LA ZONE -

Nous allons patienter

Le 17/10/2008
par Loading
[illustration] J’ai cru comprendre que tout en ce monde allait par paire, que chaque opposé permettait à la notion originale de perdurer. Mieux encore, qu’un équilibre relatif était susceptible de naître de leur fusion. Si on se laisse aimablement convaincre par l’idée, il n’est pas interdit de penser qu’elle ait un sens véritablement proche de toute existence menée avec plus ou moins d’audace et de succès.
Quand bien même cette théorie -dérobée à quelques orateurs lointains un jour de grand vent- s’avèrerait dénuée de fondements, j’admets volontiers la réticence que j’aurais alors à m’en défaire et à abandonner ainsi mon statut de participant actif à l’entretien des valeurs humaines du moment.
Je veux dire par là que le type qui est assis juste en face, près du palmier nain, à croiser ses jambes dans un sens puis dans l’autre sans parvenir à choisir son camp et à prendre de grandes goulées d’air comme si sa vie en dépendait : et bien je crois qu’il y a des chances pour que ce soit également le genre à offrir des cadeaux à sa grand-mère pour son anniversaire. Et à trouver la démarche parfaitement anodine, surtout.
Que les choses soient claires, je ne suis pas membre d’une obscure coalition d’aigris ayant décidé de combattre en sous-marin les évènements festifs récurrents ; j’attends seulement mon rendez-vous et l’Historia détaillant le résultat des dernières fouilles sur le site de Pétra ne m’a que faiblement émotionné. Cette légère déception peine à me troubler et je l’explique par mon incapacité nonchalante à situer la Jordanie à moins de cinq cents kilomètres près, en revanche je suis convaincu de pouvoir me dispenser de l’information le long des vingt-cinq prochaines années. Ce qui me fait dire que je tolère mon inculture et mon manque de curiosité intellectuelle avec une égale bienveillance.

« Mme Vincent va vous recevoir dans quelques instants, vous avez une machine à café dans le couloir si vous voulez… »

Le Jacquard à losanges marrons sur fond crème -toujours aussi proche du palmier nain qu’avant ma découverte de la page 34 qui présentait une tête maussade d’Alexandre Le Grand en marbre blanc récemment déterrée- s’est fendu à l’instant d’un « Merveilleux, c’est très délicat de votre part. Mais je ne suis pas pressé : nous allons patienter. » ostentatoire rappelant l’onctuosité de la confiserie traditionnelle d’antan. Il aurait fallu que la secrétaire m’offre un voyage aux Seychelles pour que j’imite ce fou furieux. Je me retourne quand même pour vérifier qu’il y a toujours ce mur et ce tableau ignoble de maisons grecques en yaourts renversés que l’on retrouve si souvent dans les hôtels milieu de gamme de la côte et que j’ai notés bien malgré moi en entrant : il n’y a personne d’autre ici, je n’ai donc pas rêvé et cette raclure de commodité turque vient de parler en mon nom.
Nous avons tous vu le jour dans un univers social et moral à géométrie variable qui tente selon son humeur de ne pas laisser libre cours à la criminalité et à la sauvagerie. J’ignore si cela est regrettable ou si offrir une impunité totale à tous serait une solution mais je jure que si tel était le cas, j’aurais pu désolidariser la pomme d’Adam de sa gorge en gardant mon magazine dans l’autre main.

Il ne se rend pas compte de ce qu’il fait, c’est l’évidence ; pourtant on en a déjà parlé il y a deux milles ans, de cette inconscience grossière qui amène les gens à se comporter vulgairement et dieu sait que certains n’ont eu de cesse de prendre le relai par la suite… Je me distingue toutefois de l’auteur de la phrase devenue culte, n’étant pas enclin à distribuer mon pardon comme des ‘20 minutes’ à la sortie du métro comme à celle des églises. L’ingratitude, lorsqu’elle prend une dimension aussi détestable en s’incarnant dans des individus similaires à celui dont je souffre la présence en cet instant, détient le pouvoir exclusif de réveiller le syndiqué au mouvement des antihéros nécessaires que je contrains habituellement au silence par fatalisme.
Il est en effet des contextes où l’on ne saurait une nouvelle fois se satisfaire de rire sous cape en direction du pédant guilleret, ou de toute sous-espèce présentant des variations sur le même thème. J’en veux pour preuve l’échange que mon sujet a initié rapidement par la suite, pressentant avec une imbécilité crasse qu’un éclaircissement était requis pour entériner l’affaire, et auquel je fis honneur avec les moyens de mon réalisme :

"Qu’y a-t-il ? Vous m’observez…
- J’avoue que je m’interroge. Vous me paraissez bien paisible pour quelqu’un d’aussi inconcevable. Et j’aurais cru que cela pouvait également vous affliger, voilà tout.
- Excusez-moi, jeune homme, mais je ne suis pas sûr d’avoir compris ce que vous me reprochez. On ne se connaît pas, que je sache. Et votre agressivité gratuite m’estomaque.
- Regardez vos chaussures puis jetez un œil aux miennes. Que vous évoquent-elles ? Disent-elles «Le temps ne s’y prête guère mais nous irions volontiers nous emboîter le pas dans quelques sereines campagnes des alentours, lacet dessus lacet dessous» ? Maintenant remontez jusqu’en haut et évaluez si ma tête vous souffle l’affirmation suivante : «Je n’ai rien contre le fait d’être rallié à l’opinion d’un abruti sautillant, d’ailleurs je souhaite à l’avenir en faire mon porte-parole officiel pour toute décision».
- … ??


C’est de cette manière que je suis parvenu à atteindre le niveau de conscience du World Trade Center, le 11 Septembre 2001, entre 8h46 et 9h03 heure locale. J’ai compris que je pouvais inspirer une désolation identique à mon prochain tout en étant beaucoup moins droit que des tours administratives de centre-ville.
Je crois qu’il a répondu après un temps mort que j’étais insultant et que je racontais n’importe quoi, je ne sais plus très bien… j’écoutais le climatiseur en regardant les dossiers alignés côte à côte dans les armoires métalliques de la salle voisine et je m'étais mis en tête d’extraire une suite logique de l’alternance des couleurs : deux rouges, un gris, un rouge, trois jaunes, quatre gris, un vert, deux jaunes… non, ça ne fonctionnait pas.

Et je me suis attelé de nouveau à cette idée de contraste. A cette théorie qui précise que tout jugement ou qualité ne se définit que par effet d’opposition, et que les dépendances qui conditionnent ce même jugement interpellent l’observateur indépendant avec la discrétion d’un Hustler intercalé entre les Auto-Moto. (Ceci étant dit, loin de moi l’envie de dénoncer ici cette manœuvre de buralistes expérimentés et emplis de sagesse qui favorise le branleur petit et inquiet d’une trop large publicité.)
J’en arrive à la conclusion que mon rôle ici-bas est stratégique. Plus je suis en contact avec ceux qui essayent de se convaincre en attendant quelque chose -une participation, un avis, un indice ou un rendez-vous- et moins je peux le nier ou me permettre le luxe de fuir pour arrêter enfin d’être un contrepoids utile. Pourtant je ne sais faire que ça et il appert que ce n’est pas sans raison. Comme chacun de mes associés au nombre plutôt famélique, je permets au merveilleux comme au délicat de se congratuler chaudement d’être nominé à terme et aux yeux de l’ensemble à un tel rang. L’opulent ne l’est jamais davantage que lorsqu’il côtoie le sans-le-sou, voilà qui sera difficilement contestable ; de même, les sudoripares aux louables sentiments se payent sur mon dos la tranche du mérite d’apparat. Non pas que je regrette ce mécanisme inattaquable qui implique que je serve de marchepied au grotesque général en perpétuelle élévation, cependant je conserve sous le coude le droit de devenir glissant. De temps à autre et pour me rappeler au bon souvenir des premiers intéressés.

Quand je fais l’inventaire dans le détail, il est certain que je participe à ma mesure à l’expression d’une gamme très riche de comportements mais aussi et surtout à la façon dont la conscience collective les interprète. Mon travail de fond englobe des domaines éclectiques, aux frontières assez floues mais qui ont construit les individualités avec leurs divergences, leurs subtilités et leurs accointances.
Je regarde cet homme, qui m’envoit encore son air torve toutes les deux minutes suite à notre petit échange d’idées, et je peux imaginer avec une marge d’erreur raisonnable les femmes qu’il a courtisées. Attirées par son aveugle respect pour l’inconsistant ou sa vision Jivaro (réductrice, j’entends) des tenants et aboutissants, elles ne lui ont en un sens ouvert leurs cuisses que pour un motif qui confine à l’édifiant ; et on peut estimer sans ambages que la présence jusqu’à ce jour des miens, rendant de telles appréciations possibles et subjectivement admirables, correspond au terme en question.
Sortir d’ici en lâchant qu’il me doit ces moments où il a cru de sentir vivre, ce serait envisageable. A ceci près qu’il serait assez con pour trouver le geste théâtral et inconsistant.
J’irais bien expliquer tout cela à mon ami de la salle d’attente si j’étais animé du même vide qu’Alain Bombard lors de sa performance. Le mien s’expose au monde avec parcimonie malgré son intensité, comme s’il avait l’élégance un peu hautaine de ne pas trop affliger et pas trop de monde en même temps, ne sachant que trop combien il est redoutable. S’il avait tort, on pourrait le taxer de prendre de grands airs supérieurs.

Tiens, revoilà Dame Claque-Parquet. Ca l’emmerde, de venir me parler et elle se méfie un peu depuis que je lui ai demandé si mon entretien était toujours prévu ou si c’était une manière de remplir le bar d’en face tenu par un de ses amis. Elle n’en a peut-être pas tout à fait conscience mais son message clignote tout autour d’elle comme des néons de sex-shop. Pas beaucoup de gloire à créditer sur son compte : n’importe quel être humain comprendrait au premier coup d’œil que ma bête est enragée.
Cette fois-ci, je crois que c’est mon tour.

Je ne dirais pas que ça s’est passé avec courtoisie. D’autre part, j’ai mis ma menace tacite à exécution, après la guerre mais qu’importe, et je vide ma seconde pression afin d’apaiser une lassitude fulgurante venue me frapper de plein fouet dès la moitié de la confrontation. J’ai été contraint de la partager dans le bureau, vu le périple mental que j’avais traversé pour en arriver jusque-là : je n’aurais pas pu poursuivre plus longtemps sans lâcher du lest en précisant que les cerveaux plombés comme du gruyère avaient des conséquences mais essentiellement des causes, à savoir la syphilis ou la niaiserie, et qu’on avait presque éradiqué la première dans cette partie du monde. L'évaluateur a arrêté de prendre des notes alors que c’était pourtant le plus intéressant.
Il allait mal le prendre, je l’ai vu tout de suite. Tant mieux, je commençais à être vraiment fatigué. Soulagé d’entrevoir une porte de sortie par le biais de cette bouteille à la mer, je me suis brièvement détendu : les univers ambigus et générateurs de tension m’aident à sortir du coma. C'est donc ainsi que je me suis aperçu qu’un dialogue réel était en cours entre nous. Quoique je ne jurerais de rien, même maintenant.
Vu mon état, il ne me restait plus qu’à lui donner la mesure de son inutilité pour pouvoir me réincarner au Bar de l’Amitié dans les trois minutes et j’ai donc riposté à son air offensé par ceci :
« Ce n’était pas tout à fait ce que je voulais exprimer dans le contexte qui nous occupe mais la tournure m’a séduit. Je ne suis pas toujours opportun, je le reconnais et comme disait Eluard ‘J’ai mal appris à parler clair’. »
Il m’a regardé comme si j’étais un délinquant qui avait volé un dictionnaire et je suis parti très vite après mais pas très loin effectivement, l’effort demandant réparation.

Finalement, je crois que je vais rester au chômage puisqu’il est flagrant que le travail accessible à l’homme sans ambition prend immanquablement la forme d’un autiste de bas niveau, j’entends par là qu’il inspire l’alter ego négatif de l’espoir et pose l'abandon comme issue logique. A décharge, on doit lui reconnaître, en l'occurrence et bien que furtivement, le mérite de redynamiser la fréquentation des troquets en cette période dite de récession.

Je crois aussi que :

« Je vais en prendre une autre, dans le même verre s’il n’y a pas plus grand »

Il n’y a pas, me balance le cafetier : et bien parfait, ça fera plus de voyages.


= commentaires =

Winteria

Pute : 0
    le 17/10/2008 à 01:49:19
L'illustration est à peu près aléatoire, mais il me semble important qu'elle résume à quel point je me suis fait chier en lisant le texte, d'une part, et qu'elle ne soit pas un canard d'autre part.
    le 17/10/2008 à 07:55:17
Ha oui. Bravo mon bon c'est très pur, je prends.
Yo²
    le 17/10/2008 à 09:26:09
Pareil que Winteria. Je ne suis pas quel admin en carton ose publier des textes sans canard en illustration, mais apparemment IL A PAS BIEN COMPRIS QUE LES REGLES ONT UN PTIT PEU CHANGE ICI MONSIEUR.

Bon. Je vais le lire, maintenant.
Lembaumeur

Pute : 0
    le 17/10/2008 à 10:07:06
Lourd, pompeux, chiant, un vrai texte de pute de luxe. Deux paragraphes avant de lâcher. J'ai quand même lu le dialogue : pathétique de connerie.
G'areziwK
    le 17/10/2008 à 10:47:30
pas réussi à finir un seul paragraphe.
Putsch

Pute : 0
    le 17/10/2008 à 10:49:13
Ouais. Bah il n'y a pas grand chose à en dire, mis à part que c'est assez illisible, d'autant plus pour finir sur du vent. C'est trop pour moi. Le peu de haine qu'il y a là dedans est étouffée par le verbiage de minette.
Absinthe

Pute : 0
    le 17/10/2008 à 15:06:15
J'ai trouvé ce "verbiage de minette" délectable, malgré, c'est vrai, des tournures parfois vraiment trop lourdes, mais supportables dans la mesure où elles s'inscrivent dans le contexte narratif, lequel respecte du reste les règles essentielles de narration, autant dans le fond que dans la forme, ce qui pousse à congratuler l'auteur pour ce bel effort linguistique, qui, il faut bien l'admettre, quoique je me suis laissé entrainer à me projeter en tant que spectateur extérieur dans l'histoire, mais toujours derrière ce quatrième mur dont parlait encore Brecht à l'orée de sa trentième année,drapé dans la dignité d'un homme qui sait qu'il a raison, entre deux volutes de fumée, ça sert à rien.
M. Yo

Pute : -1
    le 17/10/2008 à 19:26:02
Pour l'instant j'ai simplement lu le dialogue, et j'ai adoré !

"Vous me paraissez bien paisible pour quelqu’un d’aussi inconcevable."

"votre agressivité gratuite m’estomaque."

ça tue sa mère, je les ressortirais en soirée.
Narak

Pute : 2
    le 18/10/2008 à 14:03:05
C'est effectivement lourd, mais ça reste pas mal écrit. Le problème principal est que ça n'évolue pas, au bout de quelques paragraphes l'intérêt se dilue. Tout le texte étant écrit sur le même ton, ça me parait dommage de pas avoir fait des ruptures, genre dans le dialogue, que j'ai trouvé bien plus chiant que le reste du texte. Personnellement, j'ai beau avoir lu le texte en entier, c'est tellement plat que j'ai du faire des recherches poussées pour savoir de quoi ça parlait. C'est bien joli d'écrire, mais n'oublie pas que t'es sensé raconter quelque chose, là j'ai trouvé que ça faisait "j'écris des phrases pour écrire des phrases"

"j’écoutais le climatiseur en regardant les dossiers alignés côte à côte dans les armoires métalliques de la salle voisine et je m'étais mis en tête d’extraire une suite logique de l’alternance des couleurs : deux rouges, un gris, un rouge, trois jaunes, quatre gris, un vert, deux jaunes… non, ça ne fonctionnait pas."

J'ai pas capté ce que ça foutait là, mais j'ai bien aimé ça.


Nico

Pute : 0
    le 23/10/2008 à 07:57:48
J'aime bien le premier paragraphe. Après ça dégénère, c'est dommage, ça faisait une bonne intro. Bon le dialogue on dirait que l'auteur a feuilleté son dictionnaire en cherchant quels mots bien compliqués il pourrait insérer maladroitement
evariste galeux
    le 24/10/2008 à 00:02:44
Monotone.
Plutôt bien écrit en ce qui concerne l'orthographe et la grammaire. A cela, ajoutons deux à trois tournures agréables. Au delà de ça, plutôt mal écrit, si l'on tient à emmener le lecteur jusqu'au bout. Je ne l'ai pas fait d'ailleurs. J'ai lu le dialogue. Euh... En fait je vais dire que je ne l'ai pas lu.
Monotone.

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