La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Texte collectif Parafoutra

Démarré par Lindsay S, Novembre 08, 2025, 10:44:06

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Lindsay S


Nino St Félix

Je propose
1 - le rappel des modalités si d'autres Zonard veulent participer :

On joue en serial INSERT, en tour par tour.
Nino St Félix donne deux phrases, celle de départ et celle de fin du texte.
 
Pour participer, il suffit, lorsque c'est à votre tour, de copier le contenu du dernier post de ce topic, de le coller en réponse puis d'insérer, n'importe où, hormis avant la phrase de début et après la phrase de fin qui doivent rester inchangées, quelques phrases de votre choix ou des compléments de phrase existantes.
 
L'ajout doit s'incorporer harmonieusement dans le reste du texte en respectant la ligne éditoriale de la Zone.

Il faut mettre l'ajout en gras puis poster votre contribution. Ce sera alors le tour d'un autre participant de faire la même chose. Attendez que deux autres personnes aient joué pour jouer à nouveau.

Nino St Félix

et 2 : la première et la dernière phrase :

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

Nino St Félix

et 3 : pour mémoire et inspiration, le trailer : https://imgur.com/H149yiM

Lindsay S

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

lapinchien

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Il aurait pu, Machin, plonger ses mains dans les veines rougies de la terre, prospecteur infatigable, à la poursuite de pépites qui font chanter les foules et les marchés lointains. S'esquinter la santé avec du mercure à hautes doses.
Il aurait pu chevaucher les vagues déchaînées sur une plateforme pétrolière, là où l'océan gronde comme un amant jaloux, et forer jusqu'au cœur noir des abysses pour en extraire le sang visqueux du monde.
Il aurait pu dompter le schiste rebelle, expert en fracturation hydraulique, injectant des torrents d'eau et de secrets chimiques pour libérer le gaz emprisonné, ce souffle fantôme qui allume les chaumières et noircit les cieux.
Il aurait pu gravir les échelles du pouvoir, de la boue aux conseils d'administration, où l'on mesure la fortune en barils et en barres de graphite.
Il aurait pu devenir le maître des profondeurs insondables, un Prométhée moderne arrachant le feu souterrain aux dieux colériques de la géologie.
Mais les promesses des filons d'or ne l'ont jamais ému autant que le murmure des racines sous la pelouse municipale.
Les tempêtes océaniques, pour violentes qu'elles fussent, ne lui offraient pas la quiétude d'un sol qui se souvient des pluies d'hier.
Les explosions contrôlées du fracking, ces éclats de foudre artificielle, ne résonnaient pas comme le craquement intime d'une pelletée dans l'humus.
Les salaires ronflants, les primes de risque, les voyages en jets privés – tout cela n'était que papier friable face à la chair tangible de la terre.
Aussi, par un caprice pragmatique, bassement ancré dans le quotidien des petites retraites et des loyers modestes, Machin opta pour le manteau bleu du fossoyeur municipal.
Chaque aube, il franchissait les grilles rouillées du cimetière, son domaine secret où le temps se mesure en strates de silence.
Il aimait retourner la terre humide, cette argile gorgée de regrets et de rosée, pour en faire le meilleur des composts humains, alchimie lente et pieuse.
Avec une précision d'orfèvre, il creusait les lits éternels, six pieds de profondeur où les âmes s'allongeaient enfin sans feindre.
Certains passaient leur existence dans les voûtes fraîches des caves, affinant des fromages aux croûtes parfumées d'herbes oubliées.
D'autres caressaient des cuvées sombres, veillant sur le vin qui mûrit en murmures de tanins et de soleil captif.
Lui, dans son atelier à ciel nu, travaillait des corps en décomposition, ces vignes humaines qui s'entrelacent dans la pourriture fertile.
Il affinait avec amour les chairs qui fondent, les os qui blanchissent, les chairs qui se muent en humus nourricier pour les herbes folles.
Il savait épier les vers comme un maître fromager guette les moisissures nobles, et les pluies comme un vigneron attend les vendanges.
Chaque monticule refermé était une œuvre accomplie, un terroir neuf où la mort engraisse la vie en cycles invisibles.
Et dans ce labeur humble, Machin retrouvait l'écho de ses pâtés d'enfance : creuser non plus pour jouer, mais pour que le vide, enfin, se remplisse de promesses vertes.


Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

Nino St Félix

#6
C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Il aurait pu, Machin, plonger ses mains dans les veines rougies de la terre, prospecteur infatigable, à la poursuite de pépites qui font chanter les foules et les marchés lointains. S'esquinter la santé avec du mercure à hautes doses.
Il aurait pu chevaucher les vagues déchaînées sur une plateforme pétrolière, là où l'océan gronde comme un amant jaloux, et forer jusqu'au cœur noir des abysses pour en extraire le sang visqueux du monde.
Il aurait pu dompter le schiste rebelle, expert en fracturation hydraulique, injectant des torrents d'eau et de secrets chimiques pour libérer le gaz emprisonné, ce souffle fantôme qui allume les chaumières et noircit les cieux.
Il aurait pu gravir les échelles du pouvoir, de la boue aux conseils d'administration, où l'on mesure la fortune en barils et en barres de graphite.
Il aurait pu devenir le maître des profondeurs insondables, un Prométhée moderne arrachant le feu souterrain aux dieux colériques de la géologie.
Mais les promesses des filons d'or ne l'ont jamais ému autant que le murmure des racines sous la pelouse municipale.
Les tempêtes océaniques, pour violentes qu'elles fussent, ne lui offraient pas la quiétude d'un sol qui se souvient des pluies d'hier.
Les explosions contrôlées du fracking, ces éclats de foudre artificielle, ne résonnaient pas comme le craquement intime d'une pelletée dans l'humus.
Les salaires ronflants, les primes de risque, les voyages en jets privés – tout cela n'était que papier friable face à la chair tangible de la terre.
Aussi, par un caprice pragmatique, bassement ancré dans le quotidien des petites retraites et des loyers modestes, Machin opta pour le manteau bleu du fossoyeur municipal.
Chaque aube, il franchissait les grilles rouillées du cimetière, son domaine secret où le temps se mesure en strates de silence.
Il aimait retourner la terre humide, cette argile gorgée de regrets et de rosée, pour en faire le meilleur des composts humains, alchimie lente et pieuse.
Avec une précision d'orfèvre, il creusait les lits éternels, six pieds de profondeur où les âmes s'allongeaient enfin sans feindre.
Certains passaient leur existence dans les voûtes fraîches des caves, affinant des fromages aux croûtes parfumées d'herbes oubliées.
D'autres caressaient des cuvées sombres, veillant sur le vin qui mûrit en murmures de tanins et de soleil captif.
Lui, dans son atelier à ciel nu, travaillait des corps en décomposition, ces vignes humaines qui s'entrelacent dans la pourriture fertile.
Il affinait avec amour les chairs qui fondent, les os qui blanchissent, les chairs qui se muent en humus nourricier pour les herbes folles.
Il savait épier les vers comme un maître fromager guette les moisissures nobles, et les pluies comme un vigneron attend les vendanges.
Chaque monticule refermé était une œuvre accomplie, un terroir neuf où la mort engraisse la vie en cycles invisibles.
Et dans ce labeur humble, Machin retrouvait l'écho de ses pâtés d'enfance : creuser non plus pour jouer, mais pour que le vide, enfin, se remplisse de promesses vertes.

Quelle ne fut pas sa surprise, à Machin, lorsqu'un jour on lui apporta, tout froid, raide comme piquet, le cadavre de son pire ami : son vieux voisin.
Il se trouvaient tous les deux, comme autrefois, foin de lys ou de jasmin - seuls, avec la terre, mais sans jardin. Face au trou béant qui attendait son nouvel amant, Machin resta coi, un long moment. Le cadavre de « Monsieur Pimpim » prenait l'air, prenait le vent – très bien. La pelle attendait, rongeant son frein. Le ciel s'abaissait, comme une presse hydraulique géante, au dessus d'eux. Au loin, une conne jouait du Yann Tiersen au piano – Mélie Poulain. Les grosses gouttes commencèrent à trouer la boue, poinçonner la glaise. Elles martelaient le rythme sur le torse de Monsieur Pimpim. Sur sa têtes, son gros ventre plein de gaz mortifères, et des couilles sans doute encore remplies de désirs interdit. Et la pelle attendait toujours. Elle savait que Machin, quand il réfléchissait, fallait lui foutre la paix. Elle aimait la pluie, ça tombait bien.
Mélie Poulain prit fin. Machin dégoulinait, la terre s'écartelait. Monsieur Pimpim aimait mettre ses doigts dedans, dans le temps.
Puis les tendre à Machin,en souriant


Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

Lindsay S

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Il aurait pu, Machin, plonger ses mains dans les veines rougies de la terre, prospecteur infatigable, à la poursuite de pépites qui font chanter les foules et les marchés lointains. S'esquinter la santé avec du mercure à hautes doses.
Il aurait pu chevaucher les vagues déchaînées sur une plateforme pétrolière, là où l'océan gronde comme un amant jaloux, et forer jusqu'au cœur noir des abysses pour en extraire le sang visqueux du monde.
Il aurait pu dompter le schiste rebelle, expert en fracturation hydraulique, injectant des torrents d'eau et de secrets chimiques pour libérer le gaz emprisonné, ce souffle fantôme qui allume les chaumières et noircit les cieux.
Il aurait pu gravir les échelles du pouvoir, de la boue aux conseils d'administration, où l'on mesure la fortune en barils et en barres de graphite.
Il aurait pu devenir le maître des profondeurs insondables, un Prométhée moderne arrachant le feu souterrain aux dieux colériques de la géologie.
Mais les promesses des filons d'or ne l'ont jamais ému autant que le murmure des racines sous la pelouse municipale.
Les tempêtes océaniques, pour violentes qu'elles fussent, ne lui offraient pas la quiétude d'un sol qui se souvient des pluies d'hier.
Les explosions contrôlées du fracking, ces éclats de foudre artificielle, ne résonnaient pas comme le craquement intime d'une pelletée dans l'humus.
Les salaires ronflants, les primes de risque, les voyages en jets privés – tout cela n'était que papier friable face à la chair tangible de la terre.
Aussi, par un caprice pragmatique, bassement ancré dans le quotidien des petites retraites et des loyers modestes, Machin opta pour le manteau bleu du fossoyeur municipal.
Chaque aube, il franchissait les grilles rouillées du cimetière, son domaine secret où le temps se mesure en strates de silence.
Il aimait retourner la terre humide, cette argile gorgée de regrets et de rosée, pour en faire le meilleur des composts humains, alchimie lente et pieuse.
Avec une précision d'orfèvre, il creusait les lits éternels, six pieds de profondeur où les âmes s'allongeaient enfin sans feindre.
Certains passaient leur existence dans les voûtes fraîches des caves, affinant des fromages aux croûtes parfumées d'herbes oubliées.
D'autres caressaient des cuvées sombres, veillant sur le vin qui mûrit en murmures de tanins et de soleil captif.
Lui, dans son atelier à ciel nu, travaillait des corps en décomposition, ces vignes humaines qui s'entrelacent dans la pourriture fertile.
Il affinait avec amour les chairs qui fondent, les os qui blanchissent, les chairs qui se muent en humus nourricier pour les herbes folles.
Il savait épier les vers comme un maître fromager guette les moisissures nobles, et les pluies comme un vigneron attend les vendanges.
Chaque monticule refermé était une œuvre accomplie, un terroir neuf où la mort engraisse la vie en cycles invisibles.
Et dans ce labeur humble, Machin retrouvait l'écho de ses pâtés d'enfance : creuser non plus pour jouer, mais pour que le vide, enfin, se remplisse de promesses vertes.

Quelle ne fut pas sa surprise, à Machin, lorsqu'un jour on lui apporta, tout froid, raide comme piquet, le cadavre de son pire ami : son vieux voisin.
Il se trouvaient tous les deux, comme autrefois, foin de lys ou de jasmin - seuls, avec la terre, mais sans jardin. Face au trou béant qui attendait son nouvel amant, Machin resta coi, un long moment. Le cadavre de « Monsieur Pimpim » prenait l'air, prenait le vent – très bien. La pelle attendait, rongeant son frein. Le ciel s'abaissait, comme une presse hydraulique géante, au dessus d'eux. Au loin, une conne jouait du Yann Tiersen au piano – Mélie Poulain. Les grosses gouttes commencèrent à trouer la boue, poinçonner la glaise. Elles martelaient le rythme sur le torse de Monsieur Pimpim. Sur sa têtes, son gros ventre plein de gaz mortifères, et des couilles sans doute encore remplies de désirs interdit. Et la pelle attendait toujours. Elle savait que Machin, quand il réfléchissait, fallait lui foutre la paix. Elle aimait la pluie, ça tombait bien.
Mélie Poulain prit fin. Machin dégoulinait, la terre s'écartelait. Monsieur Pimpim aimait mettre ses doigts dedans, dans le temps.
Puis les tendre à Machin, en souriant


Il regarda le corps comme on regarde un trésor qu'on n'ose pas ouvrir, les doigts collés à la pelle, la pluie qui s'acharne comme un public impatient. Il sentit, très net, ce basculement : fallait-il rendre à la terre ce qui lui appartenait encore, ou creuser plus profond dans le spectacle de la chair ?
Machin prit la décision comme on arrache une rustine : sans cérémonie, parce que quelque chose dans sa gorge demandait une réponse immédiate. Il posa la pelle sur le sol, posa sa main sur le front froid de Monsieur Pimpim. Le contact était un contrat. Il retira la veste du mort — petit tissu râpé, odeur de tabac éteint — et trouva, sous la peau, des choses qui faisaient écho à ses propres trous : une petite cicatrice mal refermée, un bruit sourd quand il pressait le ventre creux. Il sourit sans plaisir, comme on sourit à une vieille connaissance qu'on n'a jamais vraiment aimée. Puis, sans colère ni dégoût, seulement par curiosité professionnelle et par l'habitude du geste, il commença à fouiller. Pas pour voler, non : pour savoir. Pour lire la carte que la mort avait tracée sous la peau. Il laissa ses doigts chercher, découvrir, inventer des raisons. Chaque muscle qu'il déplaçait parlait — regrets, mensonges, petites lâchetés — et Machin les rangeait comme des pierres précieuses ou des cailloux qu'on préfère ne pas montrer. Quand il eut fini, il assembla les organes avec la même indifférence qu'on répare une chaussette qui aurait encore des choses à vivre.
Avec la même économie que pour un montage de jardinerie, il tissa autour de son cou un collier grotesque : morceaux intimes alternant avec brins de ficelle tirés d'un sac, comme si l'on inventait un bijou funéraire à la mesure d'un regret. Ce n'était pas exhibition ni sacrilège gratuit ; c'était un acte de couture avec la mort, un point final cousu à la va-vite sur une histoire qui refusait de disparaître proprement.

Il se plaça ensuite au bord du trou, regarda le voisin une dernière fois. Le geste qui suivit fut d'une simplicité presque domestique : il posa une main sur la poitrine raide, comme on caresse une nappe avant de la replier, puis il s'allongea. Il se fit l'écrin volontaire de la même glaise ; il laissa le vent et la pluie conjuguer les derniers rituels. La terre retomba, sur la terre humide, et Machin sentit chaque part de son âme inutile se couvrir, chaque souvenir se tasser. Il avait choisi la clôture la plus radicale : ne plus laisser le vide le ronger depuis l'extérieur, mais l'ensevelir de l'intérieur, avec ce qu'il tenait pour complice.

Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

Nino St Félix

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Il a cherché tous les moyens de le combler. Tous. Sous les bégonias de sa mère, il a enterré tout ce qu'il pouvait trouver, de mort ou de vivant, incapable de lui résister. A chaque fois qu'il remuait le sol, de ses petits doigts boudinés, il ressentait un plaisir indicible, quelque chose qui lui chatouillait le ventre, lui titillait la cervelle. L'impression qu'il fouraillait à l'intérieur de lui-même, qu'il se touchait sans se toucher. Le sentiment de remplir son vide. Mais dés qu'il sortait ses doigts du sol, la magie disparaissait. Machin redevenait un petit garçon vide, triste et sans avantages. Son voisin, par-dessus la haie, le saluait, et sa maman l'appelait pour manger.
En grandissant, le vide s'élargissait, et son besoin de manipuler, et d'enterrer, grandissait. Il creusait partout, tout le temps. La plupart des gens, normalement constitués, se demandaient : qu'est-ce qu'il cherche ? Sa mère répondait : il essaie de se trouver. Tous s'accordaient au moins sur ce point : Machin, il creuse bien.


Il aurait pu, Machin, plonger ses mains dans les veines rougies de la terre, prospecteur infatigable, à la poursuite de pépites qui font chanter les foules et les marchés lointains. S'esquinter la santé avec du mercure à hautes doses.
Il aurait pu chevaucher les vagues déchaînées sur une plateforme pétrolière, là où l'océan gronde comme un amant jaloux, et forer jusqu'au cœur noir des abysses pour en extraire le sang visqueux du monde.
Il aurait pu dompter le schiste rebelle, expert en fracturation hydraulique, injectant des torrents d'eau et de secrets chimiques pour libérer le gaz emprisonné, ce souffle fantôme qui allume les chaumières et noircit les cieux.
Il aurait pu gravir les échelles du pouvoir, de la boue aux conseils d'administration, où l'on mesure la fortune en barils et en barres de graphite.
Il aurait pu devenir le maître des profondeurs insondables, un Prométhée moderne arrachant le feu souterrain aux dieux colériques de la géologie.
Mais les promesses des filons d'or ne l'ont jamais ému autant que le murmure des racines sous la pelouse municipale.
Les tempêtes océaniques, pour violentes qu'elles fussent, ne lui offraient pas la quiétude d'un sol qui se souvient des pluies d'hier.
Les explosions contrôlées du fracking, ces éclats de foudre artificielle, ne résonnaient pas comme le craquement intime d'une pelletée dans l'humus.
Les salaires ronflants, les primes de risque, les voyages en jets privés – tout cela n'était que papier friable face à la chair tangible de la terre.
Aussi, par un caprice pragmatique, bassement ancré dans le quotidien des petites retraites et des loyers modestes, Machin opta pour le manteau bleu du fossoyeur municipal.
Chaque aube, il franchissait les grilles rouillées du cimetière, son domaine secret où le temps se mesure en strates de silence.
Il aimait retourner la terre humide, cette argile gorgée de regrets et de rosée, pour en faire le meilleur des composts humains, alchimie lente et pieuse.
Avec une précision d'orfèvre, il creusait les lits éternels, six pieds de profondeur où les âmes s'allongeaient enfin sans feindre.
Certains passaient leur existence dans les voûtes fraîches des caves, affinant des fromages aux croûtes parfumées d'herbes oubliées.
D'autres caressaient des cuvées sombres, veillant sur le vin qui mûrit en murmures de tanins et de soleil captif.
Lui, dans son atelier à ciel nu, travaillait des corps en décomposition, ces vignes humaines qui s'entrelacent dans la pourriture fertile.
Il affinait avec amour les chairs qui fondent, les os qui blanchissent, les chairs qui se muent en humus nourricier pour les herbes folles.
Il savait épier les vers comme un maître fromager guette les moisissures nobles, et les pluies comme un vigneron attend les vendanges.
Chaque monticule refermé était une œuvre accomplie, un terroir neuf où la mort engraisse la vie en cycles invisibles.
Et dans ce labeur humble, Machin retrouvait l'écho de ses pâtés d'enfance : creuser non plus pour jouer, mais pour que le vide, enfin, se remplisse de promesses vertes.

Quelle ne fut pas sa surprise, à Machin, lorsqu'un jour on lui apporta, tout froid, raide comme piquet, le cadavre de son pire ami : son vieux voisin.
Il se trouvaient tous les deux, comme autrefois, foin de lys ou de jasmin - seuls, avec la terre, mais sans jardin. Face au trou béant qui attendait son nouvel amant, Machin resta coi, un long moment. Le cadavre de « Monsieur Pimpim » prenait l'air, prenait le vent – très bien. La pelle attendait, rongeant son frein. Le ciel s'abaissait, comme une presse hydraulique géante, au dessus d'eux. Au loin, une conne jouait du Yann Tiersen au piano – Mélie Poulain. Les grosses gouttes commencèrent à trouer la boue, poinçonner la glaise. Elles martelaient le rythme sur le torse de Monsieur Pimpim. Sur sa têtes, son gros ventre plein de gaz mortifères, et des couilles sans doute encore remplies de désirs interdit. Et la pelle attendait toujours. Elle savait que Machin, quand il réfléchissait, fallait lui foutre la paix. Elle aimait la pluie, ça tombait bien.
Mélie Poulain prit fin. Machin dégoulinait, la terre s'écartelait. Monsieur Pimpim aimait mettre ses doigts dedans, dans le temps.
Puis les tendre à Machin, en souriant


Il regarda le corps comme on regarde un trésor qu'on n'ose pas ouvrir, les doigts collés à la pelle, la pluie qui s'acharne comme un public impatient. Il sentit, très net, ce basculement : fallait-il rendre à la terre ce qui lui appartenait encore, ou creuser plus profond dans le spectacle de la chair ?
Machin prit la décision comme on arrache une rustine : sans cérémonie, parce que quelque chose dans sa gorge demandait une réponse immédiate. Il posa la pelle sur le sol, posa sa main sur le front froid de Monsieur Pimpim. Le contact était un contrat. Il retira la veste du mort — petit tissu râpé, odeur de tabac éteint — et trouva, sous la peau, des choses qui faisaient écho à ses propres trous : une petite cicatrice mal refermée, un bruit sourd quand il pressait le ventre creux. Il sourit sans plaisir, comme on sourit à une vieille connaissance qu'on n'a jamais vraiment aimée. Puis, sans colère ni dégoût, seulement par curiosité professionnelle et par l'habitude du geste, il commença à fouiller. Pas pour voler, non : pour savoir. Pour lire la carte que la mort avait tracée sous la peau. Il laissa ses doigts chercher, découvrir, inventer des raisons. Chaque muscle qu'il déplaçait parlait — regrets, mensonges, petites lâchetés — et Machin les rangeait comme des pierres précieuses ou des cailloux qu'on préfère ne pas montrer. Quand il eut fini, il assembla les organes avec la même indifférence qu'on répare une chaussette qui aurait encore des choses à vivre.
Avec la même économie que pour un montage de jardinerie, il tissa autour de son cou un collier grotesque : morceaux intimes alternant avec brins de ficelle tirés d'un sac, comme si l'on inventait un bijou funéraire à la mesure d'un regret. Ce n'était pas exhibition ni sacrilège gratuit ; c'était un acte de couture avec la mort, un point final cousu à la va-vite sur une histoire qui refusait de disparaître proprement.

Il se plaça ensuite au bord du trou, regarda le voisin une dernière fois. Le geste qui suivit fut d'une simplicité presque domestique : il posa une main sur la poitrine raide, comme on caresse une nappe avant de la replier, puis il s'allongea. Il se fit l'écrin volontaire de la même glaise ; il laissa le vent et la pluie conjuguer les derniers rituels. La terre retomba, sur la terre humide, et Machin sentit chaque part de son âme inutile se couvrir, chaque souvenir se tasser. Il avait choisi la clôture la plus radicale : ne plus laisser le vide le ronger depuis l'extérieur, mais l'ensevelir de l'intérieur, avec ce qu'il tenait pour complice.

Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?

lapinchien

C'est son truc, à Machin, de creuser : il adore la surprise, l'excitation - ça le ramène en enfance.

Les pâtés de sable pleins de crottes de chat, les gâteaux de terre avec une feuille pour faire la cerise.
Il creusait partout, gamin. Et sa mère, elle, fermait les yeux.
Elle ne voyait pas la boue, ni le voisin.
Lui aussi aimait creuser.
Mais pas dans le sable.
Dans l'âme des gosses.

Forcément, ça abîme, ces trucs-là.
Alors maintenant, quand il creuse, ce n'est plus pour jouer à la marchande.
Il cherche pas des coquillages.
Il déterre les preuves. Les autres.
Parfois, juste pour voir si dessous, c'est enfin vide.

Il a cherché tous les moyens de le combler. Tous. Sous les bégonias de sa mère, il a enterré tout ce qu'il pouvait trouver, de mort ou de vivant, incapable de lui résister. A chaque fois qu'il remuait le sol, de ses petits doigts boudinés, il ressentait un plaisir indicible, quelque chose qui lui chatouillait le ventre, lui titillait la cervelle. L'impression qu'il fouraillait à l'intérieur de lui-même, qu'il se touchait sans se toucher. Le sentiment de remplir son vide. Mais dés qu'il sortait ses doigts du sol, la magie disparaissait. Machin redevenait un petit garçon vide, triste et sans avantages. Son voisin, par-dessus la haie, le saluait, et sa maman l'appelait pour manger.
En grandissant, le vide s'élargissait, et son besoin de manipuler, et d'enterrer, grandissait. Il creusait partout, tout le temps. La plupart des gens, normalement constitués, se demandaient : qu'est-ce qu'il cherche ? Sa mère répondait : il essaie de se trouver. Tous s'accordaient au moins sur ce point : Machin, il creuse bien.


Il aurait pu, Machin, plonger ses mains dans les veines rougies de la terre, prospecteur infatigable, à la poursuite de pépites qui font chanter les foules et les marchés lointains. S'esquinter la santé avec du mercure à hautes doses.
Il aurait pu chevaucher les vagues déchaînées sur une plateforme pétrolière, là où l'océan gronde comme un amant jaloux, et forer jusqu'au cœur noir des abysses pour en extraire le sang visqueux du monde.
Il aurait pu dompter le schiste rebelle, expert en fracturation hydraulique, injectant des torrents d'eau et de secrets chimiques pour libérer le gaz emprisonné, ce souffle fantôme qui allume les chaumières et noircit les cieux.
Il aurait pu gravir les échelles du pouvoir, de la boue aux conseils d'administration, où l'on mesure la fortune en barils et en barres de graphite.
Il aurait pu devenir le maître des profondeurs insondables, un Prométhée moderne arrachant le feu souterrain aux dieux colériques de la géologie.
Mais les promesses des filons d'or ne l'ont jamais ému autant que le murmure des racines sous la pelouse municipale.
Les tempêtes océaniques, pour violentes qu'elles fussent, ne lui offraient pas la quiétude d'un sol qui se souvient des pluies d'hier.
Les explosions contrôlées du fracking, ces éclats de foudre artificielle, ne résonnaient pas comme le craquement intime d'une pelletée dans l'humus.
Les salaires ronflants, les primes de risque, les voyages en jets privés – tout cela n'était que papier friable face à la chair tangible de la terre.
Aussi, par un caprice pragmatique, bassement ancré dans le quotidien des petites retraites et des loyers modestes, Machin opta pour le manteau bleu du fossoyeur municipal.
Chaque aube, il franchissait les grilles rouillées du cimetière, son domaine secret où le temps se mesure en strates de silence.
Il aimait retourner la terre humide, cette argile gorgée de regrets et de rosée, pour en faire le meilleur des composts humains, alchimie lente et pieuse.
Avec une précision d'orfèvre, il creusait les lits éternels, six pieds de profondeur où les âmes s'allongeaient enfin sans feindre.
Certains passaient leur existence dans les voûtes fraîches des caves, affinant des fromages aux croûtes parfumées d'herbes oubliées.
D'autres caressaient des cuvées sombres, veillant sur le vin qui mûrit en murmures de tanins et de soleil captif.
Lui, dans son atelier à ciel nu, travaillait des corps en décomposition, ces vignes humaines qui s'entrelacent dans la pourriture fertile.
Il affinait avec amour les chairs qui fondent, les os qui blanchissent, les chairs qui se muent en humus nourricier pour les herbes folles.
Il savait épier les vers comme un maître fromager guette les moisissures nobles, et les pluies comme un vigneron attend les vendanges.
Chaque monticule refermé était une œuvre accomplie, un terroir neuf où la mort engraisse la vie en cycles invisibles.
Et dans ce labeur humble, Machin retrouvait l'écho de ses pâtés d'enfance : creuser non plus pour jouer, mais pour que le vide, enfin, se remplisse de promesses vertes.

Quelle ne fut pas sa surprise, à Machin, lorsqu'un jour on lui apporta, tout froid, raide comme piquet, le cadavre de son pire ami : son vieux voisin.
Il se trouvaient tous les deux, comme autrefois, foin de lys ou de jasmin - seuls, avec la terre, mais sans jardin. Face au trou béant qui attendait son nouvel amant, Machin resta coi, un long moment. Le cadavre de « Monsieur Pimpim » prenait l'air, prenait le vent – très bien. La pelle attendait, rongeant son frein. Le ciel s'abaissait, comme une presse hydraulique géante, au dessus d'eux. Au loin, une conne jouait du Yann Tiersen au piano – Mélie Poulain. Les grosses gouttes commencèrent à trouer la boue, poinçonner la glaise. Elles martelaient le rythme sur le torse de Monsieur Pimpim. Sur sa têtes, son gros ventre plein de gaz mortifères, et des couilles sans doute encore remplies de désirs interdit. Et la pelle attendait toujours. Elle savait que Machin, quand il réfléchissait, fallait lui foutre la paix. Elle aimait la pluie, ça tombait bien.
Mélie Poulain prit fin. Machin dégoulinait, la terre s'écartelait. Monsieur Pimpim aimait mettre ses doigts dedans, dans le temps.
Puis les tendre à Machin, en souriant


Il regarda le corps comme on regarde un trésor qu'on n'ose pas ouvrir, les doigts collés à la pelle, la pluie qui s'acharne comme un public impatient. Il sentit, très net, ce basculement : fallait-il rendre à la terre ce qui lui appartenait encore, ou creuser plus profond dans le spectacle de la chair ?
Machin prit la décision comme on arrache une rustine : sans cérémonie, parce que quelque chose dans sa gorge demandait une réponse immédiate. Il posa la pelle sur le sol, posa sa main sur le front froid de Monsieur Pimpim. Le contact était un contrat. Il retira la veste du mort — petit tissu râpé, odeur de tabac éteint — et trouva, sous la peau, des choses qui faisaient écho à ses propres trous : une petite cicatrice mal refermée, un bruit sourd quand il pressait le ventre creux. Il sourit sans plaisir, comme on sourit à une vieille connaissance qu'on n'a jamais vraiment aimée. Puis, sans colère ni dégoût, seulement par curiosité professionnelle et par l'habitude du geste, il commença à fouiller. Pas pour voler, non : pour savoir. Pour lire la carte que la mort avait tracée sous la peau. Il laissa ses doigts chercher, découvrir, inventer des raisons. Chaque muscle qu'il déplaçait parlait — regrets, mensonges, petites lâchetés — et Machin les rangeait comme des pierres précieuses ou des cailloux qu'on préfère ne pas montrer. Quand il eut fini, il assembla les organes avec la même indifférence qu'on répare une chaussette qui aurait encore des choses à vivre.
Avec la même économie que pour un montage de jardinerie, il tissa autour de son cou un collier grotesque : morceaux intimes alternant avec brins de ficelle tirés d'un sac, comme si l'on inventait un bijou funéraire à la mesure d'un regret. Ce n'était pas exhibition ni sacrilège gratuit ; c'était un acte de couture avec la mort, un point final cousu à la va-vite sur une histoire qui refusait de disparaître proprement.

Il se plaça ensuite au bord du trou, regarda le voisin une dernière fois. Le geste qui suivit fut d'une simplicité presque domestique : il posa une main sur la poitrine raide, comme on caresse une nappe avant de la replier, puis il s'allongea. Il se fit l'écrin volontaire de la même glaise ; il laissa le vent et la pluie conjuguer les derniers rituels. La terre retomba, sur la terre humide, et Machin sentit chaque part de son âme inutile se couvrir, chaque souvenir se tasser. Il avait choisi la clôture la plus radicale : ne plus laisser le vide le ronger depuis l'extérieur, mais l'ensevelir de l'intérieur, avec ce qu'il tenait pour complice.


Mais sous la terre qui s'effritait déjà en une étreinte molle, Machin sentit un soubresaut primal le secouer, comme si la glaise refusait de le digérer si vite et lui renvoyait, par capillarité, le goût salé de ces après-midis interdits où les doigts du voisin fouillaient plus bas que les racines des bégonias. Il se redressa d'un bond muet, les yeux rivés sur le corps de Monsieur Pimpim qui, même raidi par l'au-delà, semblait l'inviter à une dernière danse souterraine, ses chairs flasques comme un sol labouré attendant la semence. La pluie avait cessé, laissant un silence gorgé d'odeurs – terre remuée, tabac froid, et ce relent âcre de mort qui n'était que la fermentation d'un désir trop longtemps composté. Piner, pour Machin, n'avait plus rien d'un vice ou d'une vengeance ; c'était l'outil ultime, la pelle charnelle qui transperçait les strates de l'autre pour y déterrer les échos de son propre abîme, là où l'enfance s'était fissurée comme une motte sous la binette. Son sexe se dressa, turgescent et impérieux, non pas par luxure brute mais par une géologie instinctive, un appendice minéral forgé dans les limons de ses nuits hantées, prêt à forer jusqu'au magma refoulé. Il empoigna les hanches du cadavre avec une tendresse de terrassier, écartant les cuisses inertes comme on écarte les lèvres d'une plaie fertile, et s'enfonça d'un coup sec, violent, dans ce boyau froid qui céda sans un cri, sans un spasme, offrant une résistance molle pareille à celle d'un humus gorgé d'eau. Chaque poussée était une excavation frénétique, un godet de tractopelle raclant les parois de l'altérité pour en extraire des pépites de vérité – ces éclats de honte partagée, ces murmures d'enfance où le voisin avait été le premier à creuser en lui, laissant un cratère que seul ce va-et-vient obscène pouvait combler. Le corps de Monsieur Pimpim ballottait sous l'assaut, ses chairs se modelant autour de l'intrus comme l'argile autour d'une racine invasive, et Machin y vit, dans ce frottement humide et sans vie, le miroir de son vide : un tunnel creusé dans un tunnel, un moi profond occulté qui surgissait enfin, suintant de sève noire et de regrets pétrifiés. Il accéléra, haletant comme un foreur en pleine veine, sentant sous ses coups de reins les os du bassin craquer doucement, non pas en brisure mais en capitulation, libérant des gaz fantômes qui emplirent l'air d'un parfum de caveau violé. Bientôt, l'orgasme le traversa non comme une décharge mais comme une coulée de lave, un dépôt sédimentaire qui scella le fond de la fosse intime, mélangeant sa semence à la boue intérieure du mort, fertilisant ce qui n'était plus qu'un compost d'âmes emmêlées. Et quand il se retira, épuisé, le sexe ramolli comme une lame émoussée, Machin contempla l'œuvre accomplie : un trou plus profond, un secret exhumé, où son moi occulté gisait enfin nu, prêt à être enseveli avec son complice éternel. La pelle, oubliée contre la paroi, sembla alors superflue ; creuser, c'était cela, désormais – une pénétration totale, un enfouissement réciproque qui rendait la terre complice de tous les silences.


Et un jour, peut-être, quelqu'un viendra le déterrer, lui aussi, à son tour ?