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Sujet 5 : Le parc à 16h30, entre gouters et cris d'enfants
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Laetitia Giudicelli
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Ça commence à bien faire se dit Raymond en regardant sa montre. 06H10 pm à New-York, 22h10 à Paris, 5h10 am à Tokyo.
Central Park, c’est grand. On me l’avait pourtant dit. Pourvu que je ne me sois pas trompé d’aire de jeux. Il a apporté des croissants. On trouve de tout à New York, même des boulangeries françaises. N’empêche qu’il a dû s’y prendre à trois fois avant que la vendeuse comprenne ce qu’il voulait. Je sais pas s’ils leur apprennent les secrets de la pâtes feuilletée, s’est-il dit en sortant de la boutique, mais ce qu’il y a de sûr c’est qu’ils ne leur apprennent pas la langue. De rage, il lui aurait bien collé les six croissants dans la bouche, à la gamine, pour lui apprendre à prononcer la diphtongue.
Une heure de marche dans le parc, ça lui a donné le temps de se calmer. Un temps qui s’étire, soit dit en passant. Ce n’est plus de son âge, l’attente impatiente.
Il s’assoit sur un banc en face du tourniquet. Il a bien révisé ses répliques. Il compte lui rejouer la scène entre Joe Mantegna et Mia Farrow dans Alice, celle où elle le drague à la sortie de l’école de leurs enfants respectifs en lui parlant de l’anche de son saxophone. Raymond ne connaît rien aux instruments à vent. Avec un peu de chance elle non plus et tout ira bien. Il se souvient d’un adage de droit : « En mariage, trompe qui peut. » Il ne compte pas l’épouser. Raison de plus pour ne pas nourrir de scrupules.
Elle a un gosse. Lui non. Il pourrait en emprunter un dans un autre coin du parc et le traîner jusqu’ici. Mais ça risque de faire du grabuge et il a entendu dire que dans ce pays on ne rigolait pas avec les pédocriminels. Il n’en est pas un, bien sûr, mais ça pourrait prêter à confusion. En plus, il porte un imperméable. Les préjugés ont la vie dure, quoi qu’on en dise, même dans une ville ouverte aux idées nouvelles comme New-York. Laisse tomber l’idée du gosse. Tu prétendras que le tien est mort en même temps que sa mère dans un accident de voiture. Tu regarderas le sien avec des larmes dans les yeux en murmurant que Dieu le protège et le bénisse. Elle sera conquise. In the pocket, la mère de famille.
Il y a déjà un paquet d’enfants d’arrivés. Ça sent le chewing-gum et les tétines en plastique. Faut toujours que ça mâchouille quelque chose, ces engeances-là. Et ça hurle pour un rien. Bordel ! Faut-il qu’elle lui ait tapé dans l’œil, cette femme, pour qu’il s’impose cette épreuve. Enfin il la voit arriver. Le gamin lui échappe et s’engage dans une escalade du toboggan par la face nord. Encore un qui se croit plus malin que les autres.
Elle l’a aperçu, lui, Raymond. Elle s’avance en souriant, la main tendue. C’est vrai qu’ils ne font pas la bise, dans ce pays de puritains jansénistes. Il a un doute sur le sens exact de janséniste, mais il trouve que ça pose son homme, dans une conversation. Elle s’assoit à côté de lui. Il lui tend le paquet de croissants. Vous pouvez y aller, c’est du pur beurre, lui susurre-t-il dans son plus bel anglais. Elle s’extasie. Oh ! des croissants ! Vous, les Français, quelle galanterie !
Je vais t'en foutre, dans une heure, de la galanterie. Le temps de fourguer ton gosse à la baby-sitter, songe Raymond, rendu lubrique par les lèvres beurrées à la française de sa prochaine conquête. Vous jouez du saxophone ? Vous savez placer la... comment dit-on déjà... l'anche entre vos lèvres, comme ça ? Elle le regarde,méprisante, se lève, lui fourre le reste de son croissant dans la bouche et rappelle son gosse. Au moment de partir, elle lui lance : Vous n'avez pas mieux que du Woody Allen, pour draguer?
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Nino St Félix
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Roulette Grusse
« Papa, on va au cirque ? ». Elle me le répète toutes les dix minutes, réglée comme une horloge. C’est déja le cirque, ici, je compte vingt-huit, non, vingt neuf marmots déchainés, de deux à sept ans, qui piaillent, chougnent, réclament à manger, veulent faire pipi ou doivent changer de couche, se sont fait taper ou sont mal retombés à la sortie du toboggan. Je regarde l’heure : 16 h 30. Au moins, elle a déja mangé. Je la laisse faire sa vie. Si elle se mange un gamelle, perd des dents ou des bouts de peau, se coupe ou se casse quelque chose, tant mieux : c’est en tombant qu’on apprend à se relever, comme disait mon vieux. Un jour, il est tombé… sur plus malin que lui. Je sais que Ludivine vient juste aprés le gouter. Elle a réussit à en trouver un nouveau, je sais pas comment elle s’est débrouillée.
Moi, j’ai de la chance : Lucie est deumeurée, elle possède la mémoire immédiate d’un poisson rouge. La preuve, elle revient vers moi, présente ses chicots mal alignés, ses paumes écorchées et terreuses. « Papa, on va au cirque ? ». Bordel. Le cirque est parti depuis six moi, et quand il va revenir - ce sera juste au moment ou elle commencera à se sortir cette idée de la tête. C’est le clown. Elle oublie tout, sauf les clowns. C’est bien la fille de son père, tiens. Pour elle, tous les parcs se ressemblent, toutes les villes se ressemblent, toutes les journées se ressemblent. Ca fait longtemps qu’on est pas venu au parc, ceci dit. Il a fallu se calmer un peu ces derniers mois, ça devenait tendax, Ludivine voulait plus s’arrêter, y’a fallu que je la force un peu, elle a pas apprécié. Ca commence tout juste à aller mieux. C’est la première fois qu’on le fait depuis que je l’ai prélevée. Elle a fini par comprendre que c’était un don, et pas un « vol », que je lui faisait. Voila une autre morveuse qui s’approche de moi. J’espère qu’une trentième va débarquer. C’est plus marrant quand ils sont un nombre pair. « T’es pas beau, monsieur » me dit la petite brune, qui suce son pouce. « T’es pas franchement un canon non plus » je lui répond. Elle me regarde sans rien dire, en fronçant les sourcils. Sa mère me regarde. Je veux éviter ça. Et cette conne de Lucie pourrait la ramener, son foutu cirque, ce serait le moment. « T’as quoi dans ta poche ? » Me demanda la petite. Quoi, cinq ans ? « Mes mains » que je répond. « Et dans ta main ? ». « Mon pouce ». Elle m’agace. Dégage, merdeuse. On va s’amuser plus tard, tu vas voir, t’es première sur la liste. « Montre moi tes mains » qu’elle dit. J’en ai marre. Je sort le porte-doigts. Elle écarquille les yeux. Je m’escalffe. « Tu veux un pouce, peut être ? ». Elle s’enfuie en criant. Je me tourne vers la mère et hausse les épaules. Au moins je sais que cette petite brune n’appartient pas à Ludivine.
Tiens, d’ailleurs, la voila. Dans son imperméable noir, avec ses lunettes sombres. Je regarde ma montre. 16h34. On est dans les temps. Elle prend garde a ce que les enfants ne la voient pas, et s’assoit à coté de moi. « Toujours aussi sexy » je la taquine. Elle à l’air tendue. « T’es prêt ? ». « Je suis toujours prêt, chérie ». Je la connait. Avant le toss, elle a du mal à se détendre. Alors je règle le soucis. « Tu prend le premier ». Elle se tourne vers moi. « T’es sûr ? ». Je hoche la tête. La pauvre, faut qu’elle se remette en confiance. Elle a perdu deux fois cette année. Je soupconne qu’une fois c’était pour de vrai. Elle ouvre son sac et sort son Walther PPQ, visse le silencieux, se tourne vers moi, et sourrit, enfin. « T’as pris quoi ? ». Je lui rend son sourrire. « Le Glock, toujours, tu sais bien ». « Ca devient de plus en plus difficile ». Je sais. « Raison de plus pour en profiter ». Elle hoche la tête, et annonce : « la petite blonde avec la doudoune rose, vers le tourniquet, à 14 h ».
C’est parti pour la Roulette Grusse.
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Sanaa_Mishima
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Vision d'enfants VS vision d'adulte
Cris stridents qui vrillent les tympans.
Pleurs incessants.
Réclamations infinies.
Véritable champs de bataille, entre châteaux à moitié détruits, régiments qui valent à droite à gauche avec des cris de guerre. Une guerre féroce et sans merci, qui verra de nombreux soldats tomber au combat pour la mère patrie...
Ouais, nan, c'est juste des marmots insupportables qui ont décidé d'emmerder le monde en hurlant dans tout le parc.
Tellement chiants.
Alors que toi, t'es là, à vouloir un peu de paix pour chialer sur ta vie de merde parce que t'as raté un énième entretien et que l'argent du chômage s'arrête demain.
Ah bah oui, fallait se réveiller plus tôt et être moins con.
Mais ce n'est pas la question.
Le véritable problème, c'est cette bande de gamins qui te laissent même pas le loisir de te lamenter parce qu'ils crient dans tes oreilles.
Alors que bon, franchement, pourquoi les parents ne leur enfoncent pas leur goûter bien profond dans leur gorge pour qu'ils se taisent ? Et ça les entraînera à leur vie d'adulte, quand ce ne sera plus un goûter qui sera dans leur gorge de petits cons.
Bah oui, ce serait une bonne manière de les préparer à l'avenir, plutôt que de les laisser faire ce qu'ils veulent parce que "il ne faut pas réfréner leur créativité".
Mon cul, oui. Si faire des conneries c'était de la créativité et que c'est perspective d'un bon avenir, tu serais carrément maître du monde.
Mais non, ça marche pas comme ça.
Hum... Sûr à 100% qu'il y a des gens qui paieraient pour qu'on les débarrasse de leurs enfants ou qu'on les fasse taire...
Business plan en vue.
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Zbooba :
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Les mioches courent, chialent pour des glaces vanille,
Mais moi, j’suis là, planqué, j’bosse ma p’tite bille.
Mon manteau claque, cache mon game, mon mystère,
Les daronnes me zieutent, sentent l’truc pas très clair.
J’suis l’fantôme du parc, j’fais trembler les balançoires !
Ouais, 16h30, l’parc, c’est mon spot,
Entre les goûters, j’fais mon show, j’suis trop hot.
Gros manteau, j’bouscule, j’sème l’doute, la peur,
Gangsta d’la pelouse, j’suis l’roi d’cette heure !
J’fais vibrer l’bitume, même les pigeons s’tirent !
Yo, les mamans chuchotent, « C’mec, c’est quoi son deal ? »
J’les vois flipper, mais mon flow, c’est du réel.
J’traîne près du bac à sable, l’œil qui brille, t’inquiète,
Pas d’criminel, juste un vibe qui rend l’parc bancal.
Gangsta du goûter, sous l'manteau, j'suis à poil !
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lapinchien :
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Dans l’éclat doré de l’après-midi, à 16h30, le parc résonnait des cris joyeux des enfants et du parfum sucré des goûters déballés sur l’herbe. Au cœur de cette liesse innocente, le Toboggan Express, fierté du lieu, devint le théâtre d’un drame effroyable : un corps inerte gisait au pied de la glissade, la foule s’effarouchant dans un silence soudain. L’inspecteur Herakles Navet, homme au regard d’aigle et à l’esprit affûté, arriva promptement, son pardessus flottant comme une cape dans la brise d’octobre. Il scruta les lieux, notant les traces de pas dans la poussière et un éclat de tissu rouge coincé dans la rampe. La tragédie, loin d’être un accident, portait la marque d’une intention funeste.
Herakles Navet, avec une sagacité digne des anciens limiers, interrogea les badauds, les marchands de friandises et les enfants encore tremblants. Un détail singulier attira son attention : un pianiste célèbre, oLi dE SaT, clavier du groupe Indochine, dont les doigts agiles faisaient vibrer les salles de concert, avait été vu près du toboggan peu avant le drame. oLi dE SaT, avec son air altier et son écharpe rouge, prétendait n’être qu’un promeneur mélancolique, mais ses mains nerveuses trahissaient un secret. Navet, flairant la duplicité, découvrit que la victime, un critique musical, avait jadis ruiné la réputation du pianiste par une plume acérée. Une vengeance, tissée dans l’ombre, semblait se dessiner sous les yeux perspicaces de l’inspecteur.
L’enquête, menée avec une rigueur implacable, culmina dans une confrontation au crépuscule, j'ai demandé à la lune, sous les frondaisons du parc. Herakles Navet, brandissant le lambeau d’écharpe et un témoignage accablant d’un enfant ayant vu oLi dE SaT pousser la victime, brisa l’alibi du pianiste. Ce dernier, acculé, s’effondra, confessant son crime dans un sanglot, sa gloire ternie par l’orgueil et la rancune. Le Toboggan Express, témoin muet, retrouva son éclat ludique, tandis que Navet, impassible, rédigeait son rapport sous les étoiles naissantes. Ainsi, dans le tumulte d’un après-midi d’automne, la justice triompha, portée par la clairvoyance d’un homme au nom humble mais à l’esprit souverain. Herakles Navet alla témoigner dans l'excellente émission sociétale de Faustine Bollaert et son mari Maxime Chattam écrivit un roman sur l'affaire qui fut vite un bestseller.
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Sujet 6 : Le pire moment de ma vie
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Laetitia Giudicelli
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Le pire moment de ma vie, jusqu’à ce soir s’entend, parce que le pire, n’est-ce pas, est toujours à venir… Le pire moment de ma vie ? J’en vois bien remonter quelques-uns du fond de ma conscience nauséeuse… Mais LE pire… Difficile...
Comme il est tard et que j’ai la tête et l’estomac en vrac, ce serait l’heure de tout balancer. De se lâcher. Enfin. Lapinchien et sa bande de Zonards feraient, je le sens, d’excellents avatars du docteur Freud. En plus, ils y prendraient plaisir. Les pervers.
Pourtant, il n’y a rien à faire. Un surmoi trop puissant. On ne se refait pas. Je dirais bien le dégoût que m’inspire ma mère. L’horreur que j’éprouve à l’idée de mon être franchissant la barrière de son utérus en sang. Mais rendons-nous à l’évidence : je n’ai pas les tripes pour un matricide, même littéraire. Tant pis pour moi.
Alors un autre pire moment de ma vie… Une humiliation, peut-être ? Le jour où, à l’arrière d’un break, j’ai sucé un type qui portait des chaussures bateau, pour répondre aux fantasmes d’un autre mec qui rêvait de me voir aux prises avec un vieux lubrique. Pourquoi est-ce que je me souviens surtout des chaussures bateau ? Mystère. Le fantasmeur, depuis, je l’ai envoyé se faire foutre. Mais j’y ai mis le temps.
Alors, qu’est-ce qui reste ? J’ai vingt minutes pour trouver, après quoi je pourrai aller dormir. Ça vaut peut-être le coup. Quand mon fils de vingt-deux ans m’a traitée de connasse. Je venais de laisser tomber volontairement une pile d’assiettes plutôt que de lui en envoyer une à la gueule, tellement sa suffisance d’enfant gâté m’avait tapé sur les nerfs. J’ai bien fait de me livrer à cette destruction cathartique. Lui a eu tort de m’insulter en retour. Il aurait mieux fait de me remercier de ma retenue. A moins que… Si ça se trouve, l’éructation du mot « connasse » lui a évité de me cogner la tête contre le crépi du mur jusqu’à défiguration complète.
Finalement, le pire n’est jamais sûr.
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Nino St Félix
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Party Started
La soirée avait bien commencé : j’avais réussi à verser le whisky dans la bouteille de coca sans en foutre une seule goutte à côté. E. m’a même applaudi, je m’en souviens ; C. souriait, C. souriait toujours, et c’est ce qui me tuait à petit feu, putain, son sourire, à chaque fois. Pourtant, elle ressemblait pas trop à grand-chose : dents un peu de traviole, un peu avancées ; le nez trop long, un peu tordu aussi, et dans l’ensemble, soyons honnête, un peu une face de rat. Mais de beaux cheveux, soyeux, qui lui retombaient en cascade sur les épaules - j’y peux rien, les cheveux, c’est mon truc. Et puis ses yeux noisette. Et son sourire, ouais. Enfin voilà, ça s’explique pas, ces trucs-là. Mais j’étais pas le seul, ça non : tous les mecs que je connais l’ont trouvée charmante, attirante, à un moment ou un autre. Elle s’habillait bien, sentait bon, et elle riait à nos blagues, même les plus nulles. Je crois même qu’elle comprenait à peu près la règle du hors jeu. Alors ouais, ce soir-là, je me faisais aucune illusion, je voulais juste m’amuser avec mon meilleur pote et celle que, faute de plus, j’appelais ma meilleure amie (ouais, ça sonne super-gay, rien à secouer : j’y croyais pas plus que vous à ce moment-là).
E. lui aussi, il était à son zénith, mais comme toujours. T’as des mecs, comme ça, ils ont presque pas d’efforts à faire, tout est naturel chez eux, la classe, le style, le charme, la décontraction. Je me souviens pas qu’E. ait été « médiocre » à quoi que ce soit - moi, je l’étais, et le suis, à tout, j’avoue. Même quand il se peignait pas, ça lui donnait un air un peu rebelle, genre rockeur de l’époque - on était en 2005, c’était The Rasmus, The Killer, des The dans ce genre.
Dans le tramway, on riait bien, je me souviens. On se faisait passer notre bouteille, en attendant de retrouver les copains. Ça descendait bien. E. et C. ne se connaissaient pas encore bien, et ils étaient tous les deux un peu timides, mais je jouais l’intermédiaire, un comble pour moi d’ailleurs. Après quelques gorgées, le monde semblait plus léger, les distances moins longues. Les autres nous attendaient à l’entrée de la boite. J’étais mal fagoté, mal rasé, mais j’en avais rien à branler. J’allais rentrer avec mes potes. Et si je me faisais jeter ? Alors, je rentrerais chez moi, finir le whisky. Finalement, ma philosophie de vie était déjà bien établie. Mon ami A. me surnommait « Jacques le fataliste ». Ça fait quinze ans qu’on s’est pas reparlé, depuis le moment où il s’est mis en mode ayatollah de la pensée. L’absence d’humour, c’est mortel, pour moi.
Mais je suis rentré, avec les autres. Et on a dansé. I. continuait à me regarder avec un mélange de désir et de reproches, et moi, je faisais comme si on était juste amis, comme s’il ne s’était rien passé. Je plaisantais, dansais avec elle, l’air de rien, mais je crois que je savais qu’elle souffrait. Quel con j’ai été avec elle, en y repensant. Mais bon, elle me l’a bien rendu, quelques années après. Je me souviens qu’à un moment de la soirée, j’ai eu un gros coup de fatigue. E. et C. m’ont demandé si je voulais rentrer, mais ils avaient l’air de tellement s’amuser, que j’ai dit non, ça ira, et je me suis posé dans un coin. En fait, j’aimais bien faire ça : sortir du champ, passer hors cadre. Un peu trop souvent, sans doute : à un certain point, j’imagine, j’ai dû louper mes propres scènes, être spectateur de ma propre vie. Je continuais à boire, et quand on est sorti de la boite, je crois que j’étais bien pinté. Je me demande même si on est pas rentrés à pieds, tous les trois. Je suis presque sûr que je n’ai pas dragué C., j’avais passé ce stade-là (du moins pour un temps) et je savais que ce n’était pas mon tour, du moins, là aussi j’étais résigné. Je crois qu’il était prévu que E. rentre ensuite chez lui en voiture.
Chez moi, il n’y avait qu’un lit (le mien) et un canapé-lit dans le salon.
Je me souviens d’une scène étrange, un peu surnaturelle. E et C qui sont clairement attirés l’un par l’autre, mais n’osent rien dire ou faire, et moi qui leur propose de dormir tous les deux dans le canapé, qui les mets, littéralement, dans les bras l’un de l’autre. Persuadé que je fais une bonne action, sans doute. Persuadé qu’il est, une fois de plus, l’heure de retourner en loges. Quelque chose de noble, de romantique, je suppose. Savoir renoncer, déposer les armes, prêter allégeance, des conneries dans le genre.
Cette nuit, dans la pièce d’à côté, alors que l’effet de l’alcool se dissipait - oh, je l’avais donc plutôt encore bon, à cette époque-là ; alors que E. embrassait C., chez moi, avec ma bénédiction, je me suis senti quand même bien con. Idiot, naïf, nul à chier. Le pire moment de ma vie ? C’est moi-même qui l’ai mis en scène.
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Sanaa_Mishima
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Cœur blanc
Noir. Sur fond noir.
Aucune couleur. Aucune lumière.
Que du noir.
Avec un éclat pourpre.
Unique, brillant, attractif au milieu de toute cette morosité.
Un clapotement. Des ondes qui courent sur le liquide.
Un cœur.
Éventré. Froid. Immobile. Blanc.
Sa couleur a coulé comme l'encre, l'a desséché de sa couleur.
Se répand sur le papier noir.
Forme des flaques de sang.
Il ne se brise pas, il se déchire.
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Zbooba :
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C’est l’pire moment d’ma life,
J’suis l’boss du game, mais mon mojo s’fais rife.
Avant, j’voyais d’la flamme, tout m’faisait kiffer,
Mais là, rien ne s’lève, j’suis bloqué dans l’calvaire.
Gangsta en détresse, ouais, j’suis dans l’bazar !
J’croise des scènes hot, genre soirées qui claquent,
Des vibes torrides, des regards qui m’attaquent.
Mais mon cœur s’endort, plus d’feu dans l’moteur,
C’est l’panne totale, j’suis l’roi des looseurs.
Mon flow s’effrite, j’perds l’contrôle, quelle galère !
J’tente d’rebondir, j’cherche l’spark dans l’délire,
Méditation, yoga, j’veux r’faire rugir l’désir.
Mais l’pire, c’est l’regard des potes qui s’moquent,
Mon zgeg reste ti-pe que ça me tourmante,
My God, dans la cave, pendant la tournante.
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lapinchien :
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Dans l’ombre glaciale d’un février éternel à Punxsutawney, Ned Ryerson, l’assureur à la verve intarissable, traversait le pire moment de sa vie, un épisode qu’aucune police d’assurance n’aurait pu couvrir. Jadis, au lycée de Kase-Western, il était « Ned la tête d’œuf », celui dont le nombril sifflant avait fait rire la foule au spectacle de fin d’études, mais aussi celui qui, humilié par une crise d’herpès et un flirt avorté avec Marie-Pat, avait frôlé le redoublement. Ce jour-là, sous un ciel bas et oppressant, alors qu’il tentait de vendre une assurance-vie à un passant indifférent, une silhouette familière émergea de la brume : Phil Connors, le présentateur météo, son ancien bourreau du lycée, celui qui l’avait raillé sans merci. « Bing ! » s’écria Ned, espérant une reconnaissance, mais Phil, le regard vide, passa sans un mot, comme si Ned n’était qu’un spectre insignifiant. La douleur de l’oubli, plus cuisante que toutes ses déconvenues passées, le frappa de plein fouet, le ramenant à l’adolescent maladroit qu’il n’avait jamais cessé d’être.
Pourtant, le destin, capricieux comme un vent d’hiver, réservait à Ned une épreuve plus étrange encore. Alors qu’il errait, abattu, près de la place où la marmotte Phil était exhibée chaque année, un grondement sourd retentit, et la créature, comme animée d’une malice surnaturelle, bondit hors de sa cage. « Ned Ryerson, quoi ? » sembla murmurer la marmotte, ses yeux luisants fixés sur lui, comme si elle incarnait l’esprit moqueur de Phil Connors lui-même. Dans un élan absurde, elle s’élança vers lui, renversant son porte-documents et lacérant ses prospectus d’assurances, tandis que la foule riait, croyant à une farce du Jour de la Marmotte. Ned, pétrifié, voyait dans cet animal l’écho de ses échecs, une vengeance du passé qui, tel un contrat mal signé, revenait réclamer son dû.
Le soir venu, seul dans sa chambre d’hôtel, Ned contemplait son nœud papillon défait, symbole d’une vie qu’il avait cru maîtriser en vendant des garanties contre l’imprévisible. « C’est-y pas vrai, vrai, vrai… » marmonna-t-il, mais les mots, jadis pleins d’entrain, sonnaient creux face à l’absurde retour de Phil la marmotte, qui semblait avoir conspiré avec le temps lui-même pour le ridiculiser. Il songea à Phil Connors, prisonnier de cette journée sans fin, et se demanda si lui aussi n’était pas condamné à revivre éternellement ses humiliations. Pourtant, au fond de son désaroi, une lueur d’espoir naquit : si même une marmotte pouvait défier l’ordre des choses, peut-être Ned pourrait-il un jour réécrire son histoire. « Bing ! » murmura-t-il, résolu à ne plus être l’éternel perdant de Punxsutawney.
![[illustration]](/data/img/images/2025-10-10-hackathon4-big.jpg)
Sujet 1 : Le criminel le plus con de l'Histoire
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Lindsay S :
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Cher confrère,
J’espère que ce courrier vous trouvera en bonne forme.
Je suis en avance cette année, mais j’avais grandement envie de partager avec vous sur l’affaire qui nous occupe.
Pour notre sélection, le choix est embarrassant tant il est exceptionnel.
C’est pourquoi la désignation des lauréats 2025 m’enthousiasmait en tout point et justifie la présente missive.
Je ne vous cache pas que j’ai mes préférences, mais vous trouverez ci-joint les dossiers et pièces nécessaires à la sélection.
Chacun d’eux a été condamné, et le crime est avéré (oui, même celui qui a appelé lui-même les secours quand, accidentellement, il s’est fait sauter les couilles avec son .38 lors du braquage d’un restaurant).
Nous ne prenons donc pas de risques cette année. Contrairement à l’an dernier, quand le lauréat — ce jeune homme qui avait tenté de noyer sa petite amie et s’est finalement noyé à sa place — a dû être disqualifié. La jeune fille n’ayant pas porté plainte, le règlement ne permettait pas de valider sa candidature, aussi absurde que cela puisse paraître.
Nous avons donc renforcé le règlement et précisé que le criminel devait être condamné ET vivant pour prétendre au titre et au prix.
Toutefois, vous constaterez que j’ai écarté le prisonnier en fuite qui s’était changé dans un magasin en période de fêtes, troquant sa tenue de taulard pour un déguisement de lutin espiègle. Il était condamné pour meurtre, et non pour cette tentative (!) d’évasion.
Nous pourrions — et je prendrai ce parti à notre prochaine réunion — envisager une double catégorie : stupidité préméditée et instant fatidique.
Il me tarde que nous présentions au grand jury les profils de cette année.
Mais, dans un premier temps, je me permettrai de vous suggérer de ne pas installer Mme la Juge Peal à côté de notre invité et parrain de l’édition. En effet, ce vieil homme, qui avait gagné la première édition de notre concours et qui est sorti cet automne de prison, supporte mal les membres du corps juridictionnel.
Sans jouer de votre mémoire, je ne me lasse pas de cette personne, tant la débilité de son crime m’est restée chère et, à mon sens, inégalée.
Il n’avait certes pas raté son procès, se rendant sur place escorté par les gendarmes qui l’avaient intercepté en plein vol de voiture, “pour ne pas être en retard”.
J’attirerai également votre attention sur le dossier 45-L de ce criminel, qui en plein braquage perdit l’ouïe, rencontrant non pas la dernière alarme Vérisure mais bien une petite “Alice” de 4 ans et demi, particulièrement mûre pour l’opéra.
En effet, ce dossier m’interpelle non dans son exceptionnalité — nous avions déjà croisé un chat miaulant dans un dossier il y a quelques années — mais plutôt par sa chute.
L’homme, refusant de lâcher son butin pour sauver ses tympans, démarra son incarcération par l’apprentissage de la langue des signes.
Je m’égare et je me perds. Ce que je voulais résolument vous écrire, teint en quelques mots : je ne souhaite pas que le dossier 78-T soit présenté.
Je crains que ce niveau de stupidité ne fixe un plafond de verre pour tous les futurs lauréats.
En effet, cet homme qui a tenté de détrousser au coin d'une rue, M. Riner, a profondément regretté de ne pas avoir suivi les JO.
Ses deux bras cassés témoignent que notre athlète émérite aurait eu sa place au sein de notre jury.
Au plaisir de vous lire, je vous souhaite une excellente journée.
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Le Thaumaturge
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Roscoff
Kenan (un breton sûrement) a tout juste 16 ans. Prompt à s'emporter, il est passé par plusieurs centres de redressement avant d'atterrir ici dans mon cabinet. On lui présuppose des troubles du neurodéveloppement, je suis chargé de l'examiner afin de confirmer ou d'infirmer ce diagnostic. S'il s'avère exact, il sera réadressé vers une institution spécialisée.
J'épluche, de façon assez distraite je dois le dire, le dossier de Kenan avant qu'il n'arrive à son rendez-vous. Ses faits d'armes seraient les suivants : pour des raisons de violence domestique, il est confié à une famille d'accueil ; il aurait à seulement 10 ans agressé sa mère adoptive à coups de fer à repasser (geste qu'il imiterait de son ancien domicile) ; vol à l'étalage ; difficultés à sociabiliser avec les autres enfants ; plusieurs autres petits délits ; s'est masturbé à plusieurs reprises publiquement... Je survole l'ensemble de son dossier, le reste est assez banal, rien de quoi défrayer la chronique. Malgré une étude plus minutieuse des courriers de son psychiatre, je ne trouve pas d'éléments permettant d'expliquer ses particularités. Son père biologique est marin pêcheur, une première partie de réponse mais j'attends encore de pouvoir l'étudier physiquement.
Kenan est finalement rentré vers 16h dans mon bureau, flanqué de deux infirmiers. Je note que le patient est arrivé menotté et semblait déjà bien agité. Son corps est celui d'un orang-outan, trapu, des épaules larges avec un cou légèrement palmé (éventuel pterygium coli?).
Conformément au protocole, j'ai procédé à l'anamnèse. J'ai appris qu'un test de QI lui avait déjà été soumis mais qu'après avoir logé son stylo Bic dans l'orbite de l'examinateur, le résultat ne s'était pas montré probant.
Ses liens ont été défaits pour que je puisse passer à son examen physique. Je n'ai malheureusement pas pu apprécier ses fonctionnements moteurs, ni même ses facultés cognitives puisqu'une fois ses menottes retirées, le patient s'est jeté sur un de deux infirmiers dans une rage sourde. Une gerbe de sang s'est échappée de ses lèvres, puis ses viscères se sont répandus en tas sur le sol. Pris de panique nous avons laissé Kenan seul dans le cabinet avec le corps inerte de l'infirmier. Lorsque les autorités l'ont saisi il enroulait ses intestins autour de son index comme des spaghetti autour d'une fourchette. La raison pour laquelle le patient était munis d'un scalpel m'est encore inconnue.
Je vous prie, cher confrère, de faire tout ce qui vous est possible pour cet adolescent visiblement troublé.
Veuillez agréer mes plus respectueuses salutations.
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Laetitia Giudicelli
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Le commissaire Godefroy se grattait la tête jusqu’au sang. Son second, le lieutenant Bassard, tentait sans grand succès de l’aider à garder à flots son flux neuronal à coups de décharges électriques. Une toutes les cinq minutes, avec augmentation progressive de l’intensité.
« Ça va comme ça, déclara le commissaire au bout de la douzième secousse en arrachant les électrodes. J’ai l’impression de revivre les contractions de l’accouchement de Madame Godrefroy, mais sans initiation à la sophrologie. Reprenons depuis le début, voulez-vous ?
- Certainement, Commissaire, obtempéra Brassard en remisant ses ventouses. Monsieur Staper a été retrouvé mort à son domicile ce matin vers 7h30 par son épouse, Madame Staper, de retour de l’hôpital où elle exerce le métier d’infirmière.
- Ironie du sort, commenta sobrement Godefroy.
- Certainement, répondit à tout hasard Brassard, auquel la philosophie toute stoïcienne du commissaire échappait en grande partie.
- Cause du décès ?
- Seppuku. Le défunt revenait d’un séjour de trois mois au Japon.
- Et pourtant ce n’est pas un suicide, marmonna le commissaire en faisant les cent pas dans son bureau de 10 m2.
- Qu’est-ce qui vous permet d’être si formel, commissaire ? s’enquit Brassard en levant les yeux de son rapport.
- Voyons, lieutenant, un peu de logique. Pourquoi nous aurait-on confié l’affaire si ce n’était pas un meurtre ?
- Effectivement. D’ailleurs, la suite semble vous donner raison : « Les entrailles sortaient de la plaie béante, que la tête décapitée du défunt semblait regarder avec détachement. »
- Qui a fait l’autopsie ? Je ne reconnais pas là le style du docteur Bignet.
- Le docteur Bignet est en congé, commissaire. Son remplaçant a des prétentions poétiques, m’a-t-on dit.
- Bien. L’arme du crime ?
- On a retrouvé un poignard et un sabre. Les deux ensanglantés, pour mieux brouiller les pistes.
- Bien. »
Le commissaire regarda une minute par la fenêtre, saisit un dictionnaire sur une étagère, le consulta méthodiquement puis, l’ayant reposé :
« En définitive, l’affaire me paraît limpide, annonça-t-il sobrement.
- Certainement, approuva Brossard, que la sagacité de son aîné n’étonnait plus depuis longtemps. Mais puis-je vous demander de reconstituer pour moi le cheminement de votre pensée déductive, Commissaire ?
- Le seppuku est une pratique rituelle, comme vous le savez. Elle suppose non seulement que le samouraï soit réduit, pour des raisons qui lui appartiennent, à se donner la mort par éventration, mais encore qu’un ami, le meilleur, préalablement averti, se charge de le décapiter dès que le premier bout d’intestin s’élancera à l’air libre. Vous me suivez ?
- Certainement, Commissaire.
- Monsieur Staper était-il gaucher ou droitier ?
- Droitier, Commissaire.
- Donc, l’éventration a été faite de la gauche vers la droite ?
- Le rapport avance le contraire, Commissaire.
- Donc le sabre est un sabre de gaucher ?
- C’est bien ce qui est écrit. Effectivement.
- Eh bien, il ne reste plus qu’à trouver quelqu’un capable de commettre un double meurtre sur une victime unique : d’abord par éventration, puis par décapitation, pour faire croire à un suicide rituel.
- Et vous pensez que ce sera facile ?
- Certainement, Brassard. Il suffit de cherche le criminel le plus con de l’Histoire. »
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Nino St Félix
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L’Eugène
Tout le monde avait tenté de dissuader Tobrouk Materazzi de mener son enquête. Tout avait été fait en ce sens. Sa femme, pour commencer, l’avait plaqué sans préavis. Ensuite, son chef lui avait offert 125 jours de congés payés. Le gérant du bar tabac qui se trouvait au bas de son immeuble s’était dermerdé pour lui faire gagner 243 millions d’euros, alors que Tobrouk n’avait jamais acheté le moindre ticket. Un collectif de prostituées avait même été réquisitonné pour lui proposer l’installation d’un harem à domicile, toutes options incluse ; il y avait bien eu un tollé du côté des représentants LGBTPRQTHWC, qui avançaient posséder la preuve irréfutable que le commissaire Materazzi descendait deux fois par semaine se « faire lécher la pèche » au Swinging Lipstick. En parralèle, on sanctionna le capitaine Salmon Overton, coupable d’avoir favorisé les promotions successives, et totalement imméritées, de Tobrouk jusqu’au grade d’inspecteur principal. Le pauvre Overton, soit dit en passant, payait là pour les autres : personne ne remettrait en question le principe de Peter, pas plus d’ailleurs que celui d’Emile.
De son côté, Foreman Cole, aussi surnomé « l’Eugène », criminel le plus con de l’histoire humaine (les habitants de Zgoulbir IX se vantaient de compter dans leur rang le champion absolu de l’Univers Connu), poursuivait sa moisson. Lorsque (et cela se produisait fort souvent) il lui arrivait d’oublier qui il voulait assassiner, un des agents de l’Organisation se chargeait de le lui rappeler, à l’aide d’un ensemble d’indices plus ou moins subtils (noms écrits avec les magnets sur la porte du frigo, en caca sur le siège des toilettes, dans le ciel par des avions qui en profitaient pour déverser les produits chimiques adéquats sur la population)… Parfois, trés souvent même en réalité, Foreman oubliait aussi comment tuer. Là encore, la diligente Organisation se chargeait de lancer un tuto, fournir les outils, arranger les situations. Durant ses 24 ans de carrière, bon an mal an, il a été estimé que Foreman a assassiné 77 524 handicapés, soit l’équivalent de 7047 fois le nombre de participant à la colonie d’ « un petit truc en plus ». Puisqu’on est dans les chiffres, il est important de rappeler que Foreman avait un QI de 26, ce qui le rendait aussi indifférent à l’éthique, la morale et la justice qu’un bébé léopard.
Hélas pour tout le monde, à commencer par l’Organisation, Tobrouk Materazzi, lui, possédait un QI de 14. Il avait, d’ailleurs, pendant un temps, été envisagé d’en faire l’Eugène, mais Tobrouk était aussi stupide que borné, et lorsqu’il se mettait une idée en tête, il n’en déviait pas. Comment s’était-il, malgré toutes les précautions prises pour l’éloigner du terrain en lui confiant des responsabilité, retrouvé sur la trace de Foreman, et plus encore, comment malgré son intelligence de bigorneau, était-il parvenu à le coincer ? On ne le saura jamais. Tobrouk Materazzi a été retrouvé étouffé par un Jésus de Lyon que « quelqu’un » l’avait défié d’avaler d’une seule bouchée. Mais d’autres « quelqu’uns » suggèrent que la réponse à toutes ces questions se trouve quelque part, au sous sol du Swinging Lipstick.
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Sanaa_Mishima
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Un éclat métallique.
Une traînée de feu.
Un crépitement de poudre.
Une bille supersonique.
Un éclaboussement rouge.
Le bruit des détonations emplit l'air, assourdissant, troublant, couvrant à peine les cris déchirants de douleurs.
Un à un, les corps tombent. Poupées de chiffon dont les fils ont été sectionnés, tas de chair informé sur le sol froid, marre de liquide pourpre et gluant qui s'écoule à flot de plaies béantes.
Rampe. Se cache. Attend. S'approche. Saute.
Il le fait tomber, son dos heurtant douloureusement le sol, et une grimace passe sur son visage. L'agresseur n'a pas le temps de continuer à l'attaquer avec désespoir, qu'il lui enfonce un couteau dans le ventre.
La lame tranche la peau, les organes, les nerfs, les veines, avec autant de facilité que du beurre. Il le plonge jusqu'à la garde et le retire, pour le replonger, encore et encore.
Il rejoint rapidement le reste de ses compagnons sur le sol, le corps charcuté, ses boyaux sortant et se répandant sur le sol maintenant ensanglanté.
Le silence remplace le bruit, étourdissant tant le changement est brutal.
Il se redresse, regarde autour de lui, constate la troupe de marionnettes étendues sur le carrelage, et il range ses armes, satisfait. Enfin tranquille.
Il s'approche de sa cible, son butin durement gagné, et l'empoche avec un sourire.
Alors qu'il allait partir, il s'arrête devant la caisse ouverte, des liasses de billets s'en échappant.
Oh, c'est vrai, la caisse.
Plus tard, la police retrouve la montagne de cadavres, plus d'une vingtaine, étendus dans un lac de sang, la scène si horrible qu'elle en retourne l'estomac de plus d'un.
Et, dans la caisse ouverte, ils trouvent une pièce de deux euros, posée par-dessus les billets, avec une note indiquant une adresse où déposer la monnaie.
Dehors, dans les rues, le responsable du carnage savoure son butin, mangeant avec joie ses bonbons.
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Zbooba :
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Son voisin, tranquille, kiffe son camembert qui pue,
L’odeur tape le nez, Philémon en peut plus.
« Ce fromage m’retourne, j’vais l’buter, c’est clair ! »
Il chope un vieux surin, rouillé, prêt à l’faire.
Le lendemain, les keufs débarquent, morts de rire,
Trouvent son journal, son blaze, son crime à pourrir.
« J’ai vengé mon nez ! » il fanfaronne, en transe,
Mais les bracelets claquent, fin d’la danse.
Philémon, le plus naze, le king des tocards,
Buté pour du fromage, c’est l’pire des ringards.
Gangsta ? Que dalle, juste un gland avec un couteau,
Le meurtrier le plus con, légende du fiasco !
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lapinchien :
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Dans une taverne brumeuse, quatre criminels se réunirent sous une chandelle vacillante, rivalisant d’audace en racontant leurs méfaits. Le premier, maître du subterfuge, narra le vol d’un rubis princier en droguant une duchesse avec des lys vénéneux. Le deuxième, assassin précis, décrivit l’élimination d’un banquier par une aiguille empoisonnée glissée dans son gilet. Landru Puduc, maladroit, provoqua des rires en confessant le meurtre de son voisin pour un coq trop bruyant, utilisant un plug anal et laissant une flûte à bec de lièvre busen marquée de ses initiales. L’arrivée de l’inspecteur Héraklès Navet, à l’intuition redoutable, figea l’assemblée.
Navet, scrutant chaque visage, reconstituait mentalement les crimes : le rubis, l’aiguille, et l’absurde meurtre au coq. Une plume de coq trouvée sur un autre crime, un marchand étouffé, et la flûte à bec gravée « L.P. » convergèrent vers Landru. Une note délirante, « Venger le coq ! », oubliée près d’une victime, renforça les soupçons. Les marques de coups sur un notaire, similaires à ceux d’un plug anal, trahissaient la maladresse de Landru. Navet tissa une toile d’indices, transformant la sottise de Landru en pivot de tous les crimes.
Les récits brillants des autres criminels s’effacèrent face à la bévue de Landru, dont les indices - plume, flûte, note - furent pris pour du génie criminel. Navet, d’une voix tonnante, désigna Landru comme coupable des meurtres, y compris ceux qu’il n’avait pas commis. Les autres assassins, stupéfaits, virent leur gloire éclipsée par cet homme ridicule. Landru, livide, balbutia en vain alors que les menottes scellaient son sort. Ainsi, sa bêtise monumentale fit de lui le bouc émissaire d’une nuit de confessions macabres.
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Sujet 2 : La magie des petites choses
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Lindsay S :
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3 pas. Un cri. Puis le silence.
Sa compagne se précipite. Trop tard.
Les badauds rient, incrédules. Ils ne comprennent pas.
Pierre est mort.
À l’intérieur de son corps, un champ de bataille : une guerre sale et meurtrière.
Son cœur explose. Son sang jaillit par les orifices les plus proches — nez, bouche… et anus.
Si Pierre avait été amusant, les cadavres suivants, par dizaines, inquièteraient et effrayeraient.
La sidération céda au chaos atroce. Les rues se remplirent de hurlements, non pas de ceux qui mouraient, mais de ceux que l’hystérie avait saisis.
Nombre d’hommes et de femmes, inconscients du drame, dormaient paisiblement dans leur lit.
Bientôt, leur réveil dans un monde transformé se ferait.
Beaucoup d’entre eux mourraient, dans les mêmes circonstances atroces.
Chez les survivants, la peur et la douleur de la perte les paralysaient.
C’était le début d’une nouvelle épidémie mondiale.
Après le choc atroce de la Covid‑19, le monde n’était pas prêt.
Gouvernements, professionnels de la santé, citoyens de tous horizons se croyaient aguerris.
Ils avaient tort.
Comment auraient-ils pu se préparer à une attaque si fulgurante ?
Comment cette chose minuscule avait-elle pu se transformer et engendrer de tels malheurs ?
Bien sûr, ils auraient pu développer un vaccin.
Mais pour qui ?
Les malades étaient déjà morts.
Les survivants étaient immunisés.
Ils auraient pu instaurer des quarantaines, isoler les cadavres, tenter d’éviter la contamination.
Mais comment ?
Elle se répandait à la vitesse de la lumière.
Le virus, isolé par les médecins qui avaient survécu à l’hécatombe, livra enfin ses secrets.
Muté à partir de la variole, par un contact d’ADN différent et répété dans le bol de cacahuètes où Pierre, patient zéro, l’avait attrapé, le virus — baptisé Pierre‑25 — était aéroporté.
Tellement contagieux qu’un simple contact suffisait à tuer en quinze minutes.
Quinze minutes. Pour que ce petit virus se fixe à votre peau ou à vos muqueuses, pénètre dans le sang et atteigne votre cœur.
Alors il s’installait dans les cellules des parois musculaires et se multipliait.
En quelques secondes, le battement s’accélérait… jusqu’à l’explosion.
Les virus sont des êtres du non-vivant.
Ils renferment une magie telle que nous, pauvres vivants, ne sommes guère que des pantins.
La lutte est inégale.
Ils n’ont rien à perdre.
Et le monde entier, encore endormi dans sa certitude, allait bientôt se réveiller dans un cauchemar qu’aucune préparation, aucun vaccin, aucune loi n’aurait pu empêcher.
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Le Thaumaturge
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Ma grosse pine de rat
Il n'est pas bon en cette époque d'être un muridé. Mes attributs virils n'impressionnent pas. Pire, ils sont l'objet de moquerie. Je suis pourtant pourvu de ce que la méthode Montessori appelle "deux belles petites perles de Chia". Surtout qu'avec mes 3cm (disons 3,5 en tirant bien sur la peau), je dépasse largement les standards de mon espèce! Mais bon les spécimens de l'industrie porno éclipsent complètement mon zob, ma bite ne trouve pas sa place dans notre société. Alors qu'il suffirait de s'émerveiller sur sa courbe (qui dévie légèrement à droite) et non sur ce qu'il y a à voir pour reconnaître l'utilité de ces dimensions : coton-tige, cure-dent, outil de crochetage, et j'en passe... Puisque c'est Dieu même qui a pensé l'infiniment petit et le moindre dans le plus grand, pourquoi ne pas admettre son rôle dans les desseins du divin ?
Si ma pine de rat ne trouve pas son chemin, elle le percera.
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Laetitia Giudicelli
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C’était à jeun que Viviane Hettier réfléchissait le mieux. Une question d’équilibre, affirmait-elle : estomac vide, cerveau plein. Réflexion qui laissait son époux dubitatif, lui qu’une misogynie rétive à tout traitement et l’obésité morbide de sa femme tendait à faire penser le contraire.
Depuis deux jours, Viviane Hettier refusait d’avaler quoi que ce fût, solide ou liquide. Il faut dire que jamais pareil cas n’avait été soumis au tranchant de son intelligence. Lassé, Monsieur Hettier, Hubert de son prénom, avait repris sa partie de croquet en solitaire. Il avait déjà perdu trois boules. Il faut dire que le marécage de leur jardin était, par endroits, assez profond.
« Ce devrait être pourtant simple », laissait parfois échapper Viviane Hettier en se balançant dans le rocking chair hissé par son mari sur une butte, à l’abri de l’élévation du niveau de l’eau et des reptiles aquatiques.
« Supposons un œuf », renchérissait Hubert Hettier en faisant tinter la cloche d’un coup savamment asséné de son maillet sur la boule rouge.
« S’il ne s’agissait que d’ovule fécondé, très cher, l’affaire serait déjà résolue.
- L’inaction ne vous vaut rien, ma douce. Le cerveau a besoin d’oxygène. Venez jouer avec moi. » Ce disant, il tendait à sa femme un maillet tout neuf.
Viviane Hettier sourit débonnairement. Pour la douzième fois, elle s’apprêtait à décliner l’invitation lorsque, mue par un ressort invisible, elle se leva de son fauteuil, fléchit les genoux, rentra la tête et roula jusqu’aux pieds de son époux.
« Vous n’avez pas oublié vos gammes de gymnaste, commenta Hubert, admiratif.
- C’est comme le vélo, acquiesça sobrement Viviane en se saisissant du maillet. Quelle boule prendrai-je ?
- La jaune, si elle vous convient.
- C’est une chose charmante que le croquet, convint Viviane, en faisant traverser d’un coup d’un seul les douze arceaux à sa boule, en dépit des multiples virages du parcours. Petite, puérile, enfantine, dirai-je même, mais charmante.
- Alors, ce problème ? s’enquit Hubert en jetant, de dépit, son maillet et les boules restantes dans le trou de vase le plus profond.
- Je crois l’avoir résolu » déclara Viviane en gobant son premier moustique en quarante-huit heures.
Sous elle, le sol commençait à s’affaisser. Le crocodile, domestiqué mais jamais complètement apprivoisé, se rapprochait sans discrétion.
"Une petite chose vous tuera dans la semaine, m'annonçait l'horoscope.
- Norbert n'est pas une petite chose, rectifia Hubert en regardant le reptile entraîner sa femme par le pied droit et par le fond.
- Ce sera mon épitaphe. Vous voudrez bien vous en occuper", glouglouta Viviane au moment de disparaître.
Et c'est ainsi qu'un petit jeu sans importance fit de Hubert Hettier un veuf heureux.
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Nino St Félix
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Crazy Little Thing
- RHEHBEBHYBFBBEH
- Qu’est ce qu’il dit, professeur Armani ?
- Aucune idée, Toupac. Activez le translateur Heinlein, j’espère qu’on a pas encore à faire à un de ces couillons de Mars, avec le grokisme à la con.
- Euh, je pense pas, Philibert. Les Martiens ont trois appendices sexuels fonctionnels. Celui là n’en possède qu’un seul, et je doute que…
- Merci, Framboisine. Comme toujours, votre oeil acéré nous permet d’aller directement à l’essentiel. Regardez, justement. La stimulation de son… comment appèleriez-vous ça, Toupac ?
- Pourquoi moi, professeur ? Framboisine s’y connait aussi bien, sinon mieux que moi.
- Framboisine ?
- Professeur, je pensais avoir tout vu mais alors là… Je dirais que ça s’apparente à un nanopénis.
- Pauvre créateur.
- RIJNRNBNBNBRBBRBRBBR !
- Oui, pardon, pauvre animal. Je voulais juste toucher pour voir…
- Professeur ! D’aprés Corinne, c’est un Gloutron.
- Qui est Corinne ?
- Votre femme, professeur. Enfin son cerveau, qu’on a implanté dans la Grosse Machine à Penser.
- Aaaaaaaaah oui. Putita. Ok, et donc ? Cest Gloutrons ? Qu’est ce qu’on sait sur eux.
- D’aprés mes notes, il s’agit d’une espèce en voie d’extinction. Leur planète va exploser dans trois jours, mais, avec la relativité, celui-ci est parvenu chez nous 53 jours aprés la disparition de sa planète.
- Framboisine, vous êtes épatante. Et dites moi, Toupac, est ce que Puti…pardon, Corinne a un avis, mieux même, une traduction de ce que notre ami désire ?
- UUUHUHUHUHUHJNHBN
- On dirait qu’il vous comprend, professeur.
- D’aprés Corinne, il affirme être le dernier représentant des Gloutrons.
- NHHJHEBBEBBEB
- Et il prétend qu’il arrive à la fin de sa « virilité ». Je pense qu’elle veut dire qu’il ne pourra bientôt plus se reproduire.
- Comme c’est triste…
- Framboisine, je vous en prie. Ce n’est pas le moment de céder à vos… trucs.
- Emotions ?
- Si vous voulez. D’aprés le doctrine Heinlein - encore lui, ce vieux sagouin - nous devons apporter une aide inconditionnelle aux espèces galactiques en voie d’extinction.
- Mais, professeur, toutes les femelles de la base sont infertiles. En importer d’Outlandia nous prendra au moins une semaine. Et rien ne nous garantie qu’il pourra s’accoupler. Avec son tout petit truc là…
- Toupac, vous parlez avec la voix de la raison. Prenez exemple sur votre collègue, Framboisine. Toupac, la science ne peut pas se permettre d’hypothèses. Elle doit avancer à coups de certitudes.
- Mais professeur, c’est le dernier de son…
- Tututut Framboisine. Qu’est ce que j’ai dit ? … Bien. Bon, donc, voilà ce qu’on va faire. Toupac, vous allez récupérer les prélèvements d’hormones réalisés sur les spectateurs mâles du concert de Britney Spears de 2001. Vous les mélangerez au jus de couilles de taureaux et au sérum Heinlein - ce sacré salaud. Pendant ce temps, vous, Framboisine, décongelez le corps de Corinne, qui reste fertile. Bien. Trés bien. Attention avec ces fioles, Toupac. Si l’un de nous venait a entrer en contact direct… je vous laisse imaginer. Trés bien, Framboisine. Maintenant, utilisez cette crême… Voilà. Passez moi la seringue, Toupac.
- JJJNNBHEFHEBFEBBEFB.
- Je sais, mon petit. Mais essaies encore.
-HNNNFEBFBEBFEBFEEBFE
- Il en va de ta survie. Je ne veux pas te mettre la pression.
- JJNBFBZBZBZDZDZDNZDB !!!
- Professeur, je crois que…
-Framboisine, quand j’aurais besoin de votre avis, je vous sonnerais.
- J’ai pourtant ajouté le Coachella de Beyoncé.
- Rajoutez le live Tina Turner à Rio en 1988. Si avec ça on y arrive pas…
-HHHHHH2YH2H2HHHBEIFNH….
- Mon dieu. Nous assistons à l’extinction d’une espèce, mes amis, en direct.
- Impuissants.
- Vous m’otez les mots de la bouche, Toupac.
- Mais je pense que…
- Quoi ? Quoi, Framboisine ? Vous avez une idée ? Vous ne pouvez pas respecter… Ce moment tragique…
- Professeur ! Laissez moi essayer quelque chose. Je pense qu’il a besoin d’un petit truc… Quelque chose de plus.
- Et quoi donc, hein ? Des pétales de roses ? Des poèmes ? De la musique ?
- Oui, je crois. Laissez moi essayer… ca…
- Pfffah… de la musique de vieux ET de gay.
- C’est quoi ton problème Toupac ? Corinne pense, comme moi, qu’il sera sensible à la voix de Freddy Mercury.
- Au point ou on en est… Mais attendez…
- JHHHH2H2H2H2H2H2H2H2H2H2H2H2H2H2éééé::::éééoijninfé5551565155155
- Mon Dieu.
- C’est…
- Beau.
- Sublime.
- Fou.
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Sanaa_Mishima
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Tout commence avec un petit geste.
Rien de bien méchant, juste un sourire, un signe de la main, un clin d'oeil.
Puis un petit mot, un signe de reconnaissance, une exclamation spontanée.
Puis une petite discussion, qui devient une longue discussion, qui prend toute la nuit, toute la journée, toute la semaine.
Tout finit avec un petit geste.
Rien de bien méchant, une grimace, une main levée, un regard noir.
Puis un petit mot, un signe de haine, une insulte spontanée.
Puis une petite dispute, qui devient une longue dispute, qui prend toute la nuit, toute la journée, toute la semaine.
Et puis, une gorgée tranchée. Rougeoyante, parfaite pour étudier l'anatomie.
Franchement, c'était difficile de comprendre comment on en était arrivé là, un couteau de cuisine à la main, regardant cette gorge ouverte sans émotion.
On s'accroupit, on pose notre menton dans notre main, on réfléchit à ces petites choses qui ont conduit à ce moment.
Rien. Rien de bien méchant, rien de particulier. Étrange d'en arriver à une telle extrémité, non ?
Et on se relève, on hausse les épaules. Parce que, soyons honnêtes, on n'a pas le temps de réfléchir à des choses aussi futiles alors qu'il y a un corps à cacher.
Disons simplement que c'est la magie des petites choses qui ont mené une banale rencontre à un meurtre de sang froid.
C'est plus simple, n'est-ce pas ?
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Zbooba :
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Check le flow, j’arrive, j’suis l’boss du mic,
Ma baguette magique, c’est l’truc qui fait des tricks.
Pas d’baguette en bois, non, c’est pas l’sorcier d’Oz,
C’te vibe fait des étincelles, fais gaffe où t’poses les doigts !
Dans l’game, j’suis Merlin, j’fais des tours légendaires,
Un clin d’œil, un sort, et l’ambiance s’révère.
J’lance des sorts d’charme, les cœurs s’envolent direct,
Pas besoin d’baguette d’Hogwarts, j’suis l’roi du respect.
Mais j’reste clean, yo, pas d’trucs chelous dans l’deal,
Ma magie, c’est d’l’amour, du fun, c’est bien réel.
Alors lève les mains, crie fort, change de beat,
Ma baguette magique, trop fort, c’est ma bite !
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lapinchien :
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Dans une salle d’entretien baignée par la lumière pâle d’un matin francilien, un pygmée du nom d’Aké, originaire des forêts profondes du Congo, se tenait face à un recruteur de Disneyland Paris, le cœur gonflé d’un rêve aussi vaste que son corps était menu. « L’homme n’est grand que par ses aspirations », écrivait Platon, et Aké, porté par cette vérité, aspirait à rejoindre le royaume enchanté où les songes prennent chair. Le recruteur, un homme aux lunettes sévères, lui proposa d’incarner Mickey, figure tutélaire du parc, mais le costume, taillé pour une stature commune, pendait sur Aké comme un suaire grotesque, engloutissant sa silhouette frêle. Il tenta ensuite Donald, puis Goofy, mais chaque enveloppe de tissu, trop ample, semblait railler son ambition, confirmant la pensée de Nietzsche : « Ce n’est pas la force, mais la durée de la grande aspiration qui fait les grands hommes. » Aké, loin de s’avouer vaincu, gardait un sourire résolu, convaincu que son destin scintillait quelque part dans ce théâtre de féerie.
Le recruteur, perplexe, passa en revue d’autres rôles, cherchant à concilier l’ardeur d’Aké avec les exigences du spectacle. « L’homme est une corde tendue entre la bête et le surhumain », murmurait Zarathoustra dans l’esprit d’Aké, qui refusait de plier sous le poids des costumes inadaptés. Les atours de Cendrillon, trop vastes, le faisaient ressembler à un enfant perdu dans une robe de bal ; ceux de Peter Pan, bien que plus ajustés, flottaient encore, moquant sa quête d’un rôle à sa mesure. Le recruteur, à court d’idées, s’apprêtait à clore l’entretien, lorsque son regard tomba sur un costume oublié, celui de la Fée Clochette, dont la délicatesse semblait taillée pour une âme aussi singulière qu’Aké. « Ce que l’on fait par amour se fait toujours par-delà le bien et le mal », proclamait Nietzsche, et c’est avec amour qu’Aké accepta cette proposition, sentant que ce rôle, loin d’être un compromis, était l’écrin de son unicité.
Ainsi, Aké devint la Fée Clochette, virevoltant dans les allées de Disneyland Paris, sa petite taille transfigurée en une grâce aérienne qui captivait les visiteurs. Son costume, scintillant de poussière d’étoiles, épousait parfaitement sa silhouette, comme si le destin avait conspiré pour faire de lui l’incarnation même de la magie. « L’homme ne vit pas pour se voir, mais pour se créer », écrivait Rilke, et Aké, par sa ténacité, s’était créé un espace dans ce monde de géant, où chaque battement de ses ailes de tissu semblait répondre à l’appel de son âme. Les enfants, émerveillés, voyaient en lui non un pygmée, mais une fée véritable, prouvant ainsi la maxime de Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme. » Et dans le rire des foules, Aké sut qu’il avait trouvé sa place, non dans l’ombre des héros imposants, mais dans la lumière d’une étoile qui, bien que petite, brillait d’un éclat éternel.
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Sujet 3 : troisième heure : Le plat mystère du Chef
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Laetitia Giudicelli
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Plus grand-chose n’était capable d’étonner nos quatre convives en matière culinaire. De quoi n’est-on pas revenu lorsque, lassés des viandes ordinaires, on s’est engagé sur le chemin sans retour de l’anthropophagie ? Les débuts avaient été difficiles. Il avait fallu aux compères toutes les ressources de la philosophie, de l’anthropologie, de l’Histoire et des annales des faits divers édifiants pour les convaincre de franchir le pas. Bien vite, les humains trépassés de leur belle mort avant salaison ne leur avaient plus suffi. Les vieillards et vieillardes trucidés à l’article de la mort non plus. Ils s’étaient fait les dents sur des corps musculeux dans la force de l’âge, qu’ils payaient fort cher, puis étaient descendus à des mets de plus en plus délicats. Disons-le sans plus de détours : une adolescente à peine pubère avait été inscrite à leur dernier menu, un mois plus tôt. Pour ne pas alourdir inutilement le dossier de nos gastronomes, nous tairons le nom des parties dont ils s’étaient le plus délectés.
C’était, par conséquent, un pari presque perdu d’avance que proposer quelque chose de neuf aux palais de nos quatre papes de la bombance cannibale. Je m’y collai pourtant. Rendez-vous fut pris.
Contrairement à leurs habitudes, je leur imposai une dégustation à l’aveugle. La nouveauté de la proposition les charma. La mise en bouche fut sans originalité et ils l’identifièrent sans peine : un lait maternel fraîchement tiré, où nageaient les yeux de l’enfant auquel il était, initialement, destiné. Mes invités burent et gobèrent en échangeant des propos grossiers. L’entrée leur donna un peu plus de mal : quelques reins fraîchement prélevés et relevés d’une sauce persillée, qu'ils croquèrent avec des "humm" de connaisseurs. Ils commençaient à se moquer de ma prétention à les égarer lorsque je leur annonçai « une pièce montée qui n’était pourtant pas un dessert. » Ils applaudirent d'avance à ce qu'ils nommèrent "le plat mystère de Chef étoilé".
Je leur servis, sur une base de dos de nageuses médaillées olympiques, deux étages d'intestins farcis aux foies de traders, surmontés d'une pyramide de joues de bébés. Le tout était recouvert d'une épaisse couche de sauce au vin de messe.
Ils reconnurent jusqu'au millésime du vin.
"Vous avez perdu, déclarèrent-ils en repoussant leurs chaises. Vous n'avez pas oublié l'enjeu de notre petit pari ?"
Je ne l'avais pas oublié, non. Restait à savoir qui allait me cuisiner, lors du prochain festin.
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Nino St Félix
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La tarte à la crotte.
A T., ils me regardaient tous comme si j’étais la dernière des merdes, petite crotte, qu’ils m’appelaient. Et vas-y que je te crache dessus, les coup de pied au derche, les croche pattes à la cantine, les doigts dans le fion en cours de sport et les coups de bites dans la tronche dans le vestiaire. Combien de fois ils m’ont latté les couilles, combien de fois ils m’ont trainé dans la boue… Je compte même plus. Une fois ils m’ont attaché à un poteau, et m’ont enduit de merde, et personne s’est arrêté pour m’aider, personne. Les gens, les pères et les mères de familles, les grands pères et les grands mère, le maire, le shériff, même les clodos, ils se foutaient de moi. Même Superclamp, qu’est pourtant pas le dernier pour tirer les siens de la mouise, et qui prétend défendre la libérté et la justice, il s’est contenté de me regarder et de me balancer « Bin mon con, tu t’es chié dessus ? ». Ca l’a bien fait marrer, ce fils de pute. Y’a eu aussi l’infirmière, à force de me voir arriver avec mes couilles grosses et violettes comme des grenades bien mures, elle a commencé à se foutre de ma gueule. Avec sa stagiaires aux dents de rat, elles m’appelaient Cerise, ou Castagnette. Ah ça les surnoms, j’en ai une collection, longue comme ça, l’Erreur, le troud’fion, l’Allemand (j’ai jamais pigé pourquoi), Jacquot la craquotte, Pissat, Lentillard… Au point qu’à un moment je me suis même demandé comment je m’appelais, pour de vrai.
Alors l’autre jour, j’avoue, quand ils ont laché les chiens sous le pont, et qu’en fuyant, je me suis retrouvé du côté de la salle des fêtes, là ou les camions du traiteur faisaient la queue pour livrer les repas, et que j’ai vu la banderolle, « Les noces de Granite d’Eléanore et Tony », et que j’ai croisé ce petit gars à la gueule de traviole qui portait un gros gateau au chocolat, et que j’ai vu le gros caillou, bah j’ai comme qui dirait vrillé. Je suis pas costaud mais lui non plus, et puis le temps que j’y réfléchisse, c’était déja réglé, son crâne fendu en deux, des petits bouts de cervelle qui glissaient sur le gateau, je me suis dit que ça allait leur plaire, en matière de grenade, aux femmes en blanc. Mais pour faire bonne mesure, j’ai chié un bon coup dedans, puis j’ai ajouté un peu de terre. Du sang, de la merde et de la boue : tout ce qu’ils méritent. Ensuite, je me suis déguisé : arrivé au dessert, ils étaient trop pintés pour s’apercevoir que je me faisait passer pour un serveur à la con. Y’avait tout le village, les soixante-trois enculés, qui chantaient leurs trucs de beauf, j’ai bien pris soin d’assaisonner tous les gateaux, chacun a bien reçu sa part. Ah, je me suis bien bidonné, quand j’ai entendu le vieux Tony heureux comme un gamin du « coeur fondant ». Et mieux encore quand la vieille Etéanore a voulu savoir quel était le nom de ce gateau délicieux.
Mais j’avoue, quand j’y repense - sûr, ça m’amuse encore bien de les voir tous dégueuler les uns aprés les autres - que ça me trouble quand même un peu, qu’ils aient trouvé ça délicieux. Ouais, ça me trouble. Un peu.
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Sanaa_Mishima
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Émincer l'oignon.
Éplucher carottes et courgettes.
Couper les légumes en rondelles.
Faire mariner au frigo.
Sélectionner la viande.
Couper. Nettoyer. Retirer les parties non comestibles et celles moins bonnes.
Faire revenir pour prendre une belle couleur dorée.
Verser dans une marmite les légumes, la marinade et la viande.
Faire mijoter au four.
Pendant ce temps, préparer les entrées.
Préparer une sauce onctueuse.
Dresser les assiettes en déposant la viande au centre, sur un cercle de sauce, et les légumes tout autour.
Rajouter des herbes pour ajouter couleur et fraîcheur.
Couvrir d'une cloche et servir.
Le plat arrive sur la table, sous les regards curieux des clients affamés, et c'est avec empressement qu'ils révèlent le plat mystère du chef.
Les réactions sont immédiates et unanimes : ils portent tous leurs mains à leur bouche, pris de haut-le-cœur, certains se précipitant aux toilettes pour y déverser le contenu de leur estomac.
Que c'est vexant. Il avait mis tant d'amour et d'attention dans ce rôti.
Et l'homme avait un très bon port de tête. Même sans le reste de son corps, déposé dans une délicieuse sauce blanche, cela sautait aux yeux.
Dommage que les clients n'aient pas osé goûter cette tête rôtie. Le Chef avait même préparé l'entrée avec les yeux. Quel gâchis.
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Zbooba :
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Check le mic, j’suis l’Chef, roi d’la cuisine,
Dans ma marmite, j’fais des miracles, flow qui fascine.
Bisque de homard, ouais, c’est l’plat mystère,
Un goût d’folie, qui t’fais danser sur l’terrier.
L’ingrédient secret ? Y’a d’quoi faire trembler l’game !
Les critiques s’pointent, papilles en mode chasse,
Ils goûtent ma bisque, direct, ils perdent la face.
« C’est quoi c’secret, Chef, t’as mis quoi dans l’pot ? »
J’rigole et j’dis : « Juste un zeste d’mon flow ! »
Gangsta dans l’four, j’fais d’la magie, pas d’la prose.
Refrain, tout l’monde bounce, lève les mains en l’air,
Bisque de homard, c’est l’plat qui fait ta fête, yeah !
Mystère dans l’bol, goût qui t’fais décoller,
J’suis l’roi d’la cuillère, du flow j'suis l'exégète.
L'ingrédient mystère se sont mes gamètes !
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lapinchien :
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Dans les ruelles pavées d’une ville où les fumets d’épices dansaient avec la brume, le chef Évariste Lumière, maître des fourneaux, régnait sur son restaurant, L’Éclat des Saveurs. Sa renommée, tel un astre, brillait grâce à une recette secrète, un plat signature dont la chair fondante et l’arôme envoûtant captivaient les âmes les plus blasées. Les convives, émerveillés, murmuraient des légendes sur cette préparation, certains évoquant des herbes rares, d’autres une alchimie oubliée. Évariste, silhouette élégante mais toujours voilée d’un mystère, esquivait les questions avec un sourire énigmatique. Chaque soir, son plat, servi dans une porcelaine immaculée, semblait murmurer des vérités interdites.
L’inspecteur Herakles Navet, esprit affûté et nez infaillible, fut saisi d’une obsession pour ce mystère culinaire. Les rumeurs, tel un vent insidieux, l’avaient conduit aux portes de L’Éclat des Saveurs, où il observait, analysait, disséquait chaque indice. Les absences fréquentes d’Évariste, ses traits creusés, son pas chancelant éveillèrent les soupçons de l’inspecteur. Une nuit, bravant l’interdit, Navet s’infiltra dans les cuisines désertes, où des effluves métalliques se mêlaient à l’odeur des épices. Là, dans l’ombre d’une chambre froide, il découvrit des carnets détaillant une vérité glaçante : le secret du plat résidait dans une offrande macabre.
Évariste, consumé par son art, s’était livré à un pacte effroyable : ses propres organes, prélevés un à un, constituaient la matière première de son chef-d’œuvre. Chaque plat, sublimé par une douleur indicible, portait en lui une parcelle de son être, un sacrifice consenti pour l’éternité de sa gloire. Herakles, horrifié, comprit que le génie culinaire d’Évariste n’était qu’un autel dressé à sa propre destruction. Pourtant, face à ce cuisinier mourant, dont le regard brûlait encore d’une passion dévorante, l’inspecteur ne put se résoudre à révéler la vérité au monde. Il quitta les lieux, laissant derrière lui un secret trop monstrueux pour être dévoilé, et L’Éclat des Saveurs continua de briller, nimbé de son mystère funeste.
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Sujet 4 : Si Noé avait su, épopée Biblique
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Laetitia Giudicelli
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L’Histoire Sainte ne dit pas comment Dieu avait prévu de noyer les poissons en même temps que tous les autres êtres vivants. Peut-être Dieu avait-il décidé d’épargner les habitants des mers. Un mystère de plus du texte sacré. Nous, nous savons passer outre. Mais Noé, qui a du temps à tuer - quarante jours enfermé entre des planches, c’est long - tourne et retourne la question dans sa tête.
Mais, alors que l’arche tangue sous les coups de boutoir du vent déchaîné, ce sont les estomacs qui sont retournés. Car elle boit la tasse, l’arche, une couple de fois. Et ses rescapés avec. Tu vois ce qu’il en coûte, d’être un Juste ? crie à Noé sa femme en recrachant des algues. Elle ne crie pas parce qu’elle est en colère, Madame Noé, non. Elle crie pour se faire entendre par-dessus l’ouragan.
Un Juste, Noé l’a été. Comme le sera plus tard Loth, sauvé de Sodome en flammes. Juste, Loth, au point de préférer livrer ses filles vierges à ses lubriques voisins. Noé respectait les lois de son Seigneur. On ne dit pas lesquelles. Cela vaut peut-être mieux.
Rien n’est impossible à Dieu, se répète Noé en redressant bien inutilement la barre du gouvernail. S’il veut noyer tous les poissons sauf les deux que j’ai mis dans mon aquarium, il le fera. Est-ce à moi de lui demander ses raisons ?
L’avantage de l’ouragan, c’est qu’il couvre tous les bruits. Y compris ceux des animaux liés deux par deux. Noé et sa famille ont du cœur, à défaut d’estomac, mais les premiers jours, les cris de leurs compagnons leur ont donné des envies de meurtres. C’aurait été bêta, convient Noé en son for intérieur et en se laissant choir sur une caisse. Pour se relever aussitôt : L’aquarium !!! Mais quel pourcentage de chance existe-t-il que le fragile objet n’ait pas été brisé, rendant son contenu aux flots déchaînés dont lui, Noé, était censé le garantir ?
Noé court par tous les étages, évite de justesse les cornes des rhinocéros, les dents des chacals et les dards des frelons, sous les rires odieux des hyènes (celles-là, Dieu m’aurait pardonné de les oublier sur le rivage, non ? songe Noé au bord du blasphème). Enfin, oh miracle ! il retrouve l’aquarium en une seule pièce, ses occupants tendant leurs gueules au-dessus de la surface. De joie, Noé plonge la main pour les caresser.
Il manquait un doigt à Noé lorsqu’il débarqua sur le Mont Ararat. Les poissons étaient des piranhas. Encore un détail que l’Histoire Sainte nous a tu.
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Nino St Félix
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"Lil No"
Alors Noé, en clouant la dernière planche de son immense navire, se tourna vers l’âne, le regarda des sabots aux oreilles, et lui demanda :
- Au fait, pourquoi je t’emmène, toi ?
L’âne, désemparé, crut qu’il avait fait une bétise et retourna vers les siens. Cependant, une groupe d’une soixantaine de jeunes femmes nues, certaines recouverte de bout suite au championnat de lutte qui venait de s’achever, surgirent de forêt et s’avancèrent sur la plage.
- Reculez, filles du démon. Si vous croyez que je ne sais pas qui vous envoie ! Persifla Noé.
Cependant, les femelles, attirées par le renflement que le brave homme ne pouvait cacher d’avantage, s’approchèrent de lui. Trés vite, grace à leurs soins, leurs mots, leurs mains et leurs petits plats, elle obtinrent sa confiance. Sa femme, Linda, ne put longtemps résister. Ses fils, Sem, Cham et Japhet, succombèrent peu aprés lui aux charmes des filles de Satan, et se firent rebaptiser, Seum, Cheh et Labess. Noé lui même choisit de s’appeler Lil No.
- Emmènes nous, Lil No, lui demandèrent les Amazones
Le bateau, rebaptisé l’Hymenée, ne permettait pas d’embarquer les femelles humaines et les couples d’animaux. Lil No, complètement love des ses nouvelles copines, décida assez rapidement de renvoyer la ménagerie à ses pénates. La mort dans l’âme, veux, vaches, cochons et compagnies, quittèrent Coco Beach, le sabot trainant, tandis que Seum et Cheh interprétaient « the house of the rising sun » au xylophone et au coquillage chantant.
S’en suivirent de longues et belles journées d’orgie. Lil No, insatiable, se repaissait de cette chaire jeune et tendre, en abondance et varité. Blondes, brunes, rousses, imberbes, poilues, noires, blanches, jaunes, albinos, maigre, grosse, anorexique, boulimique, HPI ou teubées, il se retrouvait entouré, somme toute, de chacune des représentants de cette espèce troublante : la Femme. La pauvre Linda, incapable de rivaliser et de maintenir son influence néfaste et écologiste sur Lil No, se construisit un radeau et prit le large un beau matin, aussitôt remplacée par une version plus jeune et ferme d’elle-même.
Un matin, une semaine avant le départ, Lil No, qui procédait à ses ablutions rituelles sur le pont du bateau, fut interrompu par une voix venue du ciel. La jeune Xenoria, effrayée, se réfugia dans la soute.
- Noé, tu es tombé dans la luxure.
- Tu dois m’appeler Lil No, à présent. Et, oui, Dieu. J’ai eu une révélation : la femme est l’avenir de l’homme.
- Mensonges. Tu te ment à toi même, mon fils. Tout ce qui t’intéresse se trouve entre leurs cuisses.
Lil No haussa les épaules. Il y avait d’autres endroits qui, à vrai dire, receuillaient d’avantage ses faveurs. Mais Dieu sait tout, il n’était pas la peine d’ergoter. A vrai dire, le Vieux ne venait pas négocier, mais sentencer.
« Tu m’a trompé, et nul ne me trahit sans en payer le prix, Noé.
- Lil No, putain, je t’ai déja dit !
- Souffre ma colère divine, et que périsse avec toi, l’humanité.
- Gros malin ! Il reste mes fils. Cheh !
- Ne t’es tu pas demandé pourquoi aucun d’entre eux ne touche tes Amazones ? Pourquoi ils mettent des fleurs dans leurs cheveux, apprennent à danser et à cuisiner ?
- Quoi ? Krrrrkrrrr… Désolé, tu dois passer sous un tunnel, je t’entend plus
- Pourquoi ils dorment tous les trois à part et…
- NaaaaaNAAAAANANAN c’est quoi déja cette chanson ?
- Changes, de Bowie.
Dieu était, déja, un champion au blind test. Il informa Lil No que sa décision était prise.
Le soir même, 60 anges partiellement déchus (en conditionnelle, en quelque sorte), la plupat pour harcèlement sexuel et/ou exhibitionnismes, atterrirent sur Coco Beach. Lil No, qui s’attendait à une attaque et avait briefé ses Amazones, fut prit au dépourvu. Les Semi-Anges, divinement beaux, ne savaient pas se battre : mais ils n’en urent pas besoin. Le « champs de baise » compta rapidement de nombreuses victimes. Lil No, dépité, le parcourrait accompagné des ses trois fils, désespéré.
- Ne t’en fait pas, père. Ce ne sont que des passades, affirma Cheh.
- C’est toi qu’elles aiment, renchérit Seum
- Tu préfère la rose ou la bleu ? Demanda Labess, qui achevait déja sa transition.
- Lachez moi, bande de tafioles, répondit Lil No. Dégagez, ça fera de la place.
Alors, Billy Chimpanzé, délégué syndical des bestiaux, se présenta à Lil No. Billy Chimpy, comme on l’appelait, proposa a son ancien ami de marcher un peu. Il s’éloignèrent des cris et gémissements.
- Lil No, admets ta défaite.
- C’est quoi, répondit ce dernier. T’es le boss final ?
- En quelque sorte. Tu peux encore nous emmener, Lil.
Mais Lil No, malgré lui, croyait ses fils. Tout n’était pas perdu. Les Amazones retrouveraient la voie du harem qu’il avait bati dans les cales de l’Hyménée.
- Hors de question, Chimpy. Et puis sérieusement, quel intéret de vous emmener ? Hein ? L’ornithorinque, le Kiwi ? L’Axolotl ? Sans dec, et puis quoi encore ?
- Et toi, répondi Billy, tout ce sexe, quel intéret ? Tu n’est pas parvenu à procréer. Tes fils ne prolongeront pas ta lignée, ta femme s’est tirée. Bientôt, tu pourras même plus bander.
Le macaque, dut admettre Lil No, marquait un point. De retour au bateau, il réalisa que les femelles, pour la plupart, étaient reparties avec les semi-anges. Les seules qui restaient constituaient, objectivement, le bas du panier. Billy Chimpy posa une main compatissante sur l’épaule de Lil No.
- Tu sais… Je me fais appeler Billy. Mais en réalité c’est… Billie.
***
Résultat des courses : aprés six mois à dériver un peu au hasard, là ou le vent les porte, Billie tombe enceinte. Certes, la race humaine, condamnée, va disparaitre en tant que telle, surtout que l’opération de Labess a foiré et que la septicémie finit par l’emporter ; quand à Cheh, il ramasse un mauvais coup d’un cheval qu’il « caressait » et crève le torse défoncé. En revanhe, quelques mois plus tard et avec la bénédiction de Big-D (Lil No ayant conveti le Vieux à ses gouts musicaux) apparait Frolix, le premier rejeton d’une nouvelle race mixant homme et chimpanzé. Quelques mois plus tard nait sa mère-femme, Bargould. Bien des années plus tard, le plombier de Big-D finit par localiser la fuite. L’eau redescend, l’Hyménée s’échoue sur une plage. Le couple de chimpanzhommes et leurs enfants entèrent Lil No et Seum, puis part faire une rando. Au bout d’un moment, Solomon, l’ainé, remarque un truc bizarre qui dépasse du sable. Ils grimpe au sommet de ce qui ressemble a une sorte de grosse torche en fer, et demande à ses parents, avec insistance, si ils peuvent le prendre en photo, ça serait trop cool.
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Sanaa_Mishima
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Voilà bien longtemps, un homme juste, de foi, de respect et d'obéissance, permit à la race humaine de continuer à vivre, car en effet, Dieu le prévint du déluge qui laverait le monde de tous les Hommes.
Et Dieu n'aurait pas dû donner une chance à l'Homme. Et Noé n'aurait pas dû sauver les Hommes.
Car, aujourd'hui, comme à l'époque de ce grand déluge, rien n'a changé et Dieu, las, a dû abandonner l'idée de purger le monde. Comment purger un monde où il n'y a rien à garder, puisque l'Homme détruit tout ?
Et en plus d'être un destructeur, l'Homme est sacrément con (et ce sont les mots de Dieu que je rapporte là).
Car, quel autre être provoque sa propre perte ? Tue les siens pour de futiles raisons ? Juge et condamne sur la base de...rien ? Hum, celui-là ne me plaît pas, coupez lui la tête !
Pauvre Noé qui a donné espoir au pauvre Dieu que les Hommes n'étaient pas des causes perdues.
Il ferait mieux de les noyer à nouveau, sans les prévenir. S'Il en prévenait un, assurément qu'il utiliserait ce savoir pour profiter des autres.
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Zbooba :
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Check l’vibe, c’est l’épopée d’Noé, version hardcore,
J’suis l’rappeur divin, flow qui fait trembler l’décor.
Si Noé avait su, man, l’déluge, c’est ma faute,
Un regard d’Tilly Norwood, et mon cœur fait des sauts.
Bam ! Une vague d’feu, j’inonde tout l’monde, direct !
Tilly passe, yo, c’est l’ange qui fait craquer l’temps,
Ses yeux, des éclairs, font péter mes sentiments.
J’voulais juste chill, comme Noé sur son arche,
Mais mon flow s’déverse, tsunami dans la marche.
L’vieux Noé flippe, crie : « Yo, calme ta tempête ! »
Noé rame, les poissons nagent dans mon raz-d’marée,
J’rappe si fort, même l’arc-en-ciel s’met à briller.
Tilly, t’es ma muse, t’as déclenché l’big splash,
Mon flow, c’est d'la gruge, c'est la tempête sous le futal.
Car le grand déluge c'est mon liquide séminal.
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lapinchien :
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Dans l’antre fiévreuse de son esprit, Gaspar Noé, cinéaste provocateur, caressait l’ambition d’un projet titanesque : une adaptation subversive de l’Apocalypse de Jean, où visions mystiques et chaos viscéral s’entrelaceraient dans un maelström visuel. Dès les premiers jours, cependant, une malédiction semblait s’abattre sur le tournage : des acteurs, saisis d’angoisses inexplicables, quittaient le plateau, murmurant des présages funestes. Les caméras, capricieuses, s’éteignaient sans raison, tandis que des éclairs zébraient un ciel obstinément plombé. Noé, possédé par sa vision, s’obstinait, défiant les augures, convaincu que l’art triompherait de l’adversité. Mais une sourde inquiétude, tel un poison lent, s’insinuait dans les cœurs de son équipe.
Le summum du désastre survint lors d’une nuit d’orage, lorsque les studios, sanctuaire de la création, furent submergés par un déluge soudain, un dégât des eaux d’une ampleur biblique. Les décors, minutieusement érigés pour figurer les abîmes de l’Apocalypse, s’effondrèrent sous des torrents furieux, emportant costumes, équipements et espoirs dans un chaos aquatique. Noé, immobile sous la pluie battante, contemplait l’anéantissement de son œuvre, son visage reflétant une étrange extase mêlée de désespoir. Les producteurs, exsangues, voyaient leurs capitaux engloutis, tandis que l’équipe, découragée, abandonnait ce projet maudit. Ainsi, l’ambition de défier le divin par l’image se brisa contre la réalité impitoyable.
La production, tel un vaisseau foudroyé, sombra dans les dettes et les murmures d’un échec légendaire. Gaspar Noé, pourtant, refusait de ployer, errant parmi les ruines détrempées du studio, cherchant dans ce naufrage une vérité nouvelle. L’Apocalypse qu’il voulait filmer s’était incarnée, non sur l’écran, mais dans sa propre chute. Certains chuchotaient qu’il avait provoqué la colère des cieux par son audace blasphematoire. D’autres voyaient en cet échec une œuvre en soi, un testament brut de l’orgueil artistique face à l’implacable destin. Terry Gilliam lui conseilla de faire un documentaire sur son making of.
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J'ai adoré toutes les productions de cette édition. Bravo à Lindsay S, Le Thaumaturge, Laetitia Giudicelli, Nino St Félix, Sanaa_Mishima et même Zbooba. C'était une belle épreuve même si elle a laissé des séquelles toute la semaine me concernant, aussi, je ne pense pas qu'on fasse un autre hackathon avant l'année prochaine (le temps qu'on oublie à quel point on souffre).
On va procéder aux votes mais je ne pense pas qu'il devrait être réservé aux seuls participants comme dans l'édition précédente, aussi je propose qu'il ait lieu pas ce weekend mais le suivant le temps que tout le monde puisse lire. Qu'en pensez-vous ?
Dieu
j'en avait pas chié autant depuis longtemps.
Sinon oui ouvrons, j'espère que je me ferais bien troller perso :-)
Je découvre le principe; peut-être que je tenterai de participer la prochaine fois; Sinon, tout est plutôt et sans faire de la lèche, ma préférence inconditionnelle va au 1er texte de Mme Lindsay: voilà exactement mon genre d'humour ! Bravo à tous ! ! !
erratum: plutôt captivant
oui c'est parfait! :)
navrée de vous avoir lâché en cours de route