La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Tri séléctif : EvG

Démarré par nihil, Juin 19, 2008, 21:49:18

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nihil

Dixit l'autruc : Bon, c'est de la tranche de vie qu'on en a rien à branler, mais au moins c'est du vrai tiré d'un temps perdu. Sans doute pas zonard, sans doute ma bite dans ton cul, mais j'en ai rien à battre. Ecrit sur l'instant et pas pour la Zone. Encore plus que "d'habitude" un texte pas jugeable. Merde, je retourne fumer. Putain, heureusement que je suis là, ç'aurait mal tourné sans ça.

Qu'il aille se faire foutre !
Posté le 31/05/2008
par EvG



Là, je suis paisible à écouter le vieux Rostro qui s'amuse sur son gros violon. Hop, un prelude façon Bach pour le plaisir, et ça tourne en boucle. Ca mérite un clope surtout ! Avant la fin de la nuit j'aurai décimé le paquet, je veux savoir pour quoi je meurs si un jour ça doit arriver.
Alors je vais te raconter le plus beau jour de ma vie, un jour plus vrai que les autres.
C'était décembre et je venais de recevoir un héritage, un joli pactole pour un comme moi qui n'est pas habitué à l'argent. J'aime pas ça l'argent.
Pour en revenir au livre, c'est lui qui m'a fait me turlupiner et qui me force certainement à écrire. Pour quoi ? Parce que le monsieur Fante utilise la même expression que moi. Pas qu'elle soit originale, mais jamais je n'ai entendu personne l'utiliser. "Le temps des vaches grasses". Quand j'ai tenté un texte sur ce jour, j'ai écrit ça, "le temps des vaches grasses", alors voici le monsieur qui en un tour de mot devient mon ami. Encore un cadavre parmi les gens que j'estime. Si nous n'avions qu'une réserve limitée d'estime, cela expliquerait pour quoi je n'en ai pas pour les gens, et que ceux qui ont le droit à la mienne doivent être de sacrés braves au prix du baril ! Bref, un beau jour comme ça, ça se raconte.
Comme je l'ai dit, c'était décembre et j'avais les poches pleines. Ce que je lisais à ce moment c'était Salinger, l'Attrape coeur, et je passais le plus clair de mon temps seul ou avec des piliers de bar. La fac ? Abandonnée. Une vraie salope que cette fac d'arts plastiques. Plastique peut-être, des gens ridicules, des artistes du dimanche qui se masturbent sur des monochromes en employant le vocabulaire de l'Eglise avec par ci par là des accents de transgression pour faire rebelle. Les faux artistes sont parfois drôles, mais une armée entière, c'est pas possible.
Ce soir là j'étais seul, enfin, j'étais imperméable à mes amis et les piliers commençaient à prendre trop de place. J'étais trempé jusqu'à l'os de la pluie qui tentait toujours de faire des trous dans le bitume. Un combat perdu d'avance, c'est toujours comme ça la nature face à la ville dans nos contrées occidentales et sécurisées.
Un verre, un autre, je suis riche, je m'en fous ! Un whisky, et une tournée pour les serveurs. Je les aime bien, ils m'aiment bien aussi.
Marre d'être mouillé de la peau à la gorge, je décide de faire rentrer du solide en dedans. Trempé qu'il est aussi Salinger, va falloir aérer ses pages. Je reprends ma lecture là où je l'avais pliée, c'est agréable. Caulfield est déjà en ville et veut profiter de ce qui lui reste de richesse. Il va écumer les bistroquets en faisant le grand bourgeois avec ses billets. Tout me ressemble à ce moment du bouquin. Formidable, je lis ce que je vis à l'instant. Ma tranche à moi sur-titrée. Jamais ce ne fut plus agréable qu'à ce moment. J'étais gonflé d'un orgueil idiot qui faisait de moi un personnage de roman. C'est un peu ça ma vie, j'essaye d'en faire quelque chose d'assez intéressant pour qu'on en puisse parler quelques instants. C'est fait maintenant. Je suis heureux, heureux par un bonheur qui m'inonde mieux que ce foutu mauvais temps. A ce moment j'avale ma pinte à la façon d'une gorgée de vie et décide de profiter de ce plein d'existence. C'est bien vu, une amie m'attends pour que je répare la porte de chez elle. Ciao les gars du bar, ciao le tabouret, j'ai trois quarts d'heure pour quitter le monde des mourants.
J'enfourche ma bicyclette et commence à pédaler comme un malade. Encore un de ces moments où l'on croit qu'on n'est pas fait pour un sou. Je suis tellement rapide que les gouttelettes paraissent être en suspension. Je leur rentre dans le lard, rien à foutre elles sont plus connes que moi. Connes mais susceptibles, elles m'offrent une belle glissade et j'ai tôt fait d'embrasser le trottoir. J'accepte avec humilité leur victoire un instant. Je pisse le sang. C'est pas le tout de nager sur l'asphalte, mais faudrait voir à pas leur offrir une trop bonne rigolage à ces enfoirés qui n'ont pas payé l'entrée pour mon spectacle.
Quelques dizaines de tours de roues m'ont amené devant un hôtel classieux juste ce qu'il faut. C'est à dire pas grand chose, je veux bien faire le rupin à la buvette, mais je n'ai aucune envie de trainer ma réalité de que dalle dans un bouge chic et trop cher à pas mal de francs. Emplis j'étais de l'humanité dégueulasse des autres et il fallait décider. Oui, là il y avait un choix à faire entre le retour au quotidien et la bohème. Toujours, c'est mon pound qui décide quand je suis lâche. Faut dire que la décision n'était pas facile à prendre que diable ! Changer tout ou changer rien.
Le pound a décidé, il a fait virevolter sa tranche marquée "Nemo me impune laccessit" pour tomber du côté pile.
Je suis allé réparer cette foutue porte.
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Le fils de pute qui a écrit ce texte n'est pas moi, c'est le raté, cette pauvre merde qui ne sait ni choisir ni faire. Un être pitoyable qui n'a rien de ce que je suis ni de ce que je vais être. Je viens de lui foutre mon poing dans la gueule, Il n'a jamais mal ce con.
J'ai essayé de le tuer, il à fait de même et semblerait que d'un commun accord, nous avons décidé pour notre bien de nous partager l'année en deux. Cette fois c'est mon tour et je prends les choses en main, quand il reviendra, il sera effondré devant la merde que j'ai foutu. C'est le contrat, je le laisse bien se vautrer dans l'inutile et le superficiel tandis que je m'occupe de massacrer les illusions. Il n'a pas le courage que j'ai.
J'arrête de parler de lui, ça m'emmerde. Puis vous en sauriez trop. Je ne suis pas cette chiffe larve qui s'épanche.
Le malheur avec lui, c'est qu'au fond je l'aime bien. Pour vrai dire, j'aime surtout la tronche qu'il fait quand il sait que je débarque chez lui.
Allez, je viens de défoncer sa porte, et j'aime mieux faire que de raconter.
Faut rattraper ces foutues nuits qu'il a laissé passer.
Sans me vanter, le plus beau jour de sa vie, c'est moi.


Trafiquant d'organes
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