« Président »..., ah ! qu'il aimait à faire tourner ce mot dans sa bouche, le déguster, le laisser fondre sous son palais pour finir par le gober tout cru comme un œuf de caille… Et le compléter par « des États-Unis d'Amérique » le comblait d'aise ! Ça lui donnait même des visions à David Z. Walker : ne voyait-il pas des lambeaux de lui-même exultant prendre leur envol et se poser sur le tapis bleu, les tentures jaunes et les murs crème du Bureau Ovale ?
En fait, on l’ignorait encore (car Walker jouait à merveille les sains d'esprit),le cinquante-cinquième Président des USA était un dangereux psychopathe. Il avait certes un programme cohérent, des conseillers bien rodés, une aptitude à caresser l'électorat dans le sens du poil, des poignées de main d'une fermeté de bon aloi pour ne rien dire d'un sourire conquérant qui suscitait bien des pâmoisons… mais nul ne soupçonnait ce qu'il cachait dans les tréfonds de son moi archaïque. Sauf peut-être sa femme qui, en dehors de ses apparitions à ses côtés pour les sorties officielles, mangeait seule à la cuisine et lui claquait au nez la porte de la chambre conjugale ; sauf peut-être ses fils Jonathan et Harry, partis étudier à... Oulan-Bator !
Walker avait prononcé son Discours sur l’État de l'Union trois jours plus tôt et depuis lors, son attitude, mélange de nervosité (contenue) et de distraction (maquillée en gravité solennelle), était bizarre. Personne ne s'en était aperçu, à commencer par son équipe, bien trop affairée à mettre les choses en place à la Maison Blanche. En réalité, il tournait en circuit fermé dans sa tête, se contentant de grommeler de vagues approbations à tout ce qu'on lui suggérait. Une seule chose lui importait, le but qu'il s'était fixé secrètement. Il y touchait mais l'occasion rêvée lui avait manqué lors des soixante-douze heures écoulées. A l'extase d'être devenu maître du monde s'ajoutait donc une vive impatience liée au retard dans la concrétisation de ses projets…
Enfin seul dans le bureau ovale, il roulait des yeux de feu, rotait comme un affût de canon et envoyait s'étoiler des crachats rageurs sur le bleu pétrole du tapis. Il y avait péril en la demeure, il allait faire un malheur !
Le soir venu, les choses tournèrent - enfin - à son avantage : ayant recouvré un comportement et un ton officiels suffisamment convaincants, il parvint à persuader le général Eastinghouse de le rejoindre dans les sous-sols de l'aile Est pour lui apporter la mallette. Officiellement, Oliver (on s'adressait à tous par leur prénom dans ce cœur battant de la Démocratie) était censé le faire potasser sur l'ensemble de la procédure ; dans les faits, il la connaissait déjà sur le bout des doigts.
L'aide de camp n'avait conçu ses premiers soupçons qu'en sentant le poignard de Walker fourrager entre ses côtes ; au troisième coup, il était mort.
Bourrant le cadavre de coups de pieds, le Président se mit à chantonner d'une voix affreusement éraillée, « C'est pas vous qu'y êtes, c'est pas vous qu'êtes beaux ». En même temps, il verrouillait la porte blindée de l'abri antiatomique puis ouvrait la mallette. « Qui c'est le plus fort ? Qui c'est le plus fort de toute la terre ? Hein ? Hein ? », Tout en éructant un rire démoniaque mouillé de bave, il composa le code, il eut un moment d'hésitation et pendant cette fraction de seconde, le destin de la terre resta en suspens. L'instant d'après, la planète bleue se contractait, se boursouflait et disparaissait brutalement des écrans radar aliens.
FIN
«... et boum, et badaboum ! Si ça, c'est pas une fin, je ne m'appelle plus Loboicejacnar, lança, homérique, le célèbre romancier.
- Oui, en fin de compte, tu as peut-être raison, ça crache, lui répondit son partenaire d'écriture et frère jumeau. Mais tu crois que ça va passer cette fois ? On n'est pas allés un peu trop loin dans la déconstruction du récit ? C'est encore plus osé « Les Louves magiciennes », non ?
- Tout doux, frérot, fit l'aîné (né cinq minutes et demie avant son benjamin, ça faisait cinquante-trois ans qu'il en profitait) ! De l'audace, toujours de l'audace ! Tu connais ma devise pourtant : fais toujours la même chose ou fais comme les autres et ta carrière à coup sûr saborderas.
- Mouais, je sais… mais tu connais la mienne : trop c'est trop.
- T'en fais pas gamin, moi je trouve ça grandiose. Commencer comme dans un roman d'initiation pour abandonner complètement le personnage principal, lui substituer un narrateur qui débarque ni d’Ève ni d'Adam et qu'on laissera lui aussi tomber en chemin, écrire un chapitre entier en alexandrins, faire de la dernière partie une enquête à la Sherlock Holmes sans la résoudre, ça ne s'est jamais fait et, crois-moi, ça ne se refera jamais. Et puis terminer sur la terre foirant son dernier prout, là, ça va chier dans les chaumières. La chose est certaine, les critiques vont adorer. Il y a du prix littéraire en perspective !
- Oui, mais et les lecteurs ?
- Te bile pas, Bill. Si on a les prix, on a les lecteurs. Tu vas voir, ça va marcher. Allez, gros bébé, viens donc dans mes bras...! »
Ce qui advint ensuite ne manquera pas d'étonner le lecteur, et nul ne saurait l'en blâmer. Voici comment les choses se passèrent : contre toute attente et sans le moindre signe avant-coureur, l'enveloppe charnelle de Junior se mit à perdre de sa consistance, d'abord lentement puis de plus en plus rapidement. Au bout d'une minute, il n'existait plus de lui qu'un ectoplasme translucide. Pas étonné pour deux sous, Senior sortit alors une paille de dessous sa paupière gauche et, d'un seul trait aspira le tas de vapeur restant, exhala un soupir d'aise puis se contracta, se boursoufla, prit la forme d'un champignon de Paris, lâcha ses spores et... pouf! explosa. Le tout dans un silence d'enfer…
Captifs du silence leur tonitruant dans la tête, quatre étudiants de la Parole Sacrée, futurs prêtres du Dieu Un et Multiple, s'agitaient entre les draps rêches de leur couchette monacale du Séminaire de la Vraie Foi. Quand le champignon éclata, c'en fut trop pour leur cerveau torturé, lequel leur fit passer le message suivant : « Stop, ceci n'est pas la réalité. Ceci est un cauchemar. Une illusion qui va trop loin. Pour en sortir, réveillez-vous ! ».
Les novices, baignés de sueur, le cœur battant, la bouche sèche, ouvrirent alors les yeux. Quel incube, quelle succube avait bien pu polluer leur sommeil, le maculant de telles insanités ? En même temps, ils redécouvraient avec soulagement le mobilier bien tangible de leur cellule : la table, les chaises en bois brut, le plateau à prière, le moulin à méditation, le prie-Dieu électrique, le Miroir Mystique et surtout, accroché à l'un des murs blanchis à la chaux, l'X sacré en bois d'olivier, symbole de l'Un multiplié par l'Inconnu.
Tous quatre s'agenouillèrent au pied de l'X sacré. Avec les gestes et formules rituels, ils louèrent Dieu pour Ses bienfaits, L'adjurèrent de les aider à renforcer leur spiritualité, d'éloigner d'eux le Démon, maître des incubes et des succubes, ainsi que de mettre un terme aux guerres australo-néo-zélandaise, palkistano-bengladeshi, de Bretagne, de la Sibérie australe coalisée ; sans oublier les guerres civiles en Autriche, au Cameroun, au Sichuan, au Yémen et autour de la Mer Morte. Enfin, ils L'implorèrent d’éradiquer de par Son souffle guérisseur les épidémies de dengue, d'Ebola, de SIDA, de paludisme, de COVID ainsi que de fanatisme politique et religieux.
Le saint rite se conclut comme il se devait par la « phase initiatique de renoncement ». Les quatre futurs officiants de l'Un Multiple se relevèrent donc de concert, s'inclinèrent trois fois devant l'X sacré, puis rejoignirent le Miroir Mystique, devant lequel ils se dépouillèrent de leur robe de bure. Voués au célibat pour mieux se consacrer au Dieu Unique et Multiple, il apprenaient matutinalement, nus face à la Sainte Glace, à « transvoir », à dépasser la chair pour atteindre l'essence invisible de leur être.
Frère Jean, Frère Johan, Frère Jeanjean et Frère Giovanni contemplèrent alors, pour mieux le nier, leur corps de mâle nubile, le caressant d'une main voluptueuse et mystique, priant Dieu de les aider à substituer au goût du lucre l'aspiration au salut de l'âme. Cérémonial ultime, ils prirent entre leurs doigts l'obscur objet du désir et se mirent à le caresser, juste un peu - pas trop - comme leur avait appris le Supérieur du Collège.
Ce qu'ils ignoraient, c'étaient qu'ils étaient observés… - et par seize pré-adolescentes !
Car on s'était dit en haut lieu que tant qu'à fournir une éducation sexuelle aux jeunes filles, autant en passer par la sainteté. Sans en informer les novices pour ne pas les gêner, on avait installé dans la cellule des mieux membrés des glaces sans tain, si bien qu'on pouvait les observer à leur insu. Ainsi, les filles de cinquième du Collège du Martyre des Innocentes avaient-elles droit à une visite annuelle au Séminaire de la Vraie Foi dans le but édifiant d'y contempler des corps d'hommes en costume d'Adam, avec tout ce qu'il faut là où il faut, mais en tout bien tout honneur. A cette « séance de travaux pratiques » succédait naturellement le cours théorique sur la reproduction.
Les filles, toutes rouquines, aux yeux verts et à la frimousse tachée de son, étaient regroupées par grappes de quatre devant chacun des miroirs. Toutes s'appelaient Suzanne, Suzie, Suzon ou Suzette mais elles ne ne réagissaient pas de manière identique à la nouveauté du spectacle. Certaines gloussaient, d'autres lançaient des chapelets d'obscénités ; cinq d'entre elles étaient rouges comme des tomates et trois autres se cachaient les yeux. Il y en avait même une qui suçait son pouce…
Pas plus que les séminaristes, les fillettes ne se savaient observées. Et pourtant, elles l'étaient, filmées en caméra cachée par 256 étudiants en cinéma réalisant là leur film de fin d'études. Tous portaient le même patronyme : Buñuel. Il y avait des Luis, des Juan, des Juan-Luis, etc., mais leur nom de famille était invariablement Buñuel. Les 256 films, quant à eux, portaient tous le même titre : « J'ai vu le loup ».
24.336 loups-garous sortaient de la monumentale caverne de projection du très bandant « J'ai vu le loup ». Très émoustillés, les lycanthropes bouillaient de se jeter sur la première proie venue, n'importe laquelle pourvu qu'ils puissent planter leurs crocs dans de la chair palpitante. Pas un des 24.336 qui ne dénudât ses canines et ne hurlât à la lune. Il leur semblait même que celle-ci, accrochée à un ciel sans nuages, leur clignait de l’œil…
FIN DE LA PARTIE
« Et voilà, encore une partie de gagnée ! »
Les 592.240.896 parties de Dieu se réagrégèrent pour Le rendre à nouveau Unique.
- C'est un peu dur pour Mes créatures. C'est vrai qu'ils ont du mal sur terre à piger le truc du Dieu Multiple en Un. D'un autre côté, plus c'est compliqué, plus ça leur plaît… Bon, j'ai encore le temps de m'en faire une, de petite partie ? Le temps... ! Ah ! Ah ! Ah ! qu'est-ce que je m'amuse depuis que j'ai inventé ce gadget !
LA ZONE -
![[illustration]](/data/img/images/2025-08-01-parties-big.jpg)
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Trop de digressions. Trop absurdes pour moi. Trop. Je ne vois pas où l'auteur veut en venir.
Je ne partage plus le trailer du jour parce que le lien explose la mise en page des commentaires sur smartphone.
Les poupées russes n’ont pas vocation à devenir des expériences littéraires. La plupart sont moches, elles sentent la poussière, et franchement, c'est plus à la mode. Ici, en plus, chaque couche n’a même pas la décence d’entretenir un lien solide avec la précédente. On change de registre, de ton, de référentiel, sans jamais nous donner une vraie raison de poursuivre. C’est un millefeuille de fragments qui n’ont ni cohérence ni fil conducteur, à part peut-être une volonté de provocation.
C’est bien écrit.
Ca ne me suffit pas. C’est comme si la poupée avait une jolie silhouette, mais que la peinture avait été réalisée par un type en pleine descente d’acide. On sent le bagage littéraire, la virtuosité stylistique, mais on se demande surtout pourquoi. Pour dire quoi, pour aller où ?
(je suis ouverte à débattre du sens d'ailleurs)
Le texte semble tellement préoccupé par sa propre audace qu’il en oublie le lecteur en route. Et certains passages notamment celui des étudiantes sont malaisants. Ça flingue l’effet comique, ça laisse une impression d’un gros fourre-tout narcissique déguisé en délire génial.
612 vues en 10 minutes pour le short, le trailer est parti comme une fusée sur Youtube puis ça s'est radicalement tassé. Par contre sur Instagram, c'est mort de chez mort. Espérons que ça n'annonce pas un mois d'Août complètement désertique.
tu as vu, encore un auteur publié ;)
Je ne googlise pas systématiquement les noms donc je n'avais pas remarqué. C'est dommage que les auteurs ne remplissent pas leurs liens website, réseaux sociaux et leur fiche auteur car ça leur ferait un minimum de pub si on s'intéresse à leurs textes.
Si déjà ils venaient défendre leurs textes
J'ai peur de ce que je suis en train de devenir. Je suis de plus en plus irrévérencieux avec les textes que je n'aime pas dans les trailers à venir (j'en fais 3 par jours et j'en suis déjà au texte 3782). Là je cherchais encore mes marques avec VE03 mais je me convertis en véritable monstre. Si je deviens trop putaclic abattez-moi sans prévenir.
C'est promis. Sans sommation