LA ZONE -

Strike

Le 09/07/2025
par Marie Chamareny
[illustration] Un texte inspiré par la non adaptation du système scolaire pour les enfants différents, qui ne peuvent pas entrer dans le moule qu'on leur propose/impose.
Et par ses conséquences.
Il faisait un temps terrible cette nuit-là, mais cela ne dérangeait pas Charles-Henry.
Tout avait commencé quelques mois plus tôt, quand le conseiller d’orientation avait convoqué ses parents. Avec beaucoup de précautions, il leur avait expliqué que Charles-Henry était un jeune exceptionnel (comprenez ' Qui était une exception dans la classe ') et qu’il fallait trouver une solution différente (comprenez ' On n’en veut plus chez nous ') qui lui permettrait de s’épanouir et de se développer (comprenez ' Débrouillez-vous ').
Passée la stupéfaction suite à ce rendez-vous qu’il qualifiait de surréaliste, son père avait tout décidé. L’école ne voulait plus de leur fils, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir. Charles-Henry allait leur montrer qu’ils n’avaient pas vu tout le potentiel qu’il cachait habilement derrière une fausse nonchalance. C’était son fils, il avait donc dans les gènes, une réelle capacité à entreprendre. Dans quelques mois, Charles-Henry aurait seize ans et pourrait être émancipé, ce qui lui permettrait de monter son commerce. Il lui avait confié son vieux camping-car, avec pour mission d’en faire ce qu’il pourrait. Il voyait bien son fils développer une première affaire de restauration rapide pour débuter, puis bien vite, grâce aux bénéfices, acheter un petit restaurant qu’il pourrait agrandir, puis pourquoi pas un hôtel, un village de vacances, etc.. etc... Ses rêves pour la carrière de Charles-Henry n’avaient aucune limite.
Par contre, il avait mis une condition. Seul. Tu te débrouilleras seul, comme moi à mes débuts.
Disant cela, il souhaitait mettre de la distance entre lui et son fils, car cela faisait bien trop longtemps que lui et sa femme (enfin, surtout lui), subissaient ses troubles du comportement. Il était donc grand temps qu’il se débrouille (en clair, tout seul et le plus loin possible) et fasse ses preuves.
Charles-Henry n’avait pas été fâché d’être enfin débarrassé du collège qui ne le supportait plus (la réciproque étant vraie également) et avait dit OK à tout ce que son père lui proposait pour avoir enfin la paix et être ainsi aussi, désencombré de ses parents.
Il avait donc suivi les préconisations paternelles et aménagé son propre restaurant (enfin, plutôt une baraque à frites) dans le camping-car donné généreusement par son père. Cela ne lui avait pas pris plus de quelques jours, il avait fait simple.
Car bien sûr, contrairement aux attentes de son père, il n’avait pas prévu de développer son affaire. Bien au contraire. Il souhaitait juste être tranquille peinard et donc, cela signifiait qu’il ne devait pas avoir de clients. Ce qui lui permettrait de s’adonner à ses passe-temps favoris comme courir tout nu dans les bois, ramasser des cailloux puis les jeter dans les flaques d’eau, suivre un papillon, une libellule, une mouche, une fourmi et tout un tas d’autres choses, sans qu’on lui répète sans cesse « Arrête de bouger. Tiens-toi tranquille », ces deux phrases qu’il entendait en boucle depuis qu’il était en âge de les comprendre. Parmi les activités qu’il affectionnait, il était bon de préciser que fumer du cannabis, sniffer de la cocaïne et boire des gins, étaient dans le top 3. Parce que c’était le moyen qu’il avait trouvé pour être un ado normal, comme ils disent.
Il avait donc rapidement transformé le camping-car paternel en resto-camping-car, l’avait stationné dans un coin perdu loin de tout, y compris et surtout des chemins de randonnée, des nationales et des départementales. Il n’avait surtout pas fait de pub, pas mis de parasol, limité les places assises en installant une minuscule table et deux chaises et bien entendu, prévu de faire une tambouille tellement infecte, qu’il espérait bien que le bouche-à-oreille fonctionnerait à la perfection (à savoir des avis Google du genre « À fuir absolument »), si d’aventure des clients osaient s’installer chez lui.
Il était donc prêt pour son premier jour.
Il avait tout misé sur cette journée d’ouverture, celle qui déciderait de son avenir. Et voilà que la pluie s’était invitée aux premières lueurs de l’aube.
Ce n’était pas grave, au contraire. Ça pourrait être pire, il pourrait faire beau. Car qui irait s’asseoir sous la pluie, pour déguster un steak mal-cuit et des frites cramées, en plein milieu de nulle part. Au pire, avec un peu de malchance, il ferait peut-être un hamburger à emporter.
Peu à peu, le soleil s’était invité dans un ciel sans nuage, mais pour l’instant, il n’avait pas vu l’ombre d’un client, donc tout allait bien. Le choix de son emplacement était vraiment parfait pour atteindre son objectif.
Charles-Henry était confortablement allongé dans l’herbe.
— Que la vie est belle.
— Tu trouves ?
— Oui, regarde. Je suis là, tranquille, à attendre des clients qui ne viendront pas. Enfin, j’espère qu’ils ne viendront pas. Ce qui est sûr et certain, c’est qu’ils ne reviendront pas.
— Et tu penses que tes parents te laisseront faire ?
Agacé, Charles-Henry se tourna sur le côté. Il n’allait pas se laisser emmerder. Ni par les clients, ni par cette petite voix qui s’insinuait dans son esprit.
— Tu ne réponds pas. Tu vois bien que la vie n’est pas si belle.
— ...
— Ne fais pas semblant de dormir. Je sais que tu m’entends.
— Fous-moi la paix.
Charles-Henry se leva et s’installa sur une des chaises de son restaurant. Sur la table, une bouteille de gin. Vide. Il n’en pouvait plus de cette voix. En venant s’installer dans ce coin paumé, loin de tout, avec son resto-camping-car, il espérait se débarrasser de cet éternel mantra qui le poursuivait sans cesse « Arrête de bouger. Tiens-toi tranquille ». Exit les parents (trop contents de le savoir loin), exit les professeurs (bien heureux de s’être enfin libérés de cet élève encombrant). Mais depuis, c’était cette voix qui le suivait partout.
— Tu crois vraiment qu’en buvant encore et encore, tu ne m’entendras plus ? Quel naïf tu fais !
— Ta gueule.
— Cela ne sert à rien je te dis.
— Si je pouvais te foutre mon point dans la figure.
— Oui, mais tu ne peux pas.
Petit rire de la voix.
Charles-Henry, excédé, se releva en renversant sa chaise et se dirigea vers son resto, fouilla fébrilement dans la poche de sa veste. Il avait besoin de quelque chose pour l’apaiser, le calmer et faire taire cette foutue voix.
— Ha, tu veux te faire une petite ligne ? Tu sais que cela ne changera rien. Au contraire.
— Si. Quand je serai complètement stone, tu disparaîtras et j’aurai enfin la paix.
— Mais je reviendrai. Tu le sais. Alors à quoi bon ?
— Ta gueule j’te dis.
Charles-Henry revoyait son conseiller d’orientation expliquer à ses parents qu’il n’était pas fait pour l’école. Il aurait au moins pu dire que l’école n’était pas faite pour lui. Peut-être que la suite de l’histoire aurait été différente. Parce que là, il avait essayé de rentrer dans le moule, de ne plus être l’ado hyperactif qui perturbait ses camarades, comme l’avait fait remarquer avec un petit sourire pincé, ce conseiller de mes deux. C’est après ce premier rendez-vous, qu’il avait commencé la fumette thérapeutique, histoire d’être plus zen et d’arrêter de gêner les petits camarades. Ça avait marché quelque temps. Pas longtemps.
— Tu rêves ?
— Oui, je rêve d’une vie, seul, sans toi, sans tous les autres.
— Tu aurais mieux fait de choisir de devenir ermite.
— Tu sais bien que ce n’est pas moi qui ai choisi, que mon père a tout décidé. Sauf l’emplacement de mon resto. Là, je l’ai bien eu le vieux. Il n’a rien compris. Mais quand mon resto aura coulé, ce qui ne devrait pas traîner, ermite, c’est une bonne idée. Je vais voir si je trouve une grotte tranquille par ici.
Dans une longue et puissante inspiration, Charles-Henry venait de prendre en une dose, ce qui lui restait de poudre blanche. Il retournait s’allonger dans l’herbe lorsque les premières gouttes explosèrent sur le sol. La pluie à nouveau, enfin.
Mais, quels étaient ces bruits ? Ces cris ? Qui venaient perturber son trip. Et là-bas, au bout du chemin, ces tâches rouges, bleues et jaunes, qui bougeaient et grossissaient, grossissaient, grossissaient ?
Un bad trip, sans doute.
Non. Pire. Des clients.
Charles-Henry ne pouvait pas les laisser bousiller son rêve de paix, il partit en titubant, s’installa au volant de son resto et fonça dans le tas, comme une boule dans un jeu de quilles.
La voix laissa couler une larme.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 23
à mort
    le 09/07/2025 à 00:47:16
Les sujets évoqués sont intéressants et ça aurait été bien de les aborder dans un texte plus long avec une sorte de démonstration par l'histoire. Là les problématiques sont posées mais on a l'impression que l'auteur improvise de phrase en phrase et qu'on ne va nul part. Les sujets s'évaporent et on passe à d'autres idées. Au finish, ce qui est marrant c'est que ça donne un coté complètement imprévisible au texte et qu'on a envie de lire pour savoir où ça va finir mais quand on arrive à la fin on se demande bien ce qu'on a voulu nous dire.
Lapinchien

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Pute : 23
à mort
    le 09/07/2025 à 00:49:33
c'est un bon concept pour un page turner d'une page.
Lindsay S

Pute : 22
    le 09/07/2025 à 09:44:30
Ca aurait pu être drôle. Touchant, même. Grinçant à souhait. Mais le texte est lancé en mode sprint, comme si l’auteur avait un train à prendre ou un quota de punchlines à caser avant la ligne 30. On survole tout : les fêlures, la solitude, les stratégies tordues du gamin pour rester peinard dans son resto anti-clients… C’est dommage, parce qu’il y avait de quoi poser un vrai petit chef-d’œuvre de glande existentielle.

Ralentir. Pas besoin de sortir le violon. laisser à Charles-Henry le temps d’être ado paumé, toxico light, ermite autoproclamé, artisan de la nullité gastronomique — et accessoirement champion du monde de l’auto-sabotage.
j'adorerai le voir mijoter doucement dans sa crasse mentale, savourer son vide, cultiver son néant avec méthode. Pas se faire catapulter direct dans un dialogue de sitcom schizo suivi d’un meurtre de clients sous acide façon cartoon.
Tout a cramé . Même les frites.
Lindsay S

Pute : 22
    le 09/07/2025 à 09:47:51
Par contre j'ai pas compris ...
"Il faisait un temps terrible cette nuit-là, mais cela ne dérangeait pas Charles-Henry."

Mais le strike ne se passe pas la nuit ? ou le mec est nyctalope..?
Sinté

Pute : 9
    le 09/07/2025 à 09:53:25
Qui c'est qui est nique-salope ?
Corinne

Pute : 16
    le 09/07/2025 à 11:42:05
Ce que j'ai trouvé intéressant dans ce texte, c'est la "double pensée opposée". J'ai pas envie, mais je le fais quand-même pour pas qu'on m'embête (suis polie). S'obliger avec violence à faire quelque chose, qui est à l'opposé de ses convictions profondes, de renier tout son être, et par retour d'équilibre, une réaction violente se crée. Après, que faire de cette violence ? La décharger sur l'autre, la retourner contre soi-même ou en faire quelque chose de constructif..
C'était Corinne prise de tête ...
Lapinchien

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Pute : 23
à mort
    le 09/07/2025 à 12:06:57
"Il faisait un temps terrible cette nuit-là, mais cela ne dérangeait pas Charles-Henry."

Probablement de l'imparfait du subjonctif.
Lindsay S

Pute : 22
    le 09/07/2025 à 12:20:09
@LC
J'aurais dit conditionnel du futur par Nostradamus.

@corinne
C'est pas le principe de la vie en société (moderne) ? Faire des trucs qu'on ne veut pas faire mais qu'on fait quand même jusqu'à que quelque chose se rompe.
Corinne

Pute : 16
    le 09/07/2025 à 13:18:25
Lindsay, oui, le fonctionnement de l'humain. Se décharger. Après c'est une question de l'amplitude de tensions accumulées et de la capacité de s'en rendre compte ou pas. D'où le résultat, passer à l'acte ou pas. J'avoue, le sujet me questionne et pour le coup est complètement d'actualité.
Lindsay S

Pute : 22
    le 09/07/2025 à 14:52:34
Les DTC semblent bien loin là :p
Lapinchien

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Pute : 23
à mort
    le 09/07/2025 à 15:01:48
Après c'est fou comme la fin était annoncée dans le titre et je ne l'ai pas du tout vu venir.
Lindsay S

Pute : 22
    le 09/07/2025 à 15:10:25
j'ai honte, je ne lis pas les titres

je me suis fait la même réflexion, après

:(
Sinté

Pute : 9
    le 09/07/2025 à 22:04:58
Moi je lis pas les textes, juste les titres.

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