LA ZONE -

Surf à Babylone (part1)

Le 01/12/2007
par Mano
[illustration] Intro

Psaume 136, Les fleuves de Babylone.

Sur les bords des fleuves de Babylone,
    Nous étions assis tous en larmes
Au souvenir de Sion.
    Nous avions suspendu nos harpes
Aux Saules de ce pays.
    Car ceux qui nous avaient déportés nous réclamaient un cantique
Et nos oppresseurs exigeaient une hymne de joie :
    “Chantez-nous donc un des cantiques de Sion !”

Comment pourrions-nous chanter une cantique du Seigneur
    Sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem,
    Que ma main droite se paralyse !
Que ma langue reste attachée à mon palais,
    Si je ne garde pas ton souvenir,
Si je ne mets pas Jérusalem
    Au premier rang de mes joies.

Contre les fils d’Edom, souvenez-vous, Seigneur,
    Du jour où tomba Jérusalem,
Quand ils s’écriaient : “Détruisez,
    Détruisez-là jusque dans ses fondations !”
Fille de Babylone la dévastatrice,
    Bienheureux celui qui te rendra le mal que tu nous a fait !
Heureux celui qui empoignera tes petits enfants,
    Pour les fracasser contre le rocher !

1 Surf

    Ca monte, du bout des extrémités, ça monte. Les picotements convergent des membres vers les bustes et les yeux sont lourds à en fermer. Les pompes cardiaques vibrent sous les coups lourds des basses et se remplissent les veines d’une substance épaisse, presque palpable. Regards fixés. Scintillements bleutés de l’écran qui retient toutes les attentions. Une silhouette, homme bronzé, balaffre d’écume la pente d’un mur d’eau à pic. Rouleau de titan. Bien plié, accroché à la paroie, il colle à la mer. Funambule.
    Changement de plan, brûlent leur ventre. Caméra au raz de l’eau. Les dents de la planche mordent les flots, deux yeux requins indiquent la direction. Tunnel, intérieur du rouleau, lumière étouffée. Brutalité des contacts au bleu, image saute, difficulté à se maintenir debout au milieu des éclats et du roulement intense de l’eau. Violence de l’action sous leurs yeux, combat à la mer.
    Ils sont trois dans la pénombre, corps abandonnés sur un vieux canapé de cuir clair, à ne pas ciller, tout entiers vautrés dans le halo bleuté de la télévision. L’ensemble Hi-Fi luit sur leur gauche. Les diodes pulsent sous les coups pesants d’un Dub jamaicain. Le pilote automatique branché, soutenus par la chimie des cachets qu’ils viennent d’avaler, ils se laissent aller à l’image. S’abandonnant au moindre ressentir, ils sont dans l’action. Excitation de tenir encore un peu, de faire les quelques mètres de plus qui les séparent de la chute, avant que tout ne cesse.
    Enervement des peaux à fleur, tensions des corps. Les sexes des deux garçons sont électriques et gonflés de chaud, celui de la fille brûle le long de ses vides. Leur langue outrageusement sortie vers l’avant, yeux révulsés, tous les trois sont à fond sur l’eau, vissés à la planche, transportés par le plaisir de glisser.
    Choc. Fini la montée, fini le plaisir. Les parois fluides se figent béton, violence et poids de l’eau qui écrase et démembre. Puissance de l’élément qui rattrape et châtie. A l’écran l’image est confuse, un rapide coin de ciel apparaissant avant que la planche ne retombe, brisée.
    Hagards, les trois se glacent. Plus un mouvement, se figent leur sang. Stupeur de retrouver l’air, difficultés à respirer, piquent les commissures des yeux. Brutalité de la disparition. Il n’y a plus rien. En pleine montée, déconnectés. Plus de glisse dans tout ce bleu, plus la mer partout pour eux. Neige de l’écran.
    Cassette fétiche do Filho da Yé, surfeur mythique, sa dernière glisse, sa dernière pirouette : une vague de 18m50 de haut, 3 minutes et demi d’une des crêtes les plus folles jamais domptée. La fin d’un corps souple à jamais adulé.


2 Mastic

    Vlad est le premier à réagir. Yeux dilatés bleux qui pointent vers l’entre-jambe d’Anja, avant-garde d’une armée de doigts qui butte sur l’obstacle de la fermeture éclair de la combinaison cam’. Impassible, Anja se laisse aller en suçant son pouce. De son autre main elle carresse nonchalament les cheveux de Rim-K qui tarde à se détacher de l’écran. Depuis la fin de la séquence il n’a pas quitté le poste des yeux, les mains tétanisées à l’emplacement du sexe.
    La douceur des carresses d’Anja le ramène progressivement à lui. Juste conscient, mécanique, machoires pendantes et yeux vides, il rampe vers le scope pour changer la bande. Après une petite pause pour s’assurer qu’il n’a pas fait de fausse manoeuvre, il monte le volume de la chaine jusqu’à ce que les sons rebondissent contre les murs pour revenir se mêler au battements de son coeur, appuyer sur sa peau. Il comble les vides, sature la pièce. Eclats métaliques et vibrations sourdes. Il réduit l’espace pour qu’il ne reste qu’eux, que rien d’autre ne puisse prendre de place, s’immiscer.
    Quant il se retourne les lèvres d’Anja appellent son sexe. Derrière lui, dans le même instant, elle apparait à l’écran : multitude de petites tresses blondes, nez mutin tâcheroussé, langue papillonante sortie en flèche. Ses yeux pétillents d’envie. Vlad plonge son visage entre les chairs molles et odorantes qui plissent au centre de ses cuisses. Contact froid du métal dont elle est percée, douceur gluante de sa peau épilée. Anja avale Rim-K. A l’écran, en gros plan, du sperme coule de sa bouche. Elle se regarde en suçant, aimant à voir, maîtresse en scène.
    Elle se sent lien, mastic du trio, celle par qui tout transite. Elle frotte sa joue au flanc de Vlad. Tellement fine la peau à cet endroit, juste une petite épaisseur de chaleur avant les côtes, avant le coeur. Une petite épaisseur si fragile qu’elle en pleurerait.
    Pourtant Vlad est un sacré gaillard. Blond, cheveux longs, près de deux mètres d’une carcasse musclée et souple qui n’a pas peur de grand chose. Elle l’a vu grandir et l’aime depuis toujours, c’est son frère. Rim-K est brun, plus petit, plus noueux, plus nerveux aussi. Meilleur ami de Vlad, ils ont toujours trainé ensembles depuis leur première rencontre. Lui, c’est son sourire qu’elle aime tout particulièrement. Embrassant tantôt l’un, tantôt l’autre, elle les carresse également. Ils se sont très tôt découverts à trois et ne se sont plus séparés depuis ; toujours ensembles, souvent mélés.


3 Jérusalem

    Ils habitent un entrepôt humide construit au siècle dernier. Machefer, ciment mélé de caillasses et poutrelles métalliques. Le premier étage du bâtiment est entièrement dévasté, sujet à de nombreux courants d’air et infiltrations d’eau, mais le rez-de-chaussée et la cave sont habitables. Surtout la cave qui a été assainie par d’anciens occupants afin d’être aménagée comme studio d’enregistrement ; c’est là qu’ils passent le plus clair de leur temps.
    Un endroit relativement sain dans un quartier déserté et partiellement détruit, à l’écart des grands centres de vie de la ville. Une ancienne zone industrielle sous le coup d’un vaste projet municipal qui tarde à se mettre en place sous la pression d’intérêts contradictoires. Une partie de la ville qui, depuis quelques années, reste dans les brumes qui montent de ses eaux proches.
    Délaissés, ils ont appris à trouver des interstices leur appartenant. Ils ont choisi cette zone en raison de son éloignement de leur habitat d’origine, secteur ouest, de l’autre côté de la vallée. Mais aussi parcequ’elle offrait de nombreuses possibilités de logements en raison du départ de la plupart des entreprises qui occupaient les lieux. De plus, la pression sécuritaire n’y est pas trop forte car la municipalité laisse le site à l’abandon afin d’économiser un maximum lors des rachats de parcelles. Dans quelques années tout cela changera sûrement mais pour l’instant ils n’en sont pas là.
    Anja est la première à avoir compris que pour survivre ils devraient utiliser les revenus de leurs corps. Alors, plutôt que de se prostituer ou de confier ça à d’autres, ils ont rapidement volé une caméra vidéo pour tourner des films “amateurs”. Une fille, deux gars : sodomies, pipes et éjacs faciales ... rien de plus facile à vendre.
    Un bon business qui ne leur met pas la pression, au contraire. Leurs films sont pensés en commun, ils en sont les acteurs uniques et privilégiés. Rien n’est mimé, tout est réel, leurs sentiments aussi. A chaque fois il s’agit d’une expérience totale, d’une tentative d’explorer le trio afin de mieux en connaître les méandres. Ils aiment se voir en train de baiser, tout entier fascinés par l’image externe de ce qu’ils ressentent de l’intérieur.
    Cependant cela ne leur suffit pas. Ils en ont marre de se faufiler dans les failles fangeuses de l’agglomération, de voir les autres abandonner rêves et envies à la facilité préfabriquée d’une trajectoire sans relief. Marre de zigzaguer autour de la ligne directrice, de ne pas pouvoir exposer la leur en plein jour. Marre du poids de la gangue minérale et métalique qui les entoure. Ils veulent s’échapper, retrouver leur dû, reprendre ce qui leur a été volé : Jérusalem.
    Jérusalem Amour, où l’homme avait encore sa place, où l’être humain pouvait marcher en paix, la tête haute, fier de son état. Pas cet immonde enchevètrement qui ne distingue plus le bien du mal et ne laisse de place qu’à la grisaille de l’argent. Ils aspirent à retouver la beauté des origines, celles que leurs parents et les générations précédentes ont perdu en les noyant sous le dogme du progré et de la volonté de profit. Fils de Babylone, ils aspirent à Jérusalem, la terre promise.
    Une terre débarassée des filtres du passé. Une terre qui tend vers l’éclat aveuglant des premiers jours, quand tout était encore pur et découpés, quand l’air était cristal et transparent, qu’il n’était ni chargé, ni opaque, de tout les péchés.


4 Déprime

    Nuit, mornes eaux sombres qui figent à leurs pieds. A la lueur d’un cône, allongés sur un remblais, ils luttent contre le froid. Engourdissement des membres. S’épanche leur tristesse au rythme lent des eaux asphyxiées. Aucune vie, rien. Large canal ventru, fétide drain. Ici, même les étoiles ne se reflètent plus.
    Sur la rive opposée les voies rapides s’enchevêtrent sans ordre apparent, accueillant de rares voitures dont les carosseries brillantes et la vitesse soutenue isolent leurs passagers de l’environnement. Entre les piliers titans, hors de portée de l’acide lumière rosorangée qui sécurise les routes, de pâles feux percent les ténèbres, halos étouffés autour desquels se déplacent avec difficultés de grossières silhouettes engoncées dans de mauvais habits de froid.
    A cet endroit le canal est une saignée infranchissable, les ponts les plus proches sont à deux kilomètres vers le nord ou à trois kilomètres vers le sud. Creusé à l’origine pour faciliter le transit des marchandises et des matières premières, il ne sert plus maintenant qu’à évacuer les trop pleins du lac artificiel qui se trouve au sud de la ville. Le percement, une dizaine d’années auparavant, d’un conduit parallèle plus large, une dizaine de kilomètres plus à l’est, a été fatal à l’activité économique de la zone.
    Les entrepôts et les usines désafectés se succèdent donc en direction du nord jusqu’à la rivière qui forme le deuxième côté du triangle de leur quartier. Le no man’s land des voies de chemin de fer et de l’autoroute suspendue ferme le périmètre au sud. A l’intersection de la rivière, des voies de chemin de fer, et de l’autoroute, se trouve la gare centrale.
    Ce triangle a été le premier poumon industriel de la ville. Un poumon tellement mangé par la fumée et la rouille qu’il ne permettait plus de respirer, d’où la décision des autorités d’excentrer les industries vers l’est. Maintenant que la chose est faite, l’endroit ne fait plus l’actualité qu’à cause de sa propention inquiétante à fabriquer de mini-catastrophes écologiques liées aux déchets en tous genres qui y ont été stockés.
    La nuit précédante le canal s’est embrasé en raison de la présence excessive dans ses eaux stagnantes de microcarbures provenant d’une citerne abandonnée. Durant toute la durée du sinistre ils ont espéré que la ville entière flamberait mais, à leur grand dam, les services de secours ont bien contenu l’incendie qui s’est éteint au petit matin.
    Dépité, repensant aux événements de la veille, Rim-K tire sur le joint silencieusement. Entre deux frissons, il exhale de lourds nuages de fumée nourris par sa respiration. Vlad, dans une état proche de celui de son ami, lance machinalement de petits cailloux dans le canal. La pélicule grasse les absorbe silencieusement, laissant le liquide sombre presque sans mouvement. Anja, défoncée aux cachets, est perdue dans la contemplation alambiquée de l’échangeur routier qui leur fait face. Ils sont abattus. Où est le chaud tant désiré, l’eau vivante de leurs voeux appelée ?
    Mineurs encore pour de longues années ils craignent d’échouer dans un centre de rééducation AMAR, Aide aux Mineurs Abandonnés Récalcitrants, que le nouveau conseil municipal vient de créer. Une fourrière à mômes où, si l’on pouvait, on serait ravis de les piquer comme des chiens encombrants. Leur plus grande crainte est d’être séparé, pourtant ils n’hésitent jamais à franchir le pas qui les rapproche de leurs rêves, quels qu’en soient les risques. Ainsi, dès qu’ils le peuvent, pliés sur leurs skates, ils écument la ville. Pourtant, aujourd’hui il n’en est rien, pas d’envies, trop de froid. Déprime.


5 Parking

    Parking. Chuintements des roues au sol, bruissements des roulements à billes. L’air siffle aux oreilles. Défilent, rapides, les lumières de chaque côté des yeux. Face, devant, le noir aspire. Rails des lignes jaunes collées à la surface luisante du bitume qui limitent les murs armés de béton. Accélération dans la pente de la spirale d’accès aux paliers. Attentifs à anticiper chaque possibilité de choc les visages sont tendus. Pression de l’air poussiéreux contre les peaux, tournent les têtes concentrées sur l’équilibre des planches.
    Objectif de toujours : le dernier sous-sol ; celui où les attendront peut-être vigiles et chiens. Une descente interminable de sensations et pourtant toujours trop courte. Jamais assez ! Jamais ! C’est ce qu’ils crient lorsqu’ils dépassent le véhicule qui, ouvrant la porte, leur a offert la pente. Là, ils le bombent au passage, trois jets irréguliers de peinture rouge, jaune et verte, en guise de péage.
    Il faut être vite, devancer. Prendre l’ascendant sur le conducteur furieux. L’éblouissement des phares et le métal chaud du moteur sont dans les dos, l’erreur n’est pas possible. Précédés par les ombres nerveuses de leurs silhouettes aggrandies, les yeux concentrés sur les grains filants de l’asphalte, ils plongent vers les grands fonds. Dans le ventre de Babylone.
    Leurs gorges grandes ouvertes crient leur angoisse et chantent en l’anticipant leur victoire sur la bête. Affronter la peur, contraindre les ventres à défier les ténébres et le vide, voilà leur combat. Ne pas se séparer, rester trois, toujours trois.
    En bas, lorsque plus loin est impossible et que les circonstances le leur permettent, ils signent leur audace d’un Jérusalem coloré. Nom rédempteur, marque de délivrance, cette signature rageuse est un acte de défis prouvant que leur objectif a été atteint. Trois couleurs, rouge, jaune et vert, qui illuminent le monstre au plus profond de ses entrailles.
    Ensuite, le plus rapidement possible, remonter. Retrouver la surface. Pour cela il faut atteindre les escaliers, les ascenceurs sont trop dangereux car contrôlés à distance par les rats du poste de surveillance. Des centaines de marches qui raidissent les jambes et coupent les souffles, des centaines de marches avant le ciel et la lumière. Délivrance.


6 Rêve

    Souvent Anja rêve qu’un jour, alors qu’ils émergeront de sous la terre, tout sera rasé. Désert de ruines, pas un souffle d’air, poussière en suspension et silence. Ciel abyssal démesurément vide, occupé en son zénith par une énorme boule orange gonflée et laide. Chaleur.
    De joie, ils feront l’amour et de l’union de leurs ventres jaillira un éclair aveuglant qui séparera les gravats, les vitrifiants en une voie lumineuse, droite et lisse, sur laquelle les roues des skates fileront sans peine pendant sept jours et sept nuits avant d’atteindre l’océan.
    Là, l’air sera plein d’un grondement supérieur et fort comme elle n’en a jamais entendu, sans rapport avec ceux limités des machines. Un grondement qui la pétrira de l’intérieur et lui vrillera l’échine, la mettant à genoux, forçant ses pleurs devant tant de force et tant de beau. Tremblante, vomissant jusqu’à ce que tout en elle se vide, elle pleurera à en avoir les yeux secs et, une fois débarassée de toutes ses souillures, apaisée, elle offrira les braises tièdes de son ventre au vent et à l’écume.
    Et l’Océan viendra la visiter. Les flots lui lécheront le sexe avant de la pénétrer avec force. Le sable et le sel, doux au début, abraseront lentement mais inexorablement sa peau, sans répis, par vagues successives. Toute une journée d’étreintes calmes et fortes, violentes et passionnées, qui la laisseront épuisée, le corps à vif, vidée.
    Les jours suivants seront douloureux, chargés d’exsudations, de courbatures et de plaintes. Enfin, au treizième jour, la mue s’effectuera et sa nouvelle peau apparaîtra débarassée de ses croutes, élastique et souple comme celle des serpents. Résistante.
    Alors, elle ira retrouver Vlad et Rim’K et, ensembles, ils apprendront à carresser les flancs de la mer à l’unisson de sa respiration. Comme dans les vidéos qu’ils affectionnent ils dompteront les vagues et connaitront la puissance. Vivants, enfin !


7 Interview

- Rim-K : “Un futur ? Non ... je ne crois pas qu’il y ait d’issue. Pas en l’état actuel des choses en tout cas. Pour qu’il se passe quelque chose il faudrait que tout change ... et tout, c’est beaucoup trop pour que ça arrive naturellement. Il faudrait que quelque chose se brise, quelque chose qui laisse les gens sans rien, nus devant la vie, quelque chose qui les descillent.”
- Vlad : “Faut tout niquer ... c’est à nous de tout niquer pour que ça se passe. La sortie, c’est en défonçant les culs qu’on la trouvera ! Y’a trop de constipés par ici ... faut défoncer !”
- Rim-K : “Il veut dire que si on ne se prend pas en main par nous-même il n’y a rien à attendre, rien du tout. Le problème est de savoir dans quelle mesure on veut changer les choses. Nous on voudrait changer pour trois ... c’est un début ... à trois on apprend beaucoup car à trois rien n’est jamais stable, il faut tout le temps recomposer, chercher l’équilibre.”
- Vlad : “Ouais ! Les jambes bien pliées, le torse en ligne et les bras en appuis sur l’air. Voilà l’équilibre, mec !”
- Rim-K :”Il n’a pas tord ... c’est un peu comme ça que l’on fonctionne : lui c’est les jambes, Anja le torse et moi les bras qui équilibrent ... La tête ? Quelle tête ? L’ensemble n’est qu’un et un est la tête...”
- Vlad : “Ouais ! Et si tu cherches vraiment une tête, celle que tu vas te manger te suffiras ! ”
    Eclats de rire des deux face à la caméra, Anja rigole de l’autre côté. Seule sa voix imprime la bande, le reste de sa présence n’est persceptible qu’à travers les tressautements provoqués par son rire sur l’image.
    Innombrables instants filmés qu’ils aiment à se repasser. Tout et n’importe quoi. Eux, plutôt que les autres. Jeu de l’interview. Puisque personne ne leur pose de questions ils se les posent eux-même, s’apportant leurs réponses et se moquant bien du reste.


8 Expéditions

    Lorsqu’ils sortent de leur quartier c’est souvent pour plusieurs jours, de véritables petites expéditions en terrain hostile qu’ils préparent avec le plus grand soin. Tout commence généralement par la vente des K7 qu’ils ont tourné. Toujours délicat car ils doivent être durs et ne pas se faire doubler par l’acheteur, souvent un spécialiste de ce genre de commerce, qui fait tout pour obtenir leurs vidéos pour les prix le plus modiques.
    Avec le temps, les exigences des amateurs deviennent de plus en plus grandes. Où ils se satisfaisaient au début d’appercevoir quelques secondes du jeune sexe d’Anja, il leur faut maintenant des plans de plus en plus longs et écartés. Une escalade que les trois, sans que ça leur déplaise, tentent de gérer avec le plus de tempo possible afin d’entretenir les excitations et les rentrées d’argent. Ils savent que des copies circulent mais ils ne veulent pas se lancer eux-même dans la grande distribution, conscients du trop de risques.
    Ensuite, l’argent en poche, ils filent vers les beaux quartier du nord en se faisant tracter par les trams qui les desservent. Une fois arrivés en haut ils dominent la ville qui s’étend à leurs pieds à perte de vue. Une forêts très surveillée occupe la crête, faisant frontière avec le versant nord privé de soleil et couvert par des habitations de fortunes. Un des quartiers les plus difficiles et pauvres de la ville.
    Leur plaisir est alors de se lancer dans la pente de l’avenue de la République, longue d’une dizaine de kilomètres, qui plonge en direction de l’ouest. C’est leur descente préférée. Un jeu dangereux car l’endroit est très fréquenté et les forces de sécurité y sont omniprésentes. Cependant, quel pied que de slalomer au soleil couchant entre les richards attablés aux terrasses chauffées des cafés et les madames et leur chien-chiens à manteaux de laine.
    Une fois en bas, ils rejoignent leur quartier d’origine où ils ont encore quelques contacts qui leur permettent de se réapprovisionner en stupéfiants de toutes sortes. Là, ils retrouvent Marcello, la seule personne exceptée eux trois à qui ils font à peu près confiance. Un ancien soldat devenu éducateur de quartier qui a pris dix-sept balles dans la colonne et dont seules la tête et la main droite fonctionnent encore. Engoncé dans un fauteuil électrique celui-ci lit énormément. C’est lui qui leur a appris Jérusalem, qui leur a dit de partir, de chercher la mer.


9 Malédiction

    Anja hurlante à l’intérieur de la télé : “C’est mon frère, et alors ? Je préfère mille fois le sucer lui, sentir son sperme dans ma bouche, plutôt que d’imaginer ne serais-ce qu’une seule seconde une goutte du liquide pourri qui suinte de vos bites. C’est mon frère et je l’aime ! Et si je peux lui pomper le sexe jusqu’à ne plus rien sentir, jusqu’à en avoir plein partout, jusqu’à ce qu’on ne fasse plus qu’un, eh bien je le ferais, encore et encore, et en pleurant, en plus ! De joie ! De joie ! Mais ça, ça vous passe au dessus de la tête, la joie! Vous ne pouvez pas comprendre ça ! Vous pouvez pas comprendre ce que c’est que d’être portée, quand tout de l’intérieur vous brûle et qu’il fait beau et jour comme il n’a jamais fait beau et jour depuis Jérusalem. Fils de Babylone je maudis vos entrailles et vous interdit la moindre parcelle de jugement à mon sujet et à celui de mes frères ! Vous m’entendez ? Je vous vomis vous et vos semblables, je vous pisse dessus d’un jet clair et limpide qui brûlera vos chairs racornies et grises, les faisant disparaître de la surface du monde dans un geiser de lave qui aveuglera tous ceux qui oseront y tourner la face. Larves, rampez le nez collé au sol comme vous en avez l’habitude mais en aucun cas n’imaginez pouvoir soutenir mon regard car mon ire et celle de mes frères sera terrible !”
    Anja suce Vlad pendant une heure trente neuf minutes, soit sept éjaculations. A la fin elle a du sperme partout, de larges giclées blanches maculent ses cheveux, des bulles éclatent de ses narines. Tremblante, yeux révulsés, lèvres gonflées, elle n’en peut plus, lui non plus. Rim-K entre alors en scène et la sodomise jusqu’à ce qu’elle pleure tellement elle en a dedans. Ils filment ensuite son corps violenté sous tous les angles puis l’embrasse tendrement. De quoi vivre quelques temps.

= commentaires =

Massime

Pute : 0
    le 02/12/2007 à 01:53:45
la vache.

PS: pas lu
Omega-17

Pute : 0
    le 05/12/2007 à 19:22:10
Tiens, ça te fera deux coms.

http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Marseille
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 07/12/2007 à 01:48:24
Il y a des éléments épars du récit qui me rappellent une bande dessinée. Avec des pluies acides, des costumes XVIII vénitiens, et de la chirurgie aléatoire. Mais ça doit être mon cerveau qui crée des liens hasardeux, plus qu'autre chose.
Omega-17

Pute : 0
    le 07/12/2007 à 14:46:12
Enflure démoniaque, ceci est ton oeuvre.

I'll be back.
Mano

Pute : 0
    le 13/12/2007 à 14:40:24
Moi c'est plutôt Toulon, mais si tu y réfléchis bien c'est même pire !

    le 13/12/2007 à 15:05:21
Y a des hydrocarbures qui ont muté. Ca c'est pour le détail critique-de-connard. Je coche, c'est fait.


Le début me gêne infiniment (comprendre : m'a brouté). Le faux style scénario, j'aime pas, et c'est un euphémisme. Ca ressemble (toujours, pas seulement dans ce texte) à un état intermédiaire entre le syle d'un bureaucrate qui raconterait sa journée de travail et un récit type Nouveau Roman. Sans aucune grâce, jamais, avec au mieux un intérêt intellectuel et esthétique, et sans jamais, par nature, que l'on puisse être emporté par le style et les mots. Pas de rythme sauf heurté et irrégulier, donc pas de structure rythmique, plutôt. Pas de ton.

Ah, comme ça ce sera fait aussi, ce texte est moche quand on le lit à voix haute. Mais c'est pas fait pour ça donc on s'en fout, sauf moi.


J'ai également été très gêné (huhuhu) tout le long par le déjà-vu de beaucoup d'éléments. Les skaters/banlieusards/paumés poètes, putain, depuis les années 80, et commençantes, on en voit. Et comme on en a vu beaucoup, on en a vu ds bons. D'où le risque d'en créer de nouveaux. Mais bah. Admettons.


Y a un gros travail visible derrière le texte, qui semble avoir porté ses fruits au vu de la cohérence de l'ensemble, et ça c'est chouette. C'est pas du jus de bouton. Mais ça entraîne le risque inverse, un texte lourd du cul. Et de fait, pour ma part, je me suis laissé prendre seulement à un moment : le dernier paragraphe. Pour le reste, je me suis forcé à lire.


Tout à fait par ailleurs et comme ça j'aurai mes trois points-connard : putain, les chitos-poètes-amateurs-de-dub-banlieusards-acteurs-de-pon-mais-par-
conviction-philosophique-t'vois-l'amour-la-mort-ta-mère-le-surf-c'est-
bô, mais merde, halte aux clichés. J'en peux plus là. J'ai mon cul qui déborde.


Pour finir, le dernier paragraphe, donc, qui est le seul où j'ai un peu suivi le mouvement du texte : j'ai suivi parce qu'il commence enfin à y avoir de la matière, et pas juste une intention démesurée et pénible. Je veux dire que là, ça veut pas être écrit, ça l'est enfin un peu. Jusque-là, ça s'exhibait tellement (sans mauvaises intentions intello, ça j'en suis bien conscient, demeure que c'est l'impression donnée), que ça dégoûtait. Et puis ici dans la première partie du paragraphe, y a un élan, et une voix.
En revanche, passée la première moitié du paragraphe, tout sonne très très faux et absolument pas oral, alors que ce serait le but. Dommage.




BREF

putain

ma gueule, bordel




Je pourrais aimer si ça perdait un peu de surpoids (je parle pas de la longueur, ça je m'en fous, ça me dérange pas), et que c'était plus libre, avec plus de distance.
Mano

Pute : 0
    le 18/12/2007 à 09:29:32
J'ai bien fait de venir par ici moi. Au moins je suis habillé pour l'hiver qui s'annonce long et froid.

Je rebondi sur ta dernière phrase : plus de distance. L'idée était de partir d'un passage d'un texte dit "sacré", la bible, et de "surfer" sur tous les clichés "jeunes" qui pouvaient sortir d'une lecture au premier degré. La ré-invention de valeurs et d'un sacré lorsqu'il n'y a plus rien. Si tu prends l'exemple de certaines villes brésiliennes où les évangélistes relisent la bible pour convertir les gens, j'imaginais une relecture faite par des "mineurs abandonnés - terminologie officielle" laissés à eux-même avec les moyens du bord et qui aurait accès à un niveau de culture qu'ils n'ont pas en réalité. J'ai tout mélangé, pour essayer d'en faire un portrait de "Babylone", tu sais bien : la zone mythique. Cela devait être une trilogie. La deuxième partie est en attente dans les tuyaux du site et la troisième n'est pas encore totalement écrite. Je la finirai un jour surement.
C'est lourd du cul et prétentieux. C'est vrai. Mais je me suis bien marré en l'écrivant et je continue. J'aime bien enfoncer les clichés. Par contre, je peux reconnaître qu'à la lecture on puisse passer à côté complet. Et quand je dis passer à côté c'est moi qui n'ai pas fait le boulot, on est d'accord. Mais bon, la publication de "Surf à Babylone" aura marqué la fin de ma "grande" carrière d'écrivain qui avait commencé chez Florent Massot - éditeur de "Baise-moi" avec "Arthur la Balade du perdu". J'aurais au moins essayé.
Je continue à écrire parce que ça me fais marrer et parce que des fois j'ai l'impression de comprendre des trucs. Mais des fois seulement.

Bref,
putain,
ma gueule bordel.

Mais j'aime bien les choses qui dégoutent et j'en ai encore plein en réserve. Juste je me monte pas trop le bourrichon avec.
En tout cas merci pour le commentaire, ça oblige à réfléchir, au moins à ce qu'on veut à défaut de ce qu'on vaut.

Et pour que tout cela fasse plus zone :

Enculé.

Comment ça il y a foutage de gueule ?
    le 18/12/2007 à 12:27:38
Et on est d'accord sur le fait que je suis pas loin de bien aimer, hein. Enculé.

Putain je viens de passer presque trois secondes à me demander très sérieusement s'il fallait accorder "d'accord" au pluriel ou pas. Parfois je me dis que c'est bien, que j'ai pas de flingue à ma maison.
nihil

Pute : 1
void
    le 18/12/2007 à 13:38:30
Envisager de se flinguer pour un accord de mes couilles... Ouais là ça devient grave. T'as les artères sur les tempes qui palpitent et les yeux qui clignotent à toute vitesse ?
    le 18/12/2007 à 13:40:38
Je sais pas, j'ai la vue une peu brouillée depuis que je me suis flagellé la gueule avec ma cheminée. Dans le miroir je vois une tache, vaguement rouge et rosâtre. Ah ben en fait je vois super bien.
Atra-Bilaire
    le 19/12/2007 à 11:28:27
[zone.apinc.org] : "Le site est axé sur l'agressivité, la subversion et la transgression de tous tabous et valeurs morales, mais également, et en permanence, sur l'ironie, l'humour et le second degré. Tout propos est donc à interpréter sous couvert d'humour et de second degré".

Visiblement cela est à prendre avec les pincettes uniquement proposées à l'achat ou en location par le censeur en chef mais impuissant, meneur de revue qui assène coup sur coup, plus vulgaire ou violents les uns que les autres,...
N.B. : à prendre au second degré, cela devrait être suffisant.

[Glaüx]: "Comme toutes les deux semaines environ, on a un trollounet dans les commentaires. J'ai oublié son nom ; celui qui parle de neige tout le temps, là. Il a besoin d'amour mais il est pas viable ; pour des raisons évidentes de sélection naturelle, il est proposé à chacun de not feed the troll et de le laisser crever tranquille, comme tous les autres. Il va gesticuler trois quatre jours, c'est normal, c'est bénin".

Et non, pas troll pour deux sous, même pas.
Juste entrant dans la gueule de véritables fils de putes, pour se marrer, un peu. Et ça marche, les cons de chiures de fiottes ont l'égo surdimensionné, suffit de lui souffler dessus... pour le faire virer rouge ou vert.

J'ai aussi l'intention de proposer quelques textes bien dans la trempe de ces chiures vues ici et là, sur cette zone profondément merdique.
Et de prendre dans la tronche ce que des gens bien élevés mais peu soucieux de leur égo savent balancer ici ou là.

Alors la fiotte en chef, tu en as ? De l'humour...
    le 19/12/2007 à 11:30:22
Les textes, on prend. Ton ego, tes velléités de flamewar piteuses, et ta vie, tu les gardes au chaud dans le bide à ta mère.
Atra-Bilaire
    le 19/12/2007 à 11:48:20
Va te faire enculer, connard de suceur de queue bleue.

J'envoie mes textes prochainement dès que je les aurais traduit du wallon.
Narak

Pute : 2
    le 19/12/2007 à 14:48:23
C'est pas du français le wallon ?
nihil

Pute : 1
void
    le 19/12/2007 à 15:03:03
Bienvenue dans le monde de l'humour du 21ème siècle Narak.
Narak

Pute : 2
    le 19/12/2007 à 15:08:54
Quelle époque de merde.
nihil

Pute : 1
void
    le 19/12/2007 à 15:12:34
Je parlais du 21ème siècle avant Jésus-Christ, bien sûr.
Marquise de Sade

Pute : 0
    le 19/12/2007 à 16:21:13
"C'est pas du français le wallon ?"

c'est un patois, le wallon

Atra bilaire, il est belge?
Sans doute un immigré, ça peut pas être un vrai Belge
nihil

Pute : 1
void
    le 19/12/2007 à 16:28:34
Je propose qu'on rattache la Wallonnie et les autres connards à la Québeconnie et qu'on l'expédie au large, loin de nos frontières, parce que putain.
Atra-Bilaire
    le 19/12/2007 à 16:31:03
La langue Wallone, bien réelle dans certains coins de Wallonie, n'est pas du français, et non, ce n'est pas de l'humour à deux balles mais plutôt belge méridional :

"Falot vey, valet, ké prèmî ståle amon ces djins la. Toutes vatches toûrnéyes.
Wête in pô çtilale, kéne rawîjéye ku c' est !"

Qu'on pourrait traduire ainsi :

"Il fallait voir, mon ami, quel modèle de bétail chez ces gens-là. Toutes les vaches étaient culardes.
Regarde celle-là, elle est maigre comme une lame de rasoir !"

Voilà, il me faut un peu de temps pour traduire quelques textes en français compréhensible pour tous, y compris les ex-illettrés ou demeurés.
Narak

Pute : 2
    le 19/12/2007 à 16:37:22
Faut pas te forcer, je te jure.
Marquise de Sade

Pute : 0
    le 19/12/2007 à 16:47:50
30 secondes
Laisse-moi le temps d'épouser un français et vous pouvez envoyer mon plat pays au large
ou chez les suisses

    le 19/12/2007 à 16:52:19
ou dans ton cul salope
Marquise de Sade

Pute : 0
    le 19/12/2007 à 17:05:18
c'est déjà fait ça
envoie-les découvrir de nouvelles contrées
j'en ai plein le cul des voyages organisés



    le 19/12/2007 à 17:12:45
T'aimes pas le contact des fourgonnettes à touristes et des bus de ville dans ton rectum ? C'est dommage, j'avais deux trois bus dédicacés à mon nom qui pouvaient servir.

http://www.transbus.org/photos/noventis_carcassonne21.jpg
http://www.transbus.org/photos/r312_carcassonne2.jpg

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