J'ai des mains pour interagir avec les objets, des pieds pour arpenter ma maison. Une maison que je ne possède.
Le chien m'accueille, aboyant comme un dingue. C'est comme s'il ne me reconnaissait pas dans l'obscurité. En dépit du bruit, aucun voisin ne point à sa fenêtre. Ils ont l'habitude.
Ça arrange mes affaires. Surtout ce que je m'apprête à faire. Après une fouille prolongée jusqu'aux abysses de mon pantalon, je parviens à en extirper mon trousseau. Enfin.
Hélas, la serrure résiste. Je veux dire que la clé ne rentre pas. Je veux dire que la serrure de la porte d'entrée ne s'ouvre plus. La porte qui, de mémoire donne sur le hall. Il s'est passé tellement de choses ce soir. J'ai peut-être exagéré. D'abord la bière. Puis la bière est devenue plus brune. Elle est devenue un peu whisky coca. Et retenter ?
Réfléchissons. Si la clé ne rentre pas dans la serrure c'est probablement que quelqu'un l'a changée. Quelle merde ! Et ma femme doit déjà dormir. Les scrupules ! Celui qui les a inventé, n'a jamais dû boire un coup de trop. Peut-être même qu'il ne s'est jamais éclaté de sa triste vie. J'irais jusqu'à dire : peut-être qu'il n'avait pas de jambes. Les scrupules m'empêchent de la réveiller.
Me voici m'apprêtant, à quoi au juste ? A commettre une infraction. Contournant la maison par le jardin aussi discrètement que possible, je tombe sur l'entrée de derrière, celle qui donne sur la cuisine. Face à la piscine. Toujours là.
Mais la porte, elle aussi, est fermée. Par chance dans mon malheur, il y a une fenêtre laissée entrouverte. Soulevant le cadre, après avoir jeté un œil à droite et à gauche, je m'introduis chez moi. M’empêtrant dans le rideau blanc dont j'ai zappé l'existence. Juste là sous mes pieds. Enfin chez moi.
Une fois le seuil franchi, je ne reconnais pas la cuisine. J'attrape un citron dans la coupe. J'ouvre un placard. Cherche le presse-citron. Presse mon citron, bleu pâle au clair de lune.
J'en verse le dépôt dans mon bol de céréales. Ensuite je noie le nectar dans l'eau de robinet pour atténuer l'acidité. Une gorgée de jus roule dans ma gorge. Mais mon verre m'échappe. Je le lâche.
Il tombe et se brise sur le carrelage blanc. Un gros bruit. Comme un fracas ?
Ça pisse le sang partout. Je veux monter les escaliers. La rambarde soutient le poids de mon corps. Je titube.
Tombe.
Tremblant. Pas de panique. J'aimerais lui coller deux ou trois cartouches de plus. Mais il faut garder ton sang-froid, pensé-je. Il s'agit non seulement de légitime défense mais de devoir citoyen. Est-ce que j'avais vraiment le choix ? Il va rien se passer du tout. Les flics vont écouter ma version et les charges contre moi seront abandonnées. Quand même...
Cet enfoiré avait sorti le couteau de cuisine. Qu'est-ce qui aurait pu se passer sans mon intervention ?
Des cochons s’introduisent chez vous et se servent. De plus en plus le bien des honnêtes gens est mis en danger par le parasitisme des pousse-au-crimes. On voit ça à la télé, dans la bouche de nos politiques. Si on les laissait faire, ils viendraient bientôt habiter chez vous, usurpant votre identité, sautant votre femme, éduquant vos enfants et posant leurs pieds sales sur la table-basse. Si on les laissait faire. Ce soir j'ai bien agi. Courageusement. Ca fera une bonne leçon pour les autres. Un exemple, pensé-je, en ramassant à la balayette les débris de verre baignant dans l'hémoglobine fraîche.
Mais la pelle me glisse des doigts. Les tessons en tombent dans un déglutiment, et ça pisse de nouveau le sang partout.
Je me cambriole, pensé-je.
Alors tout s'accélère. Je monte l’escalier, direction la chambre de madame. J'ai une cagoule et suis méconnaissable. Madame crie. Je saute ma femme. Madame est excitée, de me trouver dans son lit, vaillant, pour une fois. Je perds les pédales. J'étrangle ma femme. La lutte est acharnée. Avant de trépasser, elle m'arrache la cagoule, dévoilant mon visage, mon identité, dévisageante. Ses yeux s'ouvrent comme des huîtres. Elle s'affale. Mourant.
Veuf, à présent, j'ouvre l’armoire, la mienne, en quête de papelards. Mais impossible de me souvenir. Où ai-je rangé l'argent ?
Sous le matelas peut-être. La main roide de madame encore pendante du lit. Dans le buffet, derrière le tableau (ridicule, mais sait-on jamais?). Je ne suis pas sûr de l'avoir laissé chez moi.
Je descends au garage. Dans un coin, je déniche une bobonne d’essence entreposée là. C'est l'heure de balancer l'essence partout sur les corps, les trois, après avoir descendu madame. J'arrose toute la salle à manger, la chambre, les escaliers. J'allume ma clope. Et fous le feu à la baraque.
De toute façon rien ne m’appartenait, pensé-je.
LA ZONE -
04:36, indique l'écran du smartphone. La nuit est calme dans le quartier.Devant chez moi. C'est un autre être, un peu extraterrestre. Même mes mains ne m'appartiennent pas. Ne parlons pas de mon corps. Ni mes oreilles, ni mon nez, ni mes lèvres, et ce qui en sort - rots ou mots - ne sont miens.
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PiklizBicetre s'est pris un power-up depuis son dernier texte. Cependant je me demande qui de Pikliz ou Bicetre a écrit ce texte car si la fois dernière j'avais compris que deux potes avaient déliré pour produire un texte refusé par un site concurrent à la Zone (dont je me demande encore de quel site il peut s'agir tant personne ne peut concurrencer la Zone (Ce serait comme tenter de concurrencer le Père Noël un 25 décembre)), et que pour pas gâcher, ils avaient posté leur chef d'oeuvre sur ce site et... enfin, bref, je m'égare, donc je disais que j'ai compris que Pikliz et Bicetre ne sont pas deux potes mais bel et bien deux persona d'un auteur atteint d'un dédoublement de la personnalité. Cette prise de conscience rend ce texte beaucoup plus clair.
"american psycho"
Et le texte est lui aussi schizophrène. Le début m'a emmerdé. La suite un peu moins. les "pensé-je" m'auraient amusé, y'a vingt ans.
Mais.
Mais il y a cette phrase (qui pourtant finit avec un pensé-je) et qui rachète tout (car je suis un public de feignasse, lascif et qu'on achète avec rien, ou juste un peu de vent) :
Je me cambriole, pensé-je.
C'est beau comme du Vian sauce Devos (ou l'inverse)
Autant vous dire que le trailer du jour parle de Xavier Dupont de Ligonnès. Avouez que le mode opératoire est identique ? Comment on fait une dénonciation à la police ?
"massacre au désodorisant"
"ma femme sait pas faire les spaghettis"
'j'ai oublié les rosses"
Lindsay est morte?
Bon, mettons les choses au clair : ce texte est la preuve vivante que deux auteurs peuvent se rencontrer… et ruiner leurs carrières simultanément. Le premier, celui qui aurait pu tenir le navire du délire hallucinant, se fait traîner dans la boue par le second, qui transforme chaque phrase en pâté indigeste de morale, digression lourdingue et absurdité mollassonne. Bravo. Vraiment.
Le fond ? Une course effrénée entre “je veux choquer” et “je veux expliquer ma petite vision du monde”, mais jamais l’un ne laisse respirer l’autre. On dirait un match de rugby où l’un joue au ballon ovale et l’autre à la boule de bowling.
La forme ? Pitié. Le bon auteur tente des envolées hallucinées, des images frappantes, et là… boum ! L’autre surgit avec son discours politique télévisuel et ses justifications à deux sous. Et la magie disparaît. Chaque phrase prometteuse est étouffée par le poids du boulet.
Un auteur est bon, l’autre est mauvais, et leur association produit un texte qui est à la fois trop rapide pour être crédible, trop mollasson pour être drôle et trop confus pour être fou. Franchement, ils devraient divorcer sur le champ - on se contenterait de suivre le feuilleton de leur séparation, ça aurait au moins du style et du suspense.
eh ben voilà ! elle encore vivante...
franchement, tu devrais bosser pour télérama. ça ferait un carton !
Télérama..?
Lindsay S devrait être le sniper de "Quelle époque", l'émission du samedi soir de Léa Salamé. Elle a bien plus de répartie que les deux frères de Saint Sernin réunis.
Mais elle est le sniper de la Zone et on ne va pas s'en plaindre.
Et ça me suffit largement !
La Zone, c'est ce site où les critiques de LindsayS sont plus attendues que le texte du jour.
L'idée de base n'était pas mauvaise dans le genre schizo-absurde. Mais c'est trop mal mené. On aurait dû glisser dans la folie pour se faire embarquer dans le délire, mais on avance par saccades maladroites et soubresauts incohérents, comme si on lisait le cadavre exquis de deux potes bourrés.