La Zone
La Zone - Un peu de brute dans un monde de finesse
Publication de textes sombres, débiles, violents.
 
 

Tri sélectif : Omega-17

Démarré par nihil, Juin 07, 2007, 09:37:08

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Glaüx

Faut envoyer Omega 17 aux éditions du Robert, qu'ils le mettent à la place de la définition du mot "phatique" ou de l'expression "parler pour ne rien dire".

MILL

Entièrement d'accord. Ce qui me fait chier dans cette histoire, c'est que l'enfoiré a quand même un style à lui.

Glaüx

Une sorte de stabilocock ?

MILL

Oui. Le mot est bien trouvé. Tu viens de l'inventer?

MILL

Je lance un appel à Oméga 17 pour qu'il vienne défendre lui-même ses textes. Moi, j'y arrive plus. Quand on fait de la merde, faut s'arranger pour qu'elle soit variée. Je suis bien placé pour le savoir.

Hyenne

Si diagonaliser s'appelle lire, alors oui je lis les textes d'Omega17.

nihil

Chroniques de la bière, de l'héroïsme, du sperme et de la population belge
Posté le 25/02/2007
par Omega-17



Panam

De gros fans d'AC/DC, pour certains de vindicatifs et colossaux partisans d'extrême droite, ( je n'alimente aucune hostilité exacerbée à leur égard et je n'en dirai pas plus pour ne pas flétrir votre lecture d'humanistes déplorés si ce n'est déjà fait dans vos rédhibitions de paladins du genre humain et de sa diversité oh combien déplorable elle aussi ) pour d'autres de brillants communistes ( comme l'on peut l'être à vingt-cinq ans en alimentant des notions ineptes et en étant très sûr de soi malgré son inaptitude à réfléchir convenablement ), hurlent de concert sur le son de T.N.T., dans un pub notoire en la matière, peu éloigné de la rue de Rivoli : la musique, les inhibitions et les idéologies laissent place au son brutal des maîtres du hard en milieu parisien, tout est donc en place pour une pénétration éthylique des vibrations locales.
Bien éloigné de moi l'idée de l'aspect mélomane et fédérateur de ces derniers en tant que vecteur de regroupement humain et je serai donc en conséquence d'une lucidité - ne vous en déplaise - dénuée de considérations communautaires en rapport à l'effet musical sur les troupes opposables les cautionnant par leur proximité, proximité se limitant au nombre de chopes qu'ils commandent dans l'euphorie dont je n'étais pas étranger, c'est peu de le dire, l'euphorie n'étant pas le seul concept dans lequel je versais, ici également, c'est le cas opportun de l'exprimer.
Pour faire simple et direct, je me défonçais la gueule en compagnie d'une connaissance portée sur la poésie et le jazz ainsi que d'une pauvre fille dépressive que je n'ai même pas pu sauter malgré les bières chevaleresques que je m'étais fait fort de lui faire ingurgiter.
D'où l'intérêt de la focalisation sur l'aspect musical et alcoolique de cette soirée, faute de mieux.
Ablation de l'hémisphère cérébral droit et réflexion nihiliste.
Perte d'argent et gain de temps, en tout cas de distance vers l'infini du flottement.


Marseille

« Je vais vous donner la 6.
- Parfait.
- Je vais vous expliquer comment ça se passe ici : quand vous sortez, vous laissez la clé au comptoir, hein ?
- Humm. ( accompagné d'un air de basset perplexe et ennuyé )
- Bon, vous pouvez la garder mais ne la perdez pas.
- Bien. »
Hôtel ' Le Rocher 'et j'étais le seul monolithique parmi la clientèle d'ectoplasmes en ce lieu tendant vers la pension Thénardier. Encore une fois, je me sentais tel Bandini arrivant à Los Angeles quand la proprio voulait absolument qu'il vienne de l'Arkansas. Mais moi, j'étais sorti victorieux de l'échange.
Grâce à mon air de basset.
Il n'y a de gloire que lorsque l'on se considère en héros.
Et c'est largement mon cas.


Mons

Je regarde une machine dans laquelle j'ai mis cinq cents grammes de lessive pour être bien sûr de mon coup produire un bruit de centrale à fission nucléaire, une Jupliler à la main et des octopodes scorpionites majeurs dans les oreilles, sous les yeux scrutateurs mais peu consternés d'une fraction non négligeable de la population wallonne.
Si ça doit sauter, ça sautera.
Je suis un exilé, je n'ai aucun scrupules à entretenir, encore moins qu'en Francilie. Mon entrée à coups de pompes dans la baie vitrée a laissé les habitants de ce sous-marin à l'odeur de chlore à peu prés amorphes. Je crois d'ailleurs qu'il leur en faudrait beaucoup, ces gens-là regardent d'un œil désintéressé les extravagances hexagonales, sachant bien qu'ils seraient largement capables de mieux s'ils ne préféraient pas vivre dans les bars trappistes du centre-ville.
Mes fringues ont séché, le sperme aussi.
Ca ne part pas à soixante degrés, en tout cas dans les laveries belges et c'est un peu décevant ; je vous propose de m'envoyer un rapport comparatif en la matière de votre pays bientôt dirigé par les promoteurs du fromage de chèvre charentais. On y verra peut-être un peu plus clair après.
MH soulignait dans un vieil article blogien que j'aie relu récemment que les belges étaient probablement les américains de l'Europe, d'où selon lui, l'hostilité moqueuse des français à leur égard.
Je serai plus néo-réaliste et surtout moins international dans mon analyse en regard de cette constatation sujette à de nombreuses objections : le côté lymphatique plus exacerbé au sein de la plate population de ce pays les réduit à une observation larvesque des agissements extérieurs de façon globale, cette carence dynamique leur permettant de dire et de faire considérablement moins de conneries que leurs limitrophes et pathétiques voisins. L'intention est là, certes, mais l'application jusqu'au-boutiste n'étant pas comprise dans leur mode de pensée, la théorie silencieuse et anti-concrète demeure leur apanage, loin de moi l'idée de le leur reprocher d'ailleurs.
Et c'est ce manque d'initiative brutale vers le non-sens que vos compatriotes reprochent à ces braves belges, les voir cautionner et mimer les agissements sans fondements dont ils sont les fiers auteurs ne pourraient que les ravir ; la situation étant légèrement autre, le mépris reste toujours une solution comportementale permettant de camoufler sa déception.
A l'image de ma glorieuse personne envers les machines montoises.
La Belgique n'est pas américaine, elle est belge et c'est déjà un microcosme inatteignable pour beaucoup, tant l'indépendantisme idéologique discret et le positionnement peu sonore mais néanmoins explicite de leur pseudo diversité ethnique nationale démontrent le fort attachement qu'ils portent à leur identité unique, bien plus encore mais évidemment moins ostentatoirement que les moutons gaulois.

J'attends vos conclusions d'expertise sur mon bureau.
Lundi, huit heures.
Sans faute.


Dans tous les cas, il faut bien se ranger à l'évidence puisque c'est bien la seule morale commune que l'on peut en retirer : la bière adoucit les mœurs, les gens n'aiment pas les héros, le sperme ne part pas à soixante degrés et les belges sont aimablement amorphes.

Là encore faute de meilleure alternative.
Mais l'humain ne me laisse pas vraiment le choix en la matière.
Je le réduis de mon mieux.
Et même lutinisé, il persévère dans ses récurrentes infiltrations en mon monde.
Libre à moi de le châtier en conséquence.
Ce que je fais.


Trafiquant d'organes
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lapinchien

çà fait du bien toutes ces purges et saignées sur les textes en attente.

nihil

C'est le branle-bas de combat là avec Winteria, on purge du Omega et on va purger un peu de Mill, on va refuser quelques textes, la semaine textes de merde qui arrive bientôt devrait permettre d'en évacuer quelques autres. Ras le cul des trucs intellos, fumeux, lourdingues. Tout à la benne, d'une manière ou d'une autre.
Trafiquant d'organes
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nihil

3615 CODE AMOUR (appel hypothétique surtaxé)
Posté le 14/03/2007
par Omega-17



Il s'est rhabillé, je lui ai proposé un dernier verre « pour la route » et il l'a vidé d'un trait, comme un homme ; devant la glace du vestibule, il a recoiffé ses cheveux brièvement en souriant. Il est fier mais il sait que cette fierté n'est grande seulement si elle demeure clandestine et il tient trop à nous pour vendre la sublimation de notre complicité contre un peu plus d'ego inutile. Il est beau quand il est sûr de lui. Il est beau en toutes occasions. Je porte sa chemise Rip Curl, mon whisky encore à la main, il regarde mes cuisses, s'attarde sur ma culotte puis me fixe d'un air un peu triste, un peu macho. « Bon, allez, je vais devoir partir, hein ma chérie... ». Oui, il faut qu'il rentre, évidemment.
L'après-midi a été inoubliable ; il m'a fait l'amour six fois : dans le salon, la chambre et la salle de bains. Il le fait comme un homme, pas comme un gamin ; il sait être d'une tendresse passionnée comme d'une brutalité nécessaire. Il n'a pas beaucoup d'expérience d'après ce qu'il m'a dit mais on le dirait fait pour ça. Je revois encore ma face haletante et épanouie dans le miroir au-dessus du lavabo, j'aime la vie un peu plus fort dans ces moments-là. Sans parler, il me dit que rien n'est tout à fait terminé tant qu'on ne l'a pas décidé. Je rêve éveillée et je ne peux qu'espérer que mon sommeil ne prenne pas fin sous peu.
La première fois, il m'a dit qu'il m'aimait. J'ai souri. Moi, je l'aime totalement, pleinement et il n'a aucune idée de ce que cela représente. Ce n'est pas important ; le véritable amour, grandiose et dramatique, réel et forcené, ne voit sa supérieure illustration que dans le sentiment à sens unique. La souffrance indissociable à toute valeur de cet ordre.
Il doit rentrer et s'occuper de sa petite sœur, Léa. Une fillette adorable, elle est en CP avec Mme Veneix, un des derniers piliers de l'éducation lucide, bien loin des nouvelles méthodes qui forment les analphabètes des prochaines générations. Moi, je m'occupe des troisièmes et des secondes. Pour la majorité, des gosses pénibles, incapables de se concentrer pendant cinquante-cinq minutes, d'une puérilité graveleuse déconcertante.
Seb, lui, semble n'avoir sa place nulle part, encore moins en leur compagnie. Il est sorti avec une fille de la classe en début d'année, une pute en devenir légèrement plus intelligente que les autres, ils n'ont pas couché ensemble et elle s'est faite plaquer au bout de deux semaines. A la fin de mon cours, il prenait tout son temps pour ranger ses affaires ; je savais bien qu'il me matait en permanence, plus tard il m'avoua qu'il se masturbait tous les soirs en se remémorant les courbes de mon corps, en imaginant nos unions instinctives, nos sens réunis. Que celui qui n'a jamais phantasmé sur l'un de ses professeurs lui jette la première pierre.
Je sens bien que cette liaison l'excite énormément, tout comme moi, cependant mon vécu ne me laisse que peu d'espoir sur sa continuité, moins encore à propos de sa sérénité. La menace pathétique mais présente des bien-pensants plane en permanence sur nous, sans compter sur les retombées judiciaires envisageables dans ces cas-là et la perte immédiate de mon travail. Je ne devrais pas y penser et surtout pas faire partager mon ressenti à Seb mais il génère un tel charisme, une telle perception de l'humain malgré son âge, que je me repose souvent de mes atroces questionnements sur lui. Je suis censée diriger cette relation, il me revient de prendre les décisions, d'imposer la rupture dès qu'elle deviendra évidente si elle ne l'a pas toujours été, d'ailleurs. Je n'en ai pas envie et à homme d'exception, situation d'exception, c'est ce que je me dis. J'aurai tout le temps de faire semblant de le regretter plus tard. « Mais qu'ils aillent se faire enculer, on n'en a rien à foutre, nous. A partir du moment où ils n'ont aucune preuve, ils peuvent toujours se branler avec leurs soupçons si ça leur plaît... ». Touchante rébellion. Comme toutes les rébellions. Après ce genre de conversation, fatigués de nous torturer, nous baisons inévitablement, comme pour nous venger, nous sécuriser, nous consoler. Un pied-de-nez concrètement dérisoire mais dans l'absolu, un palliatif efficace à court terme. Je le sais, il le sait. J'ai trente-six ans, il en a quinze. C'est ainsi.

J'avais pris un pied d'enfer. Quelques minutes après mon arrivée, mes mains sur ses hanches, j'avais pénétré un monde parallèle. La meilleure baise de ma vie et la barre est placée très haut, ce sera difficile à battre. Du six et demi sur l'échelle de Richter. La femme ultime ; dans dix ans, elle vaudra encore sûrement toutes les pouffiasses de mon âge dont le seul but est de se faire troncher pour aller le raconter aux copines, d'un air mystérieux, au téléphone ou au café, histoire de démontrer qu'elles ont pris de l'avance sur les autres dans la course perpétuelle pour le titre de la plus grosse salope opérationnelle sur le marché. « Je baise donc je suis ». J'ai lu Descartes, enfin des extraits et je suis sûr qu'il aurait pu permuter la fin de sa phrase devenue culte en vivant à notre époque.
Avant de quitter l'appart, je me suis envoyé un Sky, ça m'a redonné un coup de fouet. J'aurais bien aimé remettre ça avec elle du coup mais je devais aller chercher Léa à l'école. Léa, c'est ma petite chose, elle ne deviendra pas un génie des temps modernes - elle ressemble déjà trop à sa mère - mais pour le moment, elle ne persécute pas mon univers. Je crois que c'est pour cela que je la supporte sans problème.
Elle était appuyée au mur avec son verre et elle me couvait du regard. Ma chemise s'ouvrait sur un corridor de peau tendre, s'arrêtant sur les contours de la culotte que j'avais enlevée en tremblant un peu au départ ; je pense qu'elle a compris que ça m'excitait alors elle la met et c'est vrai : ça me rend complètement fou. Je l'ai sauté dans toute la baraque, c'était un espace-temps innommable, j'ai atteint le sublime. J'y repense encore dans l'escalier : non, décidément, il y a peu de chances pour que j'atteigne un jour le même nirvana. D'ailleurs, en mettant mes écouteurs à la sortie de l'immeuble, je tombe sur Cobain qui se déchire sur « All Apologies », il n'y a pas de hasard dans la vie. J'ai dit que je l'aimais. Ca n'engage plus à grand-chose de nos jours. C'est peut-être le cas, il faut que j'y réfléchisse. Il n'y a rien à réfléchir.
Je me suis mis à bander en passant le portail pour me diriger vers le bâtiment des primaires, tous ces gens, cette agitation de mères en pagaille qui ont déplacé leur attachement au père vers l'enfant. Je baise avec fureur une femme qui pourrait être leur amie, leur confidente alors qu'elles acceptent déjà des coïts bimensuels, hebdomadaires dans le meilleur des cas. Grognasses qui viennent couiner, les mains agrippées au landau, pour venir se plaindre à l'accueil de la hausse du prix du ticket-cantine. « Ah mais oui, mais quand même, ça commence à devenir de plus en plus cher, MOI, en tant que MERE, ça me fait une dépense supplémentaire dans le budget de la FAMILLE ». Espèce de pauvre merde, personne ne t'a demandé de faire sortir un gnome de ta chatte béante, viens pas jouer les Cosettes, tu savais à quoi t'attendre. Ouais, j'ai lu Hugo aussi, mais vite fait, ça m'a rapidement gonflé. Putain, j'ai envie de leur éclater la gueule avec les chaises en plastique du préau de la maternelle et de leur enfoncer des crayons de couleurs dans les orbites pour voir si ça peut leur faire passer l'envie de polluer mon environnement. Leur taillader les ovaires m'aiderait aussi à compenser. Les bouquins de Houellebecq également. J'ai passé mon temps à lire depuis que j'ai six ou sept ans, ça m'a empêché de finir en HP ou sous un train, en tout cas jusqu'à présent. Je deviens dingue, un vrai psychopathe. D'un autre côté, je n'arrive pas à contrôler ces bouffées de haine, l'humain me donne des idées morbides. Comment supporter ces gens pendant toute une vie... ? Impossible. Strictement impossible. S'ils osent en plus se mettre entre moi et Véro, je ne répondrais plus de rien.
Léa me tient la main : on rentre à la maison. Si elle me quitte, je la tuerais peut-être. Avant de sauter de son cinquième étage. Il n'y aura rien à regretter. En attendant, on se voit ce weekend et je vais de nouveau passer de l'autre côté de la vie, celui que je ne voudrais jamais quitter. J'ai quinze ans, elle en a trente-six. C'est ainsi.


Sept ans plus tard

Si j'avais eu une sœur plus jeune que moi, elle aurait rapidement opté après quelques années à mon contact pour une carrière dans le clergé ou pour la méditation à vie dans un ermitage des Carpates. Dégoûtée de l'Homme, des choses de ce monde. Un service que j'aurais pu lui rendre, probablement.
Si j'avais eu autant de succès avec les femmes mûres, j'aurais fini gigolo dans la capitale, blindé du fric des roturières middle class en manque et des veuves du XVIème. J'aurais ma table de salon pleine de flyers, des costards Valentino Rossi et je fumerais des Dunhill à compartiments en me disant que j'ai réussi à m'en sortir dans la vie, quand même, et plutôt bien. Un service que j'aurais pu me rendre, peut-être.
J'ai un peu moins menti concernant les autres éléments.

Aujourd'hui, mon bilan est plutôt « mitigé ». C'est une bonne technique pour contourner l'idée ennuyeuse qui revient à se dire que l'on a foiré sans l'ombre d'une hésitation les bons trois-quarts de ce que l'on a osé entreprendre. Futile mais efficace dans l'instant. Comme le reste, finalement.
Aujourd'hui, elle ne s'appelle pas Véro, elle n'est pas prof et elle n'a pas trente-six ans ; je ne m'appelle pas Seb ( bien heureusement ), je ne suis plus élève depuis des siècles et je n'ai plus quinze ans. Elle s'est mariée sur « Still loving you » et je suis resté célibataire sur « Talkin' about evolution ». Duel de style. Qui vivra verra. C'est tout vu.


Trafiquant d'organes
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MILL

Putain, c'est efficace comme purge. L'Oméga n'a plus que 7 textes en attente!
Si vous voulez me purger aussi - bande de vautours - commencez plutôt par ceux qui ont déjà été retirés de la liste d'attente. Et pis, dans le genre, j'en ai d'autres. Niark, niark.

Winteria

On a déjà commencé, je me suis tapé à peu près tous tes textes.

Winteria

Inutile de dire que c'est le plus grand génocide que mes neurones aient jamais connu.

Glaüx

Les tirailleurs sénégalais, c'était des fiottes, à côté de Narak et Winteria.

nihil

La proximité d'un échange, la possibilité d'une réflexion
Posté le 18/03/2007
par Omega-17



J'étais en très grande forme. M'écoutant parler, observant ma gestuelle et appréciant les modulations de mon intonation, j'étais au spectacle et l'emphase soignée qu'apportait l'acteur à son monologue assuré était un ravissement de tous les instants :
« ... et je t'estime, je tiens à toi, tu m'es chère, j'ai envie de ton corps mais je ne suis pas amoureux. Si tu m'aimes complètement et absolument, si tu te dis souvent que sans moi tu ne te sentiras plus capable de continuer : c'est grandiose et merveilleux. Tu sais bien que l'amour véritable et forcené ne trouve sa magistrale - et d'ailleurs sa seule - illustration que dans le cadre d'un sentiment à sens unique. Moi, je l'ai été et il ne s'est physiquement rien passé avec cette personne, mais je connais la grandeur que ça représente. Tu as peut-être été amoureuse avant de me rencontrer, tu perçois l'acmé atteignable de la stase ultime de l'évidence dans ces moments-là. Seul l'individualisme sacralise l'effet apocalyptique de ce sentiment. Ceux qui prétendent qu'il se partage sont au mieux des naïfs sordides, au pire les criminels brutaux de la souveraineté de l'être ressentant par lui-même, en lui-même et pour lui-même. »

Elle regardait par terre, allongée sur le lit dans une pose qui était initialement lascive et qu'elle avait conservée par commodité sans doute, avec la petite moue introspective de celle qui n'était pas convaincue par l'argumentation héroïque que je développais depuis dix bonnes minutes. Je m'étais déjà servi de la notion de sentiment à sens unique, relativement correcte et plutôt pratique, et j'étais peut-être allé trop loin avec l'acmé et la stase mais globalement, je me trouvais assez persuasif. J'étais entraîné aux discussions théoriques ayant la dissection interne des comportements et ressentis humains comme thème. Je ne prenais pas vraiment de risques en jouant sur mon terrain, mon jeu se déployait lentement, par vagues à fort potentiel de dispersion. Mes idées avaient le monopole de l'espace communicatif mais le flux passablement dissimulé de sa tristesse profonde les renvoyait à leur point de départ. Non, décidément elle ne rejoignait pas ma vision des choses et de la situation. Mon empathie, généralement peu assidue en termes de présence et de régularité, me fit rapidement prendre conscience qu'en l'occasion, sa position devait être assez pénible et contradictoire alors qu'elle essayait de considérer la validité de mes conseils. Il est vrai que je lui demandais, en admettant le caractère flagrant de ma démonstration, d'être heureuse de son malheur.

Finalement, j'étais parvenu à un niveau où il était clair que l'existence donnait raison à ma lucidité et à ma franchise tout en faisant de moi un bel enculé.

« Alors pour toi, l'amour est un acte égoïste... ? C'est tout le contraire il me semble, mais moi aussi, je suis capable d'aimer sans retour, même si je ne crois pas que ça soit l'idéal. (...) Quand tu parles, j'ai l'impression que tu es encore devant ton ordinateur, à écrire tes textes en cherchant les tournures les plus frappantes ; tu te racontes : 'la vie au service du mot', on dirait des 'Martine', sauf que c'est toi à la campagne, toi dans le train, toi et les femmes...
- C'est ça, le néo-réalisme. Ca me fait penser que si je tombe sur l'auteur des 'Martine' et si ce personnage inhumain est toujours en vie, j'aimerais beaucoup lui témoigner ma reconnaissance pour sa participation à la littérature française en le suspendant aux branches d'un platane par l'intestin grêle. »

Elle a pouffé de rire. Une seconde ou deux. Et puis tout est retombé, l'entracte avait été bref. Je savais que ça ne durerait pas, on ne commence pas ce genre de discussion en concluant sur une saillie improvisée, le goût d'inachevé est bien trop puissant. Je me suis décollé du mur auquel j'étais adossé et j'ai écrasé ma clope dans le cendrier 'Broie du Noir' en allant chercher une bière au frigidaire, j'en avais plus envie que besoin et je lui en ai ramené une autre pour permettre à ses mots de sortir plus librement. Le claquement si apaisant et déjà si frais de l'ouverture par la goupille métallique résonna un peu dans la pièce aux trois-quarts vide et contrastait avec la chaleur caniculaire qui y régnait ; j'avais mis le chauffage à fond, une vieille technique connue de tous les opportunistes pour inciter à un effeuillage spontané plus rapide. C'était d'autant plus ridicule que c'était parfaitement inutile : elle avait envie de moi avant même de passer la porte et à tout prendre, elle se montrait presque plus entreprenante que moi. On ne se refait jamais.

« Qu'est-ce qui t'a attiré chez moi, alors ? »
Basique. Et typique de la femme qui croit déceler chez son compagnon du moment les vives émotions qu'il entretient à son égard - secrètement évidemment, par fierté virile et rejet de toute sensiblerie ; les acquis féminins concernant le genre opposé étant tout aussi désespérants que leurs alter ego membrés - et qu'elle aimerait plutôt mettre à jour, ou surtout confirmer. J'appelle ça 'l'espoir malin'. Médicalement parlant. Sections pathologies cancéreuses et tumeurs persistantes.
« Tu as certainement une densité de connexions synaptiques plus élevée que la moyenne des femmes de ton âge et ta vulve a indéniablement un sens de l'hospitalité tout à fait plaisant.
- Très fin...
- N'est-ce pas ? »
Suite à cette réplique, je m'octroyai une bonne gorgée de houblon glacé en caressant l'intérieur de sa cuisse qui semblait défier les lois de la chimie élémentaire puisque tout corps - plus encore s'il est de nature organique - est censé se liquéfier ou s'évaporer directement dès qu'il est soumis à une certaine température, ce qui n'était présentement, pas le cas.

« 'La possibilité d'une île'... T'as fini de le relire pour la troisième fois ?
- Ouais. Monumental.
- Putain, faudrait que je m'y remette, moi aussi...
-Je ne te le fais pas dire. Parlons cellules grises, alors : et ton mec, il fait quoi, là ?
- La cuisine sans doute, il adore concocter des petits plats, c'est son plaisir.
- Comme quoi, il y a des gens peu exigeants. Moi, je suis un infirme de 'la concoction de petits plats, c'est mon plaisir'. Pas le même degré d'exigence, probablement.
- Ca m'est égal, je peux bouffer des pâtes tous les jours, c'est pas un problème.
- Là, t'es en train de marquer des points... Vous vous êtes rencontrés comment ? A un congrès sur l'usage et le caractère évolutif des figures stylistiques au sein de la syntaxe contemporaine dans la littérature occidentale ?
- Le seul bouquin qu'il feuillette, c'est Télé Z.
- Je sais bien, justement. »
Se mettre en valeur en rabaissant le régulier, chose aisée voire inutile quand celui-ci y a déjà bien travaillé, n'a rien de très glorieux mais n'est en aucun cas méprisable non plus. Surtout quand cela peut permettre un resserrement aussi léger soit-il du lien complice, et donc prétendre à une plus large liberté d'expression amenant l'atmosphère sereine et intime à un échelon supérieur.

« En fait, c'était un ami du copain de ma sœur.
- Ouais, les plans foireux commencent souvent de cette manière.
- Au bout de quinze jours, je me suis dit que c'était 'bof' comme relation. Et puis, finalement... »
J'avais souvent noté la même chose, effectivement. L'utilisation de la qualification de 'bof', malgré sa trivialité de langage et le registre de l'onomatopée familière peu expressive auquel il appartient, s'apparente à ce curieux phénomène d'acceptation rentrée, de résignation existentielle et de balayage panoramique de ce qu'il est convenu d'appeler 'les états moyens' , que le genre humain a conçu en réponse à l'insatisfaction globale chronique qui caractérise son existence. Et il m'est apparu, qu'en effet, les motivations, les buts, les ambitions, les compromis de tout ordre et les états de fait, de manière assez flagrante, appelaient à poser un constat de 'moyenneté' sur l'ensemble des entreprises, particulièrement celles concernant les relations humaines et sûrement plus encore quand elles incluaient une volonté sexuelle cherchant vainement à jouer les rôles de para-ennui, de para-solitude et principalement de para-peur que leurs instigateurs des deux sexes lui donnent, plus ou moins consciemment selon les sujets. Rappelons à cet effet le fameux aphorisme descartien qui synthétise à merveille ces évidentes observations : « Je baise - ou en tout cas je vis avec quelqu'un - donc je suis ».

« Au bout de quatre ans, on s'est dit qu'on avait qu'à se marier. Et voilà.
- Et voilà. Une décision remarquable. Tu t'en es mordue les doigts jusqu'à l'omoplate, j'espère ?
- Mouais, enfin...
- 'Bof', quoi.
- Voilà.
- Bien. Ton dossier est intéressant. D'autres détails ?
- Il a une deuxième adresse MSN où il stocke ses contacts, tout droits venus de quelques sites gays, du genre 'on est mieux entre hommes' ou 'pour de vrais dialogues virils'.
- Intéressant. Tu y trouves un prétexte à le tromper, l'origine partielle de ton absence relative de culpabilité ?
- Disons que je m'en servirai au besoin.
- Légitime.
- Tu penses ?
- Oui. Même si je voulais le défendre, j'en serais incapable : c'est un lecteur de Télé Z, tout de même. L'affection que je porte au basset artésien pour son attitude lymphatique majeure n'inclue pas la cooptation de ton mec dans mon univers stratosphérique.
- Ca m'aurait étonnée.
- Ca m'aurait troué le cul. »
J'ai allumé une clope, les bières sonnaient creux. J'ai propulsé de l'Eristoff dans deux verres et je me suis réinstallé sous la couverture, la température avait dramatiquement chuté. La proximité de nos corps un peu avides de complémentarité tînt lieu de thermorégulation et un lot de possibilités allant du fantasque au probable prirent place en nos cervelets souffreteux.
Bien sûr, il y a plusieurs méthodes pour conserver durablement son côté démentiel mais ma préférence va à ce genre d'interviews, agrémentées de satisfactions primaires comme non-palpables. D'espoirs vains, de projections lunaires, de réalisme cruel et nécessaire.
De la torpeur naissant de l'analyse du contenu et de son contenant.


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