommes sous le regard énigmatique du Tzin. Le grand guerrier, dont le torse musculeux était paré d'un collier de griffes d'ours, ne parvenait pas à croire que vingt de ses hommes gisaient derrière l'éperon rocheux. Le promontoire les dissimulait au tir en rafale qui avait décimé sa petite troupe. Les indiens s'étaient lancé au galop sur deux files, certains d'emporter rapidement la décision, malgré l'étrange retenue de Mangas Coloradas, qui n'était pas monté en selle. Les hurlements de joie, les cris de guerre, s'étaient mué en cris d'agonie auxquels avaient succédé les gémissements des blessés. Roland ne mettait pas plus de cinq secondes pour éjecter son chargeur et tirer sans discontinuer. A ses côtés, Natacha épaulait, visait et tirait calmement avec son fusil de chasse Holland§Holland, comme si elle avait eu en face d'elle un bison en pleine charge. Elle entendit un " click " funeste au moment où les assaillants désemparés se repliaient en désordre, trébuchant sur les cadavres des chevaux ou rampant le corps plaqué sur les côtés de l'étroit chemin. Natacha porta la main à sa ceinture et se traita mentalement d'idiote. Disparues, les précieuses cartouches du coûteux fusil de Michel. Gâchées en d'innombrables concours de tir avec son sauveur, qui disposait, dieu merci, d'un véritable arsenal dans ses fontes. Elle essuya son visage maculé de poussière délayée par la sueur, et observa son amant avec attention. Le fin et mâle visage l'émut une fois de plus tandis qu'elle se remémorait l'incroyable conversation qu'ils avaient eu la nuit précédente. Elle ne parvenait pas à bien comprendre que la créature qui se trouvait alliée à leurs agresseurs était issue d'êtres venus des étoiles. Mais elle avait très bien perçu, en revanche, l'aura maléfique qui se dégageait du tortionnaire de la jeune pionnière. Elle comprenait maintenant l'enjeu que représentait pour l'humanité le pistolet que Roland pointait fermement devant lui.
Il avait parlementé des heures durant pour qu'elle accepte de s'enfuir avec leur descendance dans ses entrailles. Il ne tenait pas en place depuis l'annonce de cette nouvelle, et il avait fallu une volonté inflexible à Natacha pour le convaincre qu'elle pouvait tenir sa place à ses côtés. Et voilà qu'elle ne servait plus à rien. Elle laissa retomber son fusil avec tristesse, cherchant quoi faire d'utile.

Black Kettle dévisagea longtemps le masque imperturbable de celui qui se faisait appeler Mangas Coloradas :
" Tu savais depuis longtemps, n'est-ce pas ? ".
" Oui, mais tu ne m'aurais pas cru, comme d'habitude ", répondit le Tzin de sa voix sourde et hachée.
" Qu'est-ce que tu ferais, toi ? "
" Il faut nous protéger mieux, et que quelqu'un parvienne à le contourner ".

Black Kettle savait qu'en face d'eux se trouvait un noble guerrier, un seigneur dont le scalp honorerait sa ceinture, mais aussi que l'arme qu'il utilisait était bien supérieure à leurs winchesters. A cent mètres, tapis derrière le promontoire rocheux, ses meilleurs tireurs ne mettaient même pas en danger le couple de blancs. C'était la femelle blonde, avec son fusil à lunettes, qui avait tué ses deux meilleurs tireurs avant qu'il ne renonce à ce harcèlement inutile.
Il se promit qu'elle serait cruellement torturée pour ça, si elle tombait vivante entre leurs mains.

Son regard parcourut longuement le flanc escarpé de la montagne qui les dominait, puis l'à-pic vertigineux qui se trouvait à sa gauche. Son regard accrocha un arbre qui poussait horizontalement au-dessus du précipice. Il s'approcha et en découvrit un autre, juste plus bas. Son regard continua de se déplacer tandis que son corps passait au dessus du bord du précipice. Il se redressa avec un sourire et dit simplement :
" J'ai la solution pour l'un des deux problèmes ".
" Alors, je me charge du reste ", répondit sobrement le Tzin avec une mince grimace.

Natacha se rongeait les ongles depuis que le sourire de confiance de Roland avait disparu. Il tirait rarement, mais à coup sûr, et l'écho de chaque détonation isolée se répercutait longuement entre les parois rocheuses. Les ricochets des balles indiennes sifflaient tout autour d'eux, chaque fois que Mangas Coloradas reposait les deux cadavres qu'il tenait devant lui à bout de bras. Les éclaireurs de la petite colonne protégée par le bouclier humain se déportaient légèrement sur les côtés, pour envoyer de brèves salves dont l'ardeur était vite calmée par le tir précis du Mauser. Miaulement aigu des balles des courtes carabines contre feulement rauque de la munition militaire. Inexorablement, tels des légionnaires romains en formation de tortue, les apaches progressaient pas à pas, perdant un homme chaque minute. Ils étaient rendus à moins de quatre vingt mètres lorsque Roland sentit une course se précipiter dans son dos.
Black Kettle avait perdu son effet de surprise. Le farouche guerrier s'en rendit compte dès que Roland se fut instantanément retourné pour tirer. Il était déjà mort lorsque son tomahawk quitta sa main dans un mouvement de fouet violent et précis. La tête de Roland pivota légèrement en même temps qu'il avait plongé sur sa gauche en relâchant son arme. La lourde pièce de fer effleura le cuir chevelu, tandis que le corps de Roland continuait de bouler sur le sol déclive. Il bascula dans le précipice sans un cri, assommé par le choc.
Natacha resta pétrifiée. Elle s'assit doucement dans la poussière, comme lorsqu'elle était épuisée après une séance d'exercices à la barre. Quelques secondes après, une nouvelle salve des winchesters la rappela à la réalité. Elle se releva mécaniquement, la tête vide. L'enfant. L'enfant de Roland. Il fallait vivre. Pour lui. Pour eux. Pour la survie de la race humaine. Elle ramassa l'arme maudite qui avait causé la mort de son bien-aimé et enfourcha le cheval de Roland.

Mangas Coloradas repoussa brutalement le brave à ses côtés qui épaulait sa carabine. Il ne voulait surtout pas que cet imbécile tue la blanche par un mauvais tir à une telle distance, qui était la portée ultime de son arme. Presque sans viser, il toucha le mustang en plein flanc, juste au moment où Natacha allait entrer dans la passe escarpée, loin devant eux.

Natacha se releva en massant son coude tout éraflé. A chaque fois que les flancs du grand mustang pie se soulevaient, un petit nuage de sang maculait les naseaux frémissants. Elle trouva le courage de lui donner le coup de grâce en sanglotant après avoir pris quelques chargeurs dans les fontes. Elle contempla avec désespoir le relief hostile autour d'elle et prit très vite sa décision. Elle s'envola littéralement en direction d'un énorme rocher perché sur le flanc de la montagne, les sens et l'énergie décuplés par les cris des mescaleros partis à sa poursuite. Le Tzin semblait chaussé de mocassins de sept lieues. Il était parvenu presque en bas du cirque rocheux alors que Natacha n'était qu'à mi-hauteur. Quand elle se retourna, elle poussa un " oh " d'horreur et lâcha ses munitions. Il lui fallut quelques tirs avant d'ajuster correctement la cible mouvante qui se déplaçait à découvert dans la plaine comme un feu follet. Mangas Coloradas acheva sa course folle et s'abrita de tout son long derrière le tronc d'un arbre mort pour riposter, la clouant derrière deux rochers saillant d'une mer de gigantesques éboulis. Elle avait raté sa chance. Bientôt, la dizaine de survivants hors d'haleine vint se tapir dans les végétations entrelacées qui décoraient les abords du cirque rocheux.

Mangas Coloradas enroula la lanière de la gourde au bout d'un bâton qu'il brandit en l'air. Natacha ne tira pas. Elle avait encore des cartouches à profusion, mais chaque geste nouveau était une torture pour elle. Elle venait une nouvelle fois de s'assoupir. Cette seconde nuit blanche en altitude avait laissé des traces. Elle était épuisée, elle avait grelotté les deux nuits précédentes, sans les précieuses couvertures et Roland pour la réchauffer. Elle se sentait aussi desséchée que du lard fumé, n'ayant avidement humecté sa bouche qu'avec quelques gouttes de rosée matinale. Elle avait tiré à coup sûr le premier jour, touchant de plein fouet trois apaches un peu trop confiants dans la discrétion de leur reptation. 
Mangas Coloradas avait souri, sûr de la tenir bientôt en son pouvoir. Il la narguait avec sadisme, après lui avoir promis la vie sauve si elle se rendait, ou si elle lançait son arme. Il avait bien vite baissé la tête après qu'une balle ait sifflé à ses oreilles.
L'odeur du cloaque était insupportable aux narines de Natacha. Elle n'avait pu s'écarter suffisamment loin et la pestilence de ses propres déjections, qui attiraient une nuée d'insectes tourbillonnants, lui donnait en permanence l'envie de vomir. La nouvelle journée promettait d'être encore plus chaude que la précédente. Sa langue râpait ses joues et son palais comme une lanière de cuir. Elle reposa sa tête sur la roche rafraîchie par l'ombre en fermant les yeux. Bientôt, elle en serait réduite à boire sa propre urine. Mais pourrait-elle se montrer plus résistante que des apaches, capables de courir à pied dans le désert pendant toute une journée, sans boire ni manger ? Elle avait une farouche volonté de vivre, mais elle se rendait compte que son corps était en train de la trahir lentement.
Elle secoua la tête, se croyant victime d'un mirage. L'espace d'un instant, le gros lézard qui semblait la fixer en dardant sa langue fourchue prit la tête de l'Ataman Boulbanov. Natacha se revit instantanément, cachée dans le dernier endroit où les cosaques du Don chercheraient une terroriste : le presbytère d'un moine orthodoxe. 

Youri et d'autres étudiants juifs qui se réclamaient du marxisme allaient fournir la Tchéka en cadres et l'armée rouge en commissaires politiques, qui combattraient avec autant, sinon plus, de férocité leurs frères anarchistes ou futurs trotskistes, que l'armée blanche des Koltchak, Denikine et Wrangel. Mais pour l'heure, ils formaient un réseau foisonnant dans une Russie impériale dont la déliquescence débutait. Natacha ne voulait pas poser de bombes, dont le déclenchement incertain risquait de tuer des civils innocents. Elle connaissait sa cible, qu'elle s'était juré d'abattre un jour à visage découvert. Lorsque Youri lui avait proposé de rencontrer sa famille à Ekaterinenbourg, elle avait pour la première fois découvert l'existence des ghettos, ces quartiers où se trouvait tacitement regroupée la communauté juive. Youri devait se cacher pour la première fois, après avoir participé à l'assassinat du Ministre des Affaires Etrangères. Qui l'avait trahi ? Natacha n'en sut jamais rien. Youri la réveilla dans la nuit et l'accompagna jusqu'à une maison proche. Dans le petit matin blafard, une longue colonne infernale se déploya dans le quartier juif en périphérie de la ville. Natacha allait être le témoin d'un pogrom.
Elle éprouva brutalement un choc qui la sortit de sa rêverie. Le visage immonde de l'Ataman qui précédait les cosaques zaporogues, l'élite de l'armée tsariste, avec une longue mâchoire saillante comme celle d'un saurien, une peau d'une teinte olivâtre et jaunie...c'était celui d'un Tzin, en tous points semblable à celui de la créature démoniaque qui avait asservi la poignée d'apaches qui les pistait.   

Mangas Coloradas humecta ses lèvres avec la gourde qu'il renversa au-dessus de sa bouche. L'eau qu'ils prélevaient glacée dans le ruisselet chaque petit matin était infiniment apaisante, et ils en avaient à profusion. Il savait que la jeune femme, les lèvres craquelées, ne pouvait sans doute plus parler. Avec un rire joyeux, il visa soigneusement et lança la gourde qui retomba quelques mètres devant les rochers, légèrement sur la droite en terrain complètement découvert.

Natacha sursauta en entendant le choc sourd de la gourde qui roulait. Elle se redressa faiblement sur un coude et pleura sans larmes en contemplant l'eau précieuse qui finissait de s'évaporer sur les roches surchauffées. Avec une haine folle, elle lâcha une salve de tout un chargeur. Elle le regretta aussitôt, tant le contact de l'arme brûlante lui fut insupportable. Engourdie, les muscles tétanisés, elle s'allongea doucement de tout son long pour dormir un tout petit peu, juste une minute.

Le cercle des visages indiens au dessus de sa tête s'écarta pour faire place au Tzin.

Elle referma les yeux, anesthésiée, certaine d'être en plein cauchemar à Ekaterinenbourg, mélangeant un court instant le visage des deux Tzins. Puis elle fut une petite fille qui faisait la révérence devant le Tsar, une petite souris embrassée par la grosse barbe de son père, une petite fille qui se cachait dans le grenier. Quand le Tzin arracha sauvagement son chemisier, une violente décharge d'adrénaline la sortit brutalement du cocon dans lequel elle s'était blotti. Les apaches commentèrent avec approbation le spectacle fugace des aréoles nacrées déjà élargies par la gestation, qui saillaient des larges mamelles en forme de poire. Natacha porta vivement la main à sa poitrine pour refermer le col, puis chercha le Mauser le long de ses flancs. Mangas Coloradas exhiba sous son nez le pistolet qu'il tenait par le manche. Elle chercha à s'en emparer en sautant maladroitement sur le Tzin, avant de retomber lourdement à ses pieds. Mangas Coloradas éclata de rire :
" C'est ça que tu cherchais ? Est-ce que tu sais seulement ce que cette arme représente, pauvre idiote ? ". Natacha ne répondit pas. Elle ne dirait jamais ce que Roland lui avait révélé des shadow-eyes, de leur serment et de l'emplacement de leur quartier général au Brésil. Le Tzin perçut dans son regard plus de défi que de peur et comprit qu'elle savait. Oui...elle savait, et elle allait parler... après une petite récréation pour lui et les derniers braves qui attendaient ce moment depuis si longtemps. Les six autres apaches survivants, quatre mescaleros et deux chiricahuas, étaient parmi les plus vieux de la bande. Leur expérience leur avait permis de survivre, ils s'exposaient beaucoup moins, sans être pour autant des lâches. Ils avaient tous attaqué de nombreux ranches et caravanes depuis des dizaines d'années, scalpant et torturant sans merci tous les malheureux colons qui étaient tombés entre leurs mains. Quand leurs épouses vieillies et puantes les attendaient sous le teepee, ils se prenaient à regretter le bon vieux temps où ils pouvaient violer et tuer les femmes blanches. Mais jamais ils n'avaient vu de femme aussi belle. Le grain serré de sa peau blanche et hâlée donnait l'impression de caresser une soie vivante.

Natacha lampait avidement l'eau du ruisselet. Ensuite, elle se roula dans le petit lit de pierres pour rafraîchir son corps enfiévré. Elle était complètement nue.

Quelques minutes auparavant, les apaches l'avaient soulevée sous les aisselles et solidement maintenue pour la redescendre à leur petit campement, caché sous d'épais feuillus jaunis au bord du ruisselet. Les trois chevaux qui leur restaient paissaient l'herbe grasse et abondante en hennissant paisiblement. Lorsque Natacha fut relâchée, elle marcha d'un pas ankylosé vers le petit cours d'eau. Le fouet du Tzin claqua. Elle trébucha de tout son long. Mangas Coloradas marcha sur sa main avant qu'elle ne se relève. Il souleva la jolie tête par la crinière blonde :
" Tu allais où, comme ça ?. Il va falloir la mériter, ton eau. Tu vas danser pour nous, d'abord. Sans tes vêtements... ".
Après un court moment de désarroi, Natacha nourrit un espoir fugitif. Même dans son état, si elle pouvait séduire le Tzin, tout resterait possible. Au prix d'un effort de volonté intense, elle se redressa lentement, fièrement. Sans chercher à trop aguicher une troupe de mâles sexuellement frustrés, elle regarda seulement Mangas Coloradas droit dans les yeux. Puis, avec des gestes d'abord hésitants, bras levés et réunis au dessus de la tête, elle mima quelques instants les premiers pas de Salomé. Elle n'avait pas grand chose sur elle, heureusement, car les forces lui manquaient pour tenir debout longtemps, et ses entrechats étaient bien maigres. Elle fit voler bien vite ses bottillons, qui la serraient affreusement. Pieds nus sur l'herbe, elle glissait mieux et retrouvait le rythme de la danse des sept voiles. Un sentiment d'angoisse l'envahit dès qu'elle eut choisi ce morceau funeste, et son cœur se serra lorsqu'elle se défit du jean qui la moulait après avoir débouclé son ceinturon. Les corps cuivrés des apaches, inexpressifs mais totalement captivés par le spectacle qu'elle donnait, étaient parfaitement immobiles. Un court instant, elle oublia sa situation pour redevenir la ballerine qu'elle avait été, toujours prête à donner plus à son public. Danser nue devant le Tsar était un fantasme qui avait souvent accompagné ses pratiques onanistes. Elle sourit bizarrement en se disant qu'elle n'aurait jamais imaginé le réaliser un jour, et certainement pas ainsi. En petite culotte, elle se retourna pour saisir sa chemise en toile grossière sous laquelle ses lourds tétons dansaient librement. Elle la fit tomber d'un geste bref et ondulant en se retournant à nouveau, comme ces danseuses du ventre dans les pays arabes, dont elle avait entendu dire qu'elles dansaient uniquement revêtues de voiles transparents.
Les indiens semblaient sculptés dans le paysage, seul le Tzin semblait vivant et impatient. Tandis que sa poitrine basse mais bien plantée gigotait en cadence, malgré ses efforts pour ne pas trop provoquer le désir des hommes, elle fit glisser doucement sa petite culotte le long de ses chevilles, révélant le début de sa fente dans un nid tiède et moussu  lorsqu'elle secoua la jambe pour faire voleter le tissu féminin. Elle continua tout naturellement sa danse, en continuant de sautiller légèrement, avec grâce, pour s'immerger le plus vite possible dans l'eau pure et glacée. 
 
Le quatrième guerrier se releva très vite. Il lui avait pétri sauvagement la poitrine, étirant ses bouts de sein entre ses doigts d'acier, mais il n'avait pas duré plus longtemps que les autres. Le premier avait plongé sur elle comme un taureau furieux dès que Mangas Coloradas leur avait fait signe. Elle avait résisté un court instant, davantage par réflexe que par conviction. Les autres indiens avaient d'ailleurs assez vite relâché leur prise quand elle avait cessé de se débattre, soucieuse de préserver ses forces si elle pouvait s'échapper. Le premier viol avait été douloureux, quoique très bref, d'autant que, tel un fauve enragé, le sauvage lui avait mordu les seins. Par la suite, elle avait elle même écarté les jambes, mais sa matrice lubrifiée par la semence du premier viol accueillait déjà sans difficulté les plus grosses verges. Lorsque les indiens se furent déversé en elle, elle reprit son souffle, haletante et légèrement troublée par le parfum de ces peaux sauvages qui sentaient la fumée, le suint et la graisse, par le contact de ces torses musculeux, de ces bras noueux qui l'avaient puissamment étreinte. Si l'un ou l'autre avait su prolonger son désir, elle l'aurait certainement accompagné dans sa jouissance, et cette pensée lui fit honte lorsqu'elle imagina le corps de Roland déchiqueté dans le ravin.

Elle se croyait au bout de son calvaire, les yeux mi-clos, bercée par le petit courant qui glissait le long de son corps, lorsque ses pieds furent brutalement tordus. Elle se retrouva apeurée, les seins frottant douloureusement contre le gravier tandis que ses mains griffaient les racines immergées. Le souffle rauque du Tzin dans le cou, elle l'entendit s'abattre lourdement sur ses reins. Il chuchota :
" Espèce de chienne, tu as réussi à prendre du plaisir... Et comme ça, qu'est ce que tu en dis ? "
Natacha poussa un hurlement de bête blessée lorsque le membre squameux du Tzin déchira la tendre ouverture inviolée. Les autres indiens ne pratiquaient pas la sodomie. Allongés, ils se redressèrent sur un coude pour suivre avec intérêt la lutte sans espoir. Plus Natacha se débattait en brassant l'eau ou en tirant sur les lianes flottantes pour s'échapper, plus elle excitait le Tzin. Il la labourait sans répit, de plus en plus gros, révélant un gigantesque membre reptilien lorsqu'il se retirait. Les apaches se regardaient en silence, inquiets eux-mêmes de la présence d'une créature dont ils pressentaient, malgré leur faible savoir, qu'elle n'était pas humaine. Lorsque son sexe eut atteint la taille d'un bras, du sang commença de le maculer, tandis que Natacha, vaincue, gémissait avec de longs halètements. Le Tzin se releva triomphalement une dernière fois avant de s'enfoncer profondément dans ses entrailles pour jouir enfin. Natacha crut que du feu liquide était déversé en elle lorsqu'il éjacula, longuement, tirant sa tête en arrière par les cheveux. Elle poussa un cri d'agonie en écho à son barrissement sauvage.

Elle resta prostrée de longues minutes, incapable du moindre mouvement tant son anus déchiré la faisait trembler en de longs spasmes d'agonie. La douleur s'assoupit progressivement pendant que montait le ronflement des sauvages repus de sexe. Ils semblaient tous faire la sieste, assommés par la chaleur étouffante à l'ombre des grands conifères.

Allongée sur la berge, Natacha roula lentement sur le ventre. Mangas Coloradas s'était adossé sur un rocher et dormait également, les bras en croix. Une envie de meurtre familière l'envahit, la même qui s'emparait d'elle à chaque fois qu'elle repensait aux évènements d'Ekaterinenbourg.

Elle avait tout vu, les hommes passés au fil de l'épée ou fusillés en lisant la Torah, adossés au murs de leurs petits pavillons. Les sauvages zaporogues, bardés de cartouchières, riaient en dénichant les familles cachées dans les caves et les greniers. Elle avait vu de sa fenêtre des enfants précipités des toits pour retomber embrochés sur des lances. A ses côtés, le Père Fedorov, la poitrine secouée de sanglots mal contenus, étreignait silencieusement son épaule. Mais le pire était le cri des femmes violées, qui tentaient de fuir nues dans la rue, sous la neige grisâtre, avant d'être rattrapées et clouées par les seins aux portes et aux volets des maisons. Ensuite, les mortelles cinglées des knouts labouraient les dos et les fesses, hachant sans répit les chairs sanguinolentes jusqu'à ce que les jambes des pauvres femmes se dérobent pour qu'elles mutilent elles-mêmes leurs poitrines transfixiées.

Au coin de la rue apparut soudain une gamine d'une douzaine d'années. Echevelée, en chemise de nuit, elle courait de toute la vitesse de ses petits pieds nus. Elle scrutait sans cesse les carreaux des fenêtres, espérant apercevoir un visage ami qui lui ouvrirait une porte. Elle courait, s'arrêtait, repartait. Un peu plus loin surgit à son tour un cheval au trot. L'Ataman Boulbanov aperçut sa proie et éperonna sa monture. Natacha se redressa pour sortir, mais la poigne du Père Fedorov sur son épaule resta inflexible. Le regard de l'enfant croisa d'un seul coup le sien, juste après qu'elle se soit retournée pour apercevoir la créature démoniaque qui galopait dans sa direction. Natacha n'oublierait jamais les immenses yeux verts chargés de reproche qui se détournèrent lorsque la petite fille se remit à courir dans une fuite éperdue. Lorsque le profil de prédateur du Tzin passa devant elle, à peine masqué par une toque en zibeline, Natacha serra les poings et se fit la promesse d'abattre un jour de ses mains le monstre.

Elle sentit qu'elle avait recouvré assez de forces pour ramper derrière un bosquet de fougères. Elle resta encore immobile quelques instants, attendant que les sauvages viennent s'emparer d'elle pour d'autres viols. Puis elle passa la tête au-dessus de la ligne verte qui ondulait paisiblement sous la brise. Les apaches dormaient toujours, en apparence. Elle se releva doucement, en restant accroupie, invisible parmi les hautes herbes, pour progresser lentement en direction des chevaux qui pâturaient. Elle flatta doucement de la paume de la main le naseau d'une jeune jument qui semblait la plus rapide des trois montures. Après l'avoir rassurée, elle défit ses rênes et la fit avancer silencieusement pour monter en selle le plus tard possible. Au bout de cinquante mètres, elle crut avoir apprivoisé la fine cavale et monta en selle. La jeune jument qu'elle montait pour la première fois se cabra légèrement et poussa un bref hennissement. Natacha regarda instinctivement en arrière. Mangas Coloradas avait surgi d'une petite clairière. Sans retenue aucune, car pas un guerrier ne le regardait, le Tzin fit un premier bond de six mètres. Natacha porta silencieusement la main à sa bouche. Le Tzin courait aussi vite que son cheval. Elle fouailla l'encolure de la jument d'une claque puissante et partit au galop. Elle n'avait jamais monté à cru. Très vite, elle dut raccourcir les rênes pour s'accrocher des deux mains à la crinière de sa monture, ballottée sur la croupe au rythme de la poursuite infernale.
Mangas Coloradas était infatigable. Tête enfouie dans les poils de la jument, elle ne se rendit pas compte que sa monture avait décrit un large demi-cercle qui l'avait ramenée devant le campement. Le Tzin diminua ses sauts lorsqu'il vit les apaches sortir enfin du petit bois. Deux d'entre eux étaient monté en selle. Ils partirent à la poursuite de Natacha avec des cris joyeux, la femme était nue, la journée était belle, la chasse serait bonne. Elle piqua des deux en serrant ses cuisses autour des flancs palpitants. Sa vulve qui frottait sur les poils rêches la démangeait horriblement, mais elle ne pensait qu'à regagner les hauteurs escarpées du col, droit devant elle. Lorsqu'elle entendit le sifflement du lasso qui refermait sa boucle autour de son torse, elle n'eut pas le temps de s'en débarrasser. Le chiricahua stoppa brutalement son poney et s'arc bouta pour la faire tomber. Elle roula au sol tandis que la jument continuait sa course folle. Elle resta assommée par le choc quelques instants, touchante incarnation de la grâce féminine meurtrie, ses pommettes hautes encore rougies par l'effort, la beauté de ses traits slaves soulignée par les rayons éclatants du soleil. Elle rouvrit les yeux en sentant que ses seins étaient manipulés. Lorsqu'elle réalisa qu'ils étaient soulevés pour rentrer dans la boucle de deux lassos, elle poussa un hurlement d'angoisse et se redressa vivement en tentant de se dégager. Une première secousse qui se répercuta atrocement au plus profond de ses glandes la fit trébucher en avant. Elle parvint à saisir au vol les lassos pour tirer dessus avant de tomber, amortissant le choc qui continua de les ébranler. Elle était à genoux, ses seins atrocement comprimés saillaient sur son ventre, lorsque les lassos se  détendirent. L'haleine fétide du Tzin lui fit tourner la tête. Penché sur son cou, Mangas Coloradas lui lia rapidement les poignets dans le dos et susurra :
" Je veux que tu me dises tout ce que tu sais sur les shadow-eyes ". Natacha releva lentement son beau visage :
" Jamais, espèce de monstre ".
Le Tzin indiqua brutalement du bras la petite pampa qui s'étendait sous ses yeux. L'indien, un chiricahua au corps sec et long, éperonna doucement son cheval, forçant Natacha à se relever, les seins déjà violets. Le guerrier dirigea sa monture au petit trot vers un réseau de courts buissons que Natacha distinguait mal dans le halo dilaté de l'air surchauffé. Elle avait toutes les peines du monde à suivre le train modéré, tant son équilibre était précaire. Elle courait sur la pointe des pieds, attentive à maintenir lâches les cruels lassos. Elle était à ce point obnubilée par la ligne qu'ils formaient devant ses yeux qu'elle trébuchait continuellement contre des pierres qui s'enfonçaient sans cesse dans la paume de ses pieds ou déchiraient ses doigts recroquevillés. Elle avait vite préféré cette peine pourtant insupportable à celle qui envahissait ses mamelles lorsqu'elles étaient brutalement étirées par un contrecoup. Allongés démesurément, les amples tétins gorgés de sang pointaient tellement devant elle qu'elle pouvait en distinguer les pointes charnues sans baisser les yeux. Elle poussa un bref jappement de peur lorsqu'elle vit devant elle le champ de cactus hérissé d'épines menaçantes qui semblaient la guetter.
Le chiricahua éperonna brutalement sa monture devant les autres apaches qui s'étaient rassemblé pour profiter du spectacle. Natacha tomba brutalement en glissant sur la pulpe d'un cactus écrasé. Le sauvage se mit immédiatement au pas, car Mangas Coloradas ne voulait pas ruiner trop vite le corps magnifique. Malgré la douleur atroce qui se répercutait encore dans ses pauvres seins, Natacha entreprit de se relever, mais elle n'avait pas le temps de prendre un appui. Le féroce apache la traînait doucement, juste assez vite pour qu'elle reste allongée, et que son corps visite tous les petits cactus que la monture du renégat enjambait. Natacha n'avait jamais autant souffert. Des dizaines d'épines perçantes restaient fichées dans son corps, s'enfonçant plus profondément dans sa peau délicate chaque fois qu'elle se retournait sur elle-même pour en éviter d'autres. Elle hurlait continuellement, implorant la pitié de ses vainqueurs. De minces rigoles de sang se réunissaient en lignes baroques le long de ses flancs d'albâtre. Elle faillit s'évanouir plusieurs fois, elle crut à plusieurs reprises que les lassos allaient arracher ses seins affreusement torturés. Enfin, le Tzin donna l'ordre de mettre fin au supplice démoniaque.

Natacha gisait presque inconsciente sur le sol quand elle fut remise sur ses pieds sans ménagement. Elle fut traînée, presque tirée, au pied d'un arbre un peu plus grand que les autres, dont certaines des plus fortes branches jaillissaient perpendiculairement du tronc à près de deux mètres du sol. Les seins libérés, la jeune anarchiste fut sobrement ligotée par les poignets à deux lanières de cuir qui pendaient, assez largement écartées pour maintenir ses bras étendus comme si elle était crucifiée. Ses jambes flageolantes ne la portaient plus, et elle dut faire un effort immense pour soulager la pression qui cisaillait la chair diaphane de ses poignets. Puis elle vit avec horreur ses tourmenteurs approcher une petite torche de son corps. Elle murmura son refus " Assez...non, arrêtez ". Ce qui n'était qu'un prélude à des tortures plus atroces la fit pourtant incroyablement souffrir lorsque les maudits sauvages la débarrassèrent des quelques épines qui étaient restées incrustées dans son ventre et ses fesses. Telles des petites mèches, les épines se consumaient très vite, marbrant les chairs délicates d'auréoles sombres qui entouraient de minuscules trous de chair vive creusés par la combustion.   
Mangas Coloradas écarta d'une poigne vigoureuse les plantureuses mamelles meurtries et encore allongées en les soulevant. Il présenta les bouts de sein au contact des lèvres de la jeune russe. Elle qui n'aimait rien tant que lécher sensuellement ses pointes de sein détourna la bouche, blessée qu'il ait découvert son secret si intime. Il murmura doucement à son oreille, presque aussi tendrement que Roland :
" Ils ne sont plus aussi beaux, maintenant, n'est-ce pas ?... Mais dis-toi que ce n'est rien à côté de ce qui les attend si tu ne parles pas. Allez, ne sois pas stupide, tu n'es pas encore vraiment mutilée ". Natacha souleva ses paupière brûlées. La silhouette du Tzin dansait devant ses yeux. Elle parvint, dieu sait comment, à rassembler un crachat dans son arrière-gorge et stoppa le Tzin avant le début de sa prochaine phrase. Le mutant la dévisagea avec une joie mauvaise avant de siffler une série d'ordres dans le dialecte syncopé des apaches.
A son grand étonnement, la petite troupe ne bougea pas. Mangas Coloradas n'était pas leur chef, et ils avaient longuement discuté entre eux dans l'après midi, malgré la terreur que le Tzin leur inspirait. Le plus âgé des apaches survivants s'avança cérémonieusement. A l'issue d'une longue palabre, ils finirent par imposer le jugement des flèches au Tzin pour désigner un nouveau chef de guerre. Ils préféraient aussi conserver la captive vivante pour qu'elle leur serve d'esclave sexuelle.
A un contre six, Mangas Coloradas aurait pu facilement se débarrasser des renégats, mais il avait besoin d'eux pour traverser le Mexique en toute discrétion parmi les autres tribus apaches. Il acquiesça de mauvaise grâce, mais en trouvant immédiatement la parade. Il imposa que le vainqueur du jugement des flèches ait également le droit de choisir le supplice qui serait infligé à la jeune martyre. 
Deux apaches abattirent à grands coups de tomahawk un tout jeune arbre et en épointèrent les branches.

La main de Roland recouvrit l'œuf du vautour. Il patienta quelques secondes de plus, pour dominer le tremblement de sa main brûlante de fièvre. Il avait du attendre une nuit de plus, immobile, se pissant dessus, que le grand rapace, l'œil soupçonneux, cesse de le surveiller en gardien vigilant de son nid, en quête d'une proie plus accessible. Il savait qu'il avait rebondi de branche en branche deux jours avant. Il pouvait suivre vingt mètres plus haut à travers les trouées de la végétation la trace de la glissade qui l'avait projeté, inconscient, sur une de ces étroites plate-formes, prolongées par une petite grotte, qui truffaient la paroi du précipice. Il s'était réveillé le lendemain matin, rompu, incapable du moindre geste, sombrant à chaque instant dans un nouveau cauchemar. A grand peine, il perça de son couteau la mince coquille de l'oeuf pour le gober avidement et retomba en arrière, épuisé. 

Mangas Coloradas et les autres braves fourbissaient leurs traits. Chacun avait pris cinq flèches pour remplacer les pointes de fer par des petits galets ronds, parfaits pour assommer le petit gibier sans le déchiqueter. Ils avaient bien sûr un autre projet que la chasse, comme le comprit bien vite Natacha lorsqu'elle fut détachée pour être conduite entre deux poteaux reliés par une barre transversale un peu plus haute qu'elle.
Les deux apaches préposés à son supplice la soulevèrent brutalement en la renversant avant qu'elle ait pu protester. Ses chevilles furent solidement attachées à des liens de cuir plus épais et beaucoup plus courts que les précédents, qui la maintenaient tête en bas à un peu plus d'un mètre du sol. Ses bras dont les poignets étaient toujours liés furent étroitement ligaturés le long de son torse. Le pire était à venir, car un mince lacet de cuir mouillé, solidement fixé à une branche enfoncée dans le sol, la garrotta immédiatement après.
Elle gigota pour se redresser autant que ses puissants muscles abdominaux le lui permettaient. Les indiens apprécièrent ces trépidations lascives qu'elle interrompit bien vite devant l'inanité de ses efforts.
Ses tourmenteurs se divisèrent en deux groupes à une cinquantaine de pas, de part et d'autre de ses flancs. Le plus jeune des indiens banda rapidement son arc pour décocher une flèche molle qui retomba juste avant le corps frémissant. Honteux, il fit place à un autre renégat qui visa beaucoup mieux, car sa flèche percuta douloureusement la hanche de la jeune femme, lui arrachant un cri de souffrance. Certains autres apaches cho
#7
J'ai bien rigolé de voir mon compte désactivé pouvoir être réactivé par magie, preuve que la situation doit être si fréquente que les administrateurs en ont eu marre et ont prévu directement cette option que je n'avais jamais vue ailleurs !
Moi, l'option tri sélectif ne me dérange pas du tout, puisque j'y avais directement souscrit à mes débuts.
Je me permets donc une suggestion, sur une remarque de Nihil d'ailleurs, pourquoi les joueurs de simple ne posteraient pas directement en tri sélectif, laissant au grand jury le soin de les poster sur le site si affinités ?
Pour rebondir sur une vieille controverse, je me fous de n'être lu que par 10 personnes, n'ayant aucun message à délivrer, pourvu que j'arrive à faire bander ceux qui me lisent parce qu'ils savent ce que j'écris.
#8
= CODE DE CONFORMITE = / Re : Ecrire de la merde ?
Septembre 21, 2008, 20:37:28
Pas de problème, on arrête là, mais juste une fois, une seule, cette année, demande-toi si au fond du fond de la déconne, de l'arbitraire, du subjectif et du mort aux cons, tu contrôles encore réellement les choses en pleine conscience...
#9
= CODE DE CONFORMITE = / Ecrire de la merde ?
Septembre 21, 2008, 19:29:29
Glaux a écrit "Les textes qui ont besoin d'une explication de texte de l'auteur sont de mauvais textes. Qu'on me dise leur intérêt, à ce moment-là, mis à part de servir de vagu exemple non nécessaire à une théorie à la con ou à une déclaration d'intention péteuse. A priori on n'écrit pas pour écrire de la merde, personne, ni ici ni nulle part ; on a le vague espoir que le texte se suffise à lui-même. Dès lors, ça fonctionne ou ça fonctionne pas, mais au moins, on laisse une chance au texte de s'expliquer lui-même."

Glaux, tout le problème est de définir ce qu'est de la merde. Est-ce justement pour toi tout texte qui n'aurait pas une théorie, une déclaration d'intention, bref une ambition qui se situe hors de tout cadre, donc à apprécier brute ? Ipso facto, s'il ne faut pas se référer à une contrainte ou à un exercice de style, pourquoi avoir rappelé la filiation du texte de Winteria avec le serial edit ?

Je redis lourdement, il y a des textes à n'apprécier qu'avec le mode d'emploi.
#10
Citation de: nihil le Septembre 15, 2008, 12:38:42
Je me suis déjà permis de taxer des textes du forum pour le site, je vois pas le problème. Je ferai pareil avec ceux-là si ils me conviennent. Enfin, dès que j'aurais un peu ratrappé le monumental retard de publication actuel, évidemment.

Très bien, alors je ne touche pas ceux-là, et j'attendrai par ailleurs que le sort de mon autre texte en attente sur le site soit tranché pour en proposer un autre, et ainsi de suite.

#11
= CODE DE CONFORMITE = / Re : Tri sélectif direct ?
Septembre 15, 2008, 07:15:23
Bon, je ne vais pas être plus royaliste que deux modos et 2 membres, ces textes et les autres vont donc rejoindre la file sur le forum.
Je ne voulais sincèrement pas griller la file d'attente, mais pour moi, glauque c'était un concept malsain, une idée flash, avec un zeste d'humour morbide ou atroce, pas du SM pur avec de longues descriptions cliniques dans un contexte historique soigné.
Je n'ai rien à dire sur n'importe quoi, je veux juste que mes lecteurs et lectrices (si, si, il y en eut) prennent du plaisir à me lire d'une seule main, comme on dit.
Il faut vraiment arriver ici pour ne pas choquer, vous savez...!
#12
= CODE DE CONFORMITE = / Re : Tri sélectif direct ?
Septembre 14, 2008, 21:48:54
Bon, eh bien, on continue dans la même veine en pire alors, même si j'ai plus de réticences que vous...
Moi aussi, il y a une paye que je ne fais plus toujours l'effort de lire avec attention les textes des autres, et ça me fait bien ch..., mais ici beaucoup de textes difficiles le méritent, il va bien falloir s'y remettre.

                                      REVE DE FER, REVE DE SANG

Le capitaine - marquis -  Francisco Cabeza de Vaca plie soigneusement son pantalon délavé, d'un sable presque blanc. Il le pose avec application sur le dossier ouvragé de la chaise de douairière qui constitue le mobilier principal de son logement. Il accroche ensuite son ceinturon sur l'un des bords, et les recouvre avec la veste de son uniforme. Il déboutonne sa chemise qu'il laisse retomber négligemment sur sa veste. Ses bottes sont déjà sous la chaise.
La nuit dernière, quelques éléments des brigades internationales se sont infiltré dans les faubourgs.
Retranchés dans le bureau de poste, ils mitraillent consciencieusement les murailles inexpugnables de l'Alcazar.
Leurs salves régulières rythment l'exercice de la petite garnison depuis l'aube.
Il s'est approché de la fenêtre grande ouverte en hochant la tête. Le soleil  a déjà commencé de cuire les supplétifs marocains et les pierres surchauffées amortissent l'écho des détonations.
Il referme les volets en souriant.
Ses yeux conservent la rémanence de la lumière trop crue, et il lui faut quelques secondes pour distinguer Soledad. C'est d'abord une ombre qui se détache crûment dans la blancheur irréelle des draps du lit à baldaquin. Puis il parvient à distinguer des contours de plus en plus précis, et enfin sa peau très mate, d'où se détache à peine le renflement très sombre de son pubis.
Il vient s'allonger à ses côtés, et il a perçu le frisson qui a secoué sa cuisse. Il pose sa main aux ongles faits dans le creux de l'aine. Les cals de sa paume très sèche râpent l'épiderme soyeux lorsque ses doigts commencent leur exploration. L'index effleure sa toison très brune et la caresse doucement. Il saisit délicatement entre le pouce et l'index les poils collés par la transpiration et joue à les étirer.
Le mont de vénus s'est contracté lorsque le dos de son index a rencontré les bords de ses lèvres. Il les effleure quelques instants, les flatte doucement comme pour les réveiller. Son ongle a trouvé une ouverture pour rabattre doucement la corolle engourdie. Son doigt s'enfonce un peu, remonte lentement, comme s'il tirait sur une fermeture éclair de bas en haut.
Cette fois, Soledad a tiré fortement sur ses poignets.
Les menottes ont cliqueté.
Il passe au dessus d'elle et pose ses mains au milieu de ses côtes. Dieu, que ses seins sont gros mais si fermes. Il les recueille au milieu de ses doigts très écartés et ses paumes se referment en les serrant très fort. Il les repousse très lentement jusqu'à ce que les aréoles à la couleur de café crème aient rejoint la ligne des épaules.
Il fixe intensément le regard paniqué de la jeune anarchiste du POUM. Puis il se laisse retomber d'un seul coup. Son long membre a plongé presque complètement dans la matrice à peine lubrifiée., le bâillon a bloqué le hoquet de surprise. -je te hais, je te hais, je te hais - disent les yeux noirs.
C'est une lutte entre deux volontés qui s'engage. 
Il pince fortement la longue pointe de sein pour l'étirer et referme avidement ses lèvres sur le mamelon. Sa main écrase l'autre sein, ses doigts font rouler la glande sous la peau. Sa barbe naissante pique le sein dont il suce maintenant le bout. Sa langue entoure la pointe où il la mordille très légèrement. L'odeur de cire absorbe les premiers effluves des sécrétions intimes.
Soledad ne peut plus interdire à ses fesses de se soulever.
Il a réuni ses jambes, ses orteils sont crispés comme s'il faisait des pompes à l'exercice. Il veut concentrer toute sa puissance au bout de son gland trop fin. La pointe acérée de son pénis de chien est très dure maintenant.
Non, non, non, je ne veux pas, affirme la crinière brune qui vole en tous sens.
Un rai de clarté barre un instant la bouche crispée de Soledad, juste au dessus de l'épaule très velue.
Antonio referme très lentement la porte. Il tire sur son col et redescend sans bruit l'étroit escalier en colimaçon. Ses lèvres forment une grimace étrange et son regard est fixe. Le fidèle chien de garde se poste assis sur la première marche.
Quand le con de Soledad s'est resserré, il a failli jouir. Vite, il s'est pincé au sang la lèvre inférieure –NON, merde, pas maintenant, pas avant elle- Il parvient à bloquer son éjaculation et se retire. Soledad veut sa victoire. Sa poitrine se soulève à la rencontre de la médaille pieuse qui pend à son cou, mais il se garde de la pénétrer complètement cette fois. 
Maintenant, son gland violet est la tête d'un bélier qui repousse les battants de la porte de sa vulve.
Sans jamais s'enfoncer plus avant, il martèle ses petites lèvres tandis que son index a filé sous son ventre très plat pour masser son clitoris bourgeonnant.
Soledad se cambre longtemps pour résister, puis sa respiration augmente. Une buée de transpiration s'est formée dans ses cils et son pelvis vient à la rencontre du pieu qui se refuse .
Elle cède la première et Francisco a presque entendu son feulement assourdi.
A cette seconde précise ils sont amants.
Il peut maintenant se reposer en la pénétrant complètement. Elle hait son corps qui l'a trahie et se contracte pour échapper à un nouvel orgasme. Il ne bouge pas, cette fois. La portée de son acte l'effleure étrangement à cet instant. Il est assez cultivé pour pressentir dans quel sens la balance de l'histoire penchera, mais il n'en a cure pour l'heure.
Sa bouche a de nouveau encerclé le mamelon droit, mais cette fois, ses doigts ont croché avec rudesse dans la chair tendre de son sein gauche. Elle a un léger sursaut, avec un gémissement atténué lorsque la pression s'accentue. Le plaisir que lui procure la succion de plus en plus forte le dispute à la douleur sourde de son sein écrasé. Elle a senti qu'il était encore plus gros en elle.
Elle hurle en silence. Il l'a mordue. Pas pour jouer. Ses dents se sont progressivement imprimé tout autour de son aréole . Il a le goût de son sang dans la bouche, mêlé au sel de sa peau. Il a nettement perçu la secousse qui a traversé son corps. Ses muqueuses se sont délicieusement resserré avec plus de vigueur que si elle avait joui.
Sa bouche descend un peu. Elle appréhende une nouvelle morsure et se surprend à prier, elle !
Il a pris un gros morceau de peau avec un peu de chair, à la base du sein, et son incisive s'est enfoncé plus profondément. Quelques gouttes de sang voltigent sur les draps lorsqu'elle bombe le torse après qu'il se soit relevé pour la regarder.   
Des cercles brun-bleu avec des trous rougeâtres marquent la peau de Soledad. Il se repaît de la peur absolue au fond de ses yeux et il en jouit en la fixant jusqu'à ce que ses dents aient choisi un autre lambeau de peau à déchirer. Il se relève et ferme les yeux un court instant. Comme un fauve il referme sa mâchoire pour broyer une énorme bouchée, qu'il commence à mâcher sans la détacher.
Le dos de Soledad est une corde de souffrance décollée du lit. Elle l'a soulevé, et c'est comme si elle lui faisait l'amour maintenant. Il se plait à mordre plus ou moins fort pour régler la tension de ses muscles, comme s'il accordait un violon.
Quelques trous profonds ont traversé la glande et un peu de matière s'est mêlé au sang. Pour ces instants magiques de jouissance absolue, il accepte d'avoir perdu son âme. Il se demande seulement s'il va passer le reste de sa vie à les occulter  ou bien à les magnifier à chaque instant. Il connaît la réponse, déjà. Il agrippe une dernière fois les tétons martyrisés et les secoue brutalement.
Il se relève. Soledad l'a suivi du regard tant que la brume de ses larme le lui a permis. La porte grince une seconde fois. Il est revenu avec quelque chose dans la main qu'il pose par terre. Il tient un fil au bout du bras qu'il branche dans un générateur avant de le laisser retomber. Il attend quelques instants, puis pose une pointe de fer rougeoyante sur l'œil de l'angelot dessiné en haut du pied du lit.
Soledad ferme les yeux pour qu'il ne puissent plus jamais s'ouvrir. Elle l'entend s'asseoir pesamment à ses côtés. Elle sent d'abord le fil du fer à souder glisser le long de sa cuisse comme un serpent. Elle se mord la lèvre, mais rien ne l'a préparé à cela. Ni la balle qui a traversé sa cuisse l'année dernière, ni la dysenterie qui a failli l'emporter enfant. Elle entend le " fzzzz " pendant qu'un éclair aveuglant la traverse.
Il a commencé de cautériser ses plaies par jeu, parce qu'elles formaient une cible visible. Il est légèrement incommodé par l'odeur de viande grillée, et la fumée pique un peu ses yeux, mais il continue de fourrager dans les plaies vives en ménageant quelques instants de repos au corps pantelant. Le charbon des bords carbonisés gagne peu à peu sur le rouge très vif des plaies béantes...
Elle s'est évanouie. Il attend quelques instants et pince ses narines pour la ranimer. Sa bouche tente de s'ouvrir spasmodiquement sous le bâillon comme si elle était noyée. Ses yeux hagards reviennent du néant bienheureux. Ils cillent lorsque la tige de fer effleure son mamelon. Au lieu de la retirer assez rapidement, il la maintient en place " Fzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz ". Un claquement le surprend.
Le bras droit de Soledad s'est disloqué au bout de la chaîne. Le bout de sein  est pratiquement décapité.
Une odeur épaisse dépasse maintenant des cuisses tétanisées. Avec un froncement dégoûté des narines, il se lève brusquement en cognant la chaise. Le Mauser 96 s'échappe de son holster. Il revient appliquer le fer, droit sur le côté du sein gauche, et l'enfonce en tournant. Il est surpris de la résistance qu'offre la chair un court instant.
Soledad s'est évanouie pour la seconde fois. Il doit la gifler longtemps avant qu'elle revienne en enfer .
Le long canon du Mauser est braqué sous ses yeux quand elle parvient à reprendre conscience Elle souffre tant qu'elle n'est plus tout à fait cohérente et il lui faut un long moment pour appeler la fin.
Elle a voilé son regard, lorsqu'elle sent le canon de l'arme frayer sa route dans son vagin. Elle a trop mal pour ressentir la moindre stimulation sexuelle quand il fait aller et venir le cadeau que lui a fait Kurt, le jour où la légion Condor a rendu les honneurs au Caudillo.
Elle ouvre ses yeux au-delà de la douleur muette et le supplie de toutes ses forces.

" BANG "

Antonio a sursauté. Il se lève brutalement et ramasse son calot. Il l'ajuste maladroitement face aux troupes qui font l'exercice et fait le salut de la phalange. La clameur de victoire s'envole jusqu'aux miradors.

                                      " VIVA LA MUERTE "



#13
Citation de: la_marquise_de_sade le Septembre 13, 2008, 15:10:47
il est bien urbain ce nouveau


C'est que je me sens obligé de prendre des précautions...
Effectivement, même s'il doit être difficile de choquer quelqu'un dans ce forum, on peut largement l'être par le texte qui suit, on peut y voir un pamphlet mais tout aussi bien un texte franchement snuff ou SM.
J'ai attendu un peu d'avoir vérifié si nihil obstat, alors bon je me lance.
Disons qu'à minuit moins trois il y a quelques années, je n'avais comme idée que d'aller me pieuter, à minuit je démarrais, à 5 plombes du mat, j'arrêtais, et je n'ai pas voulu ensuite corriger une virgule.

                              La jeune fille et la mort

Je m'appelle Jessica Marie Rosenkrantz. Demain, je serai morte.

Non, si, non, oui, peut-être ; je ne sais plus, j'espère, je crois.
J'ai peur, mais je ne veux plus souffrir.
J'ai peur, mais je me dégoûte.
J'ai parlé, et je dois me taire pour toujours.

La lune m'éblouit, moi dont les yeux sont clos toute la journée sous le capuchon infect que mon bourreau fait déposer tous les matins sur ma tête par les gardes de l'école militaire.

Je cherche les cratères, Roberto m'a dit qu'en plissant les yeux, au bout d'un moment, ils apparaissaient.

Je ne vois rien, rien que le visage de mon bourreau. Ce n'est jamais le même, je ne l'ai jamais vu.

C'est une voix grave. Quand il s'est approché la première fois, il venait d'insulter les gardes, et il m'a dit d'une voix enrouée " bonjour, Jessica ".

Le timbre était chaud, distingué. J'ai cru entendre un ami. Il venait me délivrer.

Il s'est penché sur moi, parce que j'ai senti sur mon épaule son souffle léger alors qu'il venait d'exhaler une bouffée de cigarette. C'était du tabac blond. Je le sais, parce que Roberto préfère le cigarillo, et ça me suffoque toujours un peu.

Il m'a dit " tu sais que tu es une étudiante très brillante, Jessica ". J'ai répondu en tremblant " je n'ai rien à vous dire ". 

Il m'a tiré doucement les cheveux en arrière.

" Mais arrêtez, vous me faites mal "

Il a continué. Ma nuque s'écrase sur le rebord  de la chaise. Je résiste avec mes épaules. Je tire sur les liens qui déchirent ma peau. Je suis nue.

Il rit. Il m'a relâché. Il sort. J'ai toujours l'impression que mes cheveux brûlent depuis les racines.

Je ne dois pas parler, pas parler, pas parler, pas parler.

Ce matin, c'est lui qui est entré. Je le sais. Il ne fait jamais de bruit, pour me surprendre, il n'a pas de bottes, lui, mais je sais toujours quand il est là. 

J'ai froid. Mes pointes de sein sont très dures. Je sais qu'il prend le temps de me regarder.

Ils ont attaché mes jambes aux barreaux de la chaise. Je sais que ses yeux sont posés sur mon clitoris.

J'ai soif. Je ne peux plus racler ma gorge pour interrompre cette attente. Il se lève, il a déplacé un peu d'air. Je pense qu'il est gros.

Je devine qu'il vient à ma droite. Il tourne avec souplesse dans mon dos maintenant, comme un chat.

J'ai peur, mais je ne dois pas parler, pas parler, pas parler.

J'ai peur et je ne veux pas qu'il remette les électrodes sur mes seins. AHHHHH.

" Jessica, Jessica " " tu as mal ? ".

Quelque chose est enfoncé dans mon sein. " OUIIIII, j'ai mal, espèce de salaud. Non monsieur, excusez-moi, je vous en prie, enlevez ça, s'iiiil vouuus plait ".

" ça, c'est une épingle, disons assez grosse ". Il a grasseyé " assez grosse " Je le hais " Ce n'est pas bien méchant, je te rassure ".

Mon sang est en train de couler sur mon ventre. Je le vois. Je l'imagine. Non, je le vois à la lisière du capuchon, la traînée est d'un rouge très sombre qui se détache sur ma peau mate.

Elle rentre dans mon nombril. Elle continue de descendre. Elle se répand sur la bouteille cassée qui sort de mon vagin. Elle se mélange avec mes règles.

J'ai peur, j'ai peur, je ne dois pas parler, pas parler.

Mon sein me fait très mal, maintenant, je pense qu'il a enfoncé un tournevis. Il est très gros, son poids tire mon sein. Je sais qu'il est déformé. Maman, Maman, je veux pouvoir donner le sein, je veux...

J'ai peur. Je transpire. Je sens mauvais. Comment peut-il me lécher ?

" Voilà, j'ai guéri la pauvre petite Jessica. " Il s'est redressé. C'est comme si je l'entendais sourire de son bon mot.

Je n'ai plus de forces. Je ne sais plus si c'est bien lui qui a fixé les électrodes sur mes mamelons en les pinçant longuement avec ses ongles.

Il a gloussé jusqu'à ce que je hurle, il a ri tant que je hurlais, le cœur fou, les jambes étirées pour me décoller de la chaise, les muscles convulsés.

J'ai peur, j'ai peur, j'ai peur, je ne dois pas parler.

Papa se penche sur moi, il me soulève légèrement la tête, il m'emb...

AAAAHHH

Il a pris le tournevis, il l'a tourné, il le tient toujours.

" Jessica, dis-moi, j'ai juste une petite question à te poser. Mais tu la connais déjà, je crois ".

" Monsieur, croyez-moi. C'est vrai. Ils ne me l'ont pas dit. Je vous juuuure ".

Ma voix s'est brisée. Je m'affaiblis. Non, cette fois, ce n'était pas lui. Qui c'est lui ?

Je ne sais plus, j'ai peur. Je reconnais leurs odeurs. Ils sont deux, j'en suis sûre. Pourquoi ont-ils la même voix ?

Je veux partir. J'ai mal. Il caresse mon épaule. Ses doigts se referment autour de mon cou...Il va m'étrangler. Non, non,  il veut te faire peur, tu n'as pas parlé, tu ne dois pas parler.

" Jessica, il est temps de nous confier ton petit secret maintenant ".

Son souffle est oppressé, je sais qu'il a très envie de me violer.

Il ne le fera pas, parce que mes liens sont en fil barbelé.

Sa main descend le long de mon sein, je me rétracte, j'ai peur, et c'est aussi un plaisir. Mon corps réagit. Ma peau a reconnu la première le chatouillement de la main très velue de Roberto.

Roberto a levé les yeux au plafond quand il a joui dans ma bouche. Je penche ma tête pour continuer de le rece...

YYYYEHHH. Il a refermé sa main sur mon sein. Il l'écrase. Il le presse.

" Arrêtez, Arrêtez, Arrêtez ...s'il vous plait. J'ai trop mal ; je vais mourir. Mammaaan ".

Il rit. Il ne répond pas. Mon cœur s'est arrêté de battre. J'ai un vertige. Je ne l'entends plus. Son rire est étouffé. Non, c'est moi qui étouffe. Le capuchon est très lourd maintenant ; non il n'est pas lourd, il l'a resserré.

Je ne peux plus respirer. J'ai peur. Je ne dois pas parler. Juste une heure. Juste une heure pour Roberto.

Roberto s'assoit à ma table. Ses doigts sont noirs de l'encre des tracts. Il dépose un baiser léger sur mes lèvres.

" JESSICA ". Il a hurlé dans mon oreille. Je ne m'y attendais pas. Je n'entends plus. Son cri continue de résonner. J'ai très mal à la tête. Je ne dois pas parler, pas parler. J'ai peur...
Pas parler, pour Roberto. Si tu ne parles pas, tu RESTES EN VIE.

" OU TU VEUX MOURIR MAINTENANT " Il a encore hurlé. Je ne l'entends plus. Il a relâché le lien qui serre le capuchon, mais je ne l'entends plus. Papa, papa, prends ma main, s'il te plait.

AAAAAHHHH. Je ne peux plus. Je ne peux plus.

Il a pris le tournevis comme un tourniquet. Il l'a enfoncé davantage. Il a tourné. Mon sein s'est déchiré. Le tournevis est tombé.

J'ai parlé. Je dois mourir. La lune m'éblouit. Je vais mourir. J'ai peur. Il est rentré. Il s'approche. PAPA, mon capuchon s'est refermé, PAPa, PApa, Papa, pap..

Ceci est la photo de Jessica Marie, disparue à LA PAZ mercredi après-midi. Forte récompense pour toute personne qui pourra fournir des informations. Ecrire au journal qui transmettra.

Dolorès Etchuan-Rosenkrantz

                                                FIN

                                               




#14


Putain ca servai à quoi de me demande par mp ?
T'as pas réussi à te servire d'imageshack?
[/quote]

Excusez-moi Monsieur Le Duc, mais non, j'arrive pas à faire la même chose avec imageshack, de toute façon la réduction annoncée était la même.
Je laisse tomber, c'est un détail.
#15
J'ai pris servimg.com et c'est le plus réduit que ça propose ?
Qu'est ce qui fait encore plus petit et gratuit ?