Récits vampiriques 1 - Nuit Noire
Posté le 20/10/2008
par Zak Blayde
Prélude à la non-vie
Les roues du van Volkswagen soulevait des volutes de poussière alors que les étoiles illuminaient faiblement la nuit. A l'intérieur, Ian Curtis propageait à travers la radio sa voix teintée de mélancolie. Une femme en musette était occupée à tirer de longues bouffées d'un narghilé au haschich. Ses longs cheveux étaient teints en roux et s'étalaient avec nonchalance sur son dos fin. Un homme était au volant, un joint à la bouche, et conduisait nerveusement, un sourire dément aux lèvres.
- Dis-moi Aphel, jusqu'où roule t-on ce soir ?
- Aussi loin que la nuit nous le permet, ma nuit...
S'étalant de tout son long sur le sol du van, Aphelion regardait de ses yeux vagues le plafond couvert d'étoiles en papier d'aluminium que lui offrait la camionnette. L'érotisme que lui insufflait la fumée lui fit passer une main sous sa musette.
Tu te souviens de notre rencontre ?
Oui, dit-il d'un ton enjoué, avant de continuer d'un air grave ; et je me souviens sans plus de mal de ce qui a précédé et provoqué cette rencontre...
Le temps n'efface pas les souvenirs des créatures de la nuit...
*
Zak n'avait alors que douze ans, et était un enfant comme les autres, bien qu'un peu introverti. Sa plus grande joie résidait dans les doux moments qu'il passait avec son amie d'enfance, Lou. Depuis toutes ces années, Lou et lui passaient leur temps ensemble, parcourant à vélo la ville et ses quartiers déjà pourris à l'époque. Ils auraient pu continuer ainsi, dans toute l'innocence de leur enfance. Mais l'adolescence arrivant, ils se découvrirent d'autres sentiments.
Jetant un regard distant sur les plaines entourant la ville, depuis leur point de vue favori, ils s'étaient embrassé pour la première fois. Ils étaient ensuite restés enlacés jusqu'à la tombée de la nuit et se quittèrent avec un sourire. Sourire qu'ils ne purent jamais s'offrir à nouveau, puisque le même soir, sur le chemin du retour, la petite Lou se fit violer et tuer par un de ces foutus pédophiles.
Zak en fut tellement bouleversé qu'il perdit tout contact avec la réalité. Il n'était plus qu'un fantôme, autiste et muet, ne faisant plus la différence entre la réalité et le rêve, que quand il s'entaillait les bras au rasoir, le soir avant d'écouter Little Sister, de Siouxsie and the Banshees.
9 ans plus tard, Zak décidait sur un coup de tête de ne pas dormir et d'aller en ville, sous la voie lactée. Bien qu'il n'eut pas prévu cette éventualité, il repéra une enseigne clignotante kitsch affichant « Au Loup ». Le panneau lumineux voyait une partie de ses ampoules décliner, pour n'afficher que « Au Lou », le p clignotant à intervalles irréguliers. Zak, intrigué, entra dans la bâtisse qui y correspondait. Entre ces murs calcaires, dans cette fumée blanche et épaisse, on servait de la bière jaune pisse à des gamins habillés en noir et on diffusait de la musique post-punk entrecoupée de quelques morceaux de gothic metal peu inspirés. Zak s'assit dans un canapé troué et regarda les adolescents exprimer leur joie sans retenue. Une jeune femme s'approcha de lui. Il baissa les yeux.
« tu danses ? »
Il esquissa un non de la tête sans lever les yeux. Un doigt fin et froid surmonté d'un ongle taillé en pointe lui fit lever le menton. Zak croisa le regard de la femme. Elle était de petite taille, portait un ensemble noir soulignant sa ligne fine. Une mini-jupe de simili-cuir mettait en valeur ses jambes à demi-cachées par des bas-résille. Contrairement à la majorité des personnes dans la salle, elle n'était pas maquillée, ce qui retint l'attention du jeune homme. Sa peau semblait pâle, même si le peu de lumière ne permettait pas d'en juger précisément. Ses cheveux étaient longs et bruns, semblant se mouvoir avec sensualité.
Zak fut littéralement happé par le regard profond de cette séductrice à la peau froide. Avant qu'il ait pu prendre la mesure des évènements, il était déjà debout, emmené par une douce main à travers la foule.
A vrai dire, Zak ne connaissait rien à la danse et n'aurait su juger du talent d'une danseuse, mais ce qui se produit devant ses yeux lui fit ressentir à nouveau des émotions oubliées. C'est une véritable succube, un démon féminin sorti des enfers, qui s'agitait devant lui. Cette ange des ténèbres avait entamé une danse voluptueuse et sensuelle, faisant bouger devant elle ses mains à la façon d'une danseuse de flamenco.
Zak avait perdu le contrôle de la situation à l'instant même ou ce doigt s'était posé sur son menton. Il bougeait désormais au rythme de sa partenaire, il n'était plus lui même, seulement sa propre ombre. Ce n'était plus lui qui conduisait ce corps.
Quand l'épuisement l'eut gagné – car il semblait que la fatigue ne le concernait que lui et lui seul – la main de glace reprit la sienne à nouveau et le guidait hors de la boite de nuit.
Il se trouvait maintenant dans un appartement humide et puant. Le papier était décollé sur les murs en de multiples endroits et la pierre grise s'effritait comme en témoignait les résidus au sol. On le poussa sur un lit grinçant et inconfortable. La femme le rejoint et s'accroupit sur lui. Zak sentait des cuisses fermes sur sa taille, et l'excitation envahit son corps. Elle s'allongea sur lui et l'embrassa fougueusement, caressant son torse avec force. Lui caressait maintenant les cheveux fins et le dos qui se penchaient sur lui. Il rendait les baisers qu'il recevait, sans même réfléchir à ce qui se passait. Il retirait son T-shirt et la femme passait maintenant sa langue sur le torse de Zak. Elle revint à sa bouche, continua de l'embrasser, s'attardant sur chaque partie de son visage, avant d'enfouir sa tête contre sa gorge. Un picotement douloureux fit grimacer Zak. Il voulut repousser sa compagne mais la douleur se changea rapidement en plaisir, un plaisir intense, un plaisir inconnu. Sa vue se brouilla et il ferma les yeux pour ne pas chavirer. Agrippant le drap de ses mains, il ne pouvait retenir des gémissements tant le plaisir était intense. Il se sentit faiblir.
Elle lui avait mordu à la gorge jusqu'au sang, et la succion de ce sang était maintenant aussi douce qu'un baiser de Lou. C'est à elle qu'il pensait à l'instant où la vie le quittait. Mais ce n'est pas elle qui le tuait ce soir.
L'assassin était bien moins innocente et douce que Lou. Mais son acte n'était pas guidé par la faim. Elle lui bût son sang, litre par litre, et c'est par gage d'amour, qu'elle lui donna le sien.
Zak vit la femme se relever. Elle était toujours accroupie sur lui mais arborait maintenant un sourire sanglant. Le liquide écarlate recouvrait ses lèvres et son menton, il avait aussi coulé sur son chemisier, une tache humide et épaisse sur la soie noire. Elle leva son bras et mordit son poignet jusqu'à ce qu'une autre source empourprée se mette à couler. Elle plaça ensuite son poignet sur la bouche de Zak, et le força à boire.
Alors qu'il mourrait, celui-ci crût apercevoir celle qu'on appelle la faucheuse, qui lui esquissait un sourire sadique avant de s'évaporer dans la nuit.
Enfin Zak sentit un souffle monter en lui, sortir de chacune des extrémités de son corps pour ensuite s'introduire en lui à nouveau, avec la peur glacée de l'inconnu.
Il voulut se lever du lit mais à l'instant où il posa le pied par terre, il s'écroula. Regardant le plafond, il tendit les mains vers le ciel. Ensuite vint la douleur, il hurla, se tordant et gesticulant comme un homme empoisonné à l'agonie. Il s'écroula en vomissant après avoir tenté de se relever à nouveau. Puis la douleur s'arrêta, lentement. Zak se crut libéré, jusqu'à ce qu'une soif insensée s'empare de lui. Il avait besoin de sang, tout de suite ! Il ne savait pas pourquoi mais ne réfléchissait pas à ce qui se passait. Il se retourna vers la femme sur le lit, avant de se jeter sur elle. Celle-ci lui envoya un coup si puissant au visage qu'il s'envola et s'écrasa contre le mur. Sur le seuil de la mort, il regarda son amante se lever et marcher doucement jusqu'à un réfrigérateur. Là, elle ouvrit la porte et sortit une bouteille remplie d'un liquide noirâtre qu'elle lança à Zak.
« bois ça. »
Zak se jeta littéralement sur la bouteille et ne prit même pas la peine de l'ouvrir, il planta ses dents dans le plastique et avala tout le liquide.
Sa douleur se calma et il sentit ses forces revenir, malgré la faiblesse constante. La femme ouvrit la bouche :
« Au fait, appelle-moi Aphelion. »
*
Le van s'arrêta sur un parking miteux et couvert de nids de poule. Zak se frotta les yeux des deux mains, plus un réflexe qu'un besoin, et se retourna vers la passagère. Celle-ci balançait maintenant la tête joyeusement au rythme de Sister of Mercy que la radio diffusait.
« Tout va bien ma belle, lui lança t-il ? »
Elle continua quelques instants de gesticuler avant de s'arrêter et de prononcer sèchement :
« J'ai faim. »