La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Déchetterie : texte rejetés divers et variés

Démarré par nihil, Octobre 03, 2007, 15:53:58

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Nana

oups ça augmente la pression. j'étais en secret persuadée que vous ne placiez plus de texte à la déchetterie.

lapinchien


Nana

j'ai bien rit,  j'vais pas multiplier les "haha", je l'ai déjà fait récemment.
la zone c'est trop d'pression

Dourak Smerdiakov

L.A.P.D.
Posté le 04/01/2015
par Didier Barbe   

Citation« Il s'est fait avoir par une tapette géante ! »
Gérard DARMON.

Dans les années 1980, le département de police de Los Angeles comptait dans ses rangs un dénommé Mauricio Dominguez, qui faisait partie de la patrouille autoroutière. Son teint basané et ses origines mexicaines lui avaient valu le surnom de Ponch - rapport à Poncherello, le motard de la série américaine Chips, très en vogue à cette époque ­- ou encore du chicanos. Certes ces deux sobriquets ne lui plaisaient pas outre mesure, mais il préférait tout de même qu'on l'appelle ainsi plutôt que par les surnoms dont l'avaient affligé certains anciens coéquipiers. Heureusement, depuis les fâcheux accidents de la route dont avaient été victimes ceux qui osaient le nommer de sorte, ces pseudonymes étaient devenus inusités. Et c'était tant mieux, car il n'avait jamais pu supporter qu'on le traite de tapette, de tantouze ou encore de pédé. C'est vrai, il n'était même pas pédé - juste un peu efféminé - et il ne voulait pas qu'on l'appelle comme ça, c'est tout ! C'est pour ça qu'il les avait tous liquidés et fait en sorte que ça passe pour des accidents. Mais le doute s'était installé dans le commissariat, et on évitait de prononcer ces insultes en sa présence, au cas où.

Jusqu'au jour où un nouveau venu avait laissé échapper un mot qui n'aurait jamais du sortir de sa bouche. Le malheureux l'avait sifflé dans les couloirs et lui avait lancé un "eh, la tante !" sardonique. Ponch s'était retourné, fou furieux, et s'était approché lentement du gars. Il avait beau passer pour une tapette, il mesurait quand même un peu plus de deux mètres. Si bien que lorsque le jeunot s'était retrouvé accroché par le col au bout de son bras tendu, ses pieds avaient battu l'air cinquante bons centimètres au-dessus du sol. Du coup, il n'avait plus trop fait le fier, et il avait de quoi s'inquiéter car Ponch allait péter les plombs. Et effectivement il était devenu fou, lui frappant la tête contre les murs du couloir à tel point que ceux-ci avaient rougi de sang. Quelques flics avaient bien essayé de le maîtriser, en vain. Il était incontrôlable. Tout ceci s'était terminé tragiquement lorsque la tête du bleu avait heurté l'angle de la machine à cafés dans un bruit sourd, lui fracassant le crâne et plongeant le commissariat dans un affreux bain de sang. Cette fois c'est clair il avait vraiment déconné. Si bien que le soir même il s'était retrouvé en taule. Peu de temps après, suite à une brève plaidoirie, il s'était vu condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour meurtre. Il avait été jugé pleinement responsable de ses actes.

Les années en prison étaient passées bien plus vite que ce à quoi il s'était attendu. Il était resté relativement calme, un bon prisonnier d'après les matons. Il n'avait pas tué grand monde, juste deux types qui l'avaient traité de pédé. Ceux-là il les avait égorgés avec un couteau de cuisine qu'il avait réussi à se procurer auprès de celui-qui-peut-tout-avoir, mais n'avait jamais été accusé (il était le détenu modèle après tout). La fin de son séjour approchait. Après avoir été successivement responsable des cuisines, de la blanchisserie et de la bibliothèque, il s'occupait désormais de la salle de gym où les prisonniers pouvaient oublier leurs soucis en faisant de l'exercice la semaine et où les matons se refaisaient une santé le week-end. Ce jour là il recevait même le directeur de la prison, un coriace qu'il fallait pas faire chier. Celui-ci, après s'être épuisé sur de lourds haltères et voyant que Ponch restait dans son coin à rien foutre alors que lui se défonçait, lui lança :

« Hep, toi là-bas, tu nous fais une petite démonstration !
- Non-merci, vous savez, le sport et moi...
- C'est pas une question, Ducon, c'est un ordre. Monte là dessus, beugla-t-il en pointant du doigt un de ces appareils de torture. »

Ponch s'exécuta. Pendant ces longues années il avait appris à ne pas désobéir aux ordres, surtout pas à ceux du directeur. Et puis sa libération était proche, bientôt il ne reverrait plus sa sale tronche. C'est la raison pour laquelle il n'hésita pas plus longtemps et enfourcha le vélo d'entraînement.

« Voilà, tu vois quand tu veux, ajouta le chef, et maintenant PÉDALE ! ! ! »

Brutalement, comme à chaque fois, le visage de Ponch s'empourpra et ses yeux s'obscurcirent...

Arrivé à la fin du texte... Oh, putain, tout ça pour ça...
Pour le débat citoyen et convivial dans le respect indivisiblement démocratique de la diversité multi-culturelle des valeurs républicaines oecuméniques.

Muscadet


L'histoire du canapé ressemble à toutes les autres histoires auxquelles j'ai dû faire face à la maison. Descendre un truc pareil, ça m'agace complètement rien qu'à l'idée de l'effort que ça augure. Par exaspération, j'ai fini par lui dire que vivre ensemble devenait de plus en plus difficile pour moi et que ces aventures de meubles, d'évènements familiaux, de bibelots qui s'entassaient sur les étagères et de boîtes de rangements me rendaient malade. Elle criait que j'allais faire des marques sur le parquet, je disais « mais non, mais non, allez dégage ». Je l'avais appelé par son prénom au moment de m'agiter, c'est un procédé qu'on utilise sans vraiment le préméditer, pour se distancier de son interlocuteur quand il s'agit d'un proche, ou dans mon cas pour lui faire comprendre que je ne plaisantais pas quand je disais que ce genre de cinéma me fatiguait.
Elle est partie travailler, moi je ne travaille pas. Je regarde les autres partir travailler et je constate ensuite que c'est pour le mieux. Donc elle est partie sans un mot et j'ai pu m'atteler à mon plan.
Pour les coussins du canapé et le petit meuble, c'était du gâteau. La femme de ménage du mardi -parce qu'il fallait que ce soit fatalement ce jour là- a contemplé mon manège avec une indignation très rentrée, figée dans son état des lieux. Je suis remonté pour envisager la structure qui devait faire une cinquantaine de kilos pour deux mètres dix. Le virage du couloir ne m'a pas résisté longtemps et j'ai progressé tactiquement par à-coups jusqu'en haut de l'escalier avant de le faire glisser sur les marches dans la longueur. Le coin de l'escalier était d'un autre niveau d'exigence mais j'ai réalisé un relevé vertical glissé pour le réorienter dans le sens voulu. Là où j'ai frôlé le drame, c'est dans la descente finale, à cause du poids que je portais quasiment en totalité au moment de le rabattre vers les dernières marches, et de l'angle stupidement pentu de la seconde moitié du parcours.
Subitement en nage, la poussière et la sciure de bois se collant à mon visage et aux poils de mes bras contractés et douloureux, j'ai cru un instant que je n'y arriverais pas et que j'allais me blesser bêtement. J'ai pris un instant pour me reprendre un peu et en rampant vers l'arrière j'ai accompagné l'extrémité de ce bordel vers les marches avant de m'extirper de cette position périlleuse.
Immédiatement après que je me sois redressé, j'ai senti la douleur caractéristique selon moi d'un claquage sous la cuisse droite. J'ai dit merde et putain plusieurs fois en soufflant longuement, adossé au canapé toujours appuyé contre les marches.
Un type sorti du cabinet de dentiste du rez-de-chaussé m'a demandé si je voulais un coup de main, j'ai dit non, que j'avais plus qu'à le mettre dans la rue. Ce qui voulait dire que je refusais que mon exploit soit relativisé par une aide extérieure, surtout si proche du but, et c'était vrai : j'y étais. Ma cuisse vibrait un peu mais je sentais que ça tiendrait le coup. J'ai un corps capable, même s'il ne paye pas de mine.
En remontant une fois le devoir accompli, j'ai remarqué une belle rayure blanche d'un bon mètre cinquante sur le parquet, du salon jusqu'à mi-chemin de la porte d'entrée de l'appartement, avec une courbe en forme d'hameçon, ce qui m'a évidemment donné à réfléchir sur la signification de cette image. J'ai en ai trouvé deux puis j'ai rangé la vaisselle qui traînait. Ma cuisse ne me faisait presque plus souffrir du tout, c'était miraculeux.
J'ai roulé un autre joint de décompression mentale alors qu'un camion de la ville, sorti de nulle part, faisait un boucan incroyable dans la rue en chargeant déjà le meuble, les coussins et le canapé de l'enfer dans sa benne.



NDLA : Bonjour.

lapinchien

Je ne comprends pas pourquoi tu poste ce petit texte sans prétention mais de bonne facture directement dans la déchetterie alors qu'il aurait sans nul doute passé le cap de la violente sélection drastique des admins sur la ligne éditoriale. Tu pourrais même lancer un nouveau mouvement littéraire. Je te souffle le nom : Ikeature. 

lapinchien

je me sens si médiocre et sale après un calembour marketing. JE NE SUIS QU4UNE PETITE COCHONNE BIEN CRADE §

lapinchien

J'ai adoré ton #TDM2015 en attente aussi. C'est du lourd. La compétition va avoir du leuveul cette année. (parfois tu me fais peur, tu as des TICS GLAÜXIENS dans tes textes. Tu essaies de le dissimuler en plus mais c'est certain que LE CHOUETTE a été ton sensei, ou ton mentor, ou enfin qu'il est un repère fort littérairement parlant pour toi. Une poutre, probablement. (ça+Ikeature(tablebassienne presque)=OHMONDIEU§ MES DENDRITES SONT TOUTES FOFOLLES et pleines de supputation§)

Lourdes Phalanges

Les textes occidentaux décrivant des personnages entrain de se droguer sont navrants. On stagne au stade récréatif-bien être, comme si tu avais besoin de te vider la tête après ta petite non-interaction de consommActeur.

Le style est pas dégueu mais on sent le troll avec son texte vide.
« Allons bon ! s'écria Socrate ; nous étions à la recherche d'une vertu : en voici tout un essaim ! »

Muscadet

#129
Je reconnais entretenir un souvenir ému de n3rDz. Le passage de l'email en latin est une référence universelle. Rien n'a plus été tout à fait drôle après ça.

10 ans déjà :

[De : preacher_nobull$hit@alphasoft.com
Pour : akaiô@deltalitt.com
Sujet : HABEAS CORPUS

Ave cretine,
Latinum nihil entravo,
Felixamento Googleum clamsos languos traductare.

Te ideum luminex est,
Bot latinum quedalos pigeare.

Externo itere ,voluntis meum est,
Amor i unitas kaput sunt.
Sed in rectum meum profundis habeo
Itaque agoraphobum sum discovrem.
Chokotis habem,
Grosso Trouillardo sum
Kikoololos84 me contacto,
Le tutti rikiki maousse kosto.
Quid tu branlos condominium meetic ?
Sed malox superero i te encuntrare arrivo.
I que s'apelorio Quezac.

cunilinguis,
Preacher]



Mais revenons à nos moutons.
Je viens de m'entretenir avec le Grand Inquisiteur de la Saint-Con, dont la modestie est proverbiale, histoire de lui faire comprendre que la fête était terminée. L'air de ne pas y toucher, il m'a semblé d'humeur à participer à la semaine des TDM. A dix jours du lancement d'un tel évènement, il serait effectivement temps de se sortir les doigts.

Muscadet

Citation de: Lourdes Phalanges le Juin 10, 2015, 23:43:44
Les textes occidentaux décrivant des personnages entrain de se droguer sont navrants. On stagne au stade récréatif-bien être, comme si tu avais besoin de te vider la tête après ta petite non-interaction de consommActeur.

Le style est pas dégueu mais on sent le troll avec son texte vide.

Lourdes, tu es un rabat-joie pénible. Tu as raison, bien sûr, mais nous connaissons tous cette raison.
Sinon, pourquoi traînerions-nous encore nos guêtres par ici ?

Oui c'est vrai, oui on sait.


lapinchien

perso les trolls ne me dérangent pas. Je suis Francis Lalanne d'ailleurs. Je suis fou. Les gens sont tous des trolls,  mais c'est pas grave. Je respire. Faut composer avec le monde et mettre un pied devant l'autre pour avancer plus loin, mettre un pied devant l'autre pour penser à demain.

Muscadet

Putain de philosophe stoïcien. Héraclite de mes couilles.

lapinchien

Héraclite, superbe personnage principal potentiel pour un prochain texte de saint con. Merci pour tes conseils. Je vais y réfléchir.

Muscadet

Je vais l'écrire ce putain de texte, je mets ma menace à exécution même si je dois redevenir une pauvre loque, me clochardiser, ça vaudra toujours le coup.
De toute façon, je peux pas continuer à attendre la bonne fenêtre de tir, les circonstances propices ne le seront jamais suffisamment, et je finirais par trouver un prétexte fataliste que j'aurais emballé d'excellentes raisons, toutes discutables, toutes défendables. J'achèterais un tapis de course électrique pour me venger, toutes options, comme ceux qu'ils avaient au Club Med de Varadero à Cuba, dans la salle de sports ultra-climatisée où ils servaient les jus de fruits frais exotiques et distribuaient les serviettes individuelles. Et puis, une situation en entraînant une autre, je me sentirais un homme nouveau aux perspectives d'avenir illimitées, sky would be the limit, je maudirais mes addictions qui appartiendraient alors à un passé déjà lointain de trois semaines, me chargeant de dispenser en prosélyte attentionné la bonne nouvelle du mens sana in corpore sano.
Une fois ma bouffonerie terminée, je balancerais le merdier dans la salle à merdier où on range tous nos espoirs déçus : équipements sportifs, valises sécurisées pour grands voyageurs, accessoires et electro-ménager tendance, planche à repasser et débuts de romans de quatre pages.
Au réveil, je constaterais les dégâts et nous serions repartis pour un tour. Merci mais non merci. Cette fois, je vais au bout, qu'importe. Ce sera difforme et digressif, narcissique et sectaire, mais ce sera.

Pour en revenir à nous, je ne sais pas si je peux vous faire confiance. Disons les choses comme elles sont : vous pourriez être n'importe qui et j'ai des ébauches d'opinions plutôt clivantes. Et pour mettre les choses à plat : non, je ne dirais pas dans la rue ce que je dis ici ; oui, aussi parce que je suis lâche, mais surtout parce que c'est le principe.
Si ce sont les hommes courageux qui vous intéressent, il y a toujours les documentaires du câble en caméra embarquée sur les volcanologues, ou la rétrospective des combattants de la liberté sans lesquels on parlerait tous allemand.
Je ne produis ni biens ni services, je ne représente aucune force de proposition politique ou civique dite sérieuse -c'est à dire aucune qui soit applicable à grande échelle- et je vis et consomme inconsidérément, en parasite déterministe, épousant sans trop d'efforts la tendance onirico-cynique de son époque, auto-affligé mais non moins poseur.

Ne pas s'effrayer à la vue d'une contradiction. Un ange passe, comme disent les vieilles, et puis on s'en accommode.

J'ai eu un coup de coeur pour ces affiches de série tv -the wire- pour hipsters. La question qui s'est posée était de savoir si j'allais vraiment placarder des têtes de noirs dans mon bureau. Et puis finalement je suis passé outre, assez facilement. Ce qui m'a fait penser que j'étais un raciste récupérable quelque part. Je pouvais prétendre à la rédemption ou un truc du genre, tout ça grâce à une bonne histoire.

Je mène une vie privée, presque exclusivement. Au-dehors d'elle, en extérieur, j'ai comme l'impression que ça ne compte pas, que ce n'est pas vraiment la vie, juste une terrasse d'exhibition, le podium sur lequel on fait défiler nos collections d'hiver et d'été. J'ai pas envie de jouer, j'ai des choses sérieuses à faire chez moi, je rentre et j'essaye de réfléchir à mon comportement et à celui de ceux que j'ai rencontrés. Il faut que je digère après chaque sortie. C'est de cette façon que j'ai réalisé que je faisais aussi le pitre, que j'étais contaminé. Mais comme je manque d'entraînement, à chaque fois j'improvise, et je me fais vite remarquer.
Souvent mes manières m'insupportent, je voudrais décliner toute responsabilité pour cet incontrôlable instinct de survie sociale qui me pousse à dire une connerie affligeante. Là-dessus, je suis plutôt fataliste. J'ai longtemps voulu m'en débarrasser sans jamais trouver par quel bout le prendre.

Au bout du huit ans de vie commune, je me suis rendu compte qu'on n'avait toujours pas évoqué avec Stef certaines questions essentielles, comme le fait que j'aime me faire sucer longuement et avec application. Qu'il y avait beaucoup trop de non-dits dans notre relation, pas ou peu de communication verbale, et que c'était un point sur lequel il nous aurait fallu travailler. Aurait fallu, car dorénavant, cette distanciation demeurera entre nous, malgré de belles vacances au soleil ou tous les moments de franchise apaisée que nous pourrions nous offrir. Naïvement j'avais pris pour acquit qu'avec le temps nous finirions par nous confier davantage, naturellement, alors qu'en réalité les années cristallisaient nos silences.
J'ai refusé de faire l'effort, comme d'habitude.

L'homosexualité, c'est un sujet que je n'aborde pas, ou très peu. Je n'ai pas réussi à surpasser ce blocage, toujours gênant. Par exemple, j'avais rêvé l'autre nuit d'une relation trioliste avec un homme et une femme en arrière-plan, mais ensuite le type m'a volé mon portefeuille dans une gare. J'essayais de négocier, de récupérer au moins mes papiers, de les inviter tous les deux au restaurant pour calmer le jeu mais rien n'y faisait. Je crois que ça signifie que je conçois encore l'homosexualité comme un risque, une impasse qui occasionnerait des dégâts si je tentais sérieusement l'expérience. A Stef, je n'en parle pas non plus, ni de mon rêve ni d'autre chose, je sens chez elle ce mépris las qu'elle affiche pour les gens de cette orientation, peut-être dû au fait que son ex-mari passait du temps sur des sites gays avant leur divorce. Je peux comprendre.
Non, un homme ne me rendrait pas plus heureux ou épanoui. On se heurterait aux mêmes problèmes : mon besoin de solitude dans mon bureau douze heures par jour, mon incapacité à faire des efforts suffisants pour communiquer, ma faculté à abandonner rapidement les choses et les gens quand ils m'ennuient. La solution, si elle existe, est ailleurs.

Je vis en robe de chambre depuis environ un mois et demi et évidemment je ne sors pour ainsi dire jamais. J'ai pensé à la personnaliser avec un flocage dans le dos. « Je vous emmerde », ou quelque chose dans le genre. Je ne sais pas vraiment à quelle enseigne m'adresser pour ce type de travail mais l'intention est là.

Je ne plaisantais qu'à moitié lorsque j'ai dit à Stef que je pourrais prendre une maîtresse. Elle est plutôt intelligente mais pas télépathe, heureusement pour moi, heureusement pour nous tous. La télépathie mènerait à la fin de l'humanité, à très court terme, et dans un climat de violence sans doute inouïe.

Sans vraie raison, je repensais à ce clochard que j'allais voir en bas du boulevard dans mes années de grande solitude à Marseille, et avec qui je buvais de temps en temps assis sur le trottoir, à parler de rien sur un ton mélancolique. J'étais encore puceau et il avait eu ce commentaire tellement lapidaire « c'est juste un trou ». Il avait raison, mais à vingt ans je me faisais encore des idées, j'étais en retard à ce niveau là.
Je parlerai peut-être plus tard de ma première expérience sexuelle, qui s'est déroulée dans une chambre d'hôtel bon marché dans laquelle je vivais plus ou moins depuis que ma mère et moi ne nous supportions plus. Davantage une leçon qu'une découverte, et à qui je dois sans doute mes tendances misogynes.

A quatorze ans je vivais en internat pour la première fois, c'était à Toulouse et le poste de directeur de clinique qu'occupait ma mère ne lui permettait pas de me gérer, quant à ma grand-mère qui était installée là-bas depuis toujours, elle disait que j'étais un bandit. Un terme un peu dépassé mais cocasse que j'allais entendre à nouveau quelques années plus tard de la bouche de mon beau-père après que je lui aie dérobé trois milles euros pendant la nuit durant un séjour de courtoisie. De grand chemin, avait-il rajouté.
Quoi qu'il en soit, c'est dans cet établissement que j'ai appris à haïr sérieusement la promiscuité et les groupes humains organisés. En dehors de la cruauté gratuite inhérente au milieu et dans lequel j'appris à aspirer du déodorant à travers une serviette de toilette pour tromper ledit ennui, j'avais été marqué par la taille de la bite de mon voisin de dortoir. On se branlait mutuellement une fois la lumière éteinte par le surveillant, étant donné qu'on avait rien à perdre à le faire vu les circonstances. C'était assez surréaliste pour moi, cette queue dont ma main n'arrivait pas à faire le tour, j'avais cru un moment qu'il trichait avec un accessoire mais ce n'était pas le cas. La mienne semblait ridicule en comparaison, mais on en riait sans méchanceté : lui aussi était un paria et n'avait aucun intérêt à me rabaisser.
Je me demande encore si un tel engin lui a rendu service dans ses relations avec les femmes, ou si ça n'a eu aucun impact particulier. Je veux dire par là lorsqu'on se retrouve à la montrer, c'est déjà gagné depuis un petit moment. A moins de vivre dans un village nudiste.
C'est dans ce même établissement que j'avais fait la connaissance d'un petit groupe d'ados bien sous tout rapport avec lequel je partageais une vision assez élitiste de la vie : nous étions les premiers de la classe, entretenions des relations de lèche-cul avec les professeurs et imaginions notre avenir avec sérénité, au-dessus de la mêlée des plébéïens. Ca m'amusait aussi, et encore une fois, j'avais cette sensation de n'avoir déjà pas grand chose à perdre, quoi que je puisse faire.
J'ai fini par arrêter mes études au Bac après avoir transité par Paris et Marseille au gré des affectations de ma mère, convaincu que je pourrais devenir écrivain en fumant des joints dans mon studio blindé de cafards et en lisant religieusement toute la bibliographie de Bukowski.
Par ennui, je décidai un jour de prendre le train pour Toulouse et de rendre une visite surprise à l'un de mes anciens complices de l'époque pour partager des souvenirs et disserter à nouveau sur le monde comme nous le faisions. L'erreur classique du débutant dans la vie.
Sur place, il m'a accueilli à contre-coeur, gêné par mon allure un peu débauchée, mon odeur de tabac froid et mon manque d'ambitions professionnelles, comme il allait me le faire savoir par la suite dans une lettre assez condescendante où il me traitait à demi-mot de clochard et que je n'ai pas gardée. Nous n'étions plus du même monde et en réalité nous ne l'avions jamais été malgré mon ascendance de petit bourgeois, il se trouvait que j'avais sans doute fait illusion grâce à mon bagoût et à mon amour des mots mais que l'imposture ne faisait plus son office désormais. Il avait honte de moi, il n'y a pas d'autre façon de le dire.
Son profil LinkedIn précise aujourd'hui qu'il est détenteur d'un doctorat en philosophie et d'une licence en administration économique et sociale, il occupe un poste de vacataire à l'université de Toulouse. La photo renseigne qu'il ressemble toujours au Prince Charles, sourire un peu forcé et raie latérale inclus. Un parcours imperturbable en somme, en parfaite cohérence avec l'adolescent serein et ambitieux qu'il était.
Il y a quinze ans, nous étions tombés d'accord sur le fait qu'il fallait déporter tous les imbéciles brutaux dans des camps de concentration en Espagne. Mais je suis le seul gardien de ces souvenirs.

J'ai fait lire à Stef un petit extrait des notes que je prends à la volée depuis que j'ai intégré le fait que j'étais incapable d'écrire un roman et que je ne serais jamais écrivain. Un compromis qui me permet quand même d'écrire régulièrement, ce que je considère comme un minimum syndical à respecter. Elle est restée silencieuse en lisant une poignée de paragraphes qui décrivaient la taille incroyable de la bite d'un voisin de dortoir quand j'étais en internat et ma tristesse après avoir suscité la honte d'un ancien camarade de classe. Elle s'est juste balancée légèrement contre moi, épaule contre épaule alors que nous étions assis dans le large canapé du salon, en disant doucement « Oohh... » avec un petit air attendri. Comme si je lui avais apporté un collier de nouilles et que j'avais six ans. Pourtant, lorsqu'elle se préparait à me monter dessus pour la seconde fois dans la nuit qui a suivi, elle m'a avoué qu'elle aimait quand j'écrivais. J'ai envisagé de nouveau que je me trompais peut-être sur ces choses-là, sur les femmes aussi, avant que l'idée que ce doute soit un piège classique à éviter soigneusement ne l'emporte.

Il y a des pensées dangereuses comme celle qui m'est venue avant de trouver le sommeil l'autre soir. A force de penser à Stef et à ma vie ici, j'ai brièvement contemplé ma relation comme j'aurais pu le faire il y a huit ans, juste avant notre emménagement. C'est à dire que je ne la percevais plus comme Stef, mais juste comme une jeune femme boulotte de plus qui cherchait l'amour et l'aventure sans trop y croire. Comme si j'avais rêvé ces huit années et que la réalité avait les moyens, et peut-être même l'intention, de me rattraper à tout instant. C'était une vision un peu menaçante, ça n'a duré que deux ou trois secondes, mais elle connaît le chemin pour venir maintenant. S'il doit en être ainsi, je crois que l'illusion de ces dernières années me convient encore très bien, sans parler du fait qu'il est encore possible que j'aie tort et que cette vision ne soit que celle du garçon que j'étais à l'époque, moins humain qu'aujourd'hui. Je ne veux pas tout recommencer, je me suis investi pour le meilleur et pour le pire, et j'envisage encore les deux.
Nous avons vécu sans sincèrement réfléchir à qui était l'autre et au pourquoi essentiellement nous avions choisi de vivre ensemble, balayant précipitamment ce trouble quand il se montrait, à chaque fois par une diversion confortable ou matérialiste. Mon intention était peut-être de nous épargner l'un l'autre, il apparaît que ça n'a pas suffi.

J'ai parfois l'impression très nette qu'elle me connaît mal, moi, mes goûts, les idées que j'ai, ma personnalité même. Comment peut-elle encore s'étonner, après huit ans de vie commune, de comportements qui me définissent depuis si  longtemps. Où était-elle, que faisait-elle pendant ces huit années, elle était au téléphone et n'a pas prêté attention ?
C'est sans doute ma faute aussi, je passe ma vie dans mon bureau, mais tout de même.
Je devrais terminer ce paragraphe avec un exemple concret mais j'ai du mal à trouver quelque chose de parlant pour un étranger.

Houellebecq, c'est le branleur qui a réussi à percer, ce qui explique aussi qu'il soit pris en exemple par les branleurs qui ne réussissent pas mais qui lisent des bouquins pour se consoler. Je l'ai souvent lu par solidarité, on a les champions qu'on mérite.
A ceux qui se demanderaient si je n'ai vraiment aucune dignité, je répondrais que je ne me fais pas d'illusions. Dans mon esprit, c'est une réponse honnête qui met fin à la discussion.

J'étais moyennement bien parti dans la vie. Je suis moyennement parvenu. Bon, pas de quoi crier au scandale.