Tout ce que je portais, c'était un t-shirt et mon slip. Mon slip n'était pas sur mes chevilles, j'en avais sorti ma jambe gauche et l'avais remonté sur mon genou droit. C'était plus confortable, et puis comme ça au moins, il ne traînait pas sur le sol. Je me demande si les gens font ça, d'habitude. A côté de moi, dans la baignoire, se trouvait ma femme. Vous vous en doutez, elle était morte. Son cadavre flottait sous la surface, les cheveux volants autour de son visage, immobiles. Elle était nue, mais on ne voyait pas grand chose, car elle était au fond d'une eau un peu savonneuse.
Je me rappellerai toujours que quand j'étais gosse, à la piscine, j'étais le seul à pouvoir rester au fond de l'eau, collé sur le sol, sans remonter instantanément à la surface. La technique était simple pourtant, mais les autres gamins n'avaient jamais rien compris. Il suffisait d'expulser tout l'air de ses poumons, et on coulait instantanément. Par la suite, au lycée, j'ai pigé que tout cela était dû à la force d'Archimède : plus le volume d'un corps est faible, plus la force d'Archimède est réduite. Dans le cas de ma femme, c'était à peu près pareil : ses poumons étaient remplis d'une eau bien plus lourde que l'air ; du coup, elle restait bien au fond de la baignoire.
C'était pratique, si vous voulez mon avis, elle puerait sûrement bien moins vite. J'en savais rien, c'était la première fois que je l'avais tuée, aussi. Tout du moins, pas métaphoriquement. Rien ne pressait, d'ailleurs. Personne ne venait jamais chez nous, et puis ma femme ne sortait plus depuis longtemps. Elle passait son temps à la maison, à déprimer, sans boulot, sans amis. Elle se plaignait sans arrêt, ne faisait rien pour arranger sa situation ; tout lui semblait perdu d'avance. Un jour, à force d'en avoir marre d'entendre ses reproches et sa haine, j'y ai mis fin, simplement. C'était ce matin. Depuis qu'elle avait perdu son boulot, j'en rêvais. D'ailleurs, elle parlait toujours de suicide, sans jamais tenter quoi que ce soit ! Elle ne pouvait pas me faire ça, disait-elle. Eh bien moi, je pouvais. Alors j'en ai profité, pour notre bien à tous. Le problème, maintenant, restait son cadavre : j'aimais bien me doucher, et je n'allais pas la laisser pourrir dans ma baignoire pour toujours. Enfin, quoique, combien de temps lui faudrait-elle pour retourner à l'état de compost ? Si je la laissais assez longtemps, peut-être qu'elle finirait par redevenir poussière... Ah mais non, il y avait les os. Les os, ça reste, comme truc. Et c'était pas vraiment possible de les enlever sans faire de saletés. On pouvait pas les sortir à moins d'enlever ce qu'il y avait autour, et moi, j'ai très peur du sang. J'étais assez content d'ailleurs, elle était morte, mais elle n'avait rien sali. C'était bien propre. Sauf ce que j'avais fait dans nos toilettes, mais ça, on n'y pouvait rien. C'était une belle grosse merde, digne de ce que j'avais fait.
Nom de dieu, qu'est-ce qu'elle puait ! La vache ! J'avais beau l'avoir enroulée dans notre rideau de douche, histoire de réduire un peu les odeurs, ça n'y changeait rien. En plus, elle était encore mouillée, alors elle me glissait des bras, c'était moche. Plusieurs fois, j'ai dû me pencher pour la relever, mais ça la faisait cracher un peu d'eau ; pour finir, je me suis contenté de la traîner sur l'herbe. Le fleuve se trouvait là en bas, pas trop loin. J'ai déroulé le rideau de douche, découvrant la chose. Elle était bien dégueulasse, et surtout, une grosse odeur montait vers moi, comme une sorte d'ultime reproche qu'elle m'aurait fait. Tu l'avais cherché, ma chère. J'étais bien content d'en être bientôt débarrassé ; bien sûr, ma vie ensuite allait être sacrément bizarre. Comment me faire à nouveau des amis, retrouver des gens ? Parler à des femmes, les amener chez moi, les voir se doucher là où ma femme était morte ? Enfin, on y était, fallait terminer. Je l'ai d'abord poussée avec les pieds, et puis après un petit moment, je suis allé chercher un bâton, de peur de saloper mes godasses. C'était cocasse, comme situation, mais je mentirais si je disais que j'ai ri ou que j'ai aimé ça. C'était vraiment horrible, à faire, et surtout à sentir. Bientôt, je serais libre ; là, j'avais envie de m'enfuir très vite, mais le fleuve était bientôt là. Enfin, j'ai pu la pousser un dernier coup, et elle est tombée tout en bas. Elle s'est un peu ramassé les rochers, mais elle a fini par tomber dans l'eau.
Je faisais caca, et comme depuis deux ans, je pouvais pas ne pas penser à elle. C'est dingue comme truc, on m'avait pas dit. J'aurais jamais réalisé sans en faire l'expérience. Tuer quelqu'un, ça vous colle, c'est horriblement collant. Ca fait partie de vous, ça s'attache comme un rideau de douche à la peau mouillée, ça pourrit la vie, ça vous noie dans une culpabilité lente, agonisante. J'avais survécu, à quel prix ! Mais au moins, je faisais caca, c'était déjà ça.
= commentaires =
Pas mal du tout globalement à mon goût. Malgré deux trois fautes pénibles dont osef en fait, le style entre l'oral et le discours intérieur est fluide, avec des petits moments de plaisir ("les os, ça reste, comme truc"), et une petite impression de dégoût m'est née en lisant tout ça.
Mais ça reste un texte mignon et niais à mes yeux ; d'abord, la métaphore finale pue, les métaphores explicites puent toujours quoi qu'il en soit. Y avait pas besoin d'expliciter, c'est faire injure au lecteur et trop en montrer. Ca tue toute la valeur de l'image. Ensuite, les adresses au lecteur et le style de type "je raconte ma vie comme sur mon blog", c'est surfait et sans aucun naturel ; je crois pas que ça puisse donner quoi que ce soit de bon, un texte adressé au lecteur, ou alors faut que la personnalité du narrateur soit exceptionnelle, et son style aussi. Dans un texte où le style choisi est neutre et simple, bah moi j'ai envie de dire ta gueule, même si comme je l'ai dit, globalement, l'idée et le texte sont sympa'.
Bref, intéressant cinq minutes, et puis s'en va.
Ce texte m'avait bien surpris. Avec le titre et le début, je m'attendais à un énième texte stupide sur la vie et le caca, et puis des passages comme le second paragraphe m'étaient rentrés dedans.
Du coup, et après relecture, je reste un peu sceptique. L'auteur sait écrire, mais a enrobé son texte dans un emballage particulièrement repoussant. Volontaire ? Involontaire ? Toujours est-il que je trouve que ça dessert le texte plus qu'il ne le sert, et l'effet de surprise ne compense pas. C'est dommage.
Sur un sujet semblable, débarrassé de sa tendance "je pense à plein de trucs et je les écris sur mon blogs lol", l'auteur doit pouvoir faire du très bon.
"Car" est souvent un mot moche, dans le premier paragraphe il aurait pu être viré facilement.
"J'en savais rien, c'était la première fois que je l'avais tuée, aussi." C'est clair, c'est amuse-gueule, c'est pas compliqué.
"merde", c'est dommage, ça ne colle pas. Ca a un côté nécessaire... J'aime pas le nécessaire.
Le petit discours sur les os, le "pas vraiment possible de les enlever sans faire de saletés", ça c'est croustillant.
Fort agréable passage sur le largage à la mer, comme il faut, retenu, humain, répugné et soulagé. Un passage qui fait naitre un bout d'émotion qu'on ne connait pas. Ca se termine par une moche pirouette. Pas un kopeck, qu'elle vaut.
En fin de compte, ce texte, je l'ai trouvé agréable. Mais merde, ça ressemble foutrement à l'écrit d'un auteur qui pourrait faire mieux et peut-être même qui le voudrait et que la flemme oblige à ne pas dépasser l'horizon de sa culotte. Ce fion s'amuse à faire de sales pirouettes qui évitent d'assumer l'effort et le reste.
Fix, je te chie dessus gaiement et t'invite à boire un coup. Enfin un texte que j'ai eu envie de commenter !
commentaire édité par EvG le 2006-12-13 18:46:61
commentaire édité par EvG le 2008-5-25 15:50:14
Bah moi j'ai beaucoup apprécié, je sais pas, c'est fluide, naturel. J'ai pas grand-chose à dire dessus, mais j'ai aimé.
Bah la pisse aussi c'est fluide et naturel.
En même temps chacun ses pratiques érotiques, moi ce que j'en dis hein.
Oui oui, j'aime bien aussi.
de la très bonne série noire, très bon point de départ (ou élément central, ou chute) d'un bouquin qui reste à écrire. ça m'a rappelé, un peu, jean-bernard pouy.
j'adore les effets de réels du style du slip, c'est ce qui donne toute leur crédibilité aux scènes plus extravagantes.
j'aime beaucoup. c'est con que ça soit si court.
commentaire édité par Konsstrukt le 2008-5-26 16:47:9
Oui merci. N'écoutez pas Glaüx, il est juste jaloux.
Et sinon, je me tâte encore pour le style, les sujets, etc.
Hein ?
Le but étant de te tâter en silence et de présenter sur toile le produit de tes boursoufflures intimes, je vote pour que tu fermes ta gueule de chienne.
L'ensemble du texte est très bon - j'ai une petite préférence pour les considérations du début - mais la fin ne colle pas vraiment, elle est presque moralisatrice. J'aime pas qu'on me moralise, surtout quand je ne m'y attends pas.
L'idée du mec qui chie à coté du cadavre de sa bonne femme est bien marrante. Le style du début qui fait trés "méditation de la grosse comission" renforce le comique de la situation, c'est trés plaisant dans l'ensemble, sauf la fin qui est assez conventionelle à mon sens et qui ne colle pas trop avec le personnage qui a l'air de se foutre éperdument d'avoir tuer sa femme au début du texte, enfin il me semble...
Ben oui c'est l'idée, au final il regrette. J'aime pas ces textes où le héros est un tueur froid qui s'en branle ; ça n'existe pas (à part un sociopathe de temps en temps) et en général, quand on a tué quelqu'un qu'on a aimé, ça doit finir par être douloureux.
Mais bon, vous préférez les grandes brutes qui n'aiment rien et n'ont pas d'empathie, c'est bien connu. J'voudrais vous y voir moi !
Pourquoi la tuer s'il regrette alors? Tout dans le comportement du tueur améne le lecteur à le voir comme un tueur froid; primo il bute sa femme dans sa baignoire, il aurait pu attendre qu'elle dorme histoire de faire ça en douceur. Secondo, la premiére chose à laquelle il pense aprés avoir tuer sa bien-aimée est de se poser sur les chiottes et couler un bronze tout en rêvassant à ses années lycées...puis pour finir, il n'offre pas un jolie petit enterrement à sa petite femme chérie, pas de cérémonie; que dal! Il l'a balance dans le fleuve comme un gros sac!
Alors peut-être a-t-il associé le souvenir de sa femme au passage sur le trône, ce qui le rend nostalgique lorsqu'il fait caca ce qui serait une sorte de réflexe conditioné; caca égale la grosse...
Mais bon, au moins il chie, c'est le principal.
Non mais le passage un peu surréaliste du début n'est pas la preuve qu'il est un tueur froid, je le voyais plutôt comme une sorte de moment où il est encore détaché de la réalité ; la gravité de son meurtre ne l'a pas encore pleinement touché. Par contre, à partir du moment où il se débarrasse du cadavre puant de sa femme, il réalise petit à petit que c'était pas joli joli...
Et ça c'était pas difficile à comprend fion sale !
J'avais la flemme d'en parler précisément, mais c'est vraiment le meilleur côté du texte l'évolution de la psycho du perso. C'est très humain, arrête de lire des comics et tu comprendras Sylvie !
J'aime beaucoup ce texte.
Moralité aléatoire : Quand on tire la chasse, il faut bien refermer le couvercle sinon des particules de merde se pulvérisent dans les toilettes.
Sinon, Fix, me fait beaucoup rire ta manière de défendre ton texte, de l'expliquer.
"Non mais le passage un peu surréaliste du début n'est pas la preuve qu'il est un tueur froid, je le voyais plutôt comme une sorte de moment où il est encore détaché de la réalité"
Tu le voyais comme ça.
Mais le texte ne t'appartient plus...
Il est notre.
Avec un accent, en plus.
Il est vostre, c'est vrai. Faites caca dessus, c'est votre droit, je le respecte.
"Pourquoi la tuer s'il regrette alors?"
non mais c'est complêtement stupide, cette question. tu as déjà assisté à un procès d'assises ?
Le côté "meurtrier épanoui" du début est certes plus amusant que la fin, mais le tout baigne dans une ambiance bonne enfant plaisante. Pas mal du tout pour un premier texte.