LA ZONE -

Diabolic scheme

Le 17/04/2009
par Das, mallaury
[illustration] A seize ans, Luc-Étienne avait des rêves plein la tête et des boutons plein la gueule. Issu d'une famille d'aristocrates maniérés, il semblait destiné à un brillant avenir au sein de l'entreprise paternelle. Mais à l'aube de la puberté, alors même qu'il commençait à compter ses poils anormalement roux, ce qui ne cessait de l'inquiéter, il avait surpris le père Chermette à cheval sur sa mère derrière l'autel. Il n'avait pas fallu longtemps au jeune homme pour comprendre la situation, sa culture générale s'étendant jusqu'aux films pour adultes.
Dès lors, traumatisé, il s'était renfermé sur lui-même et avait fait le serment de se venger.
Depuis que Chermette l'avait extirpé aux molles et douloureuses dilatations vaginales de sa mère, Luc-Étienne n'avait cessé de contrarier le curé du canton. Il avait souillé la soutane du religieux lors de son baptême, été renvoyé maintes fois du catéchisme pour sa dissipation, accusé de mauvaise influence sur ses camarades appliqués, avait surpris le père subtiliser quelques billets fraîchement quêtés, et même décrocher le collier en or de tante Germaine dans son cercueil avant l'office. En le suivant jusqu'aux fonds les plus obscurs de la sacristie, il l'avait même aperçu faire l'acquisition d'hosties probablement issues du marché noir. Mais tout cela lui importait peu.
Chermette avait enculé sa mère et il ne parvenait ni à oublier la position du clergé quant à l'utilisation du préservatif, ni celle de sa mère, qui relevait presque de l'acrobatie, alors que le vieux bonze bavait quelques psaumes en latin au rythme de ses bombardements rénaux. Pendant le sermon, les cantiques, les lectures, rien n'y faisait. L'image revenait toujours, provocante.

Luc-Étienne avait donc décidé de rendre la vie du prêtre infernale et s'y attelait chaque dimanche avec organisation. Éternuements chargés lors du dépôt de l'hostie sur sa langue, pentagrammes en cierges devant le confessionnal, animaux crevés dans l'urne à dons, maquillage outrancier sur la vierge marie... Doté d'une imagination débordante, l'adolescent était insatiable. Il avait même réussi à dissimuler pour la Toussaint sous l'autel un gettoblaster subtilisé dans la grande malle du grenier, dans lequel il avait introduit une cassette audio sur laquelle étaient enregistrés les vêpres à Marie sur la face A et « Use your fist and not your mouth » de Marilyn Manson sur la B. Son statut d'enfant de cœur et un ingénieux système de poulies lui permettraient de déclencher l'hérésie au moment désiré. Hélas trop satisfait après la célébration des morts, il oublia de détacher le fil de nylon de son poignet et traîna ainsi sur une dizaine de mètre les guitares saturées et les hurlements démoniaques derrière lui.
Luc-Étienne avait écopé de six mois à transporter les cartons de vêtements chez les petites sœurs des pauvres, à nettoyer les excédents nasaux insidieusement collés sous les bancs par les fidèles, et de trois confessions obligatoires par semaine pendant un an. Pendant ses longs tête à tête avec Chermette, Luc-Étienne le sondait, le poussait dans ses retranchements, il savourait sa vengeance, lente et profonde, une cicatrice dans le ventre rebondi du Père, qu'il ouvrait chaque jour un peu plus, afin de le vider de ses entrailles, psychiques puis physiques. C'était laborieux, c'était régulier, c'était chiant.
Le rassemblement hebdomadaire des chrétiens du canton de Notre-Dame de la rédemption était devenu un spectacle qu'on venait admirer du village voisin parfois, pour se détendre en famille, passer un moment agréable entre amis, pour se lever une morgate sous la cure... Au fil des dimanches, les actions terroristes s'intensifiaient. Luc-Étienne tenait un inventaire pour maintenir ce crescendo. Le carême avait été prétexte à l'huile de ricin à la place du vin de messe et quelques autres badineries opportunes. Pour la messe des rameaux, il s'imposa de trouver un châtiment qui ne nécessiterait aucun accessoire préalable.
Enfant de cœur, comme à chaque fois, il profita de la lecture de la passion du Christ selon Saint Marc pendant laquelle il devait tenir un cierge à gauche du prêtre. Alors qu'il s'appliquait à envoyer discrètement quelques pichenettes de cire liquide au visage du vieux bonze, le bâton enflammé lui échappa et alla s'écraser sous la robe du Père. Luc-Étienne, pour la première fois de sa pâle existence, ressenti la flamme divine brûler en lui.
Le feu purificateur, l'agneau pascal, c'était évident : le seigneur lui envoyait son épreuve. Les yeux brillants, il se jeta aux pieds de Chermette qui déjà se débattait avec fureur, et embrasa les vêtements en plusieurs points. Puis ce furent les fidèles les plus âgés, qui prirent feu à leur tour, en tentant de sauver Chermette, et leurs âmes. Complètement en transe, Luc-Étienne en était alors à poursuivre la lecture entamée par le Père, les mains tendues vers le ciel: « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! ». En quelques minutes, l'église entière flambait, victime des torches humaines qui la peuplaient. Luc-Étienne, emporté par l'effervescence du feu de joie hurla : « En ce jour béni, seigneur, accepte en modeste témoignage de mon affection, ce bâtard de curé queutard », à la fois satisfait et dépassé, puis s'écroula à son tour.

Il s'éveilla dans un décor paralysé de blanc, où même l'air semblait aseptisé. Devant lui se tenait un vieillard dont la barbe, longue comme la vie était d'un blanc étincelant. Dès les premiers mot, Luc-Étienne comprit où il était et qui il avait en face de lui. Le saint parmi les saints divisait les nouveaux arrivants en deux groupes. A sa droite, ils étaient très peu et discrets, à sa gauche, se rassemblait une large majorité, bruyante et inquiète. Alors qu'il pensait être définitivement débarrassé de Chermette, Luc-Étienne l'aperçut dans son groupe, celui des bruyants.
Ce qui ressemblait à un ange se présenta sous le nom de Samaël et invita l'assemblée des nombreux à le suivre. Ils arrivèrent bientôt devant une immense porte en acajou massif doublée de fonte et protégée de part et d'autre par deux puissantes herses. Pendant qu'on manœuvrait afin de l'ouvrir, Samaël céda aux multiples questions qui foisonnaient depuis que les deux groupes étaient séparés. Il s'éleva dans les airs de deux bons mètres, pour être entendu de tous:
"Frères, sœurs, transsexuels, voici qu'est venu pour vous le jour du jugement de Dieu. Tous, entendez moi, vous avez pêché, par pensée, par parole, par action ou par omission. Je vous fais pas un dessin, vous êtes des enculés. Saint Pierre vous a donné un numéro à l'entrée, il s'agit du nombre d'unités que vous passerez là dessous" ajouta-t-il en désignant le fond du souterrain dans lequel ils allaient s'engouffrer. Luc-Étienne sortit de sa poche son bout de papier et lu "14". Il se risqua alors à demander à quoi correspondait une unité en terme de temps.
"A l'éternité, ahahahahah", tonna Samaël. Face au mouvement de panique qui s'ensuivit, il ajouta: "Ça va, je déconne, ça fait un siècle en vrai". Il expliqua ensuite que le souterrain menait au sous-sol, où travaillaient jour et nuit les pêcheurs, pour fournir le paradis en eau et nourriture, en cigares cubains et en bière blanche. Le système était donc simple: on purgeait sa peine pendant quelques siècles en faisant prospérer le paradis, puis on pouvait y accéder, sauf en cas de damnation éternelle, ce qui restait exceptionnel. Un système juste et équitable en somme. Lorsqu'il entrèrent dans le tunnel, pour descendre au sous-sol, poussés par une armée d'anges rassemblée pour l'occasion, Luc-Étienne se cogna contre le ventre de Chermette, alors que ce dernier contemplait d'un œil morne le "12" inscrit sur son papier.
C'en était trop: il se jeta sur l'une des torches qui éclairaient le tunnel et commença à décrire des cercles autour de Chermette en hurlant des anathèmes. Portés par cet exemple, plusieurs pêcheurs du groupe profitèrent de la panique générale et de ces armes de fortune qui s'offraient à eux. Bientôt, toutes les torches étaient aux mains des rebelles, excepté celle que portait Luc-Étienne qui était passé de la danse tribale aux peintures de guerre. Le combat contre les anges s'engagea et un odeur de cuir brûlé envahit le souterrain. à la surface, on s'activait déjà pour fermer les herses et la porte. Luc-Étienne en était à écraser les braises de sa torche sur les bourses de chermette, en braillant encore quelques cantiques bien senties. Tandis que la plupart de anges et des rebelles flambaient. Samaël luttait pour se faire entendre:
"Arrêtez, ici nous brûlons pour l'éternité, le corps ne change pas, alors que la douleur et les flammes persistent."

On dit qu'à la surface, seul l'Eden resta une terre prospère et autonome et que le feu se propagea à tout le sous-sol . On y jetterait pour l'éternité ceux qui auraient à purger plus de 13 unités, et les autres seraient directement admis au paradis.
Certains racontent que Samaël a pris goût à régner sur le sous-sol, qu'il inflige des souffrances sans limite à ceux qui la peuplent, et qu'il a nommé son royaume "Enfer", ce qui correspond, dit-on, à un ancien archaïsme phonétique désignant la matière du plus réputé des instruments de torture anale du sous-sol.

Sur terre, on espère encore qu'un jour viendra un sauveur rétablir l'ordre divin et le paradis, mais n'abusons pas, il y a des limites à ce que peut croire un lecteur abruti.



= commentaires =

Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 18/04/2009 à 11:37:42
Das, t'aurais peut être dû faire un texte avec Hag, j'aurais mis des points juste pour le comique de collaboration : Hag & Das.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 18/04/2009 à 22:55:51
Pour le coup, c'est authentiquement scandaleux. Déjà qu'on a perdu les limbes, on ne va pas brûler le purgatoire. Par ailleurs, je ne vois pas qui se donnerait l'effort de gagner le paradis pour y aller boire de la bière blanche. Pisser de la flotte pendant l'éternité ?

Bon. Restons calme.

Il y a quelques phrases qui flanchent, et l'humour est un peu à bout de souffle (de l'huile de ricin à la place du vin de messe, oui, bon...).
Das

Pute : 0
    le 20/04/2009 à 00:58:44
Tu dis ça parce que tu n'as jamais goûté aux faveurs d'une Paulaner Hefe Weißbier. Mon dieu, j'en frémis à chaque fois.
Hag

Pute : 2
    le 20/04/2009 à 17:41:23
C'est à 50% sympathique.
Le reste un assez chiant.

C'est pas formidablement écrit, c'est même un peu poussif, y'avais certes de l'idée mais ce n'est pas assez exploité. Oh que non.
mallaury

Pute : 0
    le 20/04/2009 à 18:49:33
je savais bien que le texte aurait été plus convaincant si notre héros s'était appelé bernard. ça sublime tout de suite, un bernard.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 20/04/2009 à 20:58:25
Toi, tu as lu la Passion de Bernard, par Vassago.

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