LA ZONE -

lait de lune

Le 23/12/2025
par Breton marc
[illustration]
Lait de lune


Geward, paléontologue averti, avait consacré toute sa carrière à identifier les plus anciennes traces d’organismes vivants. Il savait tout des stromatolithes qu’il avait traqué en Australie, en Afrique et même jusqu’au Groenland. Au début de sa carrière, il avait imaginé un court instant, pouvoir réaliser un de ses rêves d’enfant : être le premier à découvrir des restes de dragons. Aujourd’hui, il était persuadé que cette quête resterait vaine, les dragons avaient été retirés, effacés de la surface du globe. Mais l’absence de preuves de leur existence, n’est pas la preuve qu’ils n’aient jamais existé. On n’avait jamais découvert de fossiles de dinosaures à plumes jusqu’à ces dernières années, on en niait donc l’existence ; et pourtant, aujourd’hui, on a l’assurance qu’ils ont vécu à la fin du Crétacé.
Geward possédait comme livre de chevet "Le livre des vastes lumières ". Il y est question d’un dieu chinois qui décide de détruire l’humanité impie par toutes sortes de catastrophes naturelles. Les fauves pourchassent les enfants, les oiseaux de proie se nourrissent des vieillards dont les os, atteints d’ostéoporose, deviennent croustillants et les dragons noirs se régalent des adultes. Puis à la suite d’un tremblement de terre, de gigantesques incendies se déclarent. Ils ravagent notre planète avant que les eaux ne la recouvrent. Après cela, le dieu peut rebâtir une autre création sur de bonnes bases. On rencontre les dragons, dans toutes les civilisations. Comment l’imagination humaine, pourtant si foisonnante, a pu aboutir au même animal fascinant aux quatre coins du globe si ce n’est parce que les dragons ont bel et bien existé ?
Il n’avait pas négligé le récit où l’on parle de l’affrontement du royaume du bien, celui de Dieu, et du royaume du mal, celui de Satan. Dieu a triomphé. Mais que sont devenues les forces de Satan ? Ont-elles été noyées dans un déluge purificateur ? Ont-elles été expédiées au fin fond des enfers ? Dans tous les conflits, l’armée vaincue ne disparaît jamais complètement. Donc, il ne négligeait surtout pas l’hypothèse que les créatures maléfiques du Diable, parmi lesquelles figuraient forcément des dragons, des griffons et autres chimères pouvaient survivre quelque part dans l’univers ou dans un monde insoupçonné des entrailles de la terre. Ce qu’il n’arrivait pas franchement à concevoir, c’est comment quelques spécimens auraient pu s’échapper pour venir terroriser les humains. Le Drac de l’Isère, la Tarasque de Tarascon, le dragon terrassé par Saint Georges ; voilà quelques apparitions bien connues en France. Il avait étudié bon nombre d’ouvrages ayant un rapport plus ou moins proche avec ce genre de créatures. Il avait relevé l’occurrence qui revenait le plus régulièrement : les dragons sortaient des entrailles de la terre. Malheureusement, peu d’auteurs se risquaient à expliquer comment, concrètement, la sortie s’effectuait. Fallait-il imaginer un gouffre inexploré, une cheminée volcanique creuse, une grotte telle celle empruntée par Orphée pour descendre au royaume des morts à la recherche de son Eurydice ?
Et puis, une brocante dominicale lui offrit, pour quelques centimes, l’ouvrage de l’Abbé Thoirans. Cet abbé avançait, comme une certitude, que le royaume du mal était sous nos pieds et en parfaite santé. Ce royaume possédait de nombreuses " portes ", plusieurs par continent afin que Satan puisse réinvestir l’ensemble de la planète en quelques instants. Geward avait souligné le passage suivant : « Le jour où les anges noirs du démon répandront du lait de lune la terre tremblera et les montagnes s’ouvriront. » La note 3 expliquait ce qu’il fallait entendre par lait de lune et, à la grande satisfaction de Geward, il n’était pas utile de se rendre sur l’astre nocturne pour s’en procurer. Il fallait avant tout posséder une quantité suffisante de zéolithe, un cristal formé d’un squelette microporeux d’aluminosilicate et qui peut jouer un rôle de tamis moléculaire. Il s’agissait de lui adjoindre un défloculant, comme du silicate de soude et un catalyseur, comme du nickel. La recette ne précisait pas trop les proportions. Quant aux portes, l’Abbé les décrivait comme de longues fissures dans des falaises abruptes. Or, lors de ses dernières recherches de fossiles de la fin du secondaire dans le Lubéron, une fracture verticale au fond d’une sorte d’abri sous roche l’avait vivement interpellé. Elle lui était apparue trop régulière. Une petite virée dans le Vaucluse s’imposait donc.
Il pila bien 500 grammes de zéolithe qu’il plaça dans un saladier en verre ; il ne voulait pas utiliser un ustensile en métal, craignant une réaction secondaire. Il ajouta de l’eau petit à petit, en remuant longuement espérant une légère dissolution des cristaux. L’eau se troubla à peine. L’ajout d’une cuiller de silicate de soude n’eut aucun effet notoire. Il incorpora, avec précaution, le sulfate de nickel. Rien ne semblait évoluer quand une légère vapeur se forma. Il agita plus énergiquement le tout et ressentit une forte production de chaleur. Le produit s’émulsifiait et du coup blanchissait. Il rajouta presque rien de silicate et d’un coup la matière se figea, devint luminescente. Il ne toucha plus à rien. Médusé, il observait ; la vapeur disparut, la luminosité s’affaiblit. A son avis, par la consistance, il était plus près du yaourt que du lait, et côté couleur c’était plutôt crème. Il se consola en songeant que la pleine lune au firmament, n’est pas vraiment blanche ?
Le lendemain, bien avant que le soleil ne se lève, Geward était sur les lieux. Il avait abandonné sa voiture un peu en contre bas de l’abri. Il vérifia que le lait n’avait pas tourné.
Il s’approcha de la paroi. Il agrippa la lézarde noire tentant vainement d’y enfoncer une main. La fente ne faisait que quelques centimètres. Il versa un peu de lait dans sa paume et frotta. Aucun effet. Il laissa dégouliner très lentement le lait dans la fente du plus haut qu’il put. Par précaution, il désirait garder la moitié de son produit pour le retour. Au sol, il récupéra le lait qui commençait à dessiner une petite flaque pour le réutiliser. Il s’en enduisit les mains. Il caressait la fente doucement puis la frottait vigoureusement. Et il recommençait de nouveau. Quelle ne fut pas sa surprise quand au moment de récupérer encore une fois le lait par terre, il remarqua qu’il y en avait très peu. Il parcourut des yeux les rebords de la fente qui lui donnaient l’impression de briller légèrement. Une roche mouillée brille toujours, pensa-t-il. Mais ce lait qui ne dégoulinait plus, où était-il passé ? Il fallait frotter, frotter encore, le plus profond possible. Il arrêta son geste brusquement ; sa main ! Sa main avait entièrement disparu. Il s’enduisit l’avant-bras et il l’enfonça sans difficulté. Il se mit de profil et avança sa jambe droite, ramena la gauche et recommença. Il respirait normalement, le rocher l’épousait, il le sentait légèrement chaud. Il fit ainsi cinq ou six pas et la sensation de chaleur disparut. Il avait traversé.

Ses bras demeurèrent luminescents le temps que le lait disparaisse. Avait-il pénétré son corps ou s’était-il évaporé ? Un silence profond et noir l’environna. Où était-il ? Il n’osait pas bouger. Il restait calme et se trouvait plus courageux qu’il ne l’aurait cru. Dans le lointain, il lui semblait percevoir sur la gauche une légère lueur. Il était venu pour voir, il avança prudemment. Le terrain se révélait, sous ses pas, relativement plat et sans embûche.
Au bout d’une bonne demi-heure, il pensa qu’il pouvait bien accélérer le pas. La clarté ne progressait que très peu. Il ressentit bientôt une fatigue inhabituelle, un engourdissement sournois. Il avançait avec une difficulté anormale. Son cœur lui semblait battre trop lentement. Son souffle se raccourcissait. Il s’accorda un moment de repos, mais il ne retrouva pas vraiment une forme olympique. Il acquit la certitude qu’il se trouvait dans un tunnel qu’il n’osait pas éclairer. Imperceptiblement, sa vision devenait plus nette mais colorée, un peu comme s’il possédait des yeux de chat ou utilisait une caméra infra rouge. Il s’arrêta encore une fois, tâta son pouls et estima que son cœur ne battait plus qu’à cinquante coups à la minute. La lueur sur sa gauche se rapprochait. Il reprit son cheminement.
Il s’immobilisa quand il atteint l’ouverture pourvoyeuse de lumière.
Un spectacle féerique, que son imagination féconde n’aurait jamais pu sécréter, s’offrait. Devant lui, s’ouvrait une vaste esplanade déserte où aboutissaient quatre porches qui diffusaient des rayonnements bien différenciés. Il s’avança.
Un clapotis argentin rompit le silence. Un sombre ruisseau lui barrait la route. Il entreprit une traversée prudente. Peu de courant, à peine une cinquantaine de centimètres d’eau, cela n’aurait été qu’un banal épisode s’il n’avait pas ressenti une brève, mais forte douleur, au mollet. Une écrevisse ? Un serpent d’eau ? Il désinfecterait cela à son retour.
A sa droite, où la clarté tirait vers le vert, se côtoyaient des quantités de crocodiles ou plus exactement de sauriens qui se prélassaient tout le long de plusieurs allées dont il n’apercevait pas l’extrémité. Il n’en croyait pas ses yeux, là-bas, il lui semblait bien reconnaître un sarcosuchus imperator, un être colossal de près de dix tonnes qui vivait au Crétacé. Leurs mâchoires laissaient découvrir un gouffre prêt à dévorer. Il devina des lézards-tonnerre au cou démesuré et à la queue parcourue par une crête saillante. Un collier de dents acérées ornait leur tête massive. Des rangées de poils drus pointaient entre les replis de leur peau. On aurait dit des pieux fichés le long d'une palissade.
Il pouvait, en longeant la muraille sombre, se diriger vers le deuxième monde sans trop prendre le risque de se faire remarquer. II sentit que son cœur ralentissait encore et sans raison apparente. Il vérifia son pouls ; il ne battait plus qu’à quarante-cinq coups minute. Il fut choqué par la couleur de sa main et surtout par la longueur de ses ongles qu’il tenait d’ordinaire toujours courts et soignés.
Dans cet autre macrocosme, la lumière virait au sépia. Il se sentit transporté à l’ère des dinosaures. Là aussi, dans une première salle un poids lourd montait la garde. On pouvait parler d’un cousin des tyrannosaures. Il aurait retiré toute envie d’aller plus en avant s’il ne paraissait pas lui aussi fort assoupi. Dans les salles du fond s’agitaient de petits animaux sveltes et agiles. Il les compara à des vélociraptors. La sorte d’ergot rosé qui couronnait leur tête devait être une arme redoutable. Tout à côté, il trouva particulièrement effrayant des centaines de tigres sabre qui somnolaient. Leur langue libre, épaisse, fongueuse ne semblait pas pouvoir tenir dans leur gueule. Au plafond, pendaient des créatures qui tenaient de l’archéoptéryx et de la chauve-souris. Plus loin se côtoyaient de majestueux hippogriffes et d’imposants griffons. Il devinait dans le lointain d’autres créatures sur lesquelles il ne pouvait pas mettre de noms. On aurait dit des corps d’homme sans tète portant des yeux sur le thorax. Cette vision le mit mal à l’aise. Il s’adossa à la paroi pour reprendre un peu d’énergie ; malheureusement cela s’avéra totalement inefficace. Il se frotta encore et encore ; sa colonne vertébrale le démangeait.
Du troisième porche émanait une luminosité qui ne le rassurait pas. Elle lui rappelait les nuits de son enfance trouées par la lueur jaunâtre des réverbères. Il était bien incapable de mettre un nom sur le gardien du lieu. C’était un animal fantastique, une énigme anatomique. C’était une chimère semblable à celles qui peuplaient l’imaginaire de certains auteurs grecs. Elle tenait beaucoup du griffon : un corps d’aigle greffé sur l’arrière d’un lion mais en y ajoutant des oreilles de cheval et les cornes d’une chèvre. Ces cornes dégageaient un rayonnement doré qui lui conférait un statut royal. Il crut un instant que le quadrupède, bien campé dans un nid, l’avait repéré. Il se redressait, s’ébrouait et ouvrait largement son bec à trois rangées de dents et agitait ses deux ailes. Il répéta une autre fois ce manège. Peut-être il manifestait sa faim car d’autres bestioles, beaucoup plus petites, vinrent bientôt déposer à ses pieds de jeunes créatures roses. Le monstre les éventrait d’un coup de bec précis et en extirpait le cœur qu’il gobait. Un borborygme peu discret marqua sa satisfaction.
Geward, peu rassuré, fit demi-tour pour reprendre son exploration. Soudain, un courant d’air violent l’entoura. La bête s’était posée tout près de lui. Elle en fit le tour. Son cou nerveux lui frottait le ventre. D’un coup d’aile bien ajusté, elle lui colla le nez sur son croupion humide. Elle s’éloigna, fit une sorte de danse et l’enserra à nouveau. Elle le dépouilla de sa veste et de son pantalon largement échancrés aux coutures. Il n’osait comprendre que la bête était une femelle et lui demandait un rapport sexuel. Il hésita un instant, surpris de ne pas être horrifié par la proposition du monstre. Il ne devait pas céder. Il risquait fort de se faire dévorer, l’acte accompli, même s’il parvenait à la satisfaire pleinement. Dans un geste de paix, il osa lui caresser le pelage. L’animal prit des couleurs encore plus vives et semblait rentrer dans une sorte d’extase qui l’immobilisait. Geward en profita pour opérer une retraite prudente.

    Il se remit en route pour le quatrième porche, l’univers jaunâtre, le plus lointain. Ce qui se dessinait petit à petit, c’était bel et bien des dragons. Il se dit que son cœur aurait dû battre à cent à l’heure. Mais il n’en était rien. La biodiversité avait fait son œuvre dans les entrailles de la terre. Il lui semblait distinguer des monstres bien différenciés. Il s’arrêta face à l’allée principale d’où partaient des couloirs étroits qui lui semblaient des zones où des êtres incubaient. Il dut parcourir une centaine de mètres, au risque de se faire repérer, pour se rapprocher d’une créature qui se dressait au centre d’un carrefour d’où partaient sept grandes allées. Une place de l’étoile souterraine. L’énorme masse, qu’il ne pouvait qualifier de chair et de sang, appartenait au genre dragon à poils. Ce pouvait être une dragonne puisque cette créature semblait en position de ponte. Il attendit et la dame pondit. Elle attrapa son œuf par la commissure de ses lèvres sur une zone édentée et poisseuse ce qui conférait à l’œuf une certaine stabilité. Sa queue rappelait de loin celle des cercopithèques à queue de soleil. Elle était ornée de trois touffes de poils qui se terminaient par une petite boule rougeâtre ce qui pouvait signifier qu’elle était en période d’ovulation. On retrouvait cette même teinte dans ses yeux de reptile. Elle se dirigea, avec une lenteur de sénateur âgé, vers la seconde allée. Geward se demanda si c’était par précaution pour son œuf ou si l’animal n’était pas, lui aussi, victime de l’engourdissement général. Il se décida à la suivre, de loin, pour essayer de découvrir son objectif. Il songeait à une possible nurserie. Après quelques pas pénible, il vérifia difficilement son pouls sous son poignet poilu, il n’était plus qu’à quarante-deux coups minute. Il n’avait plus aucun doute, s’il poursuivait sa marche en avant, il allait encore s’affaiblir. Dans quel monde était-il ? Une explication folle venait à son esprit : plus il s’enfonçait, plus le temps se ralentissait. Sans doute, au cœur de la caverne, le temps était complètement arrêté. Une armée de dragons figés y attendait son heure. Et sur la périphérie, là où le temps n’est que ralenti, l’armée se reproduisait pour se renforcer. La sensation d’avoir, face à lui, les forces du diable ne lui paraissait pas incongrue. Il y avait l’armée de terre des dinosaures, avec l’infanterie et les tanks, l’armée de l’air des reptiles volants et la marine des sauriens.
Son désir d’en savoir plus l’incitait à progresser encore un peu. Il fallait juste qu’il soit capable de s’arrêter quand ses yeux deviendraient trop lourds, sinon il pouvait bien s’endormir ici à tout jamais. Il se fixa une limite : quand son cœur descendra à trente-cinq coups, il rebroussera chemin.
La dragonne avait un peu progressé. Elle arrivait dans une salle assez large d’où partait des dizaines de couloirs, certains n’étaient pas assez larges pour qu’elle s’y enfourne. Geward avisa sur le côté gauche de cette salle, dans un recoin sombre une créature gigantesque qui devait bien avoir une dizaine de mètres de haut. Il n’y avait pas de quoi être rassuré, mais la chose semblait dormir emmailloté dans ses deux ailes duveteuses. Les couloirs émettaient une lumière rosée. Il repéra alors un deuxième monstre tout semblable au premier et qui lui faisait face. Ces monstres portaient au bout d’un long cou massif trois têtes qui laissaient apparaître quelques dents acerbes et qui sait venimeuses. Il ne put s’empêcher de penser à Cerbère le chien des enfers, le fils du monstre Typhon. Celui qui n’empêche personne d’entrer, mais qui interdit à quiconque de ressortir. La comparaison pouvait s’arrêter là, car malheureusement, les monstres n’étaient pas enchaînés. Il ne se sentait pas la force d’Hercule pour les vaincre et il n’avait pas le fameux gâteau de miel capable de les apaiser. Geward ne voyait pas non plus sur leur échine se secouer une multitude de têtes de serpents, par contre, il n’éprouvait aucune sympathie pour les longues crêtes de coq translucides qui les couronnaient. Ils risquaient fort d’être les gardiens du temps. Après une courte hésitation bien compréhensible, Geward s’avança en le surveillant. Il se demanda si la légère vapeur qui s’échappait des naseaux rosés du monstre de gauche était présente il y a quelques instants. Sous des paupières presque closes, il devina des yeux verts qui parcouraient l’espace. Les bestioles n’étaient pas dans une léthargie complète.
Lui fallait-il avancer par le centre de la salle, pour rester à une certaine distance des deux, ou raser le mur par la gauche, quitte à passer au pied de celui qui semblait le plus endormi. Il ne se posa pas le problème trop longtemps. La crête translucide des dragons semblait s’éclairer et virait à l’orange. Des ergots tranchants se redressaient et s’allongeaient aux articulations de leurs ailes. Les têtes alanguies jusqu’alors commençaient à onduler, leurs paupières se relevaient laissant découvrir des yeux globuleux. Il crut percevoir le claquement d’une langue agacée. Avait-il été vu, senti, repéré par des ondes ? Peu importe, il était plus que temps de fuir. Les monstres se réveillaient lentement. Ils fourbissaient leurs armes. Son cœur n’était plus qu’à trente-huit. Il poursuivrait l’exploration dans une zone moins dangereuse. Il s’élança vers le couloir le plus proche qui était aussi le plus étroit. Enfin… il essaya de s’élancer. La position debout lui sembla inconfortable, il fuirait plus vite à quatre pattes. Ce couloir, qu’il avait emprunté sans difficulté quelque temps plus tôt avait rétréci ou alors lui-même avait-il énormément grossi ? Il frottait les parois. Il dut faire marche arrière.
Il rejoignit la salle principale. Les deux Cerbères se tenaient à leur poste. Leurs ailes déployées frottaient sur le sol. Ils lui parurent nettement plus colorés, leur gueule entrouverte dessinait un trait orangé sur leur tête cuivrée. Nul doute, il avait été repéré. L’animal le plus coloré fit un pas lourd dans sa direction et le salua d’un jet de flammes.
Geward, surpris, voulut crier, mais seul un feulement sortit de sa bouche. Il porta sa grosse patte griffue qui n’avait plus que quatre doigts, à sa gorge, ses glandes salivaires devenues énormes le gênaient. Il cracha. Il éternua. Une langue de feu parcourut le sol. Il aurait juré que c’était sorti de ses narines. Les deux géants lui indiquèrent une route à suivre. Il s’y engagea sagement.

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 171
à mort
    le 22/12/2025 à 17:32:23
Une belle alternative à Jurassic Park pour un revival des dinosaures dont il parait que ce sont encore les jouets N°1 au top ten des trucs au pied du sapin.
Lapinchien

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Pute : 171
à mort
    le 22/12/2025 à 17:33:13
Y a un petit coté Voyage au centre de la Terre de Jules Verne.
Lindsay S

Pute : 161
    le 22/12/2025 à 23:36:38
L’idée est brillante : dragons, failles temporelles, bestiaire infernal, monde souterrain prêt à déferler. Dommage que l’auteur ait pris soin de rester bien droit, bien rationnel, bien humain. Il observe la chimère comme un paléontologue en blouse blanche, la nomme, la classe, l’explique — surtout, il l’explique. À force de vouloir comprendre le dragon, il l’éteint. On aurait aimé que l’auteur accepte, lui aussi, de muter un peu : moins commenter, moins rassurer, plus griffer. Car à raconter les monstres sans jamais lâcher la laisse du réel, le texte finit par ressembler à un zoo parfaitement documenté, mais pas très dangereux.

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