La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Les héritiers de Kahun - 2 : Fuite

Démarré par sniz, Juillet 09, 2005, 20:21:54

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sniz

Les corps, complètement déchaînés, s'adonnaient à tous leurs appétits. Des groupes de musiciens scandaient des mélodies torrentueuses aux accents frénétiques, au rythme desquelles des danseuses nues déployaient leurs sarabandes en poussant des appels hystériques. La plupart des spectateurs, transportés par des bouffées de délires opiacés, avaient beaucoup de mal à se tenir debout. De jeunes cornacs arpentaient la ville en proposant aux passants d'échanger quelques étreintes vacillantes avec la geisha qui reposait, cuisses écartées, dans le nid de coussins pourpres aménagé sur le dos de leur éléphant. De toutes les directions, on entendait exploser des rugissements de plaisirs qui ajoutaient un peu plus de confusion à ce gigantesque chaos orgastique qu'était la fête de Lohi.  

Des milliers d'esclaves surexcités remplissaient ainsi les rues de Kahun, libres de faire tout ce qui leur plaisait. Leurs maîtres s'étaient retranchés dans leurs logements, portes et fenêtres barricadées. Les soldats étaient en alerte, arme au poing, le long des remparts du palais ou sur l'escalier menant au Temple. Ceux qui se seraient approché de ces bâtiments d'un peu trop près auraient été abattus sur le champ. Malheur aussi aux citoyens qui auraient osé arpenter les rues : aussitôt reconnus, ils auraient été battus par cent gourdins et humiliés sous le regard narquois de mille spectateurs.

A la nuit tombée, pendant que les festivités nocturnes s'organisaient autour d'immenses bûchers dont les lueurs attiraient les fêtards vers les places, Vindu se glissait furtivement dans la pénombre. Il avait revêtu des haillons, dans l'espoir de passer inaperçu, et s'avançait avec circonspection tout en prenant soin d'avoir une allure naturelle. Sa traversée de la ville s'était déroulée presque sans encombres. Il avait seulement croisé un groupe d'esclaves, apparemment sous l'influence de quelque substance végétale, qui se bousculaient involontairement au hasard de leur démarche désarticulée, en chantant quelque rengaine grivoise. Ils portaient à grand peine, sur leurs épaules vacillantes, un pauvre bougre ficelé de la tête au pied et dont le sort semblait fortement compromis. Mais Vindu était sagement resté serein : ces balourds étaient tellement défoncés qu'ils ne l'avaient même pas remarqué.

Il parvint bientôt jusqu'au bâtiment des eaux de la ville, qui renfermait la laverie publique et plusieurs puits mis à disposition des habitants du quartier. En temps normal, l'entrée en était systématiquement gardée. Mais en ce jour de fête, au sein de cette ville livrée à elle même, aucun soldat n'aurait accepté de tenir cette faction suicidaire, devant un bâtiment qui ne présentait somme toute aucun intérêt pour les fêtards, et dont il suffisait de verrouiller l'entrée. Du reste, il n'y avait absolument personne dans les environs. Vindu eut un peu de mal à mobiliser les lois* qu'il connaissait sur le fonctionnement des serrures, mais il parvint sans tarder à ouvrir la porte principale. Il se dirigea ensuite vers un renfoncement au fond duquel se dressait une porte discrète. Il se remémora, cette fois sans peine, les actions prescrites par l'arbre* mystérieux qu'il avait réussi à décoder, et ne tarda pas à trouver la brique qui commandait l'ouverture du passage. Il tira ensuite de ses vêtements une petite lampe à huile d'olive qu'il alluma en frottant un peu de souffre près de la mèche, puis franchit le seuil et s'engagea dans un escalier qui s'enfonçait dans les entrailles de la cité. Au bas des marches, il déboucha sur une pièce où s'étendait un bassin recouvert d'étranges miasmes verdâtres. Ignorant les relents d'excréments et de pourriture qui emplissaient cette atmosphère viciée, il effectua une rapide exploration des lieux et découvrit bientôt avec satisfaction une petite trappe qui gisait dans un recoin. Une fois déverrouillée, elle laissait apparaître dans la lueur de la flamme une petite échelle qui descendait dans les ténèbres.

L'air de la bibliothèque était frais et sec, il sentait la poussière et semblait porter la mémoire d'un nombre incalculable de cycles de récoltes. Le dédale des rayons était visiblement à l'abandon depuis des lustres, et certaines étagères, dont la largeur était réduite de moitié, avaient été copieusement rongées par des insectes. D'antiques signes gravés dans les murs et sur les rangées d'alvéoles lui permettaient de se repérer. Succombant à sa curiosité, il examina au hasard quelques uns de ces rouleaux d'écorces qui contenaient des textes hérétiques : «Essai sur les bases empiriques de la Synthèse», «De l'instabilité structurelle des lois* fondamentales», «La Synthèse comme modèle de l'esprit humain». Les titres des ouvrages évoquaient tous des questionnements complètement étrangers à l'enseignement fourni par l'Université... La légende était donc vraie. Cela signifiait pour Vindu que s'il était découvert, il était perdu. Il avait désormais dépassé un point de non-retour. Et si on l'avait fait venir jusqu'ici, c'était pour le compromettre vis-à-vis de Kahun, pour s'assurer qu'il ne se retournerait plus sur ses pas. Toutes ces considérations ne faisaient qu'épaissir le mystère de l'identité de son destinateur. Mais il décida de ne pas s'attarder là davantage et entreprit de trouver ce qu'il était venu chercher afin de sortir de cet endroit au plus vite. Il aurait bien le temps de réfléchir à tout ça plus tard. Pour l'instant, il lui fallait relever des passages très précis de certains feuillets. Il se contenta de les mémoriser rapidement. Puis, prenant soin de ne laisser aucune trace de son passage, il effectua en hâte le chemin qui menait vers la sortie et disparut dans la nuit.

Dvitsevin pénétra dans le bureau de Sthula et s'immobilisa debout, au centre de la pièce, attendant que le Théoricien l'autorise à s'asseoir, en observant la politesse d'usage. Mais au lieu de cela, ce dernier resta le nez plongé dans ses documents, laissant planer un de ces silences déstabilisants qu'il aimait imposer à ceux qu'il convoquait dans son bureau. Il en profita pour se remémorer les évènements de la journée. La situation était devenue pour le moins épineuse. Le matin même, il n'avait accordé qu'une oreille distraite à l'esclave chargé de la bibliothèque universitaire lorsqu'il lui avait signalé la disparition d'une carte de l'empire. Quand plus tard dans la journée Dvitsevin lui avait fait savoir que la bibliothèque interdite avait été violée et qu'il faisait partie de l'équipe chargée de retrouver le profanateur, Sthula n'avait pas encore soupçonné combien cette affaire allait le concerner. Il avait ensuite découvert avec étonnement la disparition de ce disciple qui devait lui remettre son devoir et qui ne s'était toujours pas manifesté, en essayant d'y mettre la main dessus pour lui annoncer que cette fois c'en était trop, qu'il serait exclu de l'Université. Mais le véritable choc s'était produit lorsqu'il avait découvert que le talisman des Vasitas avait disparu de l'anfractuosité qui devait la receler. Celui qui était maintenant en sa possession pouvait mettre en péril les Vasitas : les symboles d'arbres* qui étaient gravés à sa surface révélaient les desseins de leur faction et, s'ils étaient décryptés, pouvaient s'avérer sérieusement compromettants. Sthula était persuadé que tous ces évènements ne pouvaient s'être produits en seulement quelques portions de cycle solaire par pure coïncidence.

Il leva enfin les yeux pour adresser un sourire volontairement absent à Dvitsevin. Le jeune fonctionnaire avait lui aussi étudié à l'Université. Comme la plupart des élèves adolescents, il s'en était fait exclure parce qu'on avait jugé qu'il n'avait pas suffisamment de capacités intellectuelles pour devenir Théoricien. Il était cependant parvenu à mettre en valeur sa relative érudition pour briguer un poste subalterne d'exécutant dans l'administration impériale. Ce qui contrariait Sthula, c'était que Dvitsevin ne méritait pas de faire partie des Vasitas –qui étaient tous par ailleurs d'éminents confrères- et que pourtant il était contraint de faire appel à lui, ce qui le rendait d'une certaine manière dépendant de lui. Il voyait déjà venir le jour où il devrait traiter d'égal à égal avec ce petit rond-de-cuir sans envergure.

«_J'ai une mission à vous confier, mon brave. J'ai pris contact avec les Umalates, ce groupe d'hommes dont vous avez vu un spécimen hier soir. Ils ont apprivoisé des loups –qu'ils appellent dès lors «chiens»- dont ils se servent du flair exceptionnel pour pister les fuyards. Je veux que vous partiez avec deux d'entre eux et que vous me retrouviez au plus vite ce Vindu, avec notre talisman. Vous est-il possible de faire cavalier seul, au cours de vos enquêtes ?
_Absolument, vénérable. Il me suffit de prétexter la découverte d'une piste importante dont il faut s'occuper sur le champ, pour autant que mon rapport justifie a posteriori mes décisions.
_Très bien. Vous partirez donc au plus tôt. Des questions ?
_Où et comment trouverai-je ces deux Umalates ?
_Tout est dans ce document. Mémorisez-le et rendez-le moi avant de sortir de mon bureau.»
Pendant que Dvitsevin prenait connaissance du détail de ses instructions, Sthula jeta sur lui un regard dubitatif. Après tout, ce morveux n'était rien d'autre qu'un traître à sa cause, fût-elle celle de l'impératrice. Pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Pour l'heure, il n'avait pas le choix.

L'habitation apparut enfin derrière un escarpement. Vindu se félicita d'avoir pu la trouver si facilement. Les indications fournies par les arbres* qu'il était allé chercher dans la bibliothèque s'avéraient donc exactes. Il se demanda ce qu'il allait y trouver. S'il y avait bien là quelqu'un, il connaîtrait sans doute l'auteur de tous ces messages. Malgré tous les efforts qu'il faisait pour rester calme, il sentait au fur et à mesure qu'il s'approchait que son cœur battait plus vite, que sa gorge se nouait irrésistiblement. Le ciel s'assombrissait rapidement, les étoiles apparaissaient une à une. Alors qu'il se trouvait à quelques centaines de pas de la masure, une lumière apparut à l'intérieur. Ainsi donc, plus de doute possible. Il y avait bien là une présence. Son trouble n'en fut que plus intense.

Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas, la porte s'ouvrit et une femme apparut sur le seuil. Il fut surpris par sa beauté farouche. Elle était d'âge mûr, plutôt grande, vêtue d'une robe légère qui épousait sa peau, laissant apparaître ses formes généreuses. Sa longue chevelure noire se répandait sur ses épaules. Elle portait autour de son cou soyeux un collier de pierres précieuses qui descendait jusqu'à ses seins, des bijoux en forme d'anneaux le long de ses bras ronds. Son visage tout entier, depuis l'expression sévère de son regard jusqu'à la fermeture de ses lèvres et une légère contraction de sa mâchoire, exprimait une dureté méfiante qui n'apparut à Vindu que comme une manière de cacher aux inconnus une douceur sans bornes. Ils restèrent debout l'un en face de l'autre, à se jauger mutuellement. Il se sentit tout à coup mis à nu par cette femme. Il pouvait presque sentir son regard scrutateur effleurer chaque parcelle de son être. Cette sensation lui fut agréable. Oubliant ses précédentes appréhensions, il se détendit. Le désir de s'abandonner à elle monta alors en lui comme si elle avait caressé son érotisme d'un geste adroit. Au bout de quelques instants, apparemment satisfaite de ce qu'elle avait observé en lui, elle fit signe au jeune homme de pénétrer dans sa demeure.

L'impératrice passait une grande partie de sa journée au lit. Les reproducteurs qui avaient la permission de l'y retrouver étaient triés sur le volet et devaient se montrer efficaces s'ils ne voulaient pas finir décapités. Ils ignoraient d'ailleurs ce détail, car cela nuisait à la qualité de leurs performances. C'est là que, la plupart du temps à quatre pattes, elle recevait ses conseillères, sans interrompre ses coïts. Elle venait de dénicher un jeune adonis dont le talent était exceptionnel. L'agent qui devait lui faire son rapport s'en aperçut immédiatement et décida de se faire le plus laconique possible. Il lui était d'ailleurs inutile de lui exposer l'objet de sa visite, elle pu se contenter de lui annoncer que le processus avait été initié et que tout se passait comme prévu.

Vindu gisait nu, aux côtés de l'inconnue. Leur ventre et leur poitrine se remplissaient d'air et se dégonflaient dans le même rythme. Le jeune Théoricien se sentait tout à fait apaisé, quoique fourbu de la journée de marche de la veille et de cette longue nuit d'efforts répétés. A travers les fenêtres de la bâtisse parvenaient jusqu'à eux les premières lueurs de l'aurore, éclairant le mur de pierres qui se dressait à côté de la couche où ils reposaient. Bien que leur étreinte se fût prolongée pendant toute la nuit, elle lui avait semblé n'avoir duré que quelques minutes. Pas un seul mot n'était sorti de leur bouche depuis leur rencontre. Tout ce qu'ils s'étaient exprimé l'un à l'autre était passé par le langage des sens. L'aînée rompit alors le silence :

«_Tu ignores dans quel but on t'a fait venir ici, n'est-ce pas ?
Le ton qu'elle avait employé était assuré et affirmatif. Ils savaient tous les deux que ce n'était pas une question. Pour toute réponse, Vindu lui adressa un regard interrogateur.
_Ce que j'ai fait avec toi, c'est mon métier. Mais ne crains pas en entendant ces mots de me devoir une somme d'argent que tu ne possèdes pas ! Cela fait des années que j'attends ta visite. Ma mère, la mère de ma mère et mes aïeules t'ont elles aussi attendu avant moi.
_Qui suis-je donc pour que des inconnues aient attendu ma visite depuis des dizaines de cycles de moissons ?
_Tu as une mission à remplir. Tu peux changer l'histoire des hommes.
Vindu se sentait incapable de prendre cette révélation au sérieux. Aussi tenta-t-il de prendre la conversation à rebrousse-poil :
_Et si je la refuse ?
_Je ne t'ai pas dit en quoi consiste mon métier. Il m'a été transmis par ma mère. Depuis des générations, mes aïeules ont reçu ici des personnalités en tous genres, femmes et hommes. Elles connaissaient toutes les subtilités des jeux de l'amour, et cela faisait d'elles des maîtresses très recherchées parmi ceux qui détiennent le pouvoir. Les enseignements de ma mère et ceux de mon expérience m'ont appris à lire dans le cœur des hommes. Si la bouche peut enfanter les mensonges, le corps, lui, ne peut tromper. En te faisant l'amour, j'ai sondé ton âme dans ses moindres replis et je sais que tu es prêt. Je sais que tu désires ce destin.
Finalement, cette idée commençait à lui plaire :
_Mais alors, en quoi consiste-t-il ?
_Je ne suis qu'une étape sur ton chemin. Je ne connais pas tous les détails de ta mission. Et je ne te dirai que ce que tu as besoin d'en savoir pour le moment. Le reste te sera transmis lorsque l'instant en sera venu. Il y a des générations, mon aïeule recevait régulièrement un Théoricien du nom de Kurtogdel. Il était l'un des plus grands de l'empire et il dirigeait tous les monastères du Couchant. Il avait découvert quelque chose d'essentiel et terrible à la fois, à propos des fondements de la Synthèse.»
A ces mots, le regard de Vindu s'intensifia et il se mit à examiner les moindres mouvements qui animaient le visage de la femme, comme pour saisir plus pleinement le sens de ses paroles.
_Ses découvertes furent taxées d'hérétiques, les Théoriciens qui les partageaient furent massacrés jusqu'au dernier et les monastères furent détruits. Mais avant de disparaître, il fit en sorte que ce savoir qu'il avait acquis puisse être conservé, et qu'un jour il puisse refaire surface dans le monde des hommes, afin de le transcender.
Elle marqua un temps d'arrêt pour donner plus de poids à ce qu'elle allait dire :
_Tu es celui par qui se réalisera cette métamorphose.
Vindu resta le souffle coupé. Ce qu'il venait d'entendre avait éveillé en lui des milliers de questions qui tournoyaient en tempête dans son esprit. Mais son interlocutrice interrompit immédiatement le cours de ses pensées.
_Tu sais maintenant presque tout ce que j'avais à te dire. Il ne me reste plus qu'à te remettre ces choses.
Elle retira l'un des bracelets qui ornaient ses poignets. Il était épais et incrusté de pierres légèrement colorées.
_Il est composé de minéraux qu'on ne trouve que dans de rares grottes. Garde-le précieusement, car tu en auras besoin.
Elle lui tendit ensuite une écorce d'arbre sur laquelle étaient gravés les symboles de lois* de Synthèse.
_Je ne veux pas savoir ce que cela signifie. Mémorise-les puis jette l'écorce dans le foyer.
Elle lui remit enfin un bagage qui contenait de la nourriture, une réserve d'eau, un petit sac en peau de chèvre et une lampe à huile.
_Prends ceci, tu en auras également besoin pour poursuivre ton voyage. Mon rôle auprès de toi est terminé. Tu n'as plus rien à faire ici, tu dois maintenant partir. Je veux simplement que tu saches mon nom, qui est aussi celui de mes aïeules : Vesya. Et aussi que je porterai un enfant qui sera tien. Je le nommerai comme son père. Maintenant, vas et ne te retourne pas ! Le monde est devant toi. »

Vindu s'accroupit pour caresser la rangée de pierres qui affleurait au milieu des herbes. Elles étaient encore noire, comme si elles avaient été brûlées. Visiblement, personne n'était venu jusqu'ici depuis longtemps. Cet endroit était proprement tombé dans l'oubli. Ainsi, des monastères avaient bel et bien existé, et plus personne à Kahun ne le savait. Il n'en restait plus que quelques pierres presque totalement recouvertes par la végétation, dans une région sauvage éloignée de tout et où personne ne songerait à aller. Certaines structures étaient cependant restées d'aplomb, étouffées par les énormes bulbes et racines des tapangs. Il se remémora la suite des instructions et se dirigea vers un terrassement. Il entreprit de se glisser entre deux racines, à l'endroit indiqué. Après quelques coudées effectuées dans l'obscurité totale, il sentit que le boyau qu'il suivait s'ouvrait sur une salle, assez vaste s'il en jugeait par la réverbération des sons. Il alluma sa lampe à huile. Il se trouvait dans une crypte où étaient alignés d'étranges petits édifices en pierre. Une partie des murs s'était effondré sur les alvéoles d'une bibliothèque qui avait dû contenir de nombreux ouvrages. Il alla en consulter quelques uns à la lueur ondoyante de sa flamme, mais ce qui y était consigné lui était complètement obscur. Il s'aperçut alors que l'un des blocs de pierre avait été peint. Il s'en approcha et découvrit une liasse d'écorces coincées dans un replis de la pierre.

«Si tu lis ces lignes, c'est que tu as pris conscience que tu peux jouer un rôle important dans la destinée de l'humanité, et que tu as approuvé cette vocation. Cet écrit n'a pas pour but de t'expliquer en quoi elle consiste exactement. Tu l'apprendras en temps voulu. Il te préparera à comprendre les choses que tu vas voir, afin que ton esprit ne soit pas dérouté par leur étrangeté. Il est nécessaire de commencer avec un peu d'histoire.

Ce sont les Sibylles qui furent à l'origine de l'empire. Elles vivaient à l'emplacement actuel de Kahun. Elles utilisaient une forme archaïque mais déjà puissante de la Synthèse pour effectuer leurs prédictions. Leur renommée se répandit progressivement dans les contrées avoisinantes et les visiteurs se firent de plus en plus nombreux. Le village dans lequel elles vivaient devint pour les pèlerins un centre d'accueil qu'elles décidèrent de gérer elles-mêmes. Plus intéressées par leur pouvoir que par la pratique de leur art, elles créèrent ensuite l'Université des Théoriciens et abandonnèrent aux mâles la fastidieuse étude de la Synthèse. L'étendue de leur domination s'élargit aux contrées avoisinantes, jusqu'au jour où, toujours plus avides de puissance, elles décidèrent de créer un empire. L'Université des Théoriciens se révéla être le meilleur moyen d'endiguer une insurrection toujours plus menaçante de mâles exploités, puisqu'elle permettait de sélectionner dès la petite enfance les plus intelligents, donc les plus dangereux d'entre eux, et de faire en sorte qu'ils focalisent toute leur énergie sur l'étude de la Synthèse. Face à l'afflux croissant d'élèves, des monastères furent créés dans les contrées reculées, pour éloigner les Théoriciens de Kahun. Loin de la réalité de l'empire, animés par un système de croyances qu'on leur avait fermement inculqué, occupés à une tâche qui absorbait toute leur énergie, ils n'y avait plus guère de danger qu'ils conspirent contre les Sibylles.

J'étais un de ces Théoriciens. Lorsque arriva mon trentième cycle de moissons, je fus envoyé dans un monastère voisin. Un Théoricien y avait récemment trouvé la mort dans des circonstances suspectes. J'en discutai brièvement avec mes confrères, mais on me fit rapidement comprendre que je ferais mieux d'ignorer ces évènements. On voulait me cacher quelque chose. J'entrepris de découvrir de quoi il retournait. Mon enquête dura plusieurs cycles de lune. Je finis par mettre la main sur des documents qui me signifièrent que ce Théoricien avait été assassiné par ses pairs parce qu'il avait réussi à remonter jusqu'aux sources de la Synthèse, et qu'il en avait ramené des théories qui bousculaient certains dogmes. Je réussis à mettre la main sur une partie de ses travaux et je décidai de les poursuivre. Les découvertes furent nombreuses, riches et fécondes. Mais j'exécutais mes recherches dans le plus grand secret et n'y initiais que ceux à qui je pouvais faire confiance. Et durant tout ce temps, je gravissais progressivement les échelons de la hiérarchie, jusqu'à diriger tous les monastères de la région. Une grande partie des Théoriciens qui étaient sous ma responsabilité participaient alors au mouvement que mes travaux avaient initié.

La Synthèse avait toujours été utilisée à des fins pratiques. Les arbres* n'avaient jamais eu pour seule fonction que de représenter des problèmes concrets. Nos découvertes surgirent lorsque nous commençâmes à utiliser les arbres* pour étudier la Synthèse elle-même. Nous créâmes pour cela une méta-Synthèse qui nous permettait d'explorer les possibilités et les limites de notre savoir, en créant des méta-arbres* dont les paramètres représentaient eux-mêmes des arbres*. Puisque la Synthèse devait révéler la manière dont l'esprit Radharma avait ordonné l'univers, elle devait respecter les règles de fonctionnement de la psyché, et en particulier la logique. Mais nous découvrîmes rapidement que, comme tout savoir humain, elle recelait une contradiction majeure : le méta-arbre* qui contenait tous les arbres* stables possibles, c'est à dire le noyau de la Synthèse, s'avérait être instable. Cela prouvait qu'aucun esprit parfaitement logique ne pouvait être structuré par la Synthèse telle que nous la concevions. Et donc, si le Radharma existait, son esprit était profondément incohérent. Cette conclusion constituait une dangereuse hérésie qui sapait les dogmes du culte au Radharma, et mettait en question le pouvoir divin des Sibylles.

Puisque la logique semblait n'être qu'une limitation à la Synthèse, nous décidâmes de reconsidérer cette dernière d'un point de vue intuitif. Il nous apparut alors que, plutôt que de constituer la charpente de l'univers, elle était révélatrice de la structure de l'esprit humain. En effet, ce dernier est comparable à une arborescence en continuelle évolution qui gère les diverses informations issues des sens (qu'elles en proviennent directement ou qu'elles aient été transformées, combinées et stockées entre temps sous forme de souvenirs) et dont les arbres* ne sont que des cristallisations. Nous utilisions dès lors une nouvelle Synthèse, basée sur les sensations de notre corps, comme un système de visualisation qui nous permettait de nous sonder intérieurement. Nous avions donc construit un moyen d'explorer et de développer notre conscience. Après plusieurs décennies de pratique, nous découvrîmes qu'il était ainsi possible de créer un état de rêve* partagé grâce auquel deux d'entre nous pouvaient ensemble visualiser le même arbre*. C'était un moyen de communication incomparablement plus complet que le langage.

Il y avait, dans les forêts avoisinant l'un des monastères qui étaient sous ma tutelle, une race de singes assez surprenante dont les Théoriciens réussissaient parfois à apercevoir fugitivement un représentant. Nous les appelions Prajnas. Ils avaient la peau blanche, l'œil terne mais le regard d'une intensité hors du commun, les bras ballants. Ils se traînaient mollement sur le sol lorsqu'ils étaient seuls et détalaient dès qu'ils étaient surpris par des humains. Mes confrères furent intrigués par les petites constructions en pierres qu'ils édifiaient avec une ingéniosité toute particulière. Ils semblaient se livrer à des expériences dont l'objet nous échappait, ce qui nous prouvait leur intelligence. Intrigués, nous avons alors décidé d'en capturer un pour tenter d'entrer en communication avec lui. Quelle n'a pas été notre surprise lorsque nous avons découvert que non seulement il était doué de conscience et était capable de communiquer avec nous par gestes, mais qu'en plus il avait naturellement la capacité d'entrer en rêve* partagé ! Nous lui avons alors immédiatement rendu sa liberté. Depuis ce jour, nous travaillons avec eux tous, ils nous ont appris beaucoup de choses. J'ai pu leur transmettre la somme de tous mes savoirs. Ils sauront les conserver et les développer. Ils vivent maintenant dans un endroit très particulier nommé Habbel et ont considérablement changé d'aspect.

Cependant, le secret de nos recherches devenait de plus en plus difficile à garder. Je savais que ce ne serait plus possible pour très longtemps. Je savais aussi qu'en apprenant l'existence de nos travaux, l'impératrice déciderait d'exterminer tous les Théoriciens, sans faire de détail, pour n'en conserver qu'un petit nombre qu'elle tiendrai sous surveillance à l'Université. Nous avons donc planifié notre disparition, et notre installation aux côtés des Prajnas. Le problème est que nous autres humains ne pouvons pas encore supporter la puissante influence qu'a le site d'Habbel sur nos corps. Il nous faut nous y habituer progressivement, ce que nous avons trouvé le moyen de faire dans nos monastères, mais qui reste un travail lent. Nous avons décidé qu'une fois partis, nous ne reviendrions vers Kahun que le jour où les hommes seraient prêts à bénéficier de nos découvertes. Ce jour serait celui où un élève Théoricien comme toi aurait compris le message que j'aurais élaboré pour lui et serait parvenu en suivant mes indications jusqu'à Habbel. J'aurais également défini ce que deviendrait l'enseignement de la Synthèse à l'Université, celui que tu as dû connaître, c'est à dire un savoir largement amputé, réduit à l'utilisation des lois* dont on peut vérifier la stabilité sur une structure matérielle en trois dimensions. Aucune découverte sérieuse n'est possible dans ce domaine restreint de la Synthèse. C'est d'ailleurs ce qui a dû t'interpeller lorsque tu était à Kahun... Bref, j'ai donc prétexté une entrevue avec l'impératrice pour m'installer pendant quelques cycles solaires à l'Université et y faire mettre en place tous les dispositifs qui t'ont conduit jusqu'ici. Mais ce soir même, à la veille de mon entretient avec l'impératrice, mon disciple de confiance m'a fait savoir que nous avons déjà été découverts, que les soldats sont partis aujourd'hui même pour détruire tous les monastères et massacrer mes confrères. Mais les Prajnas peuvent encore être sauvés et mon plan peut encore en partie fonctionner. Je suis dans la cellule qui a dû être la tienne. Il me reste à mettre en place ce jeu de lumière qui a dû solliciter ta curiosité et à remettre à mon disciple les diverses instructions pour Vesya, les Prajnas et ce document que tu lis. Quant à moi, je suis suffisamment vieux pour négliger mon propre destin.»

Les feuillets suivants contenaient des arbres* qui lui expliquaient comment se rendre à Habbel.

Agresara avait atteint l'état transcendantal qui pour les Umalates constituait le plus haut sommet de l'humanité. Comme le faisait quotidiennement chacun de ses hommes, il venait de passer une importante fraction de cycle solaire à s'entraîner seul dans la jungle, rivalisant d'agilité avec tous ses frères animaux. Son corps, à présent parfaitement fluide et souple, mais épuisé, était parcouru de sensations agréables et de légères décharges. Il lui semblait que son organisme était comme un métal chauffé au rouge qu'il pouvait modeler à souhait. Il pénétra dans le campement discret que lui et ses confrères avaient dressé dans la jungle avoisinant Kahun. Il désirait plus que tout profiter du léger repos qui lui était maintenant accordé, mais il fut interrompu par l'un de ses hommes, qui venait au rapport. Celui-ci avait réussi à pénétrer la crypte de l'Université, qu'il avait pu explorer de fond en comble, et il était catégorique : s'il y avait bien un passage sous-terrain vers le palais impérial, ce n'était pas de là qu'il partait. Il fallait poursuivre les recherches. Agresara ne se départit pas le moins du monde de sa confiance : il savait qu'ils parviendraient tôt ou tard à leurs fins.





Dourak Smerdiakov

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54
Les corps, complètement déchaînés, s'adonnaient à tous leurs appétits. Des groupes de musiciens scandaient des mélodies torrentueuses aux accents frénétiques, au rythme desquelles des danseuses nues déployaient leurs sarabandes en poussant des appels hystériques. La plupart des spectateurs, transportés par des bouffées de délires opiacés, avaient beaucoup de mal à se tenir debout. De jeunes cornacs arpentaient la ville en proposant aux passants d'échanger quelques étreintes vacillantes avec la geisha qui reposait, cuisses écartées, dans le nid de coussins pourpres aménagé sur le dos de leur éléphant. De toutes les directions, on entendait exploser des rugissements de plaisirs qui ajoutaient un peu plus de confusion à ce gigantesque chaos orgastique qu'était la fête de Lohi.  

Des milliers d'esclaves surexcités remplissaient ainsi les rues de Kahun, libres de faire tout ce qui leur plaisait. Leurs maîtres s'étaient retranchés dans leurs logements, portes et fenêtres barricadées. Les soldats étaient en alerte, arme au poing, le long des remparts du palais ou sur l'escalier menant au Temple. Ceux qui se seraient approché de ces bâtiments d'un peu trop près auraient été abattus sur le champ. Malheur aussi aux citoyens qui auraient osé arpenter les rues : aussitôt reconnus, ils auraient été battus par cent gourdins et humiliés sous le regard narquois de mille spectateurs.

A la nuit tombée, pendant que les festivités nocturnes s'organisaient autour d'immenses bûchers dont les lueurs attiraient les fêtards vers les places, Vindu se glissait furtivement dans la pénombre. Il avait revêtu des haillons, dans l'espoir de passer inaperçu, et s'avançait avec circonspection tout en prenant soin d'avoir une allure naturelle. Sa traversée de la ville s'était déroulée presque sans encombres. Il avait seulement croisé un groupe d'esclaves, apparemment sous l'influence de quelque substance végétale, qui se bousculaient involontairement au hasard de leur démarche désarticulée, en chantant quelque rengaine grivoise. Ils portaient à grand peine, sur leurs épaules vacillantes, un pauvre bougre ficelé de la tête au pied et dont le sort semblait fortement compromis. Mais Vindu était sagement resté serein : ces balourds étaient tellement défoncés qu'ils ne l'avaient même pas remarqué.

Il parvint bientôt jusqu'au bâtiment des eaux de la ville, qui renfermait la laverie publique et plusieurs puits mis à disposition des habitants du quartier. En temps normal, l'entrée en était systématiquement gardée. Mais en ce jour de fête, au sein de cette ville livrée à elle même, aucun soldat n'aurait accepté de tenir cette faction suicidaire, devant un bâtiment qui ne présentait somme toute aucun intérêt pour les fêtards, et dont il suffisait de verrouiller l'entrée. Du reste, il n'y avait absolument personne dans les environs. Vindu eut un peu de mal à mobiliser les lois* qu'il connaissait sur le fonctionnement des serrures, mais il parvint sans tarder à ouvrir la porte principale. Il se dirigea ensuite vers un renfoncement au fond duquel se dressait une porte discrète. Il se remémora, cette fois sans peine, les actions prescrites par l'arbre* mystérieux qu'il avait réussi à décoder, et ne tarda pas à trouver la brique qui commandait l'ouverture du passage. Il tira ensuite de ses vêtements une petite lampe à huile d'olive qu'il alluma en frottant un peu de souffre près de la mèche, puis franchit le seuil et s'engagea dans un escalier qui s'enfonçait dans les entrailles de la cité. Au bas des marches, il déboucha sur une pièce où s'étendait un bassin recouvert d'étranges miasmes verdâtres. Ignorant les relents d'excréments et de pourriture qui emplissaient cette atmosphère viciée, il effectua une rapide exploration des lieux et découvrit bientôt avec satisfaction une petite trappe qui gisait dans un recoin. Une fois déverrouillée, elle laissait apparaître dans la lueur de la flamme une petite échelle qui descendait dans les ténèbres.

L'air de la bibliothèque était frais et sec, il sentait la poussière et semblait porter la mémoire d'un nombre incalculable de cycles de récoltes. Le dédale des rayons était visiblement à l'abandon depuis des lustres, et certaines étagères, dont la largeur était réduite de moitié, avaient été copieusement rongées par des insectes. D'antiques signes gravés dans les murs et sur les rangées d'alvéoles lui permettaient de se repérer. Succombant à sa curiosité, il examina au hasard quelques uns de ces rouleaux d'écorces qui contenaient des textes hérétiques : «Essai sur les bases empiriques de la Synthèse», «De l'instabilité structurelle des lois* fondamentales», «La Synthèse comme modèle de l'esprit humain». Les titres des ouvrages évoquaient tous des questionnements complètement étrangers à l'enseignement fourni par l'Université... La légende était donc vraie. Cela signifiait pour Vindu que s'il était découvert, il était perdu. Il avait désormais dépassé un point de non-retour. Et si on l'avait fait venir jusqu'ici, c'était pour le compromettre vis-à-vis de Kahun, pour s'assurer qu'il ne se retournerait plus sur ses pas. Toutes ces considérations ne faisaient qu'épaissir le mystère de l'identité de son destinateur. Mais il décida de ne pas s'attarder là davantage et entreprit de trouver ce qu'il était venu chercher afin de sortir de cet endroit au plus vite. Il aurait bien le temps de réfléchir à tout ça plus tard. Pour l'instant, il lui fallait relever des passages très précis de certains feuillets. Il se contenta de les mémoriser rapidement. Puis, prenant soin de ne laisser aucune trace de son passage, il effectua en hâte le chemin qui menait vers la sortie et disparut dans la nuit.

Dvitsevin pénétra dans le bureau de Sthula et s'immobilisa debout, au centre de la pièce, attendant que le Théoricien l'autorise à s'asseoir, en observant la politesse d'usage. Mais au lieu de cela, ce dernier resta le nez plongé dans ses documents, laissant planer un de ces silences déstabilisants qu'il aimait imposer à ceux qu'il convoquait dans son bureau. Il en profita pour se remémorer les évènements de la journée. La situation était devenue pour le moins épineuse. Le matin même, il n'avait accordé qu'une oreille distraite à l'esclave chargé de la bibliothèque universitaire lorsqu'il lui avait signalé la disparition d'une carte de l'empire. Quand plus tard dans la journée Dvitsevin lui avait fait savoir que la bibliothèque interdite avait été violée et qu'il faisait partie de l'équipe chargée de retrouver le profanateur, Sthula n'avait pas encore soupçonné combien cette affaire allait le concerner. Il avait ensuite découvert avec étonnement la disparition de ce disciple qui devait lui remettre son devoir et qui ne s'était toujours pas manifesté, en essayant d'y mettre la main dessus pour lui annoncer que cette fois c'en était trop, qu'il serait exclu de l'Université. Mais le véritable choc s'était produit lorsqu'il avait découvert que le talisman des Vasitas avait disparu de l'anfractuosité qui devait la receler. Celui qui était maintenant en sa possession pouvait mettre en péril les Vasitas : les symboles d'arbres* qui étaient gravés à sa surface révélaient les desseins de leur faction et, s'ils étaient décryptés, pouvaient s'avérer sérieusement compromettants. Sthula était persuadé que tous ces évènements ne pouvaient s'être produits en seulement quelques portions de cycle solaire par pure coïncidence.

Il leva enfin les yeux pour adresser un sourire volontairement absent à Dvitsevin. Le jeune fonctionnaire avait lui aussi étudié à l'Université. Comme la plupart des élèves adolescents, il s'en était fait exclure parce qu'on avait jugé qu'il n'avait pas suffisamment de capacités intellectuelles pour devenir Théoricien. Il était cependant parvenu à mettre en valeur sa relative érudition pour briguer un poste subalterne d'exécutant dans l'administration impériale. Ce qui contrariait Sthula, c'était que Dvitsevin ne méritait pas de faire partie des Vasitas –qui étaient tous par ailleurs d'éminents confrères- et que pourtant il était contraint de faire appel à lui, ce qui le rendait d'une certaine manière dépendant de lui. Il voyait déjà venir le jour où il devrait traiter d'égal à égal avec ce petit rond-de-cuir sans envergure.

«_J'ai une mission à vous confier, mon brave. J'ai pris contact avec les Umalates, ce groupe d'hommes dont vous avez vu un spécimen hier soir. Ils ont apprivoisé des loups –qu'ils appellent dès lors «chiens»- dont ils se servent du flair exceptionnel pour pister les fuyards. Je veux que vous partiez avec deux d'entre eux et que vous me retrouviez au plus vite ce Vindu, avec notre talisman. Vous est-il possible de faire cavalier seul, au cours de vos enquêtes ?
_Absolument, vénérable. Il me suffit de prétexter la découverte d'une piste importante dont il faut s'occuper sur le champ, pour autant que mon rapport justifie a posteriori mes décisions.
_Très bien. Vous partirez donc au plus tôt. Des questions ?
_Où et comment trouverai-je ces deux Umalates ?
_Tout est dans ce document. Mémorisez-le et rendez-le moi avant de sortir de mon bureau.»
Pendant que Dvitsevin prenait connaissance du détail de ses instructions, Sthula jeta sur lui un regard dubitatif. Après tout, ce morveux n'était rien d'autre qu'un traître à sa cause, fût-elle celle de l'impératrice. Pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Pour l'heure, il n'avait pas le choix.

L'habitation apparut enfin derrière un escarpement. Vindu se félicita d'avoir pu la trouver si facilement. Les indications fournies par les arbres* qu'il était allé chercher dans la bibliothèque s'avéraient donc exactes. Il se demanda ce qu'il allait y trouver. S'il y avait bien là quelqu'un, il connaîtrait sans doute l'auteur de tous ces messages. Malgré tous les efforts qu'il faisait pour rester calme, il sentait au fur et à mesure qu'il s'approchait que son cœur battait plus vite, que sa gorge se nouait irrésistiblement. Le ciel s'assombrissait rapidement, les étoiles apparaissaient une à une. Alors qu'il se trouvait à quelques centaines de pas de la masure, une lumière apparut à l'intérieur. Ainsi donc, plus de doute possible. Il y avait bien là une présence. Son trouble n'en fut que plus intense.

Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas, la porte s'ouvrit et une femme apparut sur le seuil. Il fut surpris par sa beauté farouche. Elle était d'âge mûr, plutôt grande, vêtue d'une robe légère qui épousait sa peau, laissant apparaître ses formes généreuses. Sa longue chevelure noire se répandait sur ses épaules. Elle portait autour de son cou soyeux un collier de pierres précieuses qui descendait jusqu'à ses seins, des bijoux en forme d'anneaux le long de ses bras ronds. Son visage tout entier, depuis l'expression sévère de son regard jusqu'à la fermeture de ses lèvres et une légère contraction de sa mâchoire, exprimait une dureté méfiante qui n'apparut à Vindu que comme une manière de cacher aux inconnus une douceur sans bornes. Ils restèrent debout l'un en face de l'autre, à se jauger mutuellement. Il se sentit tout à coup mis à nu par cette femme. Il pouvait presque sentir son regard scrutateur effleurer chaque parcelle de son être. Cette sensation lui fut agréable. Oubliant ses précédentes appréhensions, il se détendit. Le désir de s'abandonner à elle monta alors en lui comme si elle avait caressé son érotisme d'un geste adroit. Au bout de quelques instants, apparemment satisfaite de ce qu'elle avait observé en lui, elle fit signe au jeune homme de pénétrer dans sa demeure.

L'impératrice passait une grande partie de sa journée au lit. Les reproducteurs qui avaient la permission de l'y retrouver étaient triés sur le volet et devaient se montrer efficaces s'ils ne voulaient pas finir décapités. Ils ignoraient d'ailleurs ce détail, car cela nuisait à la qualité de leurs performances. C'est là que, la plupart du temps à quatre pattes, elle recevait ses conseillères, sans interrompre ses coïts. Elle venait de dénicher un jeune adonis dont le talent était exceptionnel. L'agent qui devait lui faire son rapport s'en aperçut immédiatement et décida de se faire le plus laconique possible. Il lui était d'ailleurs inutile de lui exposer l'objet de sa visite, elle pu se contenter de lui annoncer que le processus avait été initié et que tout se passait comme prévu.

Vindu gisait nu, aux côtés de l'inconnue. Leur ventre et leur poitrine se remplissaient d'air et se dégonflaient dans le même rythme. Le jeune Théoricien se sentait tout à fait apaisé, quoique fourbu de la journée de marche de la veille et de cette longue nuit d'efforts répétés. A travers les fenêtres de la bâtisse parvenaient jusqu'à eux les premières lueurs de l'aurore, éclairant le mur de pierres qui se dressait à côté de la couche où ils reposaient. Bien que leur étreinte se fût prolongée pendant toute la nuit, elle lui avait semblé n'avoir duré que quelques minutes. Pas un seul mot n'était sorti de leur bouche depuis leur rencontre. Tout ce qu'ils s'étaient exprimé l'un à l'autre était passé par le langage des sens. L'aînée rompit alors le silence :

«_Tu ignores dans quel but on t'a fait venir ici, n'est-ce pas ?
Le ton qu'elle avait employé était assuré et affirmatif. Ils savaient tous les deux que ce n'était pas une question. Pour toute réponse, Vindu lui adressa un regard interrogateur.
_Ce que j'ai fait avec toi, c'est mon métier. Mais ne crains pas en entendant ces mots de me devoir une somme d'argent que tu ne possèdes pas ! Cela fait des années que j'attends ta visite. Ma mère, la mère de ma mère et mes aïeules t'ont elles aussi attendu avant moi.
_Qui suis-je donc pour que des inconnues aient attendu ma visite depuis des dizaines de cycles de moissons ?
_Tu as une mission à remplir. Tu peux changer l'histoire des hommes.
Vindu se sentait incapable de prendre cette révélation au sérieux. Aussi tenta-t-il de prendre la conversation à rebrousse-poil :
_Et si je la refuse ?
_Je ne t'ai pas dit en quoi consiste mon métier. Il m'a été transmis par ma mère. Depuis des générations, mes aïeules ont reçu ici des personnalités en tous genres, femmes et hommes. Elles connaissaient toutes les subtilités des jeux de l'amour, et cela faisait d'elles des maîtresses très recherchées parmi ceux qui détiennent le pouvoir. Les enseignements de ma mère et ceux de mon expérience m'ont appris à lire dans le cœur des hommes. Si la bouche peut enfanter les mensonges, le corps, lui, ne peut tromper. En te faisant l'amour, j'ai sondé ton âme dans ses moindres replis et je sais que tu es prêt. Je sais que tu désires ce destin.
Finalement, cette idée commençait à lui plaire :
_Mais alors, en quoi consiste-t-il ?
_Je ne suis qu'une étape sur ton chemin. Je ne connais pas tous les détails de ta mission. Et je ne te dirai que ce que tu as besoin d'en savoir pour le moment. Le reste te sera transmis lorsque l'instant en sera venu. Il y a des générations, mon aïeule recevait régulièrement un Théoricien du nom de Kurtogdel. Il était l'un des plus grands de l'empire et il dirigeait tous les monastères du Couchant. Il avait découvert quelque chose d'essentiel et terrible à la fois, à propos des fondements de la Synthèse.»
A ces mots, le regard de Vindu s'intensifia et il se mit à examiner les moindres mouvements qui animaient le visage de la femme, comme pour saisir plus pleinement le sens de ses paroles.
_Ses découvertes furent taxées d'hérétiques, les Théoriciens qui les partageaient furent massacrés jusqu'au dernier et les monastères furent détruits. Mais avant de disparaître, il fit en sorte que ce savoir qu'il avait acquis puisse être conservé, et qu'un jour il puisse refaire surface dans le monde des hommes, afin de le transcender.
Elle marqua un temps d'arrêt pour donner plus de poids à ce qu'elle allait dire :
_Tu es celui par qui se réalisera cette métamorphose.
Vindu resta le souffle coupé. Ce qu'il venait d'entendre avait éveillé en lui des milliers de questions qui tournoyaient en tempête dans son esprit. Mais son interlocutrice interrompit immédiatement le cours de ses pensées.
_Tu sais maintenant presque tout ce que j'avais à te dire. Il ne me reste plus qu'à te remettre ces choses.
Elle retira l'un des bracelets qui ornaient ses poignets. Il était épais et incrusté de pierres légèrement colorées.
_Il est composé de minéraux qu'on ne trouve que dans de rares grottes. Garde-le précieusement, car tu en auras besoin.
Elle lui tendit ensuite une écorce d'arbre sur laquelle étaient gravés les symboles de lois* de Synthèse.
_Je ne veux pas savoir ce que cela signifie. Mémorise-les puis jette l'écorce dans le foyer.
Elle lui remit enfin un bagage qui contenait de la nourriture, une réserve d'eau, un petit sac en peau de chèvre et une lampe à huile.
_Prends ceci, tu en auras également besoin pour poursuivre ton voyage. Mon rôle auprès de toi est terminé. Tu n'as plus rien à faire ici, tu dois maintenant partir. Je veux simplement que tu saches mon nom, qui est aussi celui de mes aïeules : Vesya. Et aussi que je porterai un enfant qui sera tien. Je le nommerai comme son père. Maintenant, vas et ne te retourne pas ! Le monde est devant toi. »

Vindu s'accroupit pour caresser la rangée de pierres qui affleurait au milieu des herbes. Elles étaient encore noire, comme si elles avaient été brûlées. Visiblement, personne n'était venu jusqu'ici depuis longtemps. Cet endroit était proprement tombé dans l'oubli. Ainsi, des monastères avaient bel et bien existé, et plus personne à Kahun ne le savait. Il n'en restait plus que quelques pierres presque totalement recouvertes par la végétation, dans une région sauvage éloignée de tout et où personne ne songerait à aller. Certaines structures étaient cependant restées d'aplomb, étouffées par les énormes bulbes et racines des tapangs. Il se remémora la suite des instructions et se dirigea vers un terrassement. Il entreprit de se glisser entre deux racines, à l'endroit indiqué. Après quelques coudées effectuées dans l'obscurité totale, il sentit que le boyau qu'il suivait s'ouvrait sur une salle, assez vaste s'il en jugeait par la réverbération des sons. Il alluma sa lampe à huile. Il se trouvait dans une crypte où étaient alignés d'étranges petits édifices en pierre. Une partie des murs s'était effondré sur les alvéoles d'une bibliothèque qui avait dû contenir de nombreux ouvrages. Il alla en consulter quelques uns à la lueur ondoyante de sa flamme, mais ce qui y était consigné lui était complètement obscur. Il s'aperçut alors que l'un des blocs de pierre avait été peint. Il s'en approcha et découvrit une liasse d'écorces coincées dans un replis de la pierre.

«Si tu lis ces lignes, c'est que tu as pris conscience que tu peux jouer un rôle important dans la destinée de l'humanité, et que tu as approuvé cette vocation. Cet écrit n'a pas pour but de t'expliquer en quoi elle consiste exactement. Tu l'apprendras en temps voulu. Il te préparera à comprendre les choses que tu vas voir, afin que ton esprit ne soit pas dérouté par leur étrangeté. Il est nécessaire de commencer avec un peu d'histoire.

Ce sont les Sibylles qui furent à l'origine de l'empire. Elles vivaient à l'emplacement actuel de Kahun. Elles utilisaient une forme archaïque mais déjà puissante de la Synthèse pour effectuer leurs prédictions. Leur renommée se répandit progressivement dans les contrées avoisinantes et les visiteurs se firent de plus en plus nombreux. Le village dans lequel elles vivaient devint pour les pèlerins un centre d'accueil qu'elles décidèrent de gérer elles-mêmes. Plus intéressées par leur pouvoir que par la pratique de leur art, elles créèrent ensuite l'Université des Théoriciens et abandonnèrent aux mâles la fastidieuse étude de la Synthèse. L'étendue de leur domination s'élargit aux contrées avoisinantes, jusqu'au jour où, toujours plus avides de puissance, elles décidèrent de créer un empire. L'Université des Théoriciens se révéla être le meilleur moyen d'endiguer une insurrection toujours plus menaçante de mâles exploités, puisqu'elle permettait de sélectionner dès la petite enfance les plus intelligents, donc les plus dangereux d'entre eux, et de faire en sorte qu'ils focalisent toute leur énergie sur l'étude de la Synthèse. Face à l'afflux croissant d'élèves, des monastères furent créés dans les contrées reculées, pour éloigner les Théoriciens de Kahun. Loin de la réalité de l'empire, animés par un système de croyances qu'on leur avait fermement inculqué, occupés à une tâche qui absorbait toute leur énergie, ils n'y avait plus guère de danger qu'ils conspirent contre les Sibylles.

J'étais un de ces Théoriciens. Lorsque arriva mon trentième cycle de moissons, je fus envoyé dans un monastère voisin. Un Théoricien y avait récemment trouvé la mort dans des circonstances suspectes. J'en discutai brièvement avec mes confrères, mais on me fit rapidement comprendre que je ferais mieux d'ignorer ces évènements. On voulait me cacher quelque chose. J'entrepris de découvrir de quoi il retournait. Mon enquête dura plusieurs cycles de lune. Je finis par mettre la main sur des documents qui me signifièrent que ce Théoricien avait été assassiné par ses pairs parce qu'il avait réussi à remonter jusqu'aux sources de la Synthèse, et qu'il en avait ramené des théories qui bousculaient certains dogmes. Je réussis à mettre la main sur une partie de ses travaux et je décidai de les poursuivre. Les découvertes furent nombreuses, riches et fécondes. Mais j'exécutais mes recherches dans le plus grand secret et n'y initiais que ceux à qui je pouvais faire confiance. Et durant tout ce temps, je gravissais progressivement les échelons de la hiérarchie, jusqu'à diriger tous les monastères de la région. Une grande partie des Théoriciens qui étaient sous ma responsabilité participaient alors au mouvement que mes travaux avaient initié.

La Synthèse avait toujours été utilisée à des fins pratiques. Les arbres* n'avaient jamais eu pour seule fonction que de représenter des problèmes concrets. Nos découvertes surgirent lorsque nous commençâmes à utiliser les arbres* pour étudier la Synthèse elle-même. Nous créâmes pour cela une méta-Synthèse qui nous permettait d'explorer les possibilités et les limites de notre savoir, en créant des méta-arbres* dont les paramètres représentaient eux-mêmes des arbres*. Puisque la Synthèse devait révéler la manière dont l'esprit Radharma avait ordonné l'univers, elle devait respecter les règles de fonctionnement de la psyché, et en particulier la logique. Mais nous découvrîmes rapidement que, comme tout savoir humain, elle recelait une contradiction majeure : le méta-arbre* qui contenait tous les arbres* stables possibles, c'est à dire le noyau de la Synthèse, s'avérait être instable. Cela prouvait qu'aucun esprit parfaitement logique ne pouvait être structuré par la Synthèse telle que nous la concevions. Et donc, si le Radharma existait, son esprit était profondément incohérent. Cette conclusion constituait une dangereuse hérésie qui sapait les dogmes du culte au Radharma, et mettait en question le pouvoir divin des Sibylles.

Puisque la logique semblait n'être qu'une limitation à la Synthèse, nous décidâmes de reconsidérer cette dernière d'un point de vue intuitif. Il nous apparut alors que, plutôt que de constituer la charpente de l'univers, elle était révélatrice de la structure de l'esprit humain. En effet, ce dernier est comparable à une arborescence en continuelle évolution qui gère les diverses informations issues des sens (qu'elles en proviennent directement ou qu'elles aient été transformées, combinées et stockées entre temps sous forme de souvenirs) et dont les arbres* ne sont que des cristallisations. Nous utilisions dès lors une nouvelle Synthèse, basée sur les sensations de notre corps, comme un système de visualisation qui nous permettait de nous sonder intérieurement. Nous avions donc construit un moyen d'explorer et de développer notre conscience. Après plusieurs décennies de pratique, nous découvrîmes qu'il était ainsi possible de créer un état de rêve* partagé grâce auquel deux d'entre nous pouvaient ensemble visualiser le même arbre*. C'était un moyen de communication incomparablement plus complet que le langage.

Il y avait, dans les forêts avoisinant l'un des monastères qui étaient sous ma tutelle, une race de singes assez surprenante dont les Théoriciens réussissaient parfois à apercevoir fugitivement un représentant. Nous les appelions Prajnas. Ils avaient la peau blanche, l'œil terne mais le regard d'une intensité hors du commun, les bras ballants. Ils se traînaient mollement sur le sol lorsqu'ils étaient seuls et détalaient dès qu'ils étaient surpris par des humains. Mes confrères furent intrigués par les petites constructions en pierres qu'ils édifiaient avec une ingéniosité toute particulière. Ils semblaient se livrer à des expériences dont l'objet nous échappait, ce qui nous prouvait leur intelligence. Intrigués, nous avons alors décidé d'en capturer un pour tenter d'entrer en communication avec lui. Quelle n'a pas été notre surprise lorsque nous avons découvert que non seulement il était doué de conscience et était capable de communiquer avec nous par gestes, mais qu'en plus il avait naturellement la capacité d'entrer en rêve* partagé ! Nous lui avons alors immédiatement rendu sa liberté. Depuis ce jour, nous travaillons avec eux tous, ils nous ont appris beaucoup de choses. J'ai pu leur transmettre la somme de tous mes savoirs. Ils sauront les conserver et les développer. Ils vivent maintenant dans un endroit très particulier nommé Habbel et ont considérablement changé d'aspect.

Cependant, le secret de nos recherches devenait de plus en plus difficile à garder. Je savais que ce ne serait plus possible pour très longtemps. Je savais aussi qu'en apprenant l'existence de nos travaux, l'impératrice déciderait d'exterminer tous les Théoriciens, sans faire de détail, pour n'en conserver qu'un petit nombre qu'elle tiendrai sous surveillance à l'Université. Nous avons donc planifié notre disparition, et notre installation aux côtés des Prajnas. Le problème est que nous autres humains ne pouvons pas encore supporter la puissante influence qu'a le site d'Habbel sur nos corps. Il nous faut nous y habituer progressivement, ce que nous avons trouvé le moyen de faire dans nos monastères, mais qui reste un travail lent. Nous avons décidé qu'une fois partis, nous ne reviendrions vers Kahun que le jour où les hommes seraient prêts à bénéficier de nos découvertes. Ce jour serait celui où un élève Théoricien comme toi aurait compris le message que j'aurais élaboré pour lui et serait parvenu en suivant mes indications jusqu'à Habbel. J'aurais également défini ce que deviendrait l'enseignement de la Synthèse à l'Université, celui que tu as dû connaître, c'est à dire un savoir largement amputé, réduit à l'utilisation des lois* dont on peut vérifier la stabilité sur une structure matérielle en trois dimensions. Aucune découverte sérieuse n'est possible dans ce domaine restreint de la Synthèse. C'est d'ailleurs ce qui a dû t'interpeller lorsque tu était à Kahun... Bref, j'ai donc prétexté une entrevue avec l'impératrice pour m'installer pendant quelques cycles solaires à l'Université et y faire mettre en place tous les dispositifs qui t'ont conduit jusqu'ici. Mais ce soir même, à la veille de mon entretient avec l'impératrice, mon disciple de confiance m'a fait savoir que nous avons déjà été découverts, que les soldats sont partis aujourd'hui même pour détruire tous les monastères et massacrer mes confrères. Mais les Prajnas peuvent encore être sauvés et mon plan peut encore en partie fonctionner. Je suis dans la cellule qui a dû être la tienne. Il me reste à mettre en place ce jeu de lumière qui a dû solliciter ta curiosité et à remettre à mon disciple les diverses instructions pour Vesya, les Prajnas et ce document que tu lis. Quant à moi, je suis suffisamment vieux pour négliger mon propre destin.»

Les feuillets suivants contenaient des arbres* qui lui expliquaient comment se rendre à Habbel.

Agresara avait atteint l'état transcendantal qui pour les Umalates constituait le plus haut sommet de l'humanité. Comme le faisait quotidiennement chacun de ses hommes, il venait de passer une importante fraction de cycle solaire à s'entraîner seul dans la jungle, rivalisant d'agilité avec tous ses frères animaux. Son corps, à présent parfaitement fluide et souple, mais épuisé, était parcouru de sensations agréables et de légères décharges. Il lui semblait que son organisme était comme un métal chauffé au rouge qu'il pouvait modeler à souhait. Il pénétra dans le campement discret que lui et ses confrères avaient dressé dans la jungle avoisinant Kahun. Il désirait plus que tout profiter du léger repos qui lui était maintenant accordé, mais il fut interrompu par l'un de ses hommes, qui venait au rapport. Celui-ci avait réussi à pénétrer la crypte de l'Université, qu'il avait pu explorer de fond en comble, et il était catégorique : s'il y avait bien un passage sous-terrain vers le palais impérial, ce n'était pas de là qu'il partait. Il fallait poursuivre les recherches. Agresara ne se départit pas le moins du monde de sa confiance : il savait qu'ils parviendraient tôt ou tard à leurs fins.






Bien raison, Agresara. C'est important d'avoir confiance en soi.
Pour le débat citoyen et convivial dans le respect indivisiblement démocratique de la diversité multi-culturelle des valeurs républicaines oecuméniques.

sniz


Djinny

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54
Les corps, complètement déchaînés, s'adonnaient à tous leurs appétits. (..) De toutes les directions, on entendait exploser des rugissements de plaisirs qui ajoutaient un peu plus de confusion à ce gigantesque chaos orgastique qu'était la fête de Lohi.  

(..)

j'aime les fetes de lohi ..c'est souvent?

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54

Vindu gisait nu, aux côtés de l'inconnue.
(..) En te faisant l'amour, j'ai sondé ton âme dans ses moindres replis et je sais que tu es prêt. Je sais que tu désires ce destin.(..)

ouaip...reproducteur.

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54

Finalement, cette idée commençait à lui plaire(..)


tu m'etonnes!!! du foin, de l'eau, des jument, un peu d'avoine et des croutons de pains...le pied!

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54

Vindu s'accroupit pour caresser la rangée de pierres qui affleurait au milieu des herbes. (..)


même les pierres!! y fait jouir même les pierres!!!
pas possible le mec!
Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54

«Si tu lis ces lignes, c'est que tu as pris conscience que tu peux jouer un rôle important dans la destinée de l'humanité, et que tu as approuvé cette vocation. (...)


oui, creer un monde de bête de sexe qui se nourissent d'avoine et qui me laissent les eclairs à la vanille.

Citation de: Tyler Duhn le Juillet 09, 2005, 20:21:54


Comme le faisait quotidiennement chacun de ses hommes, il venait de passer une importante fraction de cycle solaire à s'entraîner seul dans la jungle, rivalisant d'agilité avec tous ses frères animaux. Son corps, à présent parfaitement fluide et souple, mais épuisé, était parcouru de sensations agréables et de légères décharges. Il lui semblait que son organisme était comme un métal chauffé au rouge qu'il pouvait modeler à souhait.




alors là j'hesite entre un remake de l'ile de la tentation avec le pov gars qui s'entraine en faisant suinter ses muscles sous la camera et la bete de sexe qui s'entraine un peu, style image du 15 de france...
ou tout simplement la bete de sexe qui attend qu'on lui masse ses petites fesses musclées...


perso, j'aimerai bien etre une pierre sur le coup là

sniz

celà signifierait-il qu'il esxiste une personne au monde (dourak on s'en tak' (putain lc j'ai encore trouvé un slogan qui déchire)) qui ait jeté ses yeux sur plus de deux mots de mon texte?

quelqu'un a une corde?

nihil

Labottle (ou Djinny pour les intimes) n'est pas qualifiable en tant que "personne". Merci de rester vivant.
Trafiquant d'organes
[www.nihil.fr]

Djinny

déja je n'ai pas jeté une fois mes augustes yeux sur ce texte fantasmagorique mettant l'ile de la tentation au rang de programme pour enfant mais DEUX fois.

(nan je suis pas fan, j'ai juste fait une erreur de manip qui m'a effacé tout mes commentaireset mes citations - ca m'apprendra a taper avec le front)

ensuite moi, labottle (on va eviter djinny sur le forum dans les années à venir  à cause de CA :
http://perso.photos-animaux.com/p31055,804,photos,all,FRA.html )

je suis plus qu'un miserable etre pseudo humain pas encore mort ... moi je suis recyclable à l'infini...
donc je suis hors categorie pour votre intelligence (la mienne aussi d'ailleurs est trop loin pour moi)


nihil

Trop bon la page des animaux nommés Djinny à 7h du mat en revenant de teuf, ça le fait un max, c'est la gueule de bois virtuelle
Trafiquant d'organes
[www.nihil.fr]

Kirunaa

"La page que vous souhaitez afficher est introuvable."

C'est nul.

nihil

Essaie avec ça, du matin ça donne vraiment envie de tuer tout le monde, faut pas rater ça :

http://perso.photos-animaux.com/p31055,804,photos,all,FRA.html
Trafiquant d'organes
[www.nihil.fr]

Kirunaa

C'est marrant, je l'imaginais moins poilue, djinny.

lapinchien

ce qui me fait marrer c'est "boxer tout options", manque plus qu'un lien vers un site de tuning de chiens customisés

Nounourz

yeah, un boxer avec des pattes de lévrier pour courir plus vite !
..Va voir Dans Ton Cul™ si j'y suis (connard).

lapinchien

çà fait rêver :

Djinny n'a aucune agressivité et, moins encore, de méchanceté. Anecdote:

Un dimanche matin j'ai été agressée par un individu qui en voulait plus à mon porte-monnaie qu'à ma gracieuse personne. Le fait de ne pas avoir peur l'a un peu déstabilisé.  
Djinny, à mes côtés, voyant l'individu gesticuler pour me frapper, a traduit qu'il s'agissait d'un jeu. Immédiatement son bout de queue a frétillé à 100 à l'heure, ravie de connaître un nouvel ami.
Mais, heureusement pour moi, le malfrat a été impressionné par ce chien qui avançait résolument vers lui et s'est donc finalement éclipsé.

Djinny, un chien de garde?  pas vraiment, mais un chien de tendresse  et de câlins, ça oui!

Djinny

je me rapelle de ce moment...
LC me promenait et j'ai vu un hoome tt en noir avec un grand bout de bois..
LC a levé les bras (certainement un ami me dis je)
je decidais donc de lui dire bonjour moi aussi...
mais l ami de LCa laché son baton et s'est sauvé...

c'est dur d etre une djinny.