LA ZONE -

Au sujet de Marie-France

Le 07/05/2025
par Gimini Khrouchtchev
[illustration]     On peut pas dire que ça sentait la rose chez la mère à Geoff. En temps normal, je veux dire. Mais quand je suis entré chez elle l'autre jour, autour de 17h, je me suis dit qu'une armée en campagne s'était arrêtée pour couler un bronze mais qu'aucun de ces minables avait été foutu de trouver les toilettes.
    Il m'avait appelé deux heures plus tôt, le vieux Geoff. Geoffroy pour les pas intimes. Un nom de branleur qui voudrait jouer les cossus. Je sais bien que ça le défrisait, du haut de son mètre soixante de petit breton teigneux, mais on fait ce qu'on peut avec les cartes qu'on nous donne et un prénom qui t'offre une carte de visite pour les rallyes de grognasses élevées à la mini en strass et au Chanel n°5, ma foi, j'aurais pas dit non.
    On se connaissait depuis le collège. Une association tout ce qu'il y a de banal entre deux outsiders que tout semblait opposer. A moi les muscles, à lui le cerveau et les manières. A nous deux, on défonçait tout et tout le monde. Enfin, c'est façon de parler, bien sûr. Moi je pouvais briser des mâchoires et te flanquer par terre des plus balaises que moi. Lui, au moins, il avait les mots, ce qu'il appelait le « bagage culturel ». Eh ben, vas-y, pose tes valises, que j'y disais en ricanant, le joint tendu lors de nos nombreuses soirées à deux.
    Blague à part, dans le quartier où est-ce qu'on vivait, un binôme comme le nôtre, c'était un peu le passage obligé pour des babtous. Je veux pas donner l'impression qu'on avait atterri au beau milieu d'une guerre des races, putain non, mais on était les deux seuls enfants blancs de la cité. Les autres avaient beau nous fiche la paix six jours sur sept, il restait toujours cette foutue journée perdue où on avait intérêt à planquer nos fions si on voulait pas se retrouver la tête dedans.
    J'avais pas mal de potes parmi les autres lascars. Djamil, l'Antillais à la balafre qu'on savait pas trop s'il se l'était faite lui-même ou si c'était son pater qui l'avait puni un soir pour avoir oublié le bahut une semaine de trop. Et Tony, avec son nom de bellâtre italien mais qui arborait sa peau d'ébène, plus noire qu'un disque dur. On s'était chahutés et ils avaient pratiquement toujours eu le dessus, rapport au nombre. Je me laissais pas faire, pourtant. Parfois même, je prenais les devants. Je les voyais arriver en meute et je courais vers eux sans leur accorder la moindre seconde de répit, tant pis pour vous les gars, fallait bosser vos réflexes, et pif, paf, j'en collais deux trois bien senties avant de prendre mes jambes à mon cou sur un long rire hystérique. Ils partaient au quart de tour, vomissant des insultes auxquelles je comprenais rien, me rattrapaient systématiquement, puis moins souvent, puis pratiquement jamais avec le temps.
    Maintenant, quand on se croise, on se raconte nos vies. Genre il s'est rien passé. Des jeux de gamins, ni plus ni moins. On est pas sérieux quand on a neuf ans, dix ans, douze ans, quatorze, quinze, dix-sept, vingt-deux, putain ça s'arrête quand au fait ? J'en ai trente aujourd'hui. C'est tout récent d'ailleurs. Ça date de trois jours. Les mômes de la cité m'appellent « tonton » ou « fréro », ça dépend de leur âge, et ceux qui restent d'à peu près vaillants parmi les vieux de la vieille me gratifient d'accolades bien senties comme si on avait survécu à une catastrophe dans un bel élan de camaraderie.
    Avec Geoffroy - Geoff pour les intimes - c'était différent. On avait ce lien culturel qui nous unissait. On nous cherchait dans les cages d'escalier, on nous cherchait sur le terrain de jeux, le tout pourri avec sa balançoire aux cordes cassées et son toboggan qui t'arrachait la peau si tu avais le malheur de descendre en short. Et je crois bien pouvoir affirmer qu'on nous harcelait à l'école. Notre rencontre à tous les deux, au fond, elle était écrite sur le grand parchemin de la vie ou une connerie du genre.
    Geoff et sa mère ont aménagé dans le quartier à la fin de l'été, une semaine avant sa rentrée au collège. Je les ai vus débarquer dans une Clio qui devait dater de l'âge de pierre. La caisse la plus vintage que j'avais jamais vue - et j'habitais en banlieue alors autant te dire que j'en avais vues. Je me rappelle que je m'étais dit « tiens, des blancs. » J'en étais là, ouais. Limite si j'étais pas surpris quand je découvrais ma peau de porcelaine dans le miroir de la salle de bains.
    Toujours est-il qu'au collège, où je retrouvais pas mal de mes bourreaux du quotidien, je suis tombé sur Geoff alors qu'il s'apprêtait à subir une initiation express au concept de passage à tabac. Je me souviens : récré du matin, vers dix heures donc, en sortant des toilettes, celles de l'étage, où je m'étais précipité derechef en quittant la salle de classe avant de rejoindre la cour. Le couloir était vide à l'exception de Geoffroy et des quatre malabars de troisième qui venaient de vider son sac de cours sur le lino jaune pipi dégueu. La seule lumière qui nous éclairait, on la devait à deux ampoules mollassonnes séparées de cinq ou six mètres. Pas de fenêtres, de puits de lumière, juste cet éclairage artificiel bien crade qui nous donnait l'aspect de fantômes.
    « Casse-toi, Franck. »
    Franck, c'est moi, et j'avais bien capté le message. Mais j'ai pas bougé.
    Enfin si. J'ai serré les poings. Y a même un doigt qui a craqué, rien de volontaire. Le craquement a résonné dans le couloir vide, comme pour souligner mon attitude de tête brûlée prête à en découdre. Le détail imprévu, le petit truc en plus qui change la donne. Ou alors ils avaient cru qu'ils s'amuseraient à peu de frais, un match joué d'avance qui leur coûterait à peine deux minutes de temps de récré. Avec moi dans la balance, moi et mes épaules, mes biceps et ma putain de rage d'enfoiré qui en a marre de se prendre des coups, l'affaire risquait de s'éterniser et probable que certains d'entre eux écoperaient de contusions ou de morsures. Autrement dit, j'étais peut-être sûr de perdre, eux, en revanche, étaient vachement moins sûrs de gagner.
    « On se retrouvera dehors, Franck.
    - Tu peux compter sur moi, mec. »
    Livrés à nous-mêmes, on s'est présentés et on est devenus potes.
    « Merci, mec », il a dit.
    J'ai haussé les épaules et j'ai dit qu'il aurait probablement réagi pareil à ma place. Il m'a regardé comme si j'étais fou.
    « Ça va pas, non ? T'as vu ta carrure ? T'as vu la mienne ? T'es complètement con ou quoi ? »
    J'ai éclaté d'un long et précieux rire. Le premier d'une longue série en compagnie de ce gusse.
    Tout ça pour dire qu'entre lui et moi, c'était à la vie à la mort. Personne l'emmerdait et il m'aidait à bosser les matières les plus compliquées. Sans lui, je pense pas que j'aurais été jusqu'au BAC. Je serai passé par la case lycée technique à m'emmerder avec des plus cons que moi et j'aurais appris un boulot d'arpette, me serais laissé bouffer la gueule par des petits chefs, et...
    Si seulement.
    La méritocratie, c'est plus ce que c'était. Au moins, j'aurais eu un taf digne de ce nom.
    Au lieu de ça, j'ai tenté fac de lettres mais j'étais largué sans mon pote. Je me suis inscrit dans un BTS école de commerce au rabais, la seule structure où ils voulaient bien de moi, tout en bossant à côté dans des boulots de branleur pour trois euros douze. J'ai été plongeur au black dans des restaurants de tous types, j'ai emballé de la malbouffe pour toutes les enseignes connues, fabriqué du kebab à la chaîne, assuré la sécurité d'une cinquantaine de boîtes de nuit, boutiques et supérettes, j'ai même vendu des lampes pour ces cons d'Ikéa.
    C'est pas comme s'il m'avait oublié, le copain. Je savais parfaitement ce que, moi, je lui devais mais comme je lui avais sauvé les ratiches plutôt deux fois qu'une, il se sentait obligé de me dénicher de l'oseille dès que l'occasion se présentait.
    Alors il m'appelait.
    A chaque coup, il me disait :
    « Hey, Franck. Je connais quelqu'un qui cherche quelqu'un. »
    Et moi, du tac-au-tac, je répondais :
    « Dis-lui que tu l'as trouvé, mec. »
    Je sais pas comment il s'était démerdé, le petit branleur au prénom de tafiole, mais il avait atteint un tel niveau dans la hiérarchie de sa boîte qu'il pouvait se permettre d'oublier de nouer la cravate sous le costard. Peut-être qu'il leur faisait la compta, ou il parlait à des gens importants, s'embarquait dans un biplace avec un power point dans le portable, parlait avec d'autres types tout aussi importants, et dans un bureau quelque part, des gars signaient des papiers et du pognon s'accumulait sur des comptes anonymes.
    En tout cas, j'avais droit à des miettes. J'imagine qu'on adaptait à notre sauce la théorie du ruissellement, sauf que je me crevais la couenne à me glisser dans les poches ce qui dégoulinait des siennes. Rien que du légal, avec contrat de travail et attestation employeur. Mais ce qu'il voulait, c'était ce bon vieux Franck, un gars en qui il avait confiance et dont il savait qu'il fermerait les yeux si on le lui demandait.
    Et on me le demandait. Plutôt deux fois qu'une. Et je disais jamais non. C'est pas bien dur de garder les paupières closes tant quand on te compte des heures sup' que t'as pas fait. Et que ton vieux pote te remercie en personne avec une montre de marque ou la dernière paire de Nike, ou un casque de réalité virtuelle, ou Dieu sait quel gadget dont j'ai rien à carrer mais que j'aurais jamais pu me payer. Alors merci la vie, merci Geoff.
    Pour toutes ces raisons, il me serait jamais venu à l'idée de refuser, le jour où il m'a appelé pour ce service particulier.
    « Wesh, mec.
    - Wesh. Ca va ?
    - Ca va ouais-ouais-ouais, écoute Franck...
    - Tu t'appelles toujours Geoffroy ?
    - Tu sais bien que oui, connard, écoute, je...
    - Et ça va, tu le vis bien ? »
    Il y a eu un silence dérisoire. Une demi-seconde, pas plus, sans doute moins. Je parlerais plutôt de rupture de rythme. J'ai senti que je l'agaçais.
    « C'est bon, excuse. Je t'écoute.
    - Franck, j'ai besoin de ton aide. C'est pas un taf, c'est perso.
    - Tourne pas autour du pot, Geoff, tu sais que je vais pas te dire non. »
    Il louvoie un peu quand même, le lascar, et je suis bien obligé de synthétiser l'info. Jusqu'au moment où il me parle de sa mère.
    « C'est au sujet de Marie-France. »
    Sa mère, il l'appelle par son prénom depuis qu'elle a fait fuir le pater avec pertes et fracas. J'ai pas les détails de l'épisode mais j'ai idée qu'elle s'est comportée comme une garce. De toute façon, je pouvais pas la sacquer, sa mère, personne la supportait, d'ailleurs. Pas pour rien que son propre fils l'appelait pas « maman ».
    Je sais pas si elle était bipolaire ou schizo ou PN, en tout cas elle se trimbalait toute une pharmacie dès qu'elle sortait de l'appart', ce qui devait arriver à peu près une années bissextile sur deux, et ses voisins la détestaient. J'avais gardé d'elle un souvenir désagréable et moche, celui d'une sorcière décoiffée, au sourire tordu, taillé dans sa peau de vieille par un cutter qu'aurait manipulé un manchot atteint de Parkinson. Évidemment, j'y passais pas mes soirées, chez la mère à Geoff, quand on était mômes. Pour réviser nos maths et notre histoire, on avait plutôt un faible pour le CDI du bahut, voire pour ma piaule chez mes vieux. Plus tard, on se payait des cafés dans des rades en centre-ville. Chez Geoff, on s'y pointait que quand il avait besoin de ramasser une fringue, un jouet, une connerie. La seule fois où j'ai accepté d'elle un biscuit pour le quatre heures, je l'ai vomi trois minutes plus tard, dans la cage d'escalier tandis qu'on se carapatait.
    « Mais pourquoi t'as mangé ça, sans déc ? C'est pas comme si t'étais pas au courant.
    - Je voulais juste être poli.
    - T'as pas besoin d'être poli avec ma mère, Franck. »
    J'avais rien dit. Certaines remarques se passent de commentaires.
    
    « Bon, ok, qu'est-ce qu'elle a, Marie-France ?
    - Tu le sais très bien, ce qu'elle a, Franck. »
    Sur le ton du reproche.
    Marrant parce que, pour le coup, j'ai jamais vraiment su ce qu'elle avait, la mère à Geoff. Dégénérescence, Alzheimer, sénilité aggravée, quotient intellectuel négatif ? Je savais que dalle. Geoff avait toujours parlé en métaphores ou en euphémismes, ou alors il se contentait de dire « bah tu sais, quoi, c'est ma mère ». En soufflant fort et en levant les yeux au plafond. Ou en haussant les épaules, manière de dire : « Qu'est-ce qu'on en a à branler, elle a toujours été comme ça et c'est pas demain la veille qu'on va la changer. »
    Mais c'était mon vieux pote alors j'ai dit :
    « Ouais, ok, pas de problème, Geoff. Tu veux que je fasse quoi ? »
    Je l'ai entendu distinctement se humecter les lèvres en claquant la langue à l'autre bout du combiné.
    « Je veux - je voudrais que tu passes la voir, Franck. »
    Le ton grave, la voix lointaine, un point en fin de phrase qui résonne comme un dernier coup de marteau sur un dernier clou de cercueil.
    Pour un peu j'en frissonnerais.
    « Qu'est-ce qui se passe, Geoff ? T'as l'air super sérieux, là. Je te reconnais pas. »
    Les lèvres encore, la langue, des sons furtifs, irréfutables.
    « Elle est vraiment pas au mieux de sa forme, Franck. Je crois que t'as pas dû la voir depuis...
    - Quinze ans facile, Geoff. Peut-être plus. Et je suis pas plus pressé que ça de la revoir, crois-moi. Mais je vois pas en quoi c'est si compliqué. Tu te barres quelques jours pour le taf et tu veux que j'y refile des croquettes, que j'y change la litière et que j'y remplisse son eau, c'est ça ? »
    J'essayais de détendre l'atmosphère. Elle était devenu pesante sans que je comprenne pourquoi ni comment et ça cadrait pas avec notre relation, à Geoff et moi. Pour sûr qu'on se voyait moins. Comme il disait, on évoluait pas dans les mêmes cercles, mais on s'envoyait des sms tous les jours, des trucs marrants, des mots d'encouragement, des « ça va ou quoi » impromptus. On s'appelait trois, quatre fois par semaine pour parler des films ou des séries qu'on suivait - parfois même en même temps qu'on les regardait ! On causait gonzesses ou collègues, on évoquait le bon vieux temps et on se promettait de se retrouver pour un verre sans jamais fixer de date.
    Quand il a repris la parole, sa voix avait la consistance d'une motte de beurre qu'on aurait oublié dans le congélo.
    « Très drôle, Franck. Je suis mort de rire. Tu vas m'aider ou pas ? »
    Je suppose qu'il m'a entendu déglutir. Signe le plus révélateur de la décharge électrique qui venait de me parcourir tout le corps. Il avait beau se prendre pour la petite cuillère en argent dans la bouche de la cuisse de Jupiter, Geoff, il avait jamais osé me parler de la sorte.
    Et c'était pas les mots. Non. On avait le droit de s'insulter et de se jeter des mauvais sorts à la tête.
    C'était ce putain de ton glacial. Directement importé de la banquise en colis express.
    « Hé, Geoff, calme-toi, je m'excuse. C'était juste pour la déconne.
    - Pas de problème, mec. Passe aujourd'hui, tu veux bien ? Y a des plats préparés dans le placard de la cuisine et je t'ai laissé la clef dans ta boîte aux lettres. Si ça ne te bouscule pas trop dans ta petite vie d'assisté, tu peux aussi lui acheter du pain aux céréales. Apparemment, elle adore ça. »
    Wow. Je l'avais pas vu venir. Il s'est rattrapé sur le ton mais je l'ai quand même bien senti passer. Comme un aller-retour pied-bouche en gardant les chaussures à semelle coquées.
    « Je t'ai dit que je m'excusais, Geoff. Je passerai tout à l'heure, d'ac ?
    - Ouais, ok, merci, vieux. On s'appelle bientôt. »
    J'ai raccroché dans un état de confusion extrême. J'ai failli le rappeler sur-le-champ pour proposer d'en parler posément. Mais c'est justement cet aspect-là qui posait problème. Probable qu'il avait son avion à prendre, le Geoff, des bagages à plier, une manucure et une séance chez le coiffeur sur le feu.
    « Qu'il aille bouffer des bites en enfer », je me suis dit en lâchant un rire idiot. « Je le rappellerai plus tard et c'est marre ».
    J'ai attrapé mon portefeuille et je suis sorti acheter une baguette aux céréales en me répétant vicieusement qu'il fallait être sacrément atteint pour préférer ça au pain de campagne.
    En passant devant les boîtes aux lettres de l'entrée, je me suis souvenu de son histoire de clefs et un malaise sournois s'est brusquement emparé de moi.
    Ainsi Geoff s'était-il déplacé jusqu'à mon domicile pour glisser les clefs de l'appartement de sa mère dans ma boîte à lettres et il avait pas su dégager cinq minutes de son précieux temps pour sonner à l'interphone et me proposer de monter ? Ou pour m'inviter à sortir, ou je sais pas, je me comprends. Il me semble que si tu as pris la peine de te taper tout ce chemin, tu peux bien sacrifier vingt minutes pour taper un minimum la discute avec la personne qui hésitait pas, dans le temps, à casser des gueules pour t'éviter qu'on te la démolisse.
    J'aurais voulu, à ce moment-là, hausser les épaules et lui trouver une excuse.
    J'aurais voulu, même, je crois, qu'il n'ait pas appelé un quart d'heure plus tôt. A travers les portes vitrées de l'entrée d'immeuble, je distinguais un ciel chargé de menaces. A la réflexion, j'avais absolument pas envie de sortir me tremper pour nourrir un monstre parce qu'un vieil ami m'avait sifflé comme un chien et quasiment ordonné de le faire.
    Le jeu de clefs de la mère à Geoff, avec ses clefs plates que j'avais toujours connues, rouillées et grasses au toucher, comme si elles avaient traîné exprès dans les coins les plus cradingues de la cuisine. Et sa tête de barbie chauve, plus sale encore, accroché à l'arceau par une petite chaîne noire. Je l'ai regardé longtemps avant de l'envelopper dans un mouchoir en papier pour le glisser ensuite dans la poche de ma veste. Dégoûté, je me suis essuyé les doigts sur le haut des cuisses, puis je me suis dit que je me racontais des histoires en me dirigeant vers le parking.

    « Marie-France, hello ? Vous êtes là ? »
    J'ai ouvert la porte et me suis couvert le nez de la main gauche. L'odeur était si forte que j'en avais mal aux yeux. On était à peu près à mi-chemin entre la merde et l'ammoniaque. Ça sentait tellement que j'avais l'impression de patauger dans un brouillard de fumée et qu'il suffisait que j'évente devant moi avec la main droite pour modifier la composition de l'air.
    « Marie-France, je suis un ami de votre fils. Franck. Vous vous souvenez de moi ? »
    Personne. Pas un chat. Ou alors il était crevé. Qui pouvait vivre dans cette pestilence, sérieux ?
    J'ai avancé de quelques pas dans le couloir insalubre. Sous les semelles de mes caterpillar, je sentais que mes pieds écrasaient des matières molles que je préférais pas étudier de trop près. Sur les parois, des traces de doigts en arc de cercle, brunâtres, marronnasses, granuleuses, des tâches de couleurs diverses tournant autour du même code couleur, des trous creusés au couteau, des étendues de crachats, de morve mouchée à même le mur, des pans de papier peint arraché à coup d'ongles, du sang, des photos froissées punaisées n'importe comment, parfois à ras du sol, des portraits aux yeux brûlés à coup de mégots, des images d'enfants raturées au stylo-bille.
    Je suis pas du genre flippé comme gaillard. J'aurais même plutôt tendance à recevoir des compliments pour mon sang-froid de spetsnaz. Il m'est arrivé de me coltiner des bastons avec des gars de deux mètres qui soulevaient de la fonte et défonçaient des sacs de sable. Je m'en tirai pas à chaque fois mais c'est tout juste si je ressentais une pointe de trac. Jamais d'angoisse, jamais les genoux qui tremblent, la gorge sèche et les dents qui claquent.
    Là, c'était différent.
    Je balisais comme jamais pour la première fois de ma vie. Les poils qui se hérissent sur la nuque, les cheveux qui se dressent sur ton crâne tellement fort que t'as l'impression qu'ils veulent se barrer de ta tête, la descente de sueur glacée qui dévale ton épine dorsale en prenant ta nuque comme point de départ pour s'arrêter à l'entrée de ta raie du cul, tes putains de jambes qui se dérobent, tes pieds soudain gauches, tes mains transformées en deux pierres inertes au bout de tes bras falots...
    « Marie-France ! Ouhou ! »
    J'oubliais la voix chevrotante aux aigus qui te vrillent les tympans.
    Du salon à l'autre bout du couloir me parvenait un éclairage inhabituel. Comme si un directeur de la photo avait décidé de poser ses valises pour quelques heures dans ce deux-pièces minuscule et s'était mis en tête de remplacer les carreaux des fenêtres par un patchwork de gélatines.
    Les filtres optiques qui colorent la lumière sur les tournages, pas le dessert anglais. Ça se présente sous la forme de grandes feuilles de plastique mou, avec des couleurs en veux-tu en voilà. J'imaginais un petit gars avec des ciseaux, le genre gratte-papier des années soixante-dix, avec une barbe mal taillée, des favoris grisonnants et des lunettes carrées à la monture trop lourde. Je le voyais s'acharner sur un paquet de gélatines, découper des formes grotesques, les scotcher entre elles, les agrafer ici et là, puis les poser contre les vitres de la porte-fenêtre, celle qui donnait sur un mètre carré de balcon, de quoi sécher ses fringues et fumer une cigarette en compagnie du chaton.
    J'avais l'impression de me diriger vers une nef d'église à la lumière granuleuse, tamisée par des vitraux infâmes aux images sacrilèges. Parce que l'histoire des filtres optiques, j'y croyais pas une seconde. Dans ma tête, je voyais des nonnes qui s'enfilaient des Christ en gémissant d'extase, tirant la langue à travers des lèvres noires, une langue bifide, d'un rouge sang, charriant un liquide boueux et noirâtre ; je voyais le Christ s'arracher les doigts un à un pour se les glisser dans le nombril, les yeux, les oreilles et l'anus ; je voyais Saint François d'Assise occupé à démembrer un Saint-Christophe hilare, je voyais la Sainte-Vierge accouchant de chiens à deux têtes dans une étable où les animaux couchaient avec des hommes aux parures dorées et aux étoffes ouvragées.
    Pour un gars dépourvu d'imagination, je commençais à trouver ça un peu chargé. J'avais beau chercher une explication, je ne pouvais pas me résoudre à imputer ces visions à mon cerveau malade.
    Avant d'atteindre enfin le dérisoire petit salon de la mère à Geoff, j'ai dû m'appuyer sur le mur souillé. Je ne tenais plus. A l'intérieur de mon ventre inexplicablement ballonné, j'entendais grogner mes boyaux. L'odeur me raclait l'intérieur des narines, pénétrait en moi comme un couteau de cuisine dans une volaille déplumée. Le temps de sentir la merde sur le mur s'infiltrer entre mes doigts comme de la mousse pourrie, j'ai vomi une giclée chaude et épaisse d'un liquide blanchâtre évoquant du lait qui aurait tourné, mixé à de la morve blanche.
    Relevant les yeux, j'ai constaté que rien n'avait changé. Même luminosité malade, même odeur entêtante, et cette impression de traverser un nuage dense. Je me suis essuyé la bouche sur la manche et j'ai continué d'avancer.
    J'ai failli revomir en arrivant au salon. C'était pas seulement l'odeur - elle s'y épanouissait comme les rats dans une décharge - mais la pièce elle-même. Il y avait à peine la place pour un canapé premier prix, ceux où tu rentres à peine à deux et où t'as l'impression que tu vas tellement t'enfoncer que tu vas finir par toucher le carrelage à travers. La seule table ressemblait aux chariots sur roulettes sur lesquels on sert les repas dans les chambres d'hôpital. Une télé dans un coin, une étagère qui avait dû supporter trois livres et deux bibelots avant d'être complètement brisée. Comme sous les assauts d'un forcené. D'une forcenée, me suis-je dit. Il n'y avait ici qu'une autre personne à part moi
    Pour le reste, le canapé avait été éventré, son armature fracassée à coups de pieds ou avec la seule chaise de la maison. Disloquée, les barreaux comme rongés, émiettés avec rage et détermination. L'étagère avait servi à creuser des orifices étranges dans les murs. Des formes géométriques qui se combinaient pour composer des croix de toutes sortes et de tous styles. Des croix romaines, des croix tressées, des croix ansées, gammées ou inversées, des croix grecques ou orthodoxes, des croix de Malte, des croix papales, des croix celtiques, potencées ou bourgeonnées. Le tout recouvert de diverses couches de graisse jaune, de sang coagulé, de touffes de poils et des morceaux de fourrure, comme si on avait frotté les murs avec des cadavres de chats ou de chiens jusqu'à ce que le corps se désagrège et se répande en miettes sur les parois bosselées par les coups. La télé gisait dans un coin, privée de son écran dont les bris de verre parsemaient le sol du salon. Une tête de chat mort dépassait sous le canapé en morceaux et, sur les carreaux de fenêtre, le sang, la merde, et diverses déjections donnaient la pleine mesure de ce qui avait pu se passer ici depuis quelques temps.
    « Comment c'est possible ? Geoff est forcément au courant. »
    J'aurais mieux fait de moins penser et d'agir plus vite. Le temps d'achever mon tour d'horizon, Marie-France était apparue dans l'encart de la porte de sa chambre. Derrière elle, je devinais un cagibi plongé dans une profonde noirceur. Elle semblait se tenir devant comme l'exacte contraire d'une ombre chinoise et Dieu seul savait ce qui se cachait derrière elle.
    Elle exhalait une odeur musquée, à la fois sauvage et sale. A son image. Elle portait une mini-robe de flanelle aux bretelles relâchées, crasseuse et assombrie par la poussière, le sang et les excréments. Son visage angulaire lui conférait un air de sorcière de film d'horreur, la méchante fée qui se déguise en mendiante pour empoisonner la princesse. Des cheveux d'un gris pâle, poussant en paquets sur son crâne crevassé, un nez en forme de protubérance, comme une malformation qui se serait déclarée des années après sa naissance, du mucus jaune-vert dégoulinant sous ses immenses narines. Et ses yeux.
    Putain, ses yeux.
    Ses yeux sentaient le cul, la chatte, le sexe, mais le sexe pratiqué à plusieurs dans une allée étroite, le viol d'une vierge morte, la fellation forcée qui s'achève en castration soudaine, la sodomie frénétique qui ouvre le cul en deux et déchire le corps entier.
    C'est quand elle a ouvert sa gueule d'aspic ravagé que j'ai failli devenir fou.
    Elle a dit :
    « Tu viens, chéri ? Je t'ai attendue toute la journée. »
    Ou plutôt : « Toute. La. Jour-née. »
    En claquant la langue entre chacune des quatre dernières syllabes. Avec ce claquement humide qu'il me semblait reconnaître mais amplifié. J'y entendais un tuyau se vider pendant des plombes dans une mare de vase, un cloaque embrasser la bouche d'un zoophile, des yeux sortir de leur orbite. C'était un son que l'oreille attribuait naturellement à la bande-son d'une action maléfique, cruelle, le bruit d'une chose que l'on n'avait pas envie de voir et encore moins de toucher.
    Et sa voix.
    Sa voix était ce qu'il y avait de pire.
    Des chaînes d'acier ébréché traînées sur le ballast, des serres d'aigle griffant l'ardoise d'un tableau noir, des planches vermoulues craquant langoureusement sous le poids d'un enfant, des bottes en peau de chamois crissant dans la neige... sa voix évoquait tout cela avec une nuance de fiel chargée d'un érotisme incandescent. A l'entendre me susurrer ces mots de cette voix absurde et dangereuse, je me suis à bander comme un âne, sans pour autant ressentir le moindre désir conscient. Sa bouche pustuleuse me faisait horreur, son nez semblait doté d'une vie propre et j'avais la sensation qu'il fallait absolument que je l'écrase à coups de talon, comme un œuf pourri pondu par une araignée géante.
    « Résiste pas, mon loup. Je sais que tu en meurs d'envie. »
    L'instant d'après, elle était sur moi, à califourchon sur mon corps affalé sur les détritus et je ne sais quels immondices dont le parfum me prenait brutalement la gorge. Ses jambes puissantes ressemblaient à des pattes de bouc, fortes et recouvertes d'un poil gris. Elles m'enferraient de leur prise en étau et ses mains me maintenaient comme cloué au parquet par les épaules. Je sentais ses ongles démesurément longs se planter dans ma peau, et ses yeux, ses yeux impossibles me regardaient du fond d'un autre monde, m'ôtant toute volonté. Je sentais quelque chose remuer sous ma ceinture, comme si quelque chose était sorti de sa vulve pour dénouer ma braguette et s'emparer de mon sexe inexplicablement rigide.
    « Ssssssh, laisse-toi faire, petit Franck. Depuis le temps qu'on prépare ça. »
    Toujours cette voix hideuse, surgie de nulle part. Lorsqu'elle a ricané la seconde d'après, ça sonnait comme un varan secoué par une quinte de toux.
    J'ai regardé l'endroit où nos corps se touchaient.
    J'aurais sans doute pas dû. J'aurais probablement mieux fait de m'évanouir. Avec un peu de chance, je me serais réveillé chez moi et tout, jusqu'au coup de fil de mon vieux copain Geoff, n'aurait jamais été qu'un rêve un peu tordu. Ce genre de rêve où tu te poses des questions sur ta santé mentale.
    Je ne suis pas tombé dans les pommes. A la place, mon sang s'est congelé dans mes veines et j'ai poussé un hurlement comme j'ignorais que j'en étais capable.
    Là où son sexe s'ouvrait en grand sur mon pantalon baissé, une petite main vert kaki aux doigts écailleux s'appliquait à retenir les pans de mon jean's tandis qu'une deuxième main s'occupait de me branler avec le tact et la douceur d'un gorille sous crack. Inexplicablement, ça fonctionnait. Au-delà de la terreur que j'éprouvais à cet instant, le plaisir monstrueux qui me remontait de la verge me disait de fermer les yeux et de me laisser aller. De me laisser happer par cette fente trop large et trop noire. Ce n'est qu'en comprenant d'où sortaient ces deux pognes que je me suis mis à me débattre avec l'énergie du dernier espoir.
    Chacune de ces mails - dont je distinguais mal le nombre de doigts tant ils s'enroulaient comme des vers autour de mon sexe dressé - se situait au bout d'un tentacule de chair tendre, à la peau verte et squameuse, une peau de requin croisé avec un python. Les tentacules s'enracinaient dans sa vulve en arc-de-cercle, comme des poils trop longs qu'un mauvais sort aurait transformé en ce... ces abominations. Ils sortaient de cette béance trop grande, dont je comprenais sans vraiment me le figurer qu'il s'agissait d'un passage vers un ailleurs que je n'avais pas envie de connaître.
    J'ai réussi à la bazarder de l'autre côté de la pièce.
    J'avais les cheveux trempés d'un mélange de matières ignobles, le corps douloureux, et sous mon poids s'écrasaient des choses qui étaient peut-être encore vivantes. Je me suis relevé le plus rapidement possible en regardant la mère à Geoff se remettre sur pied à la manière d'un crabe sautant sur ses pinces.
    Les quatre membres déployés autour d'elle, elle prenait des allures d'araignée de cauchemar. Ses coudes et ses genoux se pliaient selon des angles tordus dans une tension extrême, tout en pointes et torsions, et je m'attendais à voir jaillir de ses commissures de lèvres deux gigantesques mandibules, l'équivalent de deux cornes mobiles, capables de pincer et de déchirer la chair. Les deux mains qui étaient sorti de sa chatte -
    (mon Dieu mais qu'est-ce que je raconte bordel de bordel de bordel)
- avaient réintégré leur nid.
    Je me suis souvenu du cran d'arrêt glissé dans la poche à briquet de mon Levi's. Cette petite poche tout en long, en haut de la poche classique, toujours du côté droit. C'est là que tu glisses tes pièces, tes billets pliés en quatre, ta barrette de shit. Le cash, ça faisait un bail que j'en portais plus sur moi et j'avais arrêté les pétards en fin de fac, quand il m'apparaissait de plus en plus clairement que j'étais déjà mal barré dans la course au boulot pas trop naze. J'allais rien arranger à ma situation si je me coltinais des yeux rouges en permanence et des trous de boulette sur le t-shirt. En revanche, le couteau à cran d'arrêt, j'y tenais et je m'en servais. Pas tant pour me battre ou suriner les connards mais bien pour impressionner l'adversaire en surnombre.
    En général, ça marchait.
    Il suffisait que la lame gicle de son fourreau dans un « tchac ! » caractéristique. Les autres en face captaient le message illico : j'étais pas le dernier perdreau de l'année et il fallait se lever tôt pour m'arracher un tremblement. Alors ouais, je m'en tirais presque toujours avec une démonstration visuelle. Pas d'échange de coups, pas d'estafilade. Juste cette lame de douze centimètres qui poussait au creux de mon poing en mode express, un rictus de cow-boy laconique et mon regard de tueur.
    Pour la mère à Geoff, ou ce qu'il en restait, ces considérations perdaient tout leur sens. Quand j'ai défouraillé le scalpel, je me suis senti aussi nu et désemparé que si je m'étais contenté d'agiter un hochet dans sa direction.
    Elle a poussé un nouveau ricanement de sa voix empruntée à un transistor du siècle dernier et s'est jetée sur moi, une fois encore, dans un feulement discordant.
    J'aurais voulu l'éviter - ah comme j'aurais voulu m'écarter d'un bond pour qu'elle s'écrase contre le mur derrière moi ! Qu'elle s'écrase comme les bestioles sur le pare-brise à l'époque où il restait assez de bestioles pour dégueulasser les pare-brises. Mais cette salope avait bougé avec l'agilité d'un fauve.
    J'ai réussi à la tenir à bout de bras, lui collant la lame de mon couteau pile en haut du torse, pas loin de sa gorge. Un filet de sang noir a jailli de l'orifice, recouvrant mon avant-bras de sa texture étrangement terreuse. J'y décelais des grumeaux qui grossissaient, qui faisaient « plop » et, dans les éclaboussures de leur écume immonde, des asticots couleur de merde naissaient par paquets de six ou sept. Horrifié, j'ai regardé ces putains de vers descendre le long de mes bras tendus, s'approcher de mes épaules, de mon menton, de ma bouche !
    Je me suis vomi dessus. Une fois, deux fois, incapable de m'arrêter. Les asticots, l'odeur omniprésente, ce monstre absurde, j'en pouvais plus ! Si je n'arrivais à rien dans un avenir proche, j'allais finir par tourner de l’œil et ce serait la fin pour ce bon vieux Franck.
    C'est là qu'elle m'a souri.
    Je pensais avoir tout vu et je n'avais pas encore dégoupillé. Mais il avait fallu qu'elle se fende en deux. Littéralement - ou presque. Elle a ouvert sa bouche énorme. Elle l'a ouverte tellement grand que ça lui faisait le tour de la tête. J'ai cru que celle-ci allait se séparer en deux, comme une pastèque découpée à la machette.
    Les ongles de ses orteils me lacéraient le pantalon, la peau, les muscles. Ce n'étaient plus des ongles, des griffes, des serres, mais quelque chose d'autre, plus long, plus effilé, plus dur. Et ça s'enfonçait jusqu'au bout, fouillant la chair, remuant la viande, rongeant jusqu'à mes os.
    J'ai repensé à Geoff qui m'avait demandé de passer nourrir sa mère. J'aurais jamais cru que ce serait dans un sens aussi littéral, bordel !
    Et là, j'ai entendu la voix de Geoff lors de notre conversation téléphonique, les silences, ce putain de ton qu'il avait eu à un moment, et je... je sais pas trop ce que j'ai imaginé, réalisé, entrevu, mais j'ai craqué et j'ai rué.
    Ouais. J'ai rué comme un putain de cheval sauvage.
    Me suis cabré dans tous les sens, j'ai secoué mon corps malgré la douleur, malgré le poids de la vieille, malgré ces saloperies que je sentais ramper sur ma peau. Une seule pensée à peu près lucide traînait alors dans mon esprit parti je ne sais où :
    « C'est quand même pas une radasse qui m'a connu acnéique qui va me foutre la trouille, putain de Dieu ! »
    La mère à Geoff - enfin, la créature qui avait été sa mère - je l'ai envoyée valser vers la porte de sa chambre qui s'est ouverte d'un coup pour lui livrer passage. Pas bien compris si la porte a bougé toute seule pour qu'elle puisse entrer ou si elle s'est pris le battant dans la gueule, mais au moins, j'étais débarrassé de son poids et de ses foutues griffes.
    Je me suis relevé aussi vite que j'ai pu mais j'avais la chair à vif. Ma jambe gauche ressemblait à un figurant de film d'horreur. L'os apparent sous le genou, des vagues de derme repliées en couches froissées, du sang partout, le muscle entamé. Je ne pouvais que boiter et ça faisait un mal de chien.
    « Ben mon cochon, si je m'attendais ! »
    Geoff ? Attends, quoi ?
    Je me suis retourné vers le couloir de l'entrée. Il était là, l'enfoiré. Impeccable dans son costard couleur crème, celui qui sied particulièrement aux chemises à col Mao sous le pull en cachemire. Immaculé, irréel, sublime.
    « J'ai beau te connaître depuis vingt ans, je crois que tu me surprendras toujours. C'est admirable. »
    Il a regardé bien attentivement autour de lui, pas le moins du monde surpris, l'air d'évaluer les dégâts en connaisseur. Genre, je surprends tous les jours un vieux pote occupé à se faire bouffer le tronche par ma génitrice. Avant d'ajouter dans un sourire :
    « Je n'imaginais pas une seconde que tu respirerais encore à mon arrivée. »
    (Le salaud.
    Le putain d'enfoiré de saloperie de salaud.
    L'enfoiré de sa mère de saligaud, d'ordure, de merde, de...)
    Fallait que je me ressaisisse.
    Sans tarder.
    Sans perdre une seule seconde.
    (Qu'est-ce qu'il me veut qu'est-ce qu'ils foutent qu'est-ce que c'est que ce merdier pourquoi ses yeux à lui changent de couleur pourquoi ils clignent à la verticale putain on dirait l’œil de Sauron tout était préparé depuis quand qu'est-ce qui se paaaaaaasse)
    J'en étais arrivé au point où le shoot d'adrénaline qui m'avait permis de bazarder Marie-France dans sa piaule avait perdu toute efficacité. J'étais à court de jus. Trop de mon sang trempait le sol déjà visqueux, la douleur me fatiguait, et voir mon pote ramener sa fraise la bouche en cœur m'avait foudroyé. Je ressentais comme un vertige brutal, avec l'impression de tomber en chute libre. Pourtant, je restais à peu près droit, adossé au mur plein de merde, le pied droit légèrement relevé pour reporter le poids de ma jambe déchiqueté sur l'autre, à peu près intacte malgré de sinistres entailles.
    « Geoff, sérieux ? Tu... Que... Je... »
    Il a éclaté d'un rire méchant. Cruel. Sournois. Un rire de pauvre type capable d'écraser un chaton pour peu qu'on lui fournisse un excuse valable.
    Je pense qu'il aurait voulu sonner comme un méchant de dessin animé, ou comme Dark Vador ou le Joker. Un rire bien diabolique de suppôt de Satan, le cri venimeux et putride de ceux qui vouent leur existence au Mal. Avec une majuscule, pour qu'on comprenne bien.
    Mais son rire m'a paru grêle et bassement humain. J'ai pensé à Eichmann jouant aux cartes avec des collègues pendant qu'on gazait des femmes et des enfants portant l'étoile jaune ; j'ai pensé à des députés capables de voter des lois qui pourrissent la vie des pauvres et leur coûtent littéralement des années de vie, des lois comme l'assurance-chômage ou la réforme des retraites ; j'ai pensé à tous les exemples de malfaisance ordinaire, les sordides avanies du quotidien, les petits chefs qui te harcèlent, les gamins qui te traitent de gros, les commerçants qui refusent de te dire bonjour parce que c'est leur comptoir à eux et que ça leur donne le droit de te mépriser si ça leur chante. J'ai pensé aux plaisanteries de mauvais goût qui virent au drame et aux bras d'honneur qui finissent en pugilat, et tout ce que j'ai réussi à dire, c'est :
    « T'as rien trouvé d'autre que de m'envoyer ta mère ? Tu sortiras jamais de ses jupes, pas vrai, mon con ? »
    Ça l'a calmé direct. Son rire mégalo a fini dans un tiroir et le seul bruit qui me pénétrait les oreilles, c'était la respiration saccadé de sa mère.
    Marrant, d'ailleurs. Elle reprenait progressivement forme humaine. Oh, toujours aussi crade et déformée mais elle était redevenue bipède et à peu près normale pour quelqu'un qui fuyait les cabines de douche depuis...
    « Arrête de la regarder comme ça, Franck. Tu n'as pas idée de ce qui va t'arriver, tu n'es pas en mesure de comprendre quoi que ce soit, et encore moins de la comprendre, elle. »
    Il l'a montrée du pouce, prenant soin de ne pas la regarder et de ne pas trop approcher sa main. Visiblement, lui-même n'était pas totalement immunisé contre le croquemitaine.
    « D'ailleurs, je vais même pas me fatiguer à t'expliquer quoi que ce soit. C'est une « cérémonie », ok ? C'est tout ce que t'as à savoir. On prépare ça depuis toujours et on a pas de temps à perdre. »
    Entre la migraine, la nausée, le malaise en phase crescendo et mon équilibre de plus en plus incertain, j'avoue que je n'attendais plus vraiment d'explications. Cette fiente épaisse m'avait trahi et ça me suffisait.
    En revanche, j'avais du mal à tolérer qu'il ait effectué le symbole des guillemets avec les doigts au moment de prononcer le mot « cérémonie ». C'était quoi la suite ? Un check pour me souhaiter bon voyage en enfer ? Est-ce qu'il envisageait de me « sacrifier » au cours d'un douloureux « rituel » ?
    J'ai connu des satanistes plus convaincus.
    Sur cette pensée passablement réconfortante, je me suis senti piquer du nez. Surtout pas, que je me disais, reste conscient, je me répétais.
    Alors je me suis touché l'os de ma jambe droite avec le bout du doigt.
    Trop mal. Trop. Beaucoup trop. C'est là que j'ai perdu connaissance.
    Comme un con.
    Faut croire que je suis d'un naturel accommodant.

    « J'y crois pas, il reprend connaissance ! »
    Toujours cette odeur d'ammoniaque, d'excréments, de viande pourrie. Toujours l'impression que l'air était pollué et qu'on se regardait à travers un filtre à air. Et la douleur.
    Geoff se tenait nu, le visage peint. Ou maquillé. Je saurais pas dire. Je le trouvais ridicule.
    Ce qui m'inquiétais, c'est que je voyais pas sa mère. Enfin, sa mère...
    J'essayais de tourner la tête d'un côté puis de l'autre mais Geoff m'avait vraisemblablement glissé le crâne dans un étau. Mon champ de vision se réduisait à ce qui se passait pile devant moi. A savoir le mur en face de la piaule. Toujours aussi crade, mais avec un petit ajout artistique de la main de Geoff : un pentacle inversé. Sans aller jusqu'à me poser en spécialiste, je connais un peu ce genre de délire à cause d'une ex qui se tapait des bouquins de sorcellerie en écoutant du Marilyn Manson. Elle était bête à manger du foin mais j'ai toujours eu un faible pour les goûts vestimentaires des goths. Appelons ça une sorte de fétichisme mou.
    Là, en fait de fétichisme, j'avais droit au corps mal gaulé de Geoff, peinturluré à l'encre de Chine, ou avec un mix de divers fluides corporels, j'avoue que je m'en foutais un peu, jamais rien capté au body painting. J'étais surtout blasé, épuisé de cette situation à la fois dérangeante et puissamment grotesque. Il avait gardé ses chaussettes de tennis, nom d'un chien !
    J'ai revu la gueule du grand méchant du « Temple maudit », le deuxième épisode d'Indiana Jones, et je l'ai imaginé avec le même genre de chaussettes, toutes blanches avec un liseré rouge et la marque Puma figurant sur le côté grâce à son logo facilement reconnaissable. Des chaussettes blanches, bien tirées jusqu'en haut du mollet.
    Forcément, j'ai ri.
    Surpris, et pas la moitié d'un peu, Geoff l'a eu mauvaise. Je le voyais à sa tronche chiffonnée.
    « Tu as tort de te marrer, Franck. Que tu sois encore en vie tient du miracle. »
    Il avait adopté un ton de voix que je ne lui connaissais pas. On aurait qu'il avait consulté un catalogue de voix-clichés et qu'il avait sélectionné la spéciale « Gloire à Satan », avec des basses forcées et des intonations sardoniques qu'il ne maîtrisait pas. Je me suis dit qu'il allait me refaire le coup des guillemets et j'ai rigolé plus fort.
    « C'est ça, profite de tes derniers instants. Ris tant que tu peux et je m'occupe d'invoquer Asmodée et ses soixante-douze légions. »
    Il avait essayé de prononcer ces derniers mots avec la voix ferme et assuré d'un prédicateur mais on sentait que ça tremblotait un max du côté de sa glotte. Ses mots se brisaient à mesure qu'ils abandonnaient ses lèvres peintes.
    Je me suis esclaffé encore un coup. De toute façon, je savais que j'avais perdu. J'ai repensé aux bastons à l'issue desquelles je terminais par terre, le nez en sang, et je me suis dit que c'était jamais qu'un sale moment à passer.
    Il s'est mis à causer dans une sorte de langue toute en sifflantes, avec des « rhâ » et des « greuh » qui lui remontaient du fond de l’œsophage.
    « T'as un putain de chat coincé dans la gorge, Geoff ? »
    Ha, putain de ha ! Je riais maintenant aux larmes.
    Il m'a lancé le regard qui tue, celui que les acteurs de cinéma pratiquent devant un miroir pour obtenir le rôle du héros à qui on la fait pas. Pour moi, ils ont tout faux. C'est pas le regard qui fait le héros, c'est le fait d'en avoir rien à carrer.
    « T'as toujours été une sous-merde, Geoff. J'aurais dû m'en douter mais je suis naïf, pas vrai ? »
    Il a rien dit mais je savais que j'avais raison.
    « Tu m'as choisi je sais pas trop comment. Ta mère a toujours été une sorte de... Bah, une folle amoureuse du diable et de ces conneries pour attardés. On peut pas dire que ça lui ait réussi, en tout cas. Je croyais qu'on en avait pour son argent quand on vendait son âme. Si c'est pour finir par ressembler à un clodo dans un T2 dévasté, franchement, hein... »
    Le visage de plus en plus renfrogné, il a levé la main vers moi, la paume tournée vers le sol. Il l'a relevée d'un coup en prononçant des syllabes qui auraient fait fureur au scrabble et j'ai senti tout à coup que je pouvais bouger la tête. M'en suis pas privé et ce que j'ai vu m'a coupé l'envie de rire. J'imagine que c'était le but de la manœuvre.
    Sa mère - le monstre qui avait été sa mère s'était enroulé autour de mes jambes, sa bouche ne faisant plus qu'un avec mon bas-ventre. L'effet ventouse fonctionnait à plein : j'avais perdu toute sensation de ce côté-là. Sous la ceinture, j'étais devenu pur esprit. Et l'autre bidule qui pompait, pompait, pompait... sur un tempo enlevé, comme la respiration d'un coureur qui ne sait pas ménager son souffle. Je voyais son dos se gonfler comme une baudruche. Cette créature ne ressemblait de toute façon à rien de cohérent et je n'avais plus aucune raison d'avoir peur.
    « Je t'ai repéré à mon arrivée dans la cité, Franck. C'était facile, tu me diras. Le seul autre blanc. Mais selon ma mère, tu avais cette odeur... elle disait que tu embaumais l'innocence. C'est le mot qu'elle a employé, oui mon petit Franck : « Embaumer ».
    (nouveau geste imbécile pour figurer les guillemets, franchement y a des gens qui changeront jamais)
    « … Pour user de termes un poil désuets, mon vieil ami, tu portais en toi cette espèce de force d'âme que d'aucuns nomment « noblesse » mais qui se résume en fin de compte à une sorte de naïveté mièvre. Pour ma mère, en tout cas, tu représentais le parfait sacrifié. L'agneau de Dieu. Je te passe les détails parce que l'heure tourne et qu'elle est déjà partie dans un autre espace-temps. »
    Il l'a montrée du menton, l'air moyennement intéressé, avant de conclure.
    « Même notre rencontre dans le couloir du bahut, quand les gamins ont vidé mon sac par terre et que t'as voulu jouer les Don Quichotte, même ça, je l'avais préparé. Il n'y a jamais eu la moindre amitié entre nous. J'ai entretenu le lien en prévision de ce moment précis. Les sms, les conversations, les séries, les boulots que je te trouvais, c'était juste pour te dorer à point, si tu veux bien me passer l'expression. Alors, adieu, Franck. »
    J'ai hoché la tête dans un sourire moqueur. Comme je disais, je suis d'un naturel arrangeant et vu que j'avais zéro chance de mon côté, je préférais la jouer détendu. Sa mère continuait de faire la ventouse dans un méchant bruit de succion et la douleur s'était quelque peu estompée. En réalité, je me sentais plutôt bien pour un type qui avait perdu la moitié de son sang et quelques kilos de chair du côté de ses gambettes.
    J'ai piqué du nez quelques secondes, le temps d'apercevoir la bouche de Marie-France se délier de mon sexe encore rigide. Je ne ressentais rien. Ni plaisir, ni douleur, ni rien. J'étais comme détaché de ce truc tout dur que j'avais bien connu jadis et je sais pas trop ce que j'en pensais.
    D'une façon que je ne m'expliquais pas - mais qu'il serait inutile de nier - je savais que mon corps subissait des modifications profondes. Le débit de mon flux sanguin, le couleur de mes yeux, la densité de mon système pileux. Ou peut-être la composition de mes cellules, la structure de mon ADN, le schéma narratif de mon ossature.
    Aucune idée. Je ne cherchais même plus à comprendre. Je m'évanouissais toutes les trois minutes pour reprendre conscience dans la foulée. Dans un grand flash de lumière rouge, l'air poussant dans mes poumons comme la foule à Sheffield, sans douceur ni nuance, comprimant mes organes et me brûlant l'intérieur de la gorge lorsque ceux-ci l'expulsaient comme on crache de la bile.
    Pourtant, je devais me rendre à l'évidence et constater que la vieille peau à gueule de monstre s'était comme qui dirait calcifiée sur le bas de mon corps. J'avais comme une excroissance solidifiée, fossilisée autour de mes couilles, mes cuisses, mes genoux, et c'était la mère à Geoff.
    Sans la lumière et sans le son, comme un amas rocheux qui se serait mélangé à ma structure atomique. Je dirais pas qu'on ne faisait plus qu'un. Disons que j'étais comme un vieil arbre qui se serait aperçu après plusieurs siècles que ses racines sont plantées dans un gros caillou depuis le début.
    Face à moi, Geoff ressemblait de plus en plus à un croquis sur une toile blanche suspendue dans les airs, dont on ne devinerait qu'à peine la trame dissimulée dans les replis infimes de la réalité. Je le sentais loin, factice, mal dessiné. Le trait de crayon d'un gamin qui préférait les jeux de ballon à la ligne claire.
    Et je retombais dans les pommes. Ciao, les gars. Cette fois, c'est sûr, j'y passe, je me réveille plus.
    J'avais tout faux. Je revenais à moi aussitôt. Parmi les vivants ou ce qu'il en restait.
    A chaque va-et-vient, j'entrouvrais les yeux, j'exhalais mon dioxyde de carbone qui fleurait bon le feu de forêt, les fumées d'usine, les gaz d'échappement, et je voyais ce con de Geoff se racornir. Il s'étiolait à vue d’œil dans ce T2 incandescent. Toujours plus maigre, les os cassants, la gueule dévorée par l'incompréhension. Après tout, sans que je puisse dire comment, j'étais en train d'absorber la force vitale de la chose qui avait été sa mère - probablement une créature hybride issue d'une partie de baise entre la véritable Marie-France - la vraie, l'originale, celle qui avait accouché de mon pseudo copain quand j'allais sur mes deux mois - et un démon à cornes et queue fourchue. Je lisais dans les yeux de Geoff un refus brutal, scandalisé. On sentait bien que jamais il aurait envisagé que ça se finisse comme ça, pour lui et la vieille. Et moi vivant, les muscles ragaillardis, la peau reconstituée, plus rugueuse et mate qu'auparavant, avec des relents de soufre sous la langue, derrière la glotte, dans les narines et jusqu'au fin-fond de mes conduits nasaux. Je me sentais à nouveau fort, incroyablement jeune, quasiment invincible.
    Je me suis libéré sans y accorder le moindre ersatz de pensée. Je n'ai pas eu à forcer, je n'ai rien dénoué, rien brisé ou tordu. J'étais prisonnier et, l'instant d'après, je ne l'étais plus. J'ai craché un nuage de fumée noire par narine et j'ai contemplé ce qui restait de la mère à Geoff. Un tas de cendres monochromes figurant sa silhouette comme une statue de sable particulièrement fragile. Il aurait suffi d'un léger souffle, à peine un éternuement pour la dissoudre dans les airs. Adieu, les particules, ciao les miettes de rien.
    J'ai souri de toutes mes dents - des triangles pointus, affûtés comme des dents de requin - et j'ai réalisé, en les caressant de ma langue épaisse, que j'en avais plus qu'avant.
    J'ai pensé aux mâchoires des squales et le sourire s'est allongé jusqu'à ce que mes lèvres angulaires effleurent le lobe de mes oreilles.
    Geoff gisait face contre terre, le nez fracassé en une myriade de petits bouts d'os.
    Je l'ai retourné sans ressentir le poids de son corps. J'ai lâché, sur son cadavre, un filet de glaire rouge, poisseuse et bouillonnante.
    « J'étais censé être mort, connard imbu de toi-même. Quand on ne respecte pas le rituel, il se retourne contre toi. Même le fan de Marilyn Manson le plus débile est au courant. »
    J'ai laissé retomber sa tête dans un « schaf ! » de dessin animé et me suis dirigé vers la sortie.
    Sa veste immaculée avait été soigneusement suspendue sur le porte-manteau à gauche de la porte de l'appartement. J'avais pas l'intention de la prendre - j'avais toujours été beaucoup plus corpulent que cette crevette de Geoff et je savais que je rentrerais jamais dedans. Mais l'abruti se trimbalait des cigares dans la poche intérieure depuis qu'il avait décroché son premier poste de haut responsable dans une boîte à fric. J'en ai agrippé un entre mes doigts griffus et je l'ai allumé sans briquet.
    Grâce à ces deux tarés, ma vie n'allait pas tarder à devenir beaucoup plus intéressante.
    Je suis sorti de l'immeuble en claquant des sabots sur le trottoir.

= commentaires =

Lapinchien

lien tw yt
Pute : 13
à mort
    le 06/05/2025 à 21:08:39
Mill n'arrête pas de nous bluffer quel que soit le genre voire plutôt les genres qu'il croise et mélange avec inventivité. Encore une fois il m'a estomaqué. Mill est un serial bluffeur et un serial estomaqueur.
Mausel Crine

Pute : 2
    le 06/05/2025 à 21:44:17
Comme quoi ça vaut le coup de se faire manipuler, une ascension libératrice, cool à lire.

Du coup Franck va devoir sucer une bite pour changer d'hôte ?
    le 07/05/2025 à 11:41:58
Techniquement, j’aime l’utilisation des guillemets et des tirets cadratins. C’est en outre cette typographie qui est recommandée par l’Imprimerie nationale.
Mausel Crine

Pute : 2
    le 07/05/2025 à 11:42:06
et l'immondice des textures est magnifique : "Un filet de sang noir a jailli de l'orifice, recouvrant mon avant-bras de sa texture étrangement terreuse. J'y décelais des grumeaux qui grossissaient, qui faisaient « plop » et, dans les éclaboussures de leur écume immonde, des asticots couleur de merde naissaient par paquets de six ou sept." bien nauséeux à souhait merci
Mausel Crine

Pute : 2
    le 07/05/2025 à 11:45:05
paul y'a aucun cadratin dans le texte, tu es donc viré (— / -)
    le 07/05/2025 à 13:00:12
En fait, non, ou disons oui. Ce que je veux dire, c’est que cet usage des guillemets pour des dialogues suppose chez l’auteur une maîtrise des cadratins. Quelque chose que je ne vois pas très souvent.
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
T’en    le 07/05/2025 à 14:44:18
Mets trop. Comme Clapton mais avec quelques couacs et des plans usés jusqu’à la trame . Je parle de la seconde partie dans l’antre d’arachne. Je veux dire, métaphore à gogo, adjectif au taquet. JJ Cale fait le job avec moins de notes, je trouve. Bon, j’ai pas dit que le zicos valait rien, note, mais, tu te regarde trop écrire.
Sur l’ histoire, mais ça, c’est perso, ici, tu la joue grand guignol façon Sam Raimi, c’est un peu bateau, je pense que, niveau diablerie, c’est plus fin de la jouer Shirley Jackson, par exemple. À moins d’avoir un public de demeurés. C’est le cas ?
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
Je dis    le 07/05/2025 à 14:46:51
Pas ça méchamment, juste que je suis sûr que tu peux jouer mieux.
Mill

lien fb
Pute : 14
    le 07/05/2025 à 16:33:30
Ma foi, l'effet grand guignol est l'effet recherché. En réalité, j'en ai enlevé.
Mausel Crine

Pute : 2
public de demeurés    le 07/05/2025 à 16:45:56
merde
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
Mec,    le 07/05/2025 à 17:26:12
Fais moi peur.
J’ai même pas eu peur. Parce que, si tu sors les goules, ça devient grotesque. Je développe , King est le meilleur dans Shinning, Carrie, Christine, parce que le malin et ses potes restent… à la frontière du réel… Straub, tu le connais, il n’a pas besoin de convoquer le Croc monstre show. C’est pour les gamins, et j’ajoute que j’ai peur du noir. Sinon, ta réflexion sur les insectes, ça, c’est bon, parce-que, c’est simple et vrai. Pour terminer, un stiletto de douze centimètres fermé dans la poche Zippo du 501, ça fonctionne mal. Primo, la poche est trop courte et trop serrée, tu vas avoir du mal à dégainer rapide- surtout si ta lame est un bon vieux Bargeon de loubard avec des mitres en plastique noires, et puis, le manche va dépasser, ça fait désordre dans notre société de couille molle, enfin, quand tu t’assois, le bas du manche te rentre dans le haut de la hanche, le mieux, c’est de le porter dans la poche arrière, la gauche ou la droite, suivant la main que tu utilises.Mais, ça peut se voir si ton cul est musclé, voire, bombé. Attention, cependant, il faut bloquer la sécurité, qui te fait perdre du temps en cas d’embrouilles, et même, malgré ça, les crans ont tendance à s’ouvrir après quelques mois de service. En hiver, tu le fous simplement dans ta poche de blouson, c’est pas mal, aussi. Et dans l’autre, tu peux ajouter un poing américain, pour harmoniser. C’est rien chouette.
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Mill, mill    le 07/05/2025 à 17:39:01
Je crois vraiment que pour mettre dans le Mill, heu, le mille, en matière d’horreur, faut se lever de bonne heure. Un appel à texte avec le mal intangible sans monstres, sans dieux cosmiques à la con, ça serait cool. Et on va tous se viander.
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
Tenez,    le 07/05/2025 à 19:32:28
Aujourd’hui, j’ai effacé un de mes textes en stock sur mon compte de la Zone. Je le trouvais pas mal mais j’étais pas certain que les autres soiyent du même avis que moi. Alors, je l’ai relu comme si c’était pas moi qui l’avais écrit. Et je l’ai effacé. Sur mon phone. Car j’avais oublié mes codes sur le nateur. Alors, ça m’a pris des plombes, tic, tic, tic, une ligne. Et j’arrivais pas a sur-ligné tout ça et à appuyer sur X , bonsoir. Mais. Au bout d’une demi-heure, y’avait plus rien. Sauf le titre. Que j’ai trouvé chouette.Alors, je l’ai gardé.
Mausel Crine

Pute : 2
    le 07/05/2025 à 19:38:27
C'est comme la chanson de Air je crois, Love.
Au départ y'avait plein de paroles. Ensuite ils ont coupé, coupé, coupé... Et ils n'ont gardé qu'un seul mot de hippie de merde dégénéré.
Lapinchien

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Pute : 13
à mort
    le 07/05/2025 à 20:21:45
Ah ouais, "kelly watch the stars" en boucle, la fameuse "french touch" ? "Air" pourrait tout aussi bien s'appeler "Gaz" en fait.
Mill

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Pute : 14
Magical Pampers    le 07/05/2025 à 23:32:58
Alors, on est jaloux ?
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Mill    le 08/05/2025 à 09:29:54
Jaloux de quoi ? De l’idée des insectes sur le pare-brise ? Oui. En lisant ça, me suis dit, putain, c’est vrai, merde !
Après, j’ai été surtout des parce que je pensais plutôt à « la mère à Titi » dans la première partie de ta nouvelle et c’est passé aux « Démons de minuit », lors, même pour un mage Toulousain, c’était toi Michel, putain-con!
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Mill J’ai    le 08/05/2025 à 09:30:41
Été surtout déçu ( mon correcteur)…
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Mill    le 08/05/2025 à 09:32:21
C’était to much ( toi Michel), je vérifie jamais cette connerie de correcteur !!!! Désolé
Mill

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Pute : 14
    le 08/05/2025 à 17:43:05
En réalité, je te taquine. C'est un débat sur la forme assez classique qui m'ennuie un peu. ce texte précis, je ne le voyais pas autrement. Il lui fallait de l'outrance et du grand-guignol, avec quelques morceaux de fantastique extrêmement classique. Shirley Jackson, en d'autres termes, ne m'amuse pas sur la durée. Mais surtout, cette nouvelle est le fruit d'une séance d'improvisation. Je suis parti dans une direction parce que j'aimais les personnages et je voulais qu'il se passe quelque chose dans l'appart de "la mère à Geoff", et la référence à la chanson de Renaud est tout à fait pertinente puisqu'elle m'a trotté dans la tête pendant toute la durée de la rédaction.
Lapinchien

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Pute : 13
à mort
    le 08/05/2025 à 17:45:24
"La mère à Titi" ou "dans mon HLM" ?
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Mill @Lapinchien    le 08/05/2025 à 18:15:13
Plus la mère à Titi, je trouve, rapport aux deux camarades. Je critique à mort les admins, car, après votre festival d’auto suçage de bistouques de la StCon, c’est la moindre des bassesses. Et puis, vous pourrez me descendre à ma prochaine daube…
Lapinchien

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Pute : 13
à mort
    le 08/05/2025 à 18:20:48
@Magicien Pampers : C'est marrant l'aptitude que tu as à alterner super bons textes et bouses innommables. SI j'étais parano, je penserais que c'est intentionnel et que tu te fiches bien de nos tronches.
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Lapinchien    le 08/05/2025 à 20:03:06
Quoi ?
Mais j’ai donné que des chefs d’œuvres à la zone!?
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@lapinchien    le 08/05/2025 à 20:21:33
Arsène Lapin, le texte Hunter, c’est Lynch, vous vouliez du Lynch, voilà du Lynch, du Blinch, du Sprin’tch. Le lécheur de l’espace ? Un monument pulp macho féministe. Mais, j’ai échoué avec le sujet du storybranling , je comprends pas le sujet… je comprends pas lorsque tu causes anglais électronique nouveau mot. Déjà lorsqu’ils ont confisqué sa clope à Lucky Luke , ça m’a inquiété. C’était pas certain que j’arrive à survivre au centre aéré, con.
Lapinchien

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Pute : 13
à mort
    le 08/05/2025 à 20:25:09
c'es pas grave, écris juste un texte de SF aussi bon que ton texte Hunter S Thompson
Magicien Pampers

yt
Pute : 10
@Lapinchien    le 08/05/2025 à 21:01:06
Lucky Luke, c’était le plus cool.
Lapinchien

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Pute : 13
à mort
    le 08/05/2025 à 21:07:10
Je crois que je t'ai compris. Demain je vais faire une IRM de routine, on ne sais jamais.

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