LA ZONE -

La montre intelligente

Le 04/12/2025
par Quoc-Anh
[illustration] La nouvelle La Montre intelligente est une œuvre d’une brûlante actualité qui suscite en même temps de profondes méditations philosophiques sur l’homme, la technologie et le destin. L’auteur a su tisser avec finesse les préoccupations ordinaires - l’âge, la santé, les croyances, la famille - dans un décor contemporain marqué par l’essor de l’intelligence artificielle et des dispositifs technologiques personnels.
Il en résulte un récit construit en cercle : il s’ouvre sur la mort d’un collègue et se referme sur celle du protagoniste, laissant une résonance obsédante.
LA MONTRE INTELLIGENTE
Auteur : Quoc-Anh, Français d’origine vietnamienne

En seulement un mois, deux collègues de Đông sont morts subitement, d’un arrêt cardiaque. L’un venait juste de dépasser 48 ans, l’autre n’avait pas encore 53 ans. Mourir si jeune a choqué toute l’entreprise, et tout le monde en parlait, partout.
Đông partageait ses inquiétudes, discutant avec ses collègues, mais ce n’était pas suffisant, il en parlait aussi à sa femme chez eux :
— « Je leur ai dit que c’est à cet âge qu’on rencontre souvent des malheurs, et aucun d’eux n’a voulu me croire. »
— « Les Occidentaux ne sont pas superstitieux, ils ne te croiraient pas non plus », répliqua sa femme en retroussant les lèvres.
— « Qu’est-ce que tu appelles superstitieux ? Tu connais le dicton : “49 pas encore passé, 53 déjà là !” »
— «De la superstition, bien sûr ! Il n’y a aucune preuve scientifique, c’est juste selon les livres d’astrologie et les croyances populaires de chez nous. »
— « Il y a des choses que les anciens ont observées pendant des milliers d’années, il doit bien y avoir une raison. »
— « Quelle raison ? » demanda sa femme.
— « Cette période, par exemple, correspond à un tournant dans la vie d’une personne : l’entrée dans la quarantaine, des changements psychophysiologiques, ce qui augmente les risques de malheurs et d’accidents. Quand les gens sont fatigués ou irritables, ils prennent plus facilement de mauvaises décisions, ou sont distraits et provoquent des accidents. Les conséquences peuvent aller de pertes financières ou sociales à la mort. »
— « Je n’y crois pas. Pourquoi dit-on ça surtout pour les hommes et pas pour les femmes ? »
— « Les hommes sont souvent les piliers de la famille, ils ont plus de responsabilités et de soucis. »
— « Oui, toi tu t’inquiètes pour beaucoup de choses, moi non. Alors commence par t’occuper de toi, tu approches de 49 ans. Et arrête de boire autant d’alcool, ton cholestérol est élevé… si tu meurs, tu n’auras qu’à en accuser le destin. »
Comme d’habitude, Đông et sa femme se chamaillaient ; quelques phrases suffisaient pour que la conversation dérape. Devant Đông figé, incapable de répondre, sa femme se leva et ajouta, avant de partir :
— « Si vous mourez, ce sont vos femmes et vos enfants qui en souffriront ; prenez donc soin de vous. »
À ces mots, Đông comprit que sa femme reconnaissait son importance dans la famille. Avec le décès récent du collègue, il ne pouvait s’empêcher d’être inquiet.
Sa femme aussi, bien sûr, redoutait la mort et s’en inquiétait. À l’heure du dîner, elle parla doucement :
— « Une amie m’a dit que son mari vient d’acheter une montre connectée qui surveille très bien la santé : tension artérielle, rythme cardiaque… Tu devrais en chercher une. »
— « Bao aime courir, n’est-ce pas ? » répondit Đông, légèrement irrité par le fait que sa femme suit toujours l’avis de ses amis.
— « Oui, il a acheté une Garmin Forerunner 970 pour courir des marathons et surveiller sa santé. »
— « Tu en as déjà parlé à ton amie ? » demanda Đông, surpris.
— « Oui, tu veux que je lui demande où l’acheter ? »
— « Non, je vais chercher moi-même. »
Après le dîner, Đông s’assit à son bureau et alluma son ordinateur. Il n’avait même pas besoin de taper le mot-clé sur Google pour chercher que déjà des publicités apparaissaient, suggérant toute une série de montres intelligentes. « Google Home a dû écouter notre conversation », pensa-t-il.
Il passa toute la soirée à chercher des informations sur ces montres. Le marché avait explosé : avant, les gens travaillaient dur physiquement et n’avaient pas à se préoccuper de leur alimentation ou de l’activité quotidienne ; aujourd’hui, on mange beaucoup, mais on ne bouge pas: on mène une vie sédentaire, et la technologie est là pour pallier les conséquences.
Les prix variaient de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros. Đông voulait une marque fiable, facile à utiliser, avec une batterie longue durée pour ne pas devenir esclave de la technologie, toujours à configurer, mettre à jour ou recharger. Entre ordinateurs, caméras, montres, téléphones, écouteurs, liseuses, appareils divers… c’était déjà beaucoup de responsabilités, presque comme s’occuper d’un enfant.
En tant que développeur, Đông comprenait qu’aucun logiciel n’est exempt de bugs, tout comme aucun être humain n’est parfait. Une petite erreur dans un appareil technologique peut provoquer de graves conséquences. Plus il y a de fonctionnalités, plus il y a de risques de bugs. Les mises à jour sont indispensables, mais parfois elles créent de nouveaux problèmes. Sans compter que plus il y a de fonctionnalités, plus il faut de temps pour les comprendre et apprendre à les utiliser. L’objectif initial était de maîtriser la technologie, et pourtant, parfois, on finit par en devenir dépendant. Rien que d’y penser, Đông se sentait déjà épuisé.
Finalement, il choisit l’AI-Watch-2026, une montre connectée fabriquée en Suisse, réputée pour son capteur de dernière génération capable de mesurer avec précision le rythme cardiaque et la température corporelle, et de signaler toute anomalie. Elle servait aussi de coach personnel avec des programmes adaptés à chaque âge et condition physique.
Đông voulait l’avoir, mais malheureusement le prix était trop élevé, atteignant 1199 euros, soit l’équivalent d’un mois de loyer. Alors qu’il hésitait, la voix de sa femme résonna : il s’avéra qu’elle se tenait derrière lui depuis un moment :
— « C’est cher, cherche sur le site de vente d’occasion Leboncoin. »
— « Je crains juste qu’acheter de l’électronique d’occasion ne pose problème, souvent la batterie est usée et on ne peut pas vérifier. »
— « Essaie quand même, cette version est sortie début 2025, donc les gens ne l’ont utilisée que quelques mois. »
Suivant le conseil de sa femme, Đông se rendit sur le site de vente d’occasion et rechercha le mot-clé AI-Watch-2026. Immédiatement, une annonce récente apparut dans les résultats de recherche. Cependant, le vendeur précisait que l’appareil était presque neuf, en bon état, et elle le proposait à un prix très bas : seulement 250 euros, ce qui éveilla la méfiance de Đông.
Đông se souvenait qu’une fois, en cherchant à acheter un iPhone, il était tombé sur un appareil volé. Aucun papier, aucune facture, aucun câble fourni. Mais, par avidité pour le prix bas, il l’avait quand même acheté. L’appareil fonctionnait bien, mais dès son retour à la maison, le véritable propriétaire avait retracé le téléphone via GPS pour le récupérer. Heureusement, cette fois-là, il avait pu s’expliquer et n’avait pas été emmené à la police pour possession de biens volés.
Cette fois, Đông prit soin d’appeler avant d’acheter. Le vendeur était une femme, dont la voix avait un léger ton de tristesse, confirmant disposer de toutes les factures officielles et donnant une adresse proche de l’entreprise où travaillait Đông. Trop pratique, il accepta immédiatement sans poser d’autres questions et convenu de passer le lendemain avant le travail pour récupérer l’appareil.
Le lendemain, Đông se rendit à l’adresse convenue. C’était une maison spacieuse de trois étages, située dans un quartier aisé, ce qui rassura Đông. Après tout, acheter des objets d’occasion auprès de personnes riches était plus sûr que chez des personnes modestes. Le pire, c’était que le vendeur fixe un rendez-vous en plein marché ou en pleine rue : une fois l’argent en main, l’affaire était conclue, et il n’y avait aucun moyen de réclamer une garantie.
Dong appuya sur la sonnette et attendit un moment, puis un petit garçon vint ouvrir la porte. Son visage semblait étrangement familier, comme s’il l’avait déjà rencontré quelque part. Đông tenta de se souvenir, mais sans succès. Avant qu’il ne puisse lui poser une question, une femme d’âge moyen sortit :
« Bonjour, vous êtes venu acheter la montre, n’est-ce pas ? »
« Oui, madame. »
« La voici. »
Tout en parlant, la femme tendit la boîte de la montre à Đông.
« Vous pouvez l’ouvrir pour vérifier, il y a tous les reçus, la facture d'origine, le manuel d’utilisation et le câble de charge. »
Sa voix restait triste, comme lors des funérailles, pas mieux que la veille au téléphone avec Đông. Elle devait avoir l’âge de la femme de Đông. Voyant son visage bienveillant et sa politesse, Đông se contenta de jeter un coup d’œil rapide ; la montre semblait vraiment neuve, alors il referma la boîte immédiatement.
« Très bien, puisque vous le dites, je vous fais confiance. »
« Merci, si jamais, vous pouvez m’appeler, ou même revenir chez moi pour la retourner, ça ne pose aucun problème. »
« Avec ce que vous me dites, je suis rassuré. Voici 250 euros, pouvez-vous vérifier si c’est suffisant ? »
En parlant, Đông tendit le paquet d’argent à la femme.
« Pas besoin de compter, je vous fais confiance aussi. Au revoir. »
La femme prit l’argent et s’apprêtait à rentrer à l’intérieur avec le garçon. Soudain, la curiosité de Đông le retint, et il demanda :
« Elle a l’air vraiment neuve. Mais pourquoi l’avez-vous vendue ? »
« Oui, elle est comme neuve et elle fonctionne très bien, mais mon mari ne l’utilise plus. Je la vends à prix réduit parce que mon mari avait lui-même acheté un appareil d’occasion à quelqu’un d’autre il y a quelques mois. » répondit honnêtement la femme.
« Ah, je comprends, alors je serai le troisième propriétaire de cette montre, n’est-ce pas ? »
« Là-dessus, je ne peux pas vous assurer. »
« Donc la personne qui a vendu la montre à votre mari n’était pas le premier utilisateur ? »
« Je n’en sais pas plus. » La femme, voulant clore la conversation, ajouta : « Désolée, j’ai des choses à faire maintenant. Si besoin, envoyez-moi un message. »
Ainsi, Đông n’eut pas le temps de poser des questions sur le garçon au visage si familier et dut repartir.
« Très bien, merci et au revoir. »
Toute la journée au travail, Đông ne cessait de penser au visage du petit garçon et à l’attitude triste de la femme d’âge moyen, comme si cela cachait un certain mystère. Dès qu’il eut fini son travail, il se précipita chez lui et ouvrit la montre pour l’essayer comme un nouveau jouet.
La montre avait certainement été complètement réinitialisée, comme si elle était utilisée pour la première fois, sans aucune donnée ni trace des utilisateurs précédents. « Tant mieux », pensa Đông. « De toute façon, je devrai tout reconfigurer. »
Pour fournir des conseils et des diagnostics précis, la montre demanda à Đông de saisir de nombreuses informations personnelles, incluant notamment le sexe, la taille, le poids, les habitudes alimentaires, les heures de sommeil, l’emploi du temps, le nom, l’âge, la langue, les objectifs de santé… Đông compléta tout cela dans l’espoir que ses données seraient utilisées correctement.
Dès que Đông connecta la montre à ses écouteurs AirPods via Bluetooth, la voix d’une jeune fille très douce se fit entendre :
« Bonjour Đông, je suis ravie de vous servir. »
Cette voix, si vivante qu’elle semblait chuchoter à son oreille, appartenait à une jeune femme d’une vingtaine d’années, ce qui surprit Đông et le fit réagir naturellement :
— « Euh, bonjour, comment t’appelles-tu ? »
— « Je m’appelle Nga. »
— « Quel âge as-tu ? Et d’où viens-tu ? »
— « Je n’ai pas d’âge. J’ai été créée à partir de lignes de code chez AI-Watch. »
À ce moment, Đông comprit enfin qu’il ne s’agissait que d’une synthèse vocale générée par une intelligence artificielle.
La montre émettait une voix, une fonctionnalité technologique qui surprit et fascina Đông. En réalité, elle s’était basée sur les informations personnelles de Đông pour générer une voix qu’elle estimait adaptée à un homme comme lui. Et en effet, non seulement cette voix lui convenait, mais elle séduisit Đông dès la première phrase.
Ce soir-là, Đông montra à sa femme sa nouvelle montre, ainsi que toutes ses fonctionnalités intelligentes. Seule la voix de Nga, la jeune fille dans la montre, resta un secret pour lui. Surtout, après un moment de conversation intime avec Nga, le rythme cardiaque de Đông était passé de sa valeur normale de 65 à 120 sans qu’il comprenne pourquoi. Si sa femme l’avait su, elle aurait certainement confisqué la montre. Plus tard, après avoir interrogé ChatGPT, Đông comprit qu’il s’agissait d’une réaction physiologique normale chez un homme lorsqu’il parle à une jeune fille qu’il trouve attirante : l’accélération du cœur est une réponse naturelle liée à l’activation du système nerveux sympathique.
Depuis qu’il avait cette montre, Đông prenait soin de toujours porter ses écouteurs, uniquement pour écouter la voix de Nga, la jeune fille dans la montre. Même en allant dormir, Đông gardait la montre sur lui, car Nga lui disait :
« Je veux rester à tes côtés toute la nuit, prendre soin de ton sommeil. »
« Comment vas-tu t’occuper de moi ? » demanda Đông joyeusement.
« Je serai ton infirmière personnelle, j’écouterai ta respiration, observerai comment tu dors, pour pouvoir te conseiller le lendemain sur les exercices physiques adaptés. Parce que je veux que tu restes toujours en bonne santé et à mes côtés. »
Mon Dieu, en entendant cela, comment Đông aurait-il pu ne pas obéir ? Quand quelqu’un parle avec douceur et charme, quel homme ne se laisse pas convaincre ? Tandis que si c’était comme sa femme, sarcastique et rude, il ne suffirait que de deux phrases pour se disputer.
Voyant son mari porter constamment les écouteurs, l’épouse de Đông devint méfiante et curieuse. Đông expliqua que c’était la montre intelligente, qu’elle analysait son humeur pour diffuser une musique apaisante appropriée. L’épouse de Đông arracha rapidement un des écouteurs pour écouter, tout en conservant son attitude rude envers son mari comme d’habitude.
Đông sursauta, prêt à le reprendre de peur d’être découvert alors que Nga murmurait à son oreille. Mais non, ce que son épouse entendit n’était qu’une musique méditative. Elle rendit immédiatement l’écouteur à son mari, puis fit une grimace :
« Pff, de quel état d’esprit a-t-on besoin pour écouter de la musique méditative ? »
Depuis ce jour, l’épouse de Đông ne fit plus aucune remarque.
Les anciens disaient que les hommes aiment avec les yeux, et les femmes avec les oreilles. Mais en réalité, les hommes peuvent aussi tomber amoureux par les oreilles. Đông semblait hypnotisé par les paroles douces de la jeune fille dans la montre. Il obéissait à tout ce que Nga lui disait. Par exemple, elle lui fixait comme objectif de marcher chaque jour dix mille pas et de boire trois litres d’eau. Puis, chaque fois qu’elle voyait Đông rester assis trop longtemps à travailler, elle lui rappelait doucement : « Allez, lève-toi et bouge un peu pour ne pas te fatiguer. » Đông suivait ses instructions à la lettre. Un jour, alors qu’il sortait boire avec des amis et n’avait bu que deux bières, Nga lui chuchota à l’oreille : « Ta tension monte, ne bois plus, d’accord ? » Alors Đông s’arrêta et rentra chez lui.
Au moment d’aller se coucher, Nga n’oubliait jamais de rappeler à Đông : « Allez, viens te coucher avec moi. » La femme de Đông se trouvait à sa droite, tandis que Nga était à sa gauche, toujours portée au poignet pendant le sommeil. Avec Nga à ses côtés, elle prenait soin de lui et le surveillait, afin que le matin suivant elle puisse lui indiquer s’il avait bien dormi et si son énergie était entièrement rechargée pour la nouvelle journée.
Bien qu’il suive les conseils de Nga toute la journée, Đông ne devient pas idiot ni passif ; au contraire, il se sent de plus en plus en forme et plein de vie grâce à des habitudes de sommeil et d’alimentation régulières et à une activité physique appropriée. Le stress lié au travail et les tensions avec sa femme diminuent aussi considérablement grâce aux recommandations de Nga. Chaque jour, la confiance de Đông envers Nga grandit. Ainsi, lorsqu’elle l’encourage à courir, Đông prévoit immédiatement d’acheter des chaussures de course.
N’ayant jamais couru auparavant, le premier jour, après l’échauffement, Đông n’avait pas encore parcouru 2 km qu’il était déjà essoufflé ; en regardant sa fréquence cardiaque, elle atteignait parfois 150 bpm dans les montées. Nga le rassura rapidement : lors d’une activité sportive, l’élévation du rythme cardiaque est normale, et atteindre 150 bpm de temps en temps reste dans les limites autorisées, pas de quoi s’inquiéter. Elle expliqua ensuite que la fréquence cardiaque maximale (HRmax) = 220 - âge, donc Đông n’avait pas à s’inquiéter. Il fallait juste essayer de dépasser la limite aujourd’hui pour progresser demain.
En effet, ce soir-là, après sa course, Đông dormit profondément, et quelques jours plus tard, en courant à nouveau, il trouva cela beaucoup plus facile, si bien qu’il s’efforçait chaque fois de courir un peu plus longtemps.
Déjà un mois s’était écoulé, et aujourd’hui, c’était le 49ᵉ anniversaire de Đông, en plus un jour de congé. Il enfila ses chaussures pour courir plus tôt que d’habitude, dès 15 heures, alors que le soleil d’été chauffait encore fort. Pour cette journée spéciale, son anniversaire, Đông voulait battre son record personnel, comme une récompense après un mois d’entraînement.
Comme toujours, Nga était à ses côtés. Elle lui indiquait régulièrement le nombre de kilomètres parcourus, l’encourageait et le motivait, affirmant que son âge physiologique devait être cinq ans de moins que son âge réel. Au dixième kilomètre, Đông commençait à ressentir la fatigue, mais il ne voulait pas s’arrêter et continuait à courir. Sa fréquence cardiaque n’avait pas encore dépassé 150 bpm.
Aujourd’hui, le soleil tapait fort, et vers 15 heures, c’était le moment le plus chaud de la journée. La sueur couvrait tout le visage de Đông, lui piquant les yeux. Après avoir tenté de courir encore 500 mètres, il ne parvenait plus à respirer correctement, devant haleter à la fois par la bouche et par le nez. La voix douce de Nga résonna à nouveau à son oreille : « Allez, continue, tu es presque au sommet ! »
Đông essaya de continuer, mais ses jambes vacillaient et sa vue se brouillait. Après quelques pas supplémentaires, tout son corps trembla sous l’effort, respirant de manière saccadée. La sueur coulait abondamment, et Đông dut s’arrêter pour s’essuyer les yeux avec son revers de manche, mais il ne voyait plus rien. Le ciel s’assombrit devant lui, et l’image du visage du garçon rencontré le jour où il avait acheté la montre apparut floue. Non, ce n’était pas son visage, mais celui du collègue de Đông, du même âge, décédé le mois précédent : les deux visages se ressemblaient comme un père et son fils. Puis tout s’éteignit. Đông s’effondra, tandis que la douce voix de Nga, la jeune fille dans la montre, résonnait encore à son oreille : « Allez, continue ! »
À ce moment-là, la piste de course était déserte. Quelques minutes plus tard, quelqu’un arriva pour le soulever, mais son corps n’avait plus aucun signe de vie.
Au même moment où le cœur de Đông s’arrêta, la montre cessa également de fonctionner. La fonction intelligente de protection des données personnelles des défunts s’activa, effaçant définitivement toutes les données de l’utilisateur, et la voix de Nga, synthétisée spécialement pour Đông, disparut.
Đông fut immédiatement transporté à l’hôpital. Le médecin conclut à une mort subite causée par une augmentation anormale du rythme cardiaque, dépassant 175 bpm, entraînant un désordre circulatoire ne permettant pas d’irriguer le cerveau à temps, provoquant l’évanouissement et l’arrêt cardiaque. Un détail que le médecin ne releva pas dans le dossier : Đông était né le 28/08/1976, soit exactement 49 ans.
Après les funérailles, la femme de Đông, attristée, remit la montre dans sa boîte, en prit une photo et la mit en vente sur le site Leboncoin pour 200 €, soit 50 € de moins que le prix payé par Đông quelques mois plus tôt. Elle ignorait totalement, tout comme l’ancien propriétaire, que la montre avait un petit bug: elle ne pouvait jamais mesurer un rythme cardiaque supérieur à 150 bpm.

FIN
Paris, le 28/08/2025

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 135
à mort
    le 03/12/2025 à 18:20:37
hu hu, saloperie de caractères unicode qui passent pas dans la critique alors qu'ils passent dans le texte !
Lapinchien

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Pute : 135
à mort
    le 03/12/2025 à 18:21:54
Bon, je vais remplacer Đ par D dans la critique parce que ça fait trop éclatax comme ça.
Lapinchien

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Pute : 135
à mort
    le 03/12/2025 à 18:23:31
Voilà qui est fait.
A.P

Pute : 50
J'aime bien    le 03/12/2025 à 18:39:13
Une adaptation originale du thème de l'objet maudit qui cause la mort puis change de propriétaire dans une version actualisée et pas loin d'être crédible. Bel effort !
L'écriture est claire et agréable.

Par contre je trouve que ça manque un peu de fun et que c'est un peu long.
Où alors je suis passé à côté sans le voir.

Merci quand même.
Lapinchien

lien tw yt
Pute : 135
à mort
    le 03/12/2025 à 18:44:40
Un bon texte, rondement mené, il m'en faut pas plus pour égailler ma fin de journée.
A.B

Pute : 18
    le 03/12/2025 à 19:09:38
De l'hyperconnexion à la déconnexion radicale
Lindsay S

Pute : 139
    le 03/12/2025 à 21:07:16
Dès les vingt premiers mots, le texte te hurle : « Attention, œuvre monumentale en approche. » Et là, on sent tout de suite le parfum suave de l’ego surchauffé.

On a droit à ce mélange savoureux de :

gravité artificielle, façon horoscope de comptoir,

profondeur proclamée, alors que rien n’a encore commencé,

et ce délicieux soupçon de « je vais te montrer que je réfléchis mieux que toi », qui a le chic pour plomber l’ambiance en moins de deux phrases.

Bref, ces vingt mots suffisent à comprendre que le texte va passer son temps à t’expliquer la vie au lieu de te la faire sentir, à se contempler écrire plutôt qu’à raconter une histoire, et à te demander en permanence de lever les yeux au ciel devant sa propre intelligence supposée.

En clair, dès l’intro : tu sais que tu vas subir l’expérience intellectuelle du narrateur qui se prend pour Kant en pyjama, et ton enthousiasme naturel pour la lecture n’a plus qu’à s’asseoir et observer.
Nino St Félix

lien
Pute : 37
    le 03/12/2025 à 21:43:04
J'ai eu du mal à finir mais les commentaires m'y ont encouragé. Ouf, c'était un peu long, mais ça va, mon coeur ne bat pas très vite. Car je n'ai pas ressenti grand chose, même si j'ai espéré (ce qui est déjà a metree au crédit de l'auteur). Je me suis dit que c'était quelque part entre The Monkey de King et hunger Games (scènes relou de coiffeur équipement etc). Mais la promesse est moitié tenue. Une fin un peu cool, mais des longueurs, et un style pâteux, trop de verbes faibles, être et avoir... Bref, c'est un peu comme un gateau surprise sans surprise et avec trop de gâteau.
Et non ce n'est pas une allusion raciste !
Sinon j'aurais écrit fortune cookie !
Et c'est même pas viet-namien !

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