LA ZONE -

Nanny

Le 12/12/2025
par Maxime P
[illustration] Nanny, Episode 1

Nanny est le numéro 1 de la collection intitulée Tremblez Tremblez qui regroupera en tout 10 nouvelles d'horreur, surnaturel, gore, bodyhorror. Pour chaque nouvelle, on retrouvera plusieurs tracks qui seront associés à la lecture pour une plongée plus immersive.
Je me suis inspirée pour ce texte-ci d'une de mes plus grandes peurs... Une pièce hyper étrange qui se trouvait tout au fond du grenier, chez ma grand-mère. A tel point qu’encore maintenant je serais incapable d’y retourner…

Pour suivre le projet : Ici
Pour écouter les tracks associés à cette nouvelle : Ici
Elle pleurait depuis une heure, réclamant son doudou perdu. Une guenille machouillée en forme de perroquet. Sa grand-mère lui répondit qu’il devait être au grenier et que c’était tout ce qu’il méritait. Son petit corps fébrile d’une enfant de dix ans sanglotait tant qu’il pouvait. Des larmes de crocodile. D’un crocodile qui se cache sous son duvet marécageux pour remplir son étang de liquide lacrymal.
Elle en avait besoin pour dormir.
Mais sa nanny, comme elle l’appelait, voulait la voir grandir. A son âge, il était bien temps d’arrêter les gamineries.
L’année prochaine elle serait au collège, elle pensait la protéger des railleries des autres élèves. Elle pensait bien faire car Sabine paraissait plus jeune que son âge pourtant pas si vieux. Plus petite que ses camarades. Immature. Elle était comme bloquée dans une jeunesse éternelle. Un temps que les autres enfants de sa classe semblaient peu à peu quitter.
Un à un.
Elle portait les mêmes vêtements, de différentes couleurs, à différents jours de la semaine. Même vêtement.
Ce jour où sa mère est morte.
Comme un personnage de dessin animé.
Comme une photographie en noir et blanc dans un journal oublié.
D’un autre temps.
Pas le sien. Celui de sa grand-mère, Babette. Sa nanny avait connu la guerre. Son mari y était resté. On ne pouvait pas dire qu’il lui manquait tant que ça mais elle utilisait cette excuse pour justifier son comportement rustre. Elle n’avait jamais été la même après. Qu’elle rapportait. Mais personne de vivant encore n’était là pour savoir ce qu’elle avait été avant.
La petite famille à taille réduite vivait donc dans une autre temporalité. Ni celles des autres ni même celle de l’autre personne du foyer. Vivant ensemble mais seule, dans une grande maison en pierre cachée par une végétation foisonnante. Cette maison surplombait le village. On pouvait alors voir tout ce qui se passait en bas, d’en haut mais l’inverse était non réciproque.
Depuis sa chambre, Sabine admirait ce qu’elle ne pouvait atteindre - les autres qui ne pouvaient la voir - comme guidée par son imagination.
La princesse dans son donjon.
L’oisillon dans son nid.
Douillet.

Elle allait à l’école à pieds, descendait le long d’un chemin privé qui parvenait jusqu’à la seule sortie que Babeth lui autorisait.
L’école.
C’était sa dernière année dans cet établissement et elle se sentait à la fois nostalgique et curieuse d’autre chose. Comme toujours. Elle avait peur de quitter une situation qui pourtant ne lui convenait pas et regardait déjà son présent avec les yeux d’un avenir lointain. En enjolivant les détails. En omettant les moments tristes pour ne garder qu’une vague impression. Un souvenir qui déjà ne lui appartenait presque plus. Finalement, elle n’avait que peu de prise sur ce qui lui arrivait. Et peu d’amis avec qui le partager.
Voire aucun.
Seuls quelques élèves échangeaient avec elle les banalités de convenance avant d’entrer en cours le matin et c’était pas mieux pendant la récré. Elle jouait seule la plupart du temps.
Quand elle communiquait avec les autres, aucune pensée ne traversait son esprit. Elle n’imaginait pas ce qu’elle allait dire avant de le dire, pourtant elle avait le temps d’y réfléchir.
Elle avait le temps.
Vu le peu d’intervention qu’elle s’octroyait dans le peu de conversation dans laquelle elle était invitée. Mais il n’y avait rien à faire. C’était toujours le même résultat. Quand elle essayait de s’insérer dans un groupe, soit elle n’était pas entendue soit ce qu’elle disait paraissait inapproprié.
A côté de la plaque.
Et elle ne compensait pas ce manque d’interaction par une vie intérieure riche.
Elle emmagasinait les sensations et les émotions sans jamais les analyser. Tel un animal, elle vivait pour vivre sans se poser de questions. Elle n’était alors jamais trop triste ni trop enthousiaste. Seulement présente.
Sauf là, maintenant. Là, elle se sentait seule. Abandonnée par cet objet quelque peu déchiqueté.
Par ses dents de lait.
Une sorte d’oiseau exotique qu’elle entendait parler.
Il lui répondait.
Mais n’engageait pas la conversation.
Comme elle.
Comme elle avec les autres.
Alors, ce soir-là, elle décida d’aller voir au grenier.
Pour le retrouver.
Elle n’y avait jamais mis les pieds. Elle ne comprenait donc pas vraiment comment elle avait pu l’oublier là.
Peut-être s'était-il envolé de ses propres ailes…
Le grenier se trouvait comme tous les greniers au dernier étage de la maison.
A cet étage, se trouvait la chambre de sa mère.
Une chambre condamnée désormais.
Et une autre porte qu’elle n’avait jamais ouverte. Mais qui n’était pas fermé à clé. Elle.
A vrai dire elle connaissait l’existence de ce grenier mais n’avait jamais franchi les marches qui menaient au dernier étage.
Elle l’imaginait seulement.
Comme un espace vide.
Dans lequel sa nanny allait de temps en temps entasser des vieilles choses qui ne servaient plus.
Elle s’engagea donc doucement dans le corridor. A pas de louve. Du bout des orteils. Ses petits petons dans leurs chaussettes blanches prenaient la poussière qui s’était entassé sur ce sol qu’aucun pas ne foulait.
Elle arrivait dans le couloir qui séparait les deux pièces les plus hautes de la maison.
A gauche, la chambre de sa mère.
A droite, le grenier.
Elle s’engouffra sans réfléchir tout de go.
Elle n’avait même pas senti le contact froid de la poignée en métal dans la paume de sa main…
Que la porte se referma brutalement derrière elle en un claquement sec comme emportée par un courant d’air.
D’où le vent pouvait-il provenir ?
Le grenier était sombre mais elle avait pris avec elle une petite lampe torche.
Qui fonctionnait mal.
Elle devait tapoter dessus souvent pour que la lumière revienne.
Poc poc
La pièce était beaucoup plus longue que ce qu’elle avait envisagé et elle se séparait en plusieurs segments par la charpente. On aurait dit la carcasse d’un vieux bateau. D’un bateau qui aurait coulé au fond de l’eau et se serait posé dans les fonds marins.
A la renverse.
Il fallait donc enjamber des poutres pour continuer à avancer. Sur son passage, elle trouva des vieux cartons quelque peu moisis par l’humidité. Des feuilles. Des cahiers. Des magazines et des journaux. Quelques vieux jouets de ci de là. Certains qu’elle reconnaissait.
Elle arrivait déjà au fond du grenier. Le faisceau de sa lampe torche vacillait comme un stroboscope.
Elle ne l'aperçut donc pas tout de suite.
Tout au fond du grenier.
Il y avait un autre seuil.
Similaire au seuil qu’elle venait de passer mais plus petit.
Plus sombre.
Il y avait bien l’encadrure de la porte mais plus de porte. On avait dégondé celle-ci. L’escalier était plus étroit aussi. Où pouvait-il mener ? Quel était l’autre point de la maison qui permettait d’accéder au grenier ? Elle ne parvenait pas à conceptualiser le plan dans sa tête. L’escalier qu’elle avait emprunté était tout à l’est de la maison. Partant de la pièce qui lui servait de salon. Non loin de la télévision. Elle avait l’impression ensuite, avoir tourné encore à l’est pour accéder au grenier ce qui n’était pas possible selon des plans logiques. Au rez de chaussée de cette maison longère, les pièces se trouvaient toutes à l’ouest du salon.
Quoiqu’il en soit ce nouvel escalier, qu’elle venait juste de découvrir devait donc se trouver tout au bout. De l’autre côté.
De l’autre côté se trouvait la maison de sa nanny.
En effet, la maison longère était anciennement deux maisons mitoyennes. L’une appartenait à sa mère. L’autre à sa grand-mère. Babeth avait réuni les deux maisons à la mort de sa fille en créant une porte qui reliait sa maison à celle de Sabine désormais. Ainsi les deux survivantes de cette famille vivaient ensemble mais séparément.
Chacune dans leur maison réunies.
L’escalier de cette partie du grenier devait alors mener à la maison de Babeth. Elle avait beau se rendre le moins possible la bas - Babeth venait s’occuper de Sabine dans la maison de celle-ci et repartait dormir dans sa partie le soir venu - elle ne voyait pas où pouvait être la cage d’escalier.
Quoiqu’il en soit sur le seuil de ce grenier se trouvait aussi deux portes. L’une, qu’elle venait d’emprunter, revenait en arrière vers le grenier et l’autre à une nouvelle pièce potentielle.
Du côté de sa maison, ça correspondait donc à la chambre de sa mère.
Myriam.
Dont elle ne se souvenait plus les traits du visage.
Les seuls cadres photo où elle apparaissait, l’air toujours absent, avaient disparu un à un pour laisser place à des vieilles broderies. Quant à la pièce, elle fut condamnée dès le lendemain de l’enterrement.
Elle n’était même plus sûre,
à force,
d’y avoir vraiment mit les pieds, un jour.
Les quelques images qu’elle ressassait étaient elles des souvenirs ou le fruit de son imagination …?
La lampe torche avait définitivement rendu l’âme.
Elle était toujours sur le perron qui était désormais complétement plongé dans le noir.
Elle se tenait à la tête de départ de la rambarde qu’elle sentait avoir une forme étrange. Comme une tête d’animal. Plutôt ronde mais dessinée. Avec une sorte de bec. Tout en la tenant fermement, elle tâtonnait du pied, devant, pour voir s' il y avait des obstacles. Avant que la lumière ne s'éteigne, elle n’avait rien vu mais elle voulait être prudente. La porte de ce qu’elle pensait être une chambre, en toute logique, n’était pas loin d'où elle se trouvait. Ce petit couloir devait faire deux mètres carrés à tout casser.
Elle se lança donc dans les ténèbres…
Un deux trois pas.

Elle fût d’abord éblouie.
Le passage de l’opacité la plus totale à cet éclaircissement soudain lui piqua les yeux. Elle ne comprit d’ailleurs pas comment la lumière ne parvenait pas de l’autre côté via le trou de la serrure.
Une fois les étoiles dans ses yeux éclipsées, elle découvrit une chambrette plutôt propre. A sa gauche se trouvait un lit ancien, en bois massif, avec des draps fleuris et un gros édredon en soie bordeaux, aux pieds. Des oreillers en broderie qui ressemblaient à ceux que sa nanny pouvait faire. En face, une fenêtre donnant plein sud à s’en référer au soleil. A sa droite une large et haute commode qui prenait beaucoup de place.
Le plafond étant mansardé, le meuble ne pouvait pas se caler contre le mur, il trônait presque au milieu de la pièce. Il y avait alors de l’espace… encore…
Derrière.
Elle se pencha un peu en avant pour voir quelle partie du jardin elle apercevrait depuis la fenêtre et vit sa large balançoire en ligne de mire.
C'est-à-dire la même vue que celle du salon.
Ce n’était pas possible…
Elle s’assit, circonspecte, sur le lit, regardant la grande armoire à double portants. Elle avait l’impression de se faire happer par l’édredon épais et mou qui ressemblait à une sorte de lamantin.
Un ami réconfortant qui ne parle pas.
Qui écoute seulement.
Combien de minutes s’écoulèrent avant qu’elle n’ose se lever pour ouvrir la double porte du seul meuble de la chambrette ? Elle ne sait pas.
Le temps semblait suspendu.
Il y avait une petite clé à tourner avant de pouvoir déceler ce qui s’y trouvait.
Des vieux vêtements.
Toute une garde robe.
Datant d’une autre époque.
Mais propre.
Comme si on venait de les laver, de les repasser.
Une légère odeur de lavande s’insinua dans ses narines quand elle passa ses mains dans les robes pendues.
Elle se sentait étrangement bien.
Etrangement autre.
Étrange car elle ne ressentait pas ce genre d’émotions d’habitude.
D’habitude elle se serait seulement délectée de la chaleur du soleil sur sa peau.
Elle aurait fixé longuement l’armoire sans penser à l'ouvrir. Pas qu’elle ne soit pas téméraire mais la curiosité de savoir ce qu’il y a dedans ne l’aurait pas effleuré.
Elle se serait plongée dans son ami lamantin.
Son corps à la renverse.
En symbiose.
Le tissu englobant totalement ses membres.
Flottant mais en chute libre, doucement, se faisant aspirer de plus en plus loin. De plus en plus profondément dans le sommeil du juste.
Quand soudain la voix de sa nanny se fit stridente, ciselant comme un couperet ce silence apaisant.
SSSAAAAAA - BIIIIIIINNNNNNEEEE ! OU EST CE QUE TU TE CACHES ENCORE ?!?
Elle descendit quatre par quatre les escaliers pour la rejoindre. Elle n’avait pas vraiment peur d’elle mais elle n’avait pas envie d’expliquer pourquoi elle était venue ici.
Sans trop comprendre par quel chemin, elle arriva dans le salon.
Haletante.
Babeth était à la cuisine l’attendant pour le dîner. Il fût silencieux comme la plupart des repas qu’elles échangeaient toutes les deux.
Le lendemain, elle se rendit à l’école par le même chemin que d’habitude qui lui semblait pourtant différent. Le sentier était constitué de cette même terre battue. Et même si les mûriers et noisetiers n’avaient pas encore fleuri, leurs feuilles paraissaient plus éclatantes. S’agitant par une brise qui s’offrait clémente. Elles donnaient l’impression de vouloir communier avec sa peau.
La retenir peut-être.
Dans une bulle protectrice.
A l’école, ce sentiment la suivit.
Les élèves ne la regardaient pas davantage mais elle savait au fond d’elle qu’il lui suffisait d’engager le dialogue pour se faire entendre.
Chose qu’elle ne fit pas.
Pour les autres, elle était la même.
Pour les autres, elle n’existait pas vraiment.
Mais des autres elle ne sentait plus ce regard pesant d’absence.
Comme si leurs regards étaient blancs. Aveugles. Pourvus d'une simple orbite sans globe oculaire à l’intérieur.
Elle rentra chez elle dès que la sonnerie retentit.
Sans précipitation.
Comme à son habitude.
Pourtant avec hâte elle marchait à une allure ordinaire.
Car, dans la confidence, elle comptait se rendre dans cette pièce où rien ni personne ne lui interdisait d’aller.
Non en effet.
C’était d’ailleurs une des rares portes qui n’était pas fermée à clé dans cette maison. L’ouverture entre le grenier et le seuil de ladite chambre était même grande ouverte. On y avait de toute évidence facilité l’accès. Maintenant qu’elle se remémorait le chemin parcouru, elle voyait même les gonds qui retenaient le battant comme…
arraché.
Tout du moins plié. On avait dû forcer dessus pour se faire un passage.
Elle les voyait maintenant face à elle.
Elle était dans ce grenier.
L’avait même dépassé.
Elle sentait la poignée froide dans sa paume.
Comme la première fois.
Mais cette fois-ci, l’avant n’existait plus.
Elle ne se rappelait plus comment elle était déjà arrivée là. Dans la chambrette.
Éclairée.
Par ce même soleil qui caressait sa peau. Tant mieux. Elle n’avait pas croisé Babeth. N’avait pas eu à se justifier de ce qu’elle comptait faire.
Elle s’assit sur ce même lit tiré à quatre épingles. Elle contempla le garde robe.
Trop haut pour tenir sous cette mansarde, il empiétait sur l’espace pourtant réduit du cagibi. De là où elle se trouvait, elle ne pouvait voir que le ciel à travers la fenêtre.
Le reste, s’envisageait pourtant dans son esprit, comme si elle pouvait voir à travers le mur.
A travers le mur.
En transparence.
La balançoire sur laquelle finalement elle n’avait que peu joué.
Balayant l’air.
Les pieds au ciel.
Les pieds à terre.
ZIIIUUP.
Un mouvement après l’autre.
Le vent dans les cheveux.
La tête en arrière.
Regardant ce ciel sans encombre.
Sans nuage.
Ce ciel d’une teinte uniforme qu’elle voyait par la fenêtre.
Un aplat de couleur bleu cyan comme dans les dessins d’enfant.
Elle se rappelait les maisons qu’elle dessinait enfant.
Une maison avec des fenêtres mais rien dedans.
Rien à l’intérieur.
Il fallait deviner.
Ce qui s’y tramait.
Les personnages étaient devant.
Devant leur maison.
Plus grands que celle-ci.
Ils se tenaient la main.
D’un air heureux.
Si jamais deux points et un demi-cercle pouvaient signifier le bonheur.
Comment deux points et un demi-cercle pouvaient nous rappeler un visage.
Comment un visage pouvait s’effacer petit à petit jusqu’à ne contenir que le strict minimum. Juste ce qu’il fallait pour qu’on lui admette encore de l’humanité.
Qu’on ne le confonde pas avec une bête ou un monstre.
Et comment dessine-t-on un monstre ?
Mais
Mais
un cri venant de l’intérieur.
De l’intérieur de la maison.
De l’intérieur de cette chambre.
Un cri inhumain.
S’engagea dans sa conversation.
Elle en fût muette.
Elle zieuta à droite à gauche, ne percevant pas sa provenance. Elle n’osait plus bouger à présent, ne sachant pas d’où venait le danger.
Elle n’avait pas eu le temps de l’entendre.
Qu’à peine…
Noyé dans ses pensées.
Le cri surgit instantanément. Trop rapidement pour qu’elle ne l’interprète.
Puis le silence.
Un silence désormais trop présent. Elle voulut crier en retour pour l’appeler.
Qu’il revienne.
Mais elle se rappela qu’on entend jamais de la même manière d’un côté ou de l’autre.
Si de notre côté le silence est présent. Et que de l’autre, la vie bat son plein. On entend les autres vivre mais eux vivent trop pour nous entendre.
Elle mangeait de la soupe ce soir.
La même qu’hier lui semblait il. Elle ne savait plus trop. Elle ne savait plus combien de jours la séparait du grenier.
Les jours entre eux.
Les jours avec elle.
Les jours sans, elle y pensait.
Lui demander.
Ce qui s’y était passé.
Qui y vivait.
Les mois se suivaient et ce même ciel bleu. Ce même aplat de couleur neutre.
Par la fenêtre.
Comme si l’extérieur n’existait pas.
Les personnages étaient devant leur maison. De l’intérieur.
Elle allait à l’école.
Ce jour-là, ils avaient joué à la balle au prisonnier.
Touché.
Un lendemain qu’elle n’aurait pu situer dans le temps, elle se décida enfin à parler à sa nanny. A lui demander qui vivait dans cette chambre. Pourquoi ne l’avait-elle jamais vu ? Elle s’attendait à ce que sa grand-mère lui réponde par des questions. Et qu’est c’qu’tu faisais là-bas d’abord ? On peut savoir ? Mais au lieu de ça, elle sembla lui accorder une réponse qui devait s’approcher de la vérité. Une vérité qu’elle n’avait jamais entendu de vive voix mais qu’elle pressentait au fond d’elle-même. Comme tous les secrets de famille. Les secrets de polichinelle qu’on ne veut pas dire tout haut de peur qu’ils deviennent réels. On préfère alors les étouffer sous des tapis de mensonges pour continuer à vivre normalement. Pour assainir la maison et tant pis si des bestioles grouillent dans les pourritures de nos décombres. Il n’y a que le visible qui nous importe. Le visible à nos yeux aveuglés. Alors pouvait elle la croire quand elle lui dit qu’elle y avait enfermé sa mère folle ? Voulait-elle croire que sa nanny pouvait lui faire du mal. Pourquoi lui dire ça ? Et pourquoi ne l'avait-elle pas enfermée dans sa chambre tout simplement ? Pourquoi avoir condamné maintenant l’ancienne chambre et non l’asile de fou ?
Elle ne comprenait pas cette vérité.
Elle n’avait pas de sens.
Elle sentait pourtant la folie s’emparer de son corps de plus en plus, à chaque nouvelle visite dans la chambre qu’elle nommait désormais l’asile.
Dans cette pièce où un ciel bleu imperturbable se laissait entrevoir par la fenêtre.
Un ciel sans encombre.
Sans nuage.
Des draps qui sentaient bon comme si on venait juste de les laver. Et alors qu’elle s’enfonçait dans son ami lamantin, elle entendit un nouveau cri.
Strident.
Un bruit court qui une fois épuisé pouvait se confondre avec une possible rêverie. Elle n’était pas sûre de son existence.
Mais le bruit réapparu plus las, il traîna pour se rendre évident.
Elle avait l’impression qu’il essayait de rentrer en communication avec elle. Pourtant ce bruit n’était pas humain. Il lui était familier alors qu’elle ne l’avait jamais entendu. Elle l’avait sans doute imaginer à maintes reprises et même si il ressemblait à s’y méprendre à ce qu’elle s’était envisagé, de l’entendre ainsi le rendait étrange.
Elle le cherchait pourtant depuis plusieurs jours maintenant, comment pouvait-elle en avoir peur.
Le jasement réapparut une dernière fois et elle l’entendit distinctement dire
fuis
Une décharge électrique parcourut son corps, elle voulut se précipiter vers la sortie mais une porte l’en empêcha. Elle tourna la poignée dans tous les sens. Que faisait-elle là ? Elle criait tant qu’elle pouvait. Cognant du poing sur la porte. Griffait la tapisserie de cette nouvelle porte qui l’emprisonnait dans ce qui semblait être sa future prison. Elle s’épuisa en pleurs mais personne ne venait. Personne ne semblait l’entendre, même pas ce cri qui désormais se taisait.
Elle ne comprenait plus rien. Ça n'avait aucun sens. Elle se sentait envahie par tellement d’émotions différentes à la fois que la fatigue prit le dessus et, sans réfléchir, elle s’endormit dans les draps poussiéreux.
Au réveil, les questions de la veille furent éclipsées par l’obscurité la plus totale de la pièce. Du bout des doigts elle voulut faire le tour de celle-ci et fut surprise par la grandeur de ses ongles qui tapaient sur le mur. Comme des cliquetis, semblable à un cuicui d’oisillon. Un oiseau qui se cacherait du danger en attendant qu’on vienne le chercher. En attendant le jour de la libération. Elle se rappela alors du perroquet. Était-ce lui qui l’appelait ? Les bruits de ses ongles se confondirent bientôt avec le silence et elle perdait de vue l’objectif de son séjour ici. Ses mains lui paraissaient plus grandes que la veille. Plus vieilles qu’hier. Un bruit blanc envahit sa tête malade et bientôt les souvenirs douloureux s’estompèrent pour ne devenir qu’un brouillard lumineux. Un ciel blanc qui lui piquait les yeux.
Il fallait pourtant qu’elle retrouve ses esprits, l’année scolaire allait bientôt se terminer et elle devrait dire au revoir à ses vieilles habitudes. Son école et le petit chemin qu’elle arpentait tous les jours. Le chat du voisin qui la suivait sur quelques mètres tous les matins.

Mais pour ça elle devait d’abord retrouver sa peluche à tout prix. Sa nanny lui avait dit qu’elle se trouvait dans le grenier mais elle ne voyait pas comment elle avait pu l’oublier là,
elle n’y avait jamais mis les pieds.

Et seule dans sa chambre, elle avait peur le soir. Elle devait retrouver son doudou. Dans cette petite chambre. Seule. Dans le noir. Elle voyait sa balançoire et même si elle n’avait pas eu l’occasion d’y jouer, elle se sentait heureuse de la regarder car de là, elle aurait pu voir les oiseaux voler.

= commentaires =

Lapinchien

lien tw yt
Pute : 153
à mort
    le 11/12/2025 à 19:56:47
Bon, c'est un concept du genre de la collection "Chair de Poule", je suis un peu trop vieux pour ça.
Nino St Félix

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Pute : 40
@lapinchin et Harry Potter ???    le 11/12/2025 à 20:20:12
Alors... Je vais essayer de faire court.
En quelques mots.
Pour pas surcharger.
Car c'est la tendance.
D'écrire comme ça.
Non, déja, c'est de la poésie ou du style Linkedin ?

genre :
"Elle n’était même plus sûre,
à force,
d’y avoir vraiment mit les pieds, un jour."
Ok, licence poétique, on va dire.

Mais je me pose la question, parfois. J'en peu plus des "pas ca. Ca.". C'est bon, ça va, on va bientot écrire en morse aussi. Je dis pas qu'il faut pas rythmer, et tout, mais y'a un terrain stylistique glissant, là.

Ensuite, donc, le style. Des gros changements de régime, qui pourraient rendre bien, s'ils donnaient moins l'impression d'être non maitrisés, ou disséminés au petit bonheur. J'ai beaucoup aimé le "poc poc". Mais juste, ça colle pas avec le reste. Y'a ceci dit de beaux passages, qui ressemblent plus a des fulgurances, hélas :
"Si jamais deux points et un demi-cercle pouvaient signifier le bonheur.
Comment deux points et un demi-cercle pouvaient nous rappeler un visage.
Comment un visage pouvait s’effacer petit à petit jusqu’à ne contenir que le strict minimum. Juste ce qu’il fallait pour qu’on lui admette encore de l’humanité."

Donc, sur le style, déja, j'ai dévissé. Je me suis quand même accroché - curieux de voir la suite. Mais, voila, la structure maintenant : on dirait un plan ikea, dessiné par christopher Nolan, la maison, j'ai pas compris son architecture (oui, j'ai compris que c'était fait exprès, que c'est une sorte de maison mutante, mais bon, tout un paragprahe pour nous dire qu'elle tourne en rond...).

Voila, pas envie de creuser, donc pour résumer, j'ai pas réussi à me plonger dans ce texte, qui me semble porter une ambition narrative un peu trop lourde pour ses frèles épaules. Je salue la douceur, l'onirisme, et l'effort de créer une intrigue profonde, complexe, tortueuse. Mais la, clairement, la narration et la structure du texte desservent l'objectif (sauf si l'objectif c'est de relire quatre fois pour comprendre - et je sais de quoi je parle, j'ai le même souci que l'auteur à ce sujet là).
Je viens de voir a la télé un parachutiste dont le parachute s'est emmelé dans l'aile d'un avion.
Y'a un peu de ça.
Nino St Félix

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Pute : 40
    le 11/12/2025 à 20:22:26
Mais en fait GPT est plus nuancé que moi, voila son avis :

Je lui trouve (au texte) :

une atmosphère exceptionnelle,

une sensibilité unique,

un vrai talent dans la description du malaise,

une maîtrise du non-dit.

C’est faible sur :

la structure,

la gestion du suspense,

la clarté à certains moments,

la cohérence logique (volontairement brisée mais parfois maladroite).
Lindsay S

Pute : 146
    le 11/12/2025 à 20:25:52
Quelle torture.
Je commence avec une gamine et son doudou. Ça pourrait être bien.
Et puis... La guerre. Le mari mort. La nanny traumatisée. Tellement gratuit. Je décroche direct.

Les phrases ? Hachées. Mais genre vraiment hachées. Je me cogne à chaque image comme Sabine se cogne au grenier.
Le crocodile. Le duvet marécageux. L’étang de larmes. Sérieusement ? Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Des métaphores de poids.

Je ne ressens rien. Le danger est invisible. L’horreur, inexistante. Tout est décoratif. Moi, je veux frissonner. Je ne frissonne pas.

Et la narration? Les plans, les couloirs, les souvenirs. Je me perds. Je ne sais plus si je cherche le doudou, le sens ou juste un fil narratif.

C'est trop pour moi. Et c'est raté.
Lapinchien

lien tw yt
Pute : 153
à mort
    le 11/12/2025 à 20:40:30
Harry Potter, ce sont les films que j'aime.

à la relecture de ce texte, j'ai trouvé à quoi ça me faisait penser : les programmes de jeux de rôle des années 80 sur Amstrad. Tout y était sur-expliqué, sur-décrit pour donner un sentiment d'immersion que la technique de l'époque ne permettait pas. Il fallait fouiller dans les descriptifs à profusion pour y trouver le petit détail qui permettait d'aller plus loin dans le jeu en déverrouillant une voie sans issue. C'est d'autant plus troublant qu'il y a une dimension transmedia dans ce projet.
Arthus Lapicque

Pute : 39
    le 11/12/2025 à 20:54:02
En effet. Je crois. Que tout. A été dit. Par mes camarades. Mieux que. Je ne saurais le dire.

Ça laissait pourtant présager du bon.

Mais

Quand le retour à la ligne
abusif
Se vide complètement
De ses effets
et de son sens
et devient
insupportable
pour le lecteur
Perdu dans la mélasse
Narrative

Quand une liste
de course
Inter
minable
devient
récit
Imbitable
Ou presque

Quand l'anaphore
Quand l'anaphore
Bref
Je passe.
Lindsay S

Pute : 146
    le 11/12/2025 à 20:58:52
Inter
minable

Ouiiiii
A.B

Pute : 10
    le 12/12/2025 à 09:26:38
Ouai, on se perd un peu dans la trame du récit et les phrases entrecoupées avec changement de ligne produisent plus de fatigue que de coupures nettes.

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