LA ZONE -

Sarah

Le 29/03/2003
par Arkanya
[illustration] Samedi 9 Décembre, 23h36, quelque part dans une pinède landaise…
Mais pour qui se prenait-elle ? Avec son regard mielleux et sa tête de petite fouine, elle se croyait tout permis ! Cet air mesquin avec lequel elle avait lancé : “Si tu veux, tu peux dormir dans la chambre d’ami.” Non, merci. Sarah ne dormirait pas dans la chambre d’ami. La gentille Sarah ne voulait pas dormir dans la chambre d’ami. La trop bonne Sarah n’avait pas envie d’être son amie de toutes façons !
Non contente de lui avoir volé son amant presque sous le nez, cette garce voulait la faire dormir dans la chambre d’ami, on aura tout vu !
Voilà, par fierté mal placée direz-vous, Sarah avait préféré remonter dans sa Clio II (“Sympa ta voiture, elle est de la même couleur que ma robe !”- Ta gueule, pouffiasse !) et faire les 350 Km qui la séparaient de chez elle plutôt que de dormir dans la pièce qui juxtaposait leur chambre.

Au moins sa haine la tenait-elle éveillée. Sa haine et les phares de la voiture qui la suivait dans le rétroviseur. Elle l’aurait bien maudit aussi celui-ci, mais à dire vrai, elle trouvait cette lumière rassurante dans le désert qui l’entourait. S’il n’avait pas été là, elle aurait eu l’impression angoissante d’être seule au monde.
Sarah passa sa main derrière sa nuque et inspira profondément. Surtout, ne pas s’endormir. Elle enclencha le ventilateur et haussa le volume de l’autoradio qui diffusait le dernier tube à la mode en crachotant. Saletés de plaines, réception pourrie, sûr. Dire que c’était pour lui qu’elle s’était exilée de la capitale il y avait deux ans de ça, quand on voyait le résultat…
La route était étrangement sombre cette nuit. On voyait à peine les rangées de pins se succéder sur les côtés, masses fantômes qui défilaient comme des … Quoi ? Voilà que l’autre derrière lui faisait des appels de phares à présent !
Non, c’était des contraires d’appels de phares. C’est depuis le début qu’il roulait en pleins feux. Il y en avait décidément sur cette planète qui ne vivaient que pour lui pomper son oxygène ! Elle ralentit en attendant qu’il la double. Rien à faire, il continuait à s’énerver sur son levier de commande. Elle accéléra de nouveau en pestant contre cet abruti… et contre cette traînée… et contre son ex. Elle aurait dû se douter que quand il l’avait appelée pour qu’elle vienne récupérer les quelques affaires qu’il possédait encore, il y avait un piège. Elle se souvenait encore du choc qu’elle avait ressenti (figé son sourire préparé, congelé littéralement sur ses lèvres) quand l’autre avait ouvert la porte. “Si tu veux, tu peux dormir dans la chambre d’ami.” La phrase obscène résonnait en boucle dans sa tête.
Quand elle se rendit compte que ses doigts étaient crispés sur le volant, elle avait déjà mal. Elle desserra lentement son étreinte en se maudissant elle-même cette fois.

La voiture qui la suivait s’était rapprochée, et le conducteur gigotait derrière son pare-brise. Il réitéra ses appels, tant et si bien que Sarah se décida à ralentir pour de bon. L’autre mit son clignotant, faisant signe de se garer. Elle hésita juste quelques secondes puis se rangea sur le bas-côté. Après tout, cet inconnu avait peut-être perdu sa route. Il n’y avait pas grand monde dans le coin pour demander son chemin. Délicieuse litote, il n’y avait pas un chat dans ce bled paumé, oui. Sarah avait le regard figé sur son rétroviseur. Elle clignait des yeux pour essayer de voir son persécuteur. La portière s’ouvrit, un homme en sortit. Un homme qui lui parut gigantesque. Il était d’une carrure imposante et marchait d’un pas assuré vers elle. Elle ne distinguait pas son visage. Soudain, elle réalisa que cette voiture la suivait depuis qu’elle était sortie du dernier village. Bien sûr, il l’avait même laissée aimablement passer au stop ! Et si c’était un sadique ? Il avait eu le temps de voir qu’elle était toute seule.
Il n’était plus qu’à trois mètres quand elle embraya, dérapant sur les épines de pin, et s’élança dans la nuit noire. Elle l’entendit mugir quelques mots incompréhensibles, et sûrement qu’ensuite il avait sauté dans sa voiture, car quelques minutes après il la pistait de nouveau. Comme il commençait à se rapprocher, Sarah se mit à pousser de petits cris compulsifs. Elle accéléra davantage et se força à retrouver son calme. Saleté de pays où les routes n’ont pas de bandes blanches ! Elle s’interdit de céder à la panique. De toutes façons, elle n’avait qu’à rappeler Alex, et au prochain carrefour elle se débrouillerait pour faire demi-tour. Elle y serait dans une heure, elle dormirait dans la chambre d’ami finalement. Elle glissa la main dans son sac et chercha son portable à tâtons. Gggrrr, le sac des femmes. Mais comment pouvait-elle avoir autant de choses inutiles ? Elle renversa le contenu sur le siège du passager. Ah, le voilà. Ne quittant pas la route des yeux, elle composa le numéro (il y a des choses que l’on n’oublie pas tout de suite). Pas de réception, c’est pas vrai !
Pas de panique, surtout, pas de panique. Faire demi-tour. On verra bien après. Elle inspira plusieurs fois, tant et si bien qu’elle en attrapa le tournis. L’autre la suivait toujours. D’après ce qu’elle avait pu en voir tout à l’heure, c’était une grosse voiture, une Mégane, ou elle ne savait quoi. De toutes façons, elle l’aurait vue en plein jour qu’elle n’aurait pas su dire de quelle marque elle était. Un panneau ! Il y avait un panneau ! Un croisement, enfin. Une route bifurquait sur la gauche. En se débrouillant, elle retrouverait bien le trajet jusqu’à Seignosse.
Elle rétrograda, faisant hurler le moteur. Elle faillit mettre son clignotant, puis manqua de rire de sa propre bêtise. Pas grave, elle en rirait plus tard. Elle se prépara à tourner, elle arrivait trop vite, elle pila, la Clio dérapa, l’arbre, il se rapprochait, l’arbre !
Sa tête s’enfouit dans l’air bag, pour une fois que la technologie fonctionnait au moment où on le lui demandait ! Sarah retrouva ses esprits en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ouvrit la portière et se rua vers la pinède. Courant comme une éperdue, elle entendit la (Mégane ?) s’arrêter. Elle se jeta dans un fourré de ronces.

Elle attendit de longues secondes sans que rien ne se passe. Le sol était humide et froid. Elle tendait l’oreille mais ne percevait que le crissement des insectes. Un bruit derrière elle la fit sursauter et elle étouffa un cri. Une pomme de pin qui tombe, probablement.
Puis l’homme commença à appeler “Hé ! Ho !”. La voix semblait venir de très loin, elle avait dû parcourir une bonne centaine de mètres. “Hé ! Ho ! Vous êtes là ?”
Puis plus rien. Après quelques minutes, sûrement juste le temps qu’il avait fallu à cet enfoiré pour piquer son sac à main, Sarah entendit la voiture démarrer, puis le bruit du moteur s’éloigner, puis le silence. Elle resta longtemps allongée sur la mousse. Ses joues la piquaient, certainement lacérées par les ronces. Elle sentit sa gorge se nouer. Elle avait besoin d’évacuer la pression, alors elle se laissa aller à pleurer.

Quant elle eut fini, elle était épuisée mais un peu plus sereine. Elle se leva et marcha lentement jusqu’à sa voiture. Elle avait heurté un pin de plein fouet, le capot enfoncé formait un dôme. Irréparable, manifestement. Elle se glissa derrière son volant.

“Ça plane pour moi
Ça plane pour moi
Ça plane pour moi, moi, moi, moi, moi”

L’autoradio fonctionnait toujours, elle se pencha pour l’éteindre.

Quand elle se redressa, quelque chose attira son attention. Un morceau de papier était glissé sous l’essuie-glace. On aurait dit, mais oui, c’était un ticket de caisse. Elle passa la main au dehors et saisit l’objet. Quelques mots étaient griffonnés sur l’envers, d’une écriture brouillonne :

“Je voulais juste vous avertir que vous aviez oublié d’allumer vos phares”

= commentaires =

barbarella
Avertissement    le 29/03/2003 à 21:29:32
"Je voulais juste t'avertir que c'est INVRAISEMBLABLE ton histoire"

C'est impossible de rouler sans phare en pleine nuit au mois de décembre et à 350 kms de chez soi...
Même quand on est très vénère d'être cocue.
Le début était prometteur, dommage.

Sinon c'est cool, j'aime bien plastic bertrand.
Ocus

site blog lien
Pute : 0
...    le 30/03/2003 à 04:15:26
Ca sent le vécu, dirai-je... surtout si comme moi on sait que tu connais plus ou moins bien les landes.....
Arka
    le 30/03/2003 à 11:21:44
Maiheueueu... Où est-il écrit qu'il faut être logique ? Bon, d'accord, j'admets que ça manque un peu de crédibilité, mais bon, bref, passons...

(Ah ! les pins, les barbecues, la mer...)
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 31/03/2003 à 14:15:24
super suspens on dirait du Night Shamalow heu Shamalan... en plus tu m'as bien eu je pensais qu'à la fin çà serait un flic ou bien un gars qui lui offrirait un gros bouquet de fleurs dans la gueule suite à l'effet magique du déo impulse qu'elle avait inopinément utilisé dans la matinée car elle avait fini sont Narta la veille...
Gwen

Pute : 0
Ah Seignosse...    le 31/03/2003 à 16:19:05
... et sa discothèque... yeark !
nihil

Pute : 1
void
void    le 31/03/2003 à 16:25:13
Un jour faudra faire un best-of des commentaires de LC quand même...
Bon l'article, je le trouve correct, nettement mieux écrit qu'une bonne part des textes de la zone, mais bon ça casse pas trois pattes à un canard non plus, c'est marrant, sans plus quoi
clax
....    le 31/03/2003 à 19:41:08
bon faut savoir ce que tu dis nihil... " bien sous tout rapport, a lire..." "ca casse pas trois pattes".
J'ai loupe un truc?
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 01/04/2003 à 09:22:57
le jour ou tous les cons du monde se tiendront la main, c'est moi qui foutrais mes doigts dans la prise électrique !
"St Jean. Génèse. Chapitre 2.Tome 4.Verset 12454)
nihil

Pute : 1
void
void    le 01/04/2003 à 12:15:49
De une je dis tout et son contraire si je veux, c'est pas ça qui va m'arrêter, de deux dans ma terminologie personnelle, "bien sous tout rapport" et "ça casse pas trois pattes à un canard" (à savoir c'est pas extraordinaire comme le déclencheur pouvait être extraordinaire) sont pas des expressions contraires et peuvent toutes seulent s'appliquer à une même chose

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