Aujourd’hui encore, ils avaient empoisonné l’eau du robinet. La même technique qui avait servi à affaiblir son chien Happy, mort d’une péritonite causée par les armes à énergie dirigée. Ses aliments étaient également compromis. Tatiana devrait à nouveau jeter tout le contenu de son frigidaire et se nourrir exclusivement de boîtes de conserve et de plats pré-cuisinés onéreux. Elle n’avait de toute façon plus la force de se faire à manger. Ils cherchaient à l’affaiblir mentalement et moralement par tous les moyens imaginables. Ces salauds de psychopathes lui menaient une guerre constante. Ils ne relâchaient jamais la pression. Cette journée serait comme d’habitude une bataille de tous les instants.
Son appartement se trouvait au quatorzième étage d’une tour HLM. Elle se rendit vers la fenêtre, et en regardant les voitures garées plus bas, elle vit un flash aveuglant provenir d’un fourgon gris métallisé, signe que les rayonnements dirigés continuaient de plus belle. « Salauds ! » hurla-t-elle en fermant à toute vitesse ses stores. Cela ne ferait que les ralentir, elle le savait, mais elle refusait d’abdiquer, pas après toutes ces années de persécution.
Il faisait terriblement chaud en cette fin de matinée de mi-juillet, mais elle était contrainte de se barricader chez elle. Même ouvrir une fenêtre donnait l’opportunité à ses tortionnaires d’introduire du gaz toxique par l’interstice depuis l’appartement du dessus, officiellement inhabité pour cause d’insalubrité. Complice, son voisin d’à côté leur donnait parfois accès à son balcon pour y introduire des caméras à son insu et accroître leur surveillance. La semaine précédente, elle avait même trouvé un mouchard sonore dans le compartiment à piles de la télécommande.
Dans la cuisine, elle sortit un grand sac poubelle de l’armoire et y balança tous ses restes de nourriture et aliments entamés. Au réveil, en cherchant des traces de leur passage, elle avait trouvé une coquille d’œuf au fond de son sac à main, ce qui prouvait sans l’ombre d’un doute qu’un ou plusieurs de ces agents s’étaient introduits dans son appartement durant la nuit. C’était le petit jeu pervers auquel ils se livraient en lui laissant des preuves qu’elle seule pouvait interpréter.
Dans le salon, ses plantes avaient encore décliné, preuve que l’empoisonnement de l’eau avait repris. Depuis le décès de son chien Happy causé par ses tortionnaires, elle devait se fier à l’état de ses Orchidées. D’une manière ou d’une autre, ils parvenaient à contaminer uniquement son appartement. Elle trouva heureusement une bouteille d’eau minérale encore scellée sous son lit. Il n’était pas rare qu’ils ouvrent toutes ses réserves pour l’empêcher de les différencier et donc de s’hydrater. Elle était contrainte de les cacher aux quatre coins de son deux pièces, mais ils parvenaient presque toujours à les trouver.
Il n’était pas encore midi et Tatiana était déjà épuisée. En plus du harcèlement électromagnétique, son sommeil était perturbé par des appels masqués au milieu de la nuit, par des aboiements de chien ou les cris des voisins complices des tortionnaires. Elle s’assit à la table de la cuisine et sentit son mal de tête augmenter. Cela commençait toujours ainsi : des acouphènes, des manifestations neuropsychiques variées, c’était le signe que les tirs reprenaient de plus belle. Cette fois, elle sentit l’attaque venir de l’appartement situé juste au-dessus du sien. Leur technologie de pointe constituée d’un véritable arsenal la torturait constamment. Même les rares moments de répit étaient vécus dans l’angoisse de leur prochaine agression. Ces salauds de psychopathes utilisaient des armes à micro-ondes, en anglais DEW, pour Directed-Energy Weapon, qui pouvaient émettre de l’énergie dans une direction très précise, invisible à l’œil nu. Les effets sur le corps humain variaient suivant l’intensité de l’attaque. Ils possédaient des armes à ondes radio, à énergie laser, à faisceau de particules, ou encore soniques. Tout avait été déclassifié dans l’indifférence générale. Ces technologies avaient officiellement été conçues à des fins scientifiques, militaires ou de maintien de l’ordre, jusqu’au fameux rayon de la mort développé par Robert Watson-Watt. Invisibles et inaudibles, les attaques se situaient sur une fréquence comprise entre 3kHz et 300 GHz. Elles passaient au travers de l’épiderme sans laisser de traces pour s’attaquer directement aux organes internes.
Cette fois, Tatiana manqua de tomber à la renverse sous la puissance des radiations. Son crâne faillit exploser. Sa gorge était nouée et elle ne parvint même pas à crier. Un spectateur externe n’aurait rien décelé d’anormal, pourtant, à cet instant précis, elle souffrait le martyr. Quand l’intensité passait le seuil du supportable, c’était tout juste si elle se souvenait de son propre nom.
Dans un moment de lucidité, elle parvint à s’enfuir dans sa chambre à coucher. Elle trouva son chapeau et sa couverture en aluminium posés sur son lit et s’en couvrit sans perdre un instant. La barrière protectrice du métal malléable lui offrit un peu de répit. Elle glissa sur le sol le temps de reprendre ses esprits. Les années d’exposition aux radiations avaient abimé son système nerveux et ses facultés intellectuelles, au point parfois de lui faire perdre ses mots, elle qui n’était pas de langue natale française.
Elle était née dans l’actuelle Biélorussie en 1973, d’une mère russe et d’un père français mort peu après sa naissance d’une embolie pulmonaire. En dehors de cet incident initial, les premières années de son existence avaient été d’une grande banalité. Elle subissait seulement quelques moqueries à l’école à cause de ses lunettes à double-foyer. Mais sa seizième année marquait le point de rupture, le début de son supplice incessant. Tout d’abord, sa mère avait été internée de force à l’Hôpital psychiatrique de Minsk. Un médecin corrompu avait prétendu guérir sa psychose, mais son état n’avait fait qu’empirer sous ses bons soins. Elle avait finalement été déclarée folle et s’était suicidée peu de temps après. La même année, Tatiana commença à déceler les premiers signes du harcèlement en réseau dont elle était la cible. Des hommes la suivaient dans la rue, des voitures banalisées se garaient devant son logement, elle recevait d’étranges courriers à son domicile. À cette époque, elle devait jongler entre des petits boulots et les études qu’elle suivait à l’Université de Minsk. Malgré les persécutions toujours plus grandes, elle était parvenue à obtenir un diplôme de la faculté de psychologie. Elle s’intéressait à cette discipline depuis la mort de sa mère, et cet intérêt n’avait cessé de croître avec les persécutions qu’elle subissait. Déjà à l’époque, personne ne semblait prendre au sérieux sa situation. Pourtant, ces agissements étaient caractéristiques de la psychopathie. Qui d’autre que des criminels instables auraient pu prendre autant de plaisir à causer sans raison du tort à un être humain ? Elle avait d’abord pensé qu’ils se lasseraient, mais une fois la victime désignée, rien ne semblait en mesure de la libérer des mâchoires d’acier du réseau organisé. À la chute de l’URSS et à la reconnaissance de l’indépendance de son pays en 1991, elle avait d’abord nourri l’espoir que les persécutions prendraient fin. Mais sous le régime de Stanislaw Chouchkievitch, président du soviet suprême, le harcèlement dont elle était victime désormais quotidiennement n’avait fait qu’augmenter. La justice corrompue de son pays ne voulait rien savoir, et elle avait finalement songé à s’enfuir dans l’ancien bloc de l’Ouest, ayant la binationalité franco-biélorusse et parlant un français correct grâce à sa mère, désireuse de transmettre l’héritage paternel. Tatiana était loin de se douter qu’elle se jetait tout droit dans la gueule du loup et que François Mitterrand, ainsi que tous ses successeurs, faisaient eux aussi partie du complot.
Elle n’avait aucune famille connue sur place, mais parvint malgré tout à obtenir un appartement subventionné dans la ville de Moutiers au début des années 1990. Elle espérait rapidement trouver un emploi, mais se contentait pour l’heure de son deux-pièces de banlieue. Son harcèlement avait pris fin, pensait-elle, les criminels se trouvant à deux milles kilomètres de là. Elle était prête à reconstruire sa vie. Hélas, un beau matin, elle s’était réveillée avec un mal de tête terrible. Elle resta alitée plusieurs jours, à deux doigts d’y laisser sa peau : la première attaque à énergie dirigée. Ses tortionnaires avaient eu la main lourde. Elle ne comprit pas tout de suite la cause de son état de faiblesse généralisée. C’était la première étape de leur plan : la phase dissimulée. Le moment où leur victime ne se doutait de rien, ou pas suffisamment pour comprendre la vérité. Le réseau avançait masqué pour prendre ses marques et tester les résistances de sa proie plongée dans le chaos.
Son étrange maladie connaissait des périodes de rémission avant de rechuter soudainement, de manière inexplicable. Elle avait tout essayé : la chimie, l’homéopathie, la phytothérapie, l’acuponcture, mais rien ne fonctionnait. Sans médecin traitant, elle avait mis plusieurs mois à trouver un spécialiste qui veuille bien la recevoir. Cela illustrait une autre de leurs techniques : le blocage administratif. Loin de se douter que ce docteur Moreau faisait lui aussi partie du réseau criminel et tortionnaire, elle s’était rendue à son cabinet en désespoir de cause. Le médecin l’écouta patiemment, reconnu la détresse dans laquelle elle se trouvait, mais refusa de lui faire passer un examen physique, lui proposant plutôt une évaluation psychologique. Elle eut beau lui assurer que sa maladie était bien réelle, de cause externe, il refusa de la prendre au sérieux.
De retour dans son appartement, Tatiana ne se laissa pas abattre. Elle contacta le propriétaire de l’immeuble pour lui faire état du non-respect des normes sanitaires dans son logement, ayant pour hypothèse que sa maladie pouvait en être la conséquence. Elle se présenta également à ses voisins pour recueillir leur témoignage. Aucun n’avait ressenti les mêmes symptômes. Certains l’écoutèrent avec indifférence, d’autres se montrèrent rapidement hostiles. Qu’elle se trouve en Biélorussie ou en France, les mêmes techniques, moyens de manipulation et d’intimidation par le voisinage étaient à l’œuvre : le harcèlement dans la rue, les regards accusateurs, les voitures banalisées devant son immeuble, les chuchotements sur son passage. Elle avait d’abord nié les signes avant-coureurs du harcèlement organisé, mais elle devait se rendre à l’évidence : le réseau criminel avait retrouvé sa trace. Pire, ses bourreaux semblaient posséder sur cette partie du globe des techniques innovantes et invisibles pour la torturer sans laisser derrière eux aucune preuve de leurs méfaits.
Le bailleur social l’écouta, au début du moins. Petit à petit, ses réclamations furent moquées et tout simplement ignorées par le propriétaire. Lorsqu’elle évoqua l’attitude de ses voisins à son égard et le terme « gang stalking », on lui rit au nez. Pire, on prétendait qu’elle bougeait ses meubles durant la nuit, qu’elle créait des nuisances sonores pour le voisinage, et on menaçait de la mettre dehors si la situation ne s’arrangeait pas rapidement. On lui laissait le choix : la rue ou la torture ; un dilemme impossible, exemple typique de double-contrainte. Elle soupçonnait que la cause du tapage nocturne qu’on lui imputait venait en réalité du voisin du dessus. Des bruits de pas et de portes qui claquent en provenaient à toute heure du jour et de la nuit. Lorsqu’elle s’en plaignit, on lui assura pourtant que l’appartement en question était inoccupé. Les premiers exemples de Gaslighting. Cette expression désignait un type de violence psychologique où de fausses informations étaient présentées à la cible pour la faire douter de sa propre perception. Le terme venait du film du même nom dans lequel un mari voulait convaincre sa femme qu’elle perdait la tête. Tatiana réalisait peu à peu l’ampleur de la manipulation. Le nombre d’acteurs impliqués, dans le secret, dépassait l’entendement. Un complot d’une minutie rare et parfaitement orchestré, aux ramifications innombrables.
Elle avait mis du temps à comprendre les raisons de ce harcèlement organisé et les motifs qui l’avaient désignée, elle, une pauvre anonyme, parmi les milliards d’individus qui peuplaient cette maudite planète. Que pouvaient-ils donc retirer d’un tel crime organisé, eux qui semblaient disposer de moyens colossaux pour le mener à bien ?
Malgré ses multiples envois de CV et lettres de motivation depuis son arrivée en France, Tatiana n’avait reçu aucune réponse, sauf une, qui ne correspondait naturellement pas à ses compétences. Tout était fait, en réalité, pour la maintenir sous tutelle de l’État complice, et rendre impossible un nouveau déménagement. Les manipulations du réseau criminel l’avaient ainsi privée d’argent, d’amis, de travail, de santé, et même de sommeil. Le réseau psychopathe la laissait tout juste toucher les aides sociales. Même de ce point de vue, sa situation était précaire : la CAF avait refusé ses demandes à plusieurs reprises par manque de documents administratifs ce qui avait causé des retards de paiement de son RMI, devenu RSA. Sa banque refusait ses virements lorsqu’elle s’envoyait de l’argent depuis son compte biélorusse et de lui fournir ses codes d’accès, prétextant une erreur dans son adresse. Le pôle emploi l’avait radiée à plusieurs reprises suite à des rendez-vous manqués à cause de courriers envoyés volontairement en retard ou lorsqu’elle était absente de son domicile. La CAF l’avait donc privée d’argent durant plusieurs mois, n'étant plus enregistrée à pôle emploi. La machine du complot criminel se servait de l’administration pour l’asphyxier. Les représentants de l’État étaient au service des psychopathes qui voulaient faire de son existence un enfer. D’une simple décision, on pouvait mettre sa vie en suspens, ou la condamner à mort : financière, sociale, physique. Ils la soumettaient ainsi à leurs tortures incessantes.
Au début des années 2000, alors que son état de santé était au plus bas, elle avait économisé suffisamment d’argent pour faire l’acquisition d’un ordinateur. Pour en avoir le cœur net, elle inscrivit ses symptômes et les divers harcèlements qu’elle subissait sur le moteur de recherche. Ce qu’elle découvrit au fil des pages confirma ses pires hypothèses : elle était selon toute vraisemblance la cible de tirs invisibles produits par une technologie secrète. Des pages spécialisées décrivaient cette méthode peu connue. De telles attaques avaient eu lieu dans le passé à La Havane, en Chine, au Kirghizistan, en Colombie, en Autriche, à Moscou, à Londres et même à Washington. La plupart des agressions ciblaient des dissidents politiques, des diplomates et des opposants. La CIA était en cause, mais également le KGB. Les armes électroniques réputées intraçables permettaient d’envoyer des ondes qui s’infiltraient dans le corps pour endommager les tissus du système nerveux. Tout cela n’expliquait pas pourquoi elle en était la cible, simple citoyenne sans histoire.
Le plus important, désormais, c’était de les prendre sur le fait. Elle installa des caméras sur son balcon et dans son appartement, fit l’acquisition d’un compteur d’ondes stationnaires. Hélas, les agents du crime organisé étaient rusés.
Tatiana menait une guerre seule contre tous. Elle avait fini par comprendre que l’intégralité de l’immeuble faisait partie du réseau de harcèlement. Petit à petit, on avait remplacé les locataires par des membres de l’organisation, choisis pour leur profil de pervers narcissique, ou retournés contre elle les résidents d’origine. Comme un virus, elle voyait les nouveaux arrivants, d’abord neutres à son égard, se faire reprogrammer pour lui porter une hostilité toujours plus grande au fil du temps. C’était la résultante de techniques de désinformation et de rumeurs propagées contre elle. L’action directe des pions missionnés par le réseau était la plus pernicieuse. Ils ne possédaient bien sûr qu’une vérité partielle. Cette pratique de fragmentation de l’acte social correspondait à ce qu’avait mis en lumière Stanley Milgram dans ses expériences de soumission à l’autorité et qu’il définissait comme « l’organisation sociale du mal ». Un jour, elle avait décidé de confronter directement une voisine. Cela n’eut aucun résultat, incapable de la faire avouer son implication dans le réseau criminel, sauf d’accroître l’hostilité à son égard. Son voisin d’à côté était un agent actif. Il s’amusait à déloger ses caméras du balcon pendant son sommeil, ou à les intervertir avec celles des harceleurs, et à créer de petites ouvertures à travers la façade.
Quand Tatiana demanda au propriétaire de venir tester le niveau électromagnétique dans son appartement, on refusa de répondre à sa demande. Son compteur d’ondes n’indiquait rien d’anormal, car ces psychopathes savaient agir sans être détectés. Le boîtier avait finalement cessé de fonctionner, et elle découvrit de cette façon que ces salauds pouvaient, à l’aide de cette même technologie, détruire les appareils électroniques à distance. Les caméras du salon en avaient également fait les frais, et ils parvenaient, dans tous les cas, à réarranger les images pour effacer les traces de leur passage. Ils l’empêchaient de réunir des preuves, mais à l’époque, elle pensait encore naïvement pouvoir être reconnue victime de harcèlement par un tribunal ou une instance dirigeante.
Lorsqu’elle se décida enfin à agir sur le plan légal, après des mois de harcèlement quotidien, le tribunal classa systématiquement ses plaintes. On ne la recontacta jamais pour approfondir son témoignage. La police était aussi concernée : tous ses appels se soldaient par un refus de la prendre au sérieux. Pire, les gendarmes participaient à ces crimes en la menaçant de psychiatrisation. Suite à sa confrontation avec un policier municipal pour lui faire avouer son rôle dans ce complot mortifère, elle avait été embarquée contre son gré à l’hôpital de Lyon durant plusieurs semaines, sans motif valable. Pour se camoufler, ces salauds faisaient volontairement correspondre les stigmates de leurs tortures aux symptômes d’une maladie mentale. Ces démonstrations de force, ou de harcèlement moral de type mobbing, devaient la faire renoncer à combattre, détruire sa personnalité pour qu’elle accepte sans rien dire son sort de cobaye humain.
Durant les rares moments où les ondes la laissaient tranquille, elle avait formé une hypothèse sur les raisons d’être de ce complot criminel. À cette époque, elle ne pouvait encore l’affirmer avec certitude, il lui semblait presque certain qu’elle servait de sujet d’expérience pour tester les limites du corps humain. On avait choisi une personne sans histoire pour qu’elle n’ait aucune raison de se croire ciblée, et pour que sa version des faits, si elle finissait par s’en apercevoir, ne recueille que rires et incrédulité. Déjà à cette époque, elle possédait la certitude que d’autres individus vivaient la même situation. Des victimes de harcèlement global, dits individu-cible, ou targeted individual.
Au fil des années, le complot n’avait cessé de se resserrer sur elle et de déployer des trésors d’ingéniosité pour la torturer. Le plus notable était l’empoisonnement de l’eau du robinet. Ces psychopathes que rien n’arrêtait utilisaient des doses élevées de métabolite de chlorothalonil, un fongicide utilisé en agriculture pour l’intoxiquer. Durant l’été caniculaire de 2003, elle était tombée gravement malade en buvant de grandes quantités d’eau. La même année, elle recueillit un chien abandonné, un Welsh Corgi Pembroke, qui devint rapidement son unique source de bonheur et qu’elle nomma tout naturellement « Happy ». Un jour, le pauvre animal fit une violente crise épileptique après avoir bu l’eau de sa gamelle. Elle comprit dès cet instant qu’un nouveau danger pesait sur elle, preuve définitive de la complicité du docteur Moreau, ce sadique qui lui avait conseillé de boire beaucoup d’eau pour calmer ses migraines. Il savait pertinemment que ces criminels maléfiques dont il faisait partie empoisonnaient déjà à cette époque les conduites de son appartement. Bien sûr, elle eut beau faire analyser l’eau, ces salauds de criminels savaient parfaitement jouer avec les limites admises pour passer, là encore, sous les radars.
D’autres moyens étaient employés, dont l’entrée par effraction dans son domicile pour contaminer ses aliments avec des fongicides ou parasiticides invisibles tel que l’acide 2,4, le glyphosate ou ses adjuvants. Enfin, les criminels envoyaient du gaz toxique par des tuyaux ou des trous invisibles dans les murs. La technique était celle employée pour tuer les parasites ou « nuisibles » lors d’opérations de fumigation. Le gaz, du phosphure d’hydrogène ou d’aluminium, était introduit pendant son sommeil en vue de l’affaiblir. La méthode remontait au moins à l’affaire du pain maudit à Pont-Saint-Esprit où des drogues, comme l’acide lysergique diéthylamide, avaient été inoculées à la population en toute illégalité par la CIA pour étudier sa réaction.
En désespoir de cause, elle avait contacté le maire de Moutiers, monsieur André Dessalons, pour qu’il lui vienne en aide, loin encore de s’imaginer qu’il était un pion central de son harcèlement. Elle espérait le convertir à sa cause en lui présentant, noir sur blanc, toutes les preuves irréfutables en sa possession. Hélas, elle n’avait fait qu’accroître la violence du réseau en lui révélant ce qu’elle savait. Elle détailla dans sa lettre les raisons de sa venue en France, au début des années 90, croyant que ce pays serait une terre d'asile, loin de la tyrannie qu’elle vivait en Biélorussie, avant de réaliser trop tard que l’Hexagone était en réalité au cœur du réseau criminel. Désormais, elle était prisonnière, maintenue sous ce joug infernal, soumise aux pires expériences comme du bétail humain, telle une souris de laboratoire.
Protégée par sa couverture anti-radiations, assise sur le sol de sa chambre à coucher, l’époque de l’envoi de cette lettre, la première d’une longue série, lui semblait bien lointaine. Pour ses bourreaux, son répit n’avait que trop duré. Cette fois, le tir vint du parking. Tout son épiderme la brûla. Ces salauds avaient utilisé une arme plasma perfectionnée par le programme MARAUDER : Magnetically Accelerated Ring to Achieve Ultra-high Directed-Energy and Radiation. Cette invention mortifère la faisait littéralement griller de l’intérieur. Son calvaire devint insoutenable quand elle sentit les renforts d’une arme plasma tirée depuis l’appartement du dessus. Son chapeau aluminium avait beau atténuer la force de l’attaque, ses tortionnaires en avaient tenu compte pour accentuer la fréquence des rayons psychotroniques. Elle se tortillait sur le sol comme une araignée à moitié aplatie, les suppliant d’arrêter. Mais il n’y avait rien à faire, aucune échappatoire, pas avec cette organisation criminelle planétaire. Pourtant, c’en était trop.
Elle rampa sur le parquet de sa chambre et atteignit à grand peine le salon. Un nouveau tir la toucha en pleine poitrine, suivit d’un autre, dans son bras gauche. Ils étaient trop nombreux pour les compter. Un faisceau d’électrons la toucha dans la jambe et elle hurla. Mobilisant ses dernières forces dans la bataille, Tatiana s’agrippa à la poignée de l’entrée. La porte s’ouvrit sur le couloir de l’immeuble. Seule une cible mouvante pouvait espérer échapper momentanément aux rayons dirigés. Elle se releva et tituba à l’extérieur. Si un voisin se trouvait encore là pour l’espionner, ces salauds ne prendraient pas le risque de l’exposer, bien qu’aucun de ces pions ne soient réellement indispensables, et elle gagnerait quelques précieuses secondes. Comme toujours quand elle quittait son appartement, elle entendit le signal sonore pré-enregistré qui informait de son départ les agents du réseau criminel. Toujours le même aboiement de chien, unique, qui venait de l’appartement du dessus. Celui que le propriétaire disait pourtant inoccupé.
Un de ses voisins, un agent missionné pour la traquer qui habitait l’appartement du fond, sortit bien sûr au même moment. Il la regarda avec haine et descendit les marches quatre à quatre. Dans l’intervalle, elle prit appui contre un mur pour reprendre son souffle et réajuster sa couverture en aluminium. L’ascenseur était en panne depuis plusieurs mois, malgré ses relances incessantes pour qu’on vienne le réparer. C’était une autre manière de lui rendre la vie impossible. Quatorze étages à pied, pour atteindre enfin le parking et sa voiture. La descente débuta. Tatiana chancelait, manquant à chaque pas de dégringoler dans les escaliers. À mi-chemin, elle croisa un de ces psychopathes en sens inverse, accompagné d’un gigantesque molosse, sélectionné par ses tortionnaires pour leur agressivité. L’animal lui aboya dessus pour l’intimider. Ils allaient tout tenter pour la faire rebrousser chemin, comprit-elle en se plaquant contre la rambarde. Heureusement, les tireurs semblaient avoir momentanément perdu sa trace et elle parvint à réunir suffisamment d’énergie pour atteindre le rez-de-chaussée.
À l’extérieur, il faisait une chaleur étouffante. Cet été avait déjà pulvérisé les records de température, ce que tous les scientifiques et médias à la botte du complot mettaient lâchement sur le compte du réchauffement climatique. Tatiana avait l’impression d’entrer dans une étuve, l’alerte UV était au maximum depuis le début du mois. Les rayons du soleil se reflétèrent sur ses lunettes. Mais pas seulement. Les verres spéciaux qu’elle avait fait monter sur l’armature possédaient des propriétés similaires à celles de l’écran d’un téléphone cellulaire. Ils pouvaient ainsi capter les tirs et radiations et les rendre visibles. Le jour où elle avait vu au travers pour la première fois, un monde parallèle s’était révélé à ses yeux, comme dans le film de Carpenter. Elle avait alors compris l’ampleur de la machination. Des tirs provenant de toutes les directions, en permanence. Elle avait toujours senti la douleur pendant la phase dissimulée, mais depuis ce moment décisif qui avait marqué le début de la phase ouverte, Tatiana avait obtenu la preuve visuelle que ce monde de torture par armes électromagnétiques existait ailleurs que dans son esprit. Il avait suffi qu’elle retire le voile qui lui couvrait les yeux.
Sur le parking, elle capta l’origine d’un tir en provenance d’une Range Rover noire aux vitres teintées. Un autre partit d’un fourgon gris métallisé immatriculé au Luxembourg garé de l’autre côté de la bande herbeuse. Elle compta trois « 6 » sur la plaque numérologique. Cela faisait partie de leur petit jeu pervers à son égard depuis l’entrée dans la phase ouverte. Dans le ciel, un hélicoptère quadrillait déjà le quartier. Ils n’avaient pas perdu une seconde. Sa voiture était garée un peu plus loin et semblait encore en état de rouler. Il était arrivé par le passé qu’elle retrouve ses pneus crevés, ou, sous prétexte de débordements du quatorze-juillet, son véhicule incendié par les membres du réseau criminel.
Elle ne s’en approcha pas immédiatement. Elle allait tenter de leur fausser compagnie en faisant mine de s’en aller à pied, pour les forcer à révéler leur position. Les pions mimaient parfois ses agissements pour la déstabiliser, à la manière des enfants dans les cours de récréation, ou des clowns qui suivent les passants. De l’autre côté du parking, elle vit un homme qui la regardait, un parapluie à la main, alors que les prévisions météo n’annonçaient aucune intempérie. La même méthode avait fait ses preuves pour l’assassinat de Kennedy en 1963, commandité par des cellules criminelles du gouvernement américain. Une femme en pull rouge la croisa. Comme un gradient de température, le code couleur représentait le degré d’implication et de perversité du criminel dans le réseau de harcèlement. Si elle s’attardait trop longtemps ici, la mâchoire d’acier se refermerait sur elle. Sans prévenir, elle s’élança le plus rapidement possible vers sa voiture. Les figurants au service des psychopathes se retournaient sur son passage, momentanément pris de court. Elle atteignit sa Renault Twingo et fouilla dans sa poche. Le trousseau de clé lui échappa des mains, mais elle parvint finalement à déverrouiller la portière. L’hélicoptère continuait de tournoyer au-dessus d’elle. Installée au volant, elle passa aussitôt la première pour quitter le parking.
Tatiana n’était pas pour autant tirée d’affaire, bien au contraire. Elle atteignit la route départementale en gardant sans arrêt un œil sur le rétroviseur. S’il lui était possible de leur échapper sous l’effet de surprise, sa localisation exacte leur était sans cesse accessible. Elle avait jeté son téléphone portable, bien sûr, cette technologie de harcèlement qu’ils contrôlaient à distance pour l’enregistrer et la photographier à son insu. Mais depuis la série de vaccinations obligatoires, on lui avait implanté des nanotechnologies et une puce RFID dans le corps. Tous les médecins avaient évidemment refusé de lui faire passer un scanner, bien qu’elle sonne systématiquement à la sortie des magasins et que les aimants de son frigidaire lui collent à la peau. Elle suspectait l’implantation de différents corps étrangers dans sa mâchoire et à l’intérieur de son crâne, que ces salauds de psychopathes avaient introduits pendant un sommeil induit par les gaz toxiques. Son dentiste, lui aussi complice, le même qui s’était amusé à lui retirer une dent sans attendre les effets de l’anesthésie, refusa ses demandes de radio. Pire, il avait introduit dans l’implant dentaire un dispositif de géolocalisation. Grâce à leurs innombrables satellites, ils pouvaient ainsi la suivre en permanence sur leur système de surveillance.
Ce que Tatiana craignait ne tarda pas à se produire : un fourgon gris métallisé apparut dans son rétroviseur. Ses tortionnaires possédaient une technologie de pointe ; ils avaient trouvé le moyen d’embarquer leurs rayons à micro-ondes mortifères pour transformer leur véhicule en véritable machine de torture mobile. Elle tenta de doubler la voiture devant elle, mais ce complice des criminels roulait volontairement au milieu de la route faisant fi de toutes les règles de circulation. Le premier tir du faisceau laser la toucha au cerveau. Elle faillit lâcher le volant, mais reprit ses esprits juste à temps. Elle ralentit soudain pour déstabiliser ses poursuivants. Ils devaient embarquer une arme à énergie plasma à bord du fourgon, car elle se sentit transpercée de toute part. Oubliant toute prudence, sa propre survie en jeu, elle accéléra et entreprit un demi-tour sur route en dérapant sur plusieurs mètres, manquant de peu une collision avec la Fiat Panda qui arrivait en sens inverse. Sans réfléchir davantage, elle accéléra le plus rapidement possible et grilla un feu rouge dans l’espoir insensé de les semer.
Sa stratégie avait porté ses fruits ; le camion de la mort l’avait perdue de vue. Elle allait prendre la nationale pour se rendre à l’aéroport. Pourtant, plusieurs obstacles l’attendaient : l’administration lui avait confisqué son passeport en raison du dépassement de la date de validité. Depuis, ils refusaient de le renouveler sous différents prétextes fallacieux. Même si on l’avait laissée embarquer dans un avion, leur technologie secrète héritée des arsenaux militaires avait la capacité de l’irradier jusqu’à sept-milles mètres d’altitude. Il ne faisait aucun doute que leur organisation, de par son emprise sur la planète, se fichait des frontières officielles. Pourtant, elle avait la conviction qu’en cas de précipitation, ou aveuglés par un trop-plein de confiance, ils pourraient commettre une erreur et se révéler à la face du monde.
Hélas, le réseau de harcèlement n’avait pas dit son dernier mot. L’une des pires technologies à leur disposition, dite V2K, Voice to Skull, pouvait lui faire entendre des voix directement dans son esprit par des signaux à micro-ondes traduits par la puce RFID. Ces voix possédaient sur elle une emprise mentale, semblable à celle induite sur les sujets du projet de contrôle MK-Ultra chapeauté par la CIA, soumis à des techniques bioélectroniques à distance. Les médecins et psychiatres à la botte du réseau criminel avaient bien entendu rangé tous les témoignages des cibles de ces méthodes dans la case des schizophrénies hallucinatoires ou des désordres mentaux. Cela commençait toujours par un bourdonnement dans les oreilles. Des sifflements, ensuite, provoqués par la pulsation des fréquences radio. « Roule sur les passants, entendit-elle, provoque un accident, pauvre salope. Tu crois pouvoir nous échapper ? Roule sur ce vieux. » Il lui était difficile de résister à ces commandements. Ils cherchaient à la pousser à la faute pour l’interner à vie dans leurs asiles psychiatriques et la torturer jour et nuit sans aucune limite. Elle enclencha l’autoradio pour créer une diversion mentale. Cela fonctionna, mais elle fit alors une terrible découverte : le réservoir à essence était pratiquement vide ! Ces salauds de harceleurs l’avaient sans doute siphonné pendant la nuit. Dans son état actuel, elle risquait de commettre un accident irréparable en se rendant à une station-essence. Qui sait ce que les tortionnaires lui ordonneraient de faire devant les pompes. Pire, ces criminels psychotiques pouvaient geler à l’envie ses cartes de crédit. Tatiana n’avait plus d’autre choix : elle devait s’avouer vaincue, faire demi-tour et rentrer.
Elle se gara sur la première place qu’elle trouva, et fonça dans le hall de l’immeuble. Quatorze étages à remonter à pied. La tête toujours couverte de son chapeau anti-radiations, elle arriva péniblement jusqu’au cinquième où elle s’immobilisa devant ce même voisin au chien redoutable qui descendait.
« T’es encore là, pauvre tarée ? lança-t-il en la regardant des pieds à la tête. Tu veux pas retourner dans ton pays et nous foutre la paix ?
— J'aimerais bien monsieur, répondit-elle en s’éloignant du chien tueur, mais je suis victime d’un harcèlement organisé en réseau dont vous faites partie, qui m'empêche de quitter cet endroit pour me torturer et MAArceuuuleeer jour et nuit.
— Ferme ta gueule ! Les gamins peuvent même plus dormir avec tout le bordel que tu fous, faut aller te faire soigner, pauvre malade !
— Vous brûlerez en enfer pour ce que vous faites ! rétorqua-t-elle en le regardant descendre l’escalier. J’espère qu’ils vous paient bien, bande de CRIMIneEEEELLLS ! »
L’harceleur continua son chemin, comme si de rien n’était, et elle se dépêcha de monter les derniers étages. Un exemple parmi d’autres du harcèlement moral quotidien qu’elle subissait de la part des pions devenus collaborateurs et exécutants. Ce pervers narcissique au service du mal avait utilisé une technique de culpabilisation pour la persuader qu’elle était la seule responsable de sa situation, et la méthode du gaslighting pour lui faire croire qu’elle perdait la tête.
De retour dans son appartement, elle réalisa aussitôt que les membres du réseau mafieux avaient profité de son absence pour envahir son logement ; une bouteille qu’elle avait laissée sur la table de la cuisine se trouvait désormais dans un coin du salon. Elle avait fait remarquer au propriétaire l’espace qui demeurait une fois la porte fermée, mais celui-ci n’avait jamais proposé la moindre solution. Cette technique en particulier visait à la priver de la bulle nécessaire à l’équilibre de chacun et agissait comme une punition pour avoir osé quitter son domicile. Son isolement était primordial pour la réussite de leur plan. Elle n’eut pas la force de tout passer en revue. Après tout, malgré sa lutte, sa vie était constamment en sursis : sans le savoir, elle vivait peut-être son dernier jour sur Terre. S’ils ne parvenaient pas à la pousser à bout pour qu’elle retourne la violence contre elle-même, ces tortionnaires psychopathes pouvaient, sans prévenir, à n’importe quel moment, jugeant qu’elle ne leur serait plus d’aucune utilité, faire usage du rayon de la mort. Elle se ferait faucher par l’onde mortelle et son corps serait retrouvé sans vie ou enlevé par un membre du réseau. Même un médecin honnête, s’ils existaient, retiendrait la crise cardiaque comme cause probable du décès.
Ses tortionnaires lui laissèrent heureusement quelques minutes de paix. Pendant que ses lasagnes précuisinées chauffaient dans le four, elle s’assit devant la petite table du salon et ouvrit son ordinateur portable recouvert d’une fourre en aluminium. Elle devait le laisser constamment branché, la batterie ayant subi d’importants dommages. Les membres de l’organisation criminelle avaient déjà fait surchauffer, ou ralentir au point de les rendre inutilisables, ses précédentes machines avec leurs tirs à énergie dirigée. Elle aurait préféré partager sa passion pour le tricot ou des recettes de cuisine, mais cet ordinateur était rapidement devenu son bien le plus précieux pour tenter de briser la loi du silence et d’éveiller les consciences concernant les tortures qu’elle subissait. Sa chaîne YouTube proposait plus de cinq-cents vidéos où elle se livrait et répertoriait les sévices qu’on lui infligeait. Comme toujours, les criminels du réseau de harcèlement faisaient tout pour étouffer ses publications : ils bloquaient le référencement, la faisait culminer à cinquante vues, censuraient des commentaires, engageaient des harceleurs en ligne pour pourrir le seul espace d’expression qui lui restait. Malgré ces difficultés, grâce aux commentaires, elle était entrée en contact avec des individus ciblés comme elle. Une Écossaise, une Italienne, un Américain, tous victimes, entre autres, de harcèlement moral et par armes psychotroniques. Son intuition s’était donc montrée juste : le réseau criminel s’étendait sur toute la planète et avait sélectionné des centaines de cobayes. Ces relations l’avaient également aidée à réunir des connaissances qui lui manquaient. Elle avait notamment eu accès à un document inestimable rédigé par une victime de ces crimes intitulé : « Du harcèlement en réseau au harcèlement global ». Il détaillait avec précision les techniques en vigueur dans ce type de complot. À force de recherches et de lectures diverses, elle avait peu à peu mis en lumière certaines zones d’ombre.
L’implication du réseau Gladio, tout d’abord, était désormais certaine. Originellement, cette armée secrète de Stay-Behind devait, comme son nom l’indique, « rester derrière » pour agir en cas d’invasion soviétique en Europe de l’Ouest. Mise en place par la CIA et le MI6, elle disposait de caches d’armes un peu partout sur le territoire occidental. Après la chute du bloc soviétique, cette unité clandestine avait perdu sa raison d’être. Pourtant, elle continua d’exister, pour remplir un but criminel inavoué de contrôle des masses et de tests secrets d’armes plasma et à faisceaux de particules sur la population civile. Avec leurs moyens colossaux, l’armée secrète était venue en renfort des cellules de harcèlement déjà implantées. En service direct pour les plus hautes sphères des États menteurs, ces agents criminels mettaient tout en œuvre pour remplir leur but inavoué. Leur influence s’étendait non seulement à l’entièreté du monde « libre », mais impliquait également les plus puissants dirigeants d’où ils tiraient leurs ordres et la majorité de leur financement.
Tatiana avait donc compris le comment : d’où venait ces richesses infinies d’hommes et de matériel, mais également le pourquoi : la terrible vérité derrière le complot. La planète, avait-elle découvert, était en réalité occupée par des créatures métamorphes à sang froid. Des reptiles humanoïdes capables de changer leur apparence à volonté pour se fondre dans la masse et d’induire un contrôle mental sur les individus pour les soumettre à leur volonté. Leur présence sur Terre remontait à des temps immémoriaux. Ces créatures voyageaient à travers le Cosmos, mais elles avaient pour origine le système stellaire Alpha Draconis. Pour une raison inconnue, ces monstres avides de sang et de conquêtes avaient fui leur planète et trouvé refuge au centre de la Terre, là où se trouvaient désormais leurs bases souterraines. La majorité des dirigeants mondiaux, ceux qui n’étaient pas leurs marionnettes, appartenaient en réalité à cette espèce reptilienne. Cela concernait entre autres la dynastie mérovingienne, carolingienne, les Orléans, les Romanov, les Rothschilds, la famille royale britannique ou encore les Bush aux États-Unis. Il existait des preuves vidéo, historiques, archéologiques, et de nombreux témoignages jamais démentis. Tout s’expliquait à l’aune de cette découverte : les tests sur les cobayes n’étaient que la première partie de leur plan de domination. Une fois testées les limites de la résistance humaine à travers leurs expériences de torture et de manipulation, ils pourraient débuter la phase finale. Ils utiliseraient les agents chimiques et biologiques largués en haute altitudes, dits chemtrails, et la technologie 5G, un système d’armement à énergie dirigée ultra sophistiqué piloté par l’armée américaine. Grâce à ces technologies, ces reptiloïdes venus du fin fond du Cosmos seraient en mesure de transformer l’environnement naturel de la planète. Il fallait s’imaginer une terraformation à l’envers. Sous prétexte mensonger de réchauffement climatique, la planète serait changée en jungle étouffante et cauchemardesque plus adaptée à leur espèce extraterrestre. L’objectif atteint, ils pourraient enfin montrer leur visage écailleux au grand jour. L’étendue de leurs connaissances récoltées au fil des siècles à travers leurs expériences leur permettrait d’asseoir leur domination sur toute l’espèce humaine dont ils connaissaient les moindres faiblesses, maintenue en otage dans un véritable four à micro-ondes. Ils pourraient enfin réduire à l’esclavage le bétail humain, cultivé pour récolter leurs organes, nourrir les légions mortifères reptiliennes et les faire travailler comme main d’œuvre abrutie pour le Grand Serpent conquérant de l’Univers.
La situation de Tatiana était donc bien plus dramatique qu’elle n’aurait jamais pu l’imaginer initialement. Son rôle de donneuse d’alerte était d’autant plus crucial, seule manière de lutter efficacement contre ces criminels reptiliens commanditaires du harcèlement. Tout était donc fait pour museler les cibles et étouffer leur parole. Mais ils n’étaient pas à l’abri d’une erreur. La possibilité de sauver l’espèce humaine demeurait.
Comme d’habitude, elle jeta un œil aux commentaires de sa dernière vidéo, postée la veille. Outre un flot incessant de messages de harceleurs missionnés par le réseau criminel, elle reconnut certains pseudos de victimes authentiques. Une certaine Angelika la remerciait pour son témoignage et lui conseillait les vidéos d’un docteur Aymeric Cadet qui allait dans leur sens. Toute aide était bonne à prendre. Ce qui inquiétait Tatiana, en revanche, c’était l’absence de messages de Nadine Bèze. Victime comme elle, les deux femmes avaient longuement discuté par messages privés et vidéo, quand leurs harceleurs ne coupaient pas leur connexion internet ou le son de leur micro. Dans leurs derniers échanges qui remontaient à plusieurs jours, sa correspondante disait se trouver entre Nice et Monaco, contrainte de bouger sans arrêt pour échapper au harcèlement. Elle revenait d’une escapade dans les Alpes où elle avait dormi sous tente. Se sachant constamment surveillées et écoutées, elles avaient convenu d’un code secret pour passer sous les radars des harceleurs, en se laissant en commentaire des émoticônes en rapport avec leur situation actuelle. Chacune avait fini par se créer un décodeur mental. Deux smileys heureux et une icône énervée signifiaient que le harcèlement redoublait de force. À l’inverse, un message se terminant par deux icônes énervées suivies d’un smiley timide se voulait rassurant. Enfin, une série de trois smileys en forme de cœur sonnait l’alarme et indiquait qu’un drame était sur le point de se produire. Lorsque Tatiana relut le dernier commentaire de Nadine ponctué de la série de cœurs tant redoutée, elle se leva d’un bond. Comment avait-elle pu rater un tel signe ? La cause venait sans doute du brouillard mental provoqué par les rayonnements incessants des ondes radio, ou de gaz toxiques introduits sans qu’elle en ait conscience. Ces salauds de psychopathes pouvaient bien avoir décidé de faire disparaître Nadine en lui inventant des tendances suicidaires. Pour contrer ce scénario catastrophe, les deux femmes avaient décidé d’un point de chute, refuge pour échapper aux criminels psychotiques : un entrepôt de conteneurs de stockage, situé dans la banlieue de Grenoble, dont le matériel qui en recouvrait les parois résistait à la majorité des tirs ciblés. Si Nadine Bèze avait pu en réchapper, elle devait s’y terrer actuellement, dans l’attente d’une aide qui tardait à arriver.
Tatiana était immédiatement partie dans sa chambre. Elle tira les deux grandes valises de l’armoire. Ses affaires se trouvaient déjà à l’intérieur, pour parer à un tel scénario. La fuite faisait partie de son quotidien. Elle devait être prête à partir à tout instant. Elle sortit la liasse de billets de sa cachette, différentes coupures et monnaies que les harceleurs n’avaient heureusement pas encore découvertes. De quoi faire le plein pour atteindre l’entrepôt. Elle tira ses deux valises devant l’entrée, prête pour le grand départ.
Au même moment, elle entendit frapper violemment à la porte. Elle l’ouvrit aussitôt, s’attendant à prendre sur le fait un voisin complice du réseau criminel cherchant à la pousser à bout par des nuisances sonores. Ce fut un homme en uniforme qui apparut devant elle. Elle se raidit et recula d’un pas. Piégée pour de bon, aucune issue.
« Madame Tatiana Pagnol ? demanda le tortionnaire en lui tendant un mandat d’arrêt. Je suis policier.
— Et moi victime, monsieur ! répondit-elle au bord de la crise de nerf. J’aimerais que l’on me protège, au lieu de MAArceuuuleeer sans arrêt !
— Madame Pagnol, sur demande du maire André Dessalons qui a déposé une plainte contre vous, et de votre médecin traitant, le docteur Guy Moreau, j’ai ordre de vous emmener à l’hôpital psychiatrique d’Albertville. Une ambulance nous attend sur le parking. »
Cette fois, ils l’avaient prise par surprise, ces salauds de psychopathes. Ils étaient volontairement arrivés sirènes éteintes pour éviter d’éveiller ses soupçons. Désormais, elle savait qu’agresser un agent en uniforme de l’État criminel n’aurait aucun effet positif. Elle ne devait surtout pas se laisser aller à la violence. Les pions, tel que ce petit agent au service du mal, n’étaient rien d’autre que des pièces jetables, des boucliers humains sur un échiquier en quatre dimensions. De toute manière, elle ne faisait pas le poids ; son corps avait été trop brutalisé pour riposter.
« Ce sont vos affaires ? demanda l’agent criminel en uniforme. Prenez-les avec vous. Suivez-moi sans faire d’histoire, c’est pour votre bien. »
Cette menace déguisée lui fit comprendre qu’on allait l’emmener de force pour la changer en légume, ou la garder à vie en la soumettant à des séances d’électrochocs pour lui faire perdre le peu de mémoire qui lui restait. Plus rien ne les arrêterait. Étant donné que le maire de Moutiers, maintenu toutes ces années en poste pour service rendu au réseau mafieux, s’était porté garant de son internement, il n’y aurait aucune limite à la durée de son enfermement. On allait lui implanter un nouveau corps étranger de façon illégale, alors que la torture était supposément totalement bannie du monde occidental moderne, dans cette farce intégrale où elle tenait le rôle principal contre son gré, celui de l’involontaire victime, du martyr des martyrs, du cobaye pour saloperie de reptiliens buveurs de sang.
Pourtant, en traînant ses valises dans les escaliers, elle songea aux autres victimes qui luttaient comme elle. La loi du silence finirait par être brisée et la vérité éclaterait aux yeux du monde. Tant qu’une seule victime pouvait se faire entendre. Elle monta finalement à l’arrière de l’ambulance et ses tortionnaires refermèrent sèchement la porte derrière elle.
Ils avaient remporté cette bataille, mais pas la guerre.
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J'ai bien aimé le jeu de l'auteur sur la ligne ténue entre complot et paranoïa pure.
J'apprécie l'écriture sans prétention qui permet de nous emporter dans la schizophrénie paranoïde. C'est un texte malin qui avait du potentiel. Mais bon sang, passé les premiers paragraphes où on a compris ce qui se trame, qu'est-ce que c'est long, chiant, interminable. Il faudrait une surenchère, une montée en intensité, sabrer trois quart du texte, que sais-je. J'ai fini en diagonale. Autre chose à foutre, et je sais que je n'y reviendrai pas.
Cobaye humain démarre facilement, puis se transforme en expérience de répétition. Le texte tourne en boucle, explique sans avancer, au point que commencer par la fin ne fait perdre aucune information - ce qui, pour un cobaye, est finalement assez cohérent.