La respiration du maire O’Brian se fait plus forte et plus ample, elle augmente l’apport en oxygène à son cerveau. Ses muscles se tendent, ses pupilles se dilatent… En une fraction de seconde, je vois ses lèvres s’assécher, sa bouche devenir pâteuse alors que son front s’inonde d’une sueur vaporeuse. Sa sécrétion de salive diminue… sa transpiration augmente… tous les signes avant coureurs sont bien présents. Et mes soupçons se confirment, tous mes doutes se dissipent…
J’ai eu du mal à décrocher cet entretien privé, ce tête-à-tête… Il m’a fallu batailler ferme, arroser des connards que je n’ai pas l’habitude de fréquenter. Je me console en sachant que tout mon cash ne servira jamais à alimenter leur business. En tous cas, quoiqu’il en soit, çà valait le coup… Tous mes sacrifices moraux viennent d’être récompensés…
Un léger sourire illumine d’abord la sale gueule d’ O’Brian, ses deux grands zygomatiques se contractent. Leur crispation associée à celle des muscles nasaux et orbiculaires des paupières entraîne l’ouverture de sa bouche fétide dont les commissures s’étirent vers le haut. Elles entraînent sa lèvre supérieure qui dévoile une rangée de dents artificielles agrémentées d’un postiche en or massif.
J’étais biochimiste dans un grand laboratoire. Je m’entraîne déjà à utiliser le passé dans mes phrases même si théoriquement, ce boulot, je l’ai encore. Dans un instant, rien ne comptera plus à par la fuite et l’exil. Je ferai table rase d’une vie qui somme toute devenait routinière, ne me correspondait plus. Je me sentais de toutes façons, inutile, à la limite de la dépression… Un jour par accident, j’ai fait une découverte… Certaines bactéries que j’étudiais sécrétaient une substance nutritive intrigante, impliquée dans une réaction de polymérisation peu banale. J’ai trouvé une utilisation inattendue pour cette substance dans le domaine de la papeterie industrielle. Les feuilles de papier tirées de ce procédé contenaient en effet un marqueur unique, le code génétique de la bactérie dont la substance était issue. Les domaines d’application étaient si divers et variés, allaient potentiellement engranger de tels bénéfices, que de suite, le grand laboratoire pour lequel je travaillais, a déposé un brevet et m’a écarté des recherches que j’avais initié. O’Brian est l’actionnaire principal de ce grand groupe… Avec mon éviction implicite, on peut dire qu’il a trouvé un moyen de m’agacer et d’attirer toute mon attention.
Les paupières, les sourcils grisonnants et la couenne qui recouvre la glabelle du maire se relèvent. Sa vilaine peau se plisse dans la partie supérieure de son nez et aux commissures externes de ses lèvres et de ses yeux… ça provoque l’apparition de rides cutanées profondes en travers de sa tronche de cake. Je sens que son rythme cardiaque s’accélère, que sa pression artérielle augmente…
Aujourd’hui a eu lieu le second tour de l’élection municipale de la mégalopole. O’Brian, le challenger, est le grand favori, il était annoncé gagnant de sources officieuses en début d’après-midi. J’ai eu un mal de chien, vous l’aurez compris, dans de telles circonstances à pénétrer dans son QG de campagne… Mais rien n’est impossible, même si ses plus proches collaborateurs ont une forte quotte sur Ebay. Apparemment, il n’y a plus d’incorruptibles de nos jours, c’est à se demander si cette race-là a un jour existé… La confiance est une marchandise comme les autres, elle se monnaie, elle se troque, on en tire des commissions…
Les contractions des muscles faciaux de ce connard d’O’Brian, qui pendant un bref instant me laissent présager qu’il va vider son rectum dans son calebute, s’accompagnent maintenant d’une bruyante vocalise. Celle-ci est engendrée par de profondes inspirations suivies de contractions courtes et spasmodiques du diaphragme, du larynx et de l’épiglotte qui étranglent de fait sa cage thoracique. À partir de ce moment, sa respiration devient saccadée… Cette merde éclate de rire ! Il trouve ma vanne pourrie, rigolote ? Il la corrobore ? Il adhère à son discours ? Il voit tous ces cons d'électeurs avec sa bite à la main... Ils sont tous là, les uns après les autres, à se goder violement le cul...
J’empoigne alors consciencieusement le flingue que j’ai planqué sous ma gabardine. D’un mouvement précis et rapide, je le déplace jusqu’à ce que le prolongement du canon ne coïncide avec le sommet du crâne oscillant, pris de spasmes, du politicard véreux. Je n’hésite pas, je tire…
Le rire est un aveu, une confession que notre esprit n’a pas le temps de formaliser. Notre corps se charge, par réflexe, de révéler ce que notre raison pourrait occulter par calcul. C’est imparable, mécanique… Il arrive rarement de rire par dépit lorsqu’on se trouve au pied du mur, confronté à un interlocuteur borné, intransigeant, imperméable à nos arguments… C’est rare… C’est un rire crispé reconnaissable entre milles. Non, le cas présent, c’est indéniable, il s’agit d’un rire de connivence, un de ces rires qu’on laisse échapper lorsqu’on se croit entre acolytes, en terrain conquis et sécurisé. Cette ordure d’O’Brian allait donc accepter de se faire graisser la patte, de truquer des appels d’offres publics ?
Le crâne du maire vient d’éclater, une balle de 9mm vient de violer son intimité cérébrale et disperse derrière elle une myriade de petits bouts d’os, de peau, dans un nuage fin d’hémoglobine. Elle poursuit sa trajectoire et mêle de fines particules métalliques aux endorphines dont le rire a stimulé la production. Ce même rire a produit l’isolement des neurotransmetteurs fabriqués par le système nerveux, notamment adrénaline et noradrénaline. L’organisme d’O’Brian est de fait moins réceptif à la douleur ce qui est légèrement dommage, mais tant pis, je suis quelqu’un d’impulsif. On ne se refait pas…
Je repense alors à toutes ces putes que j’ai arrosées… Elle ne le savent pas encore mais tous les biftons en petites coupures que je leur ai filé, sortent tout droit d’une petite imprimerie que j’ai improvisé dans ma cave… Les billets vont se vaporiser dans 24 heures… Tous ces petits voyous en col blanc auront peut-être le temps de négocier quelques deals avant ? Quelle angoisse… Non… Voyons… çà va les desservir, foutre un boxon du feu de dieu dans le milieu… Toute cette vermine va s’écharper dans quelques heures, toute leur économie souterraine sera ébranlée… çà sera le jeudi noir de leur Stock Exchange Underground… J’ai ajouté quelques bactéries en léthargie dans ma pâte à papier. Après tout, ce super papier est conçu à partir d’une substance nutritive qu’elles sécrètent à la base, n’est ce pas ? C’est à ces petits organismes monocellulaires que devrait revenir l’usufruit du brevet, non ? Leur ADN permettait d’assurer la traçabité des feuilles, d’en garantir l’unicité… Je leur souhaite bon appétit !
Faudrait que je pense, peut-être à me casser ? çà doit faire deux minutes que je contemple ce connard de maire affalé comme un flan dans son fauteuil molletonné… Putain ! Jamais je franchirais le hall du QG… Je vais me faire écharper par ces suce burnes de militants lobotomisés ! Mais qu’est ce … y-a un raffut pas possible derrière la porte du bureau du maire… On croirait que le hall est en état de siège… Les sous-fifres courent dans tous les sens, affolés… Je suis foutu… Ils savent que j’ai flingué l’autre bite ! Attendez… mais çà cause ? Je colle mon oreille sur la porte : « Election annulée… Tous les bulletins de vote s’effritent lors du dépouillement comme s’ils étaient façonnés de cendres… C’est la panique dans toute la mégalopole…les votants se rebellent… Ils demandent des comptes… »
Quelle heureuse surprise… Je ne suis pas le seul que çà fasse rire apparemment… O’Brian est pris de violents spasmes et glousse du sang… Certaines lésions de l’hypothalamus, des lobes temporaux ou frontaux peuvent provoquer des crises d’hilarité injustifiée… Je le laisse agoniser, je me glisse par la porte de son bureau et me fonds au milieu des émeutiers ayant investi les lieux.
(O______O) Lapinchien
«L’urne est le fion de l’électeur… Il tient la teub du politicien, plus communément appelée bulletin de vote, à la main. Le citoyen se fait un devoir, une fierté, de glisser ce bulletin dans l’urne. Quelle ironie n’est-ce pas ? Il se fait enculer par le politicien… La démocratie est une sorte de sodomie par délégation… », Je viens de finir l’énoncé pathétique d’une vanne puante et même pas drôle de surcroît…
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Pas convaincu par l'utilité d'un contexte amerloque. Ca fait un peu "à la mode".
Par contre, le texte est excellent. Style vif, les parties descriptives sont sympa, et l'histoire tient. Ouais c'est bien cousu.
La plupart de mes histoires se font dans un contexte americain, c'est pas dû autant à ce que j'aie veccu là bas, mais plus au fait que je veuille qu'elles soient adaptées au cinéma par David Fincher... J'me vois mal parler de cassoulets et de Felix Potins
Excellente morale, très belle exécution. Splendide.
c'est trop bon le truc de la mere qui tue ma parole!
je peux t'essuyer les burnes avec un mouchoir en soie?
pitié, je veux toucher à ton génie.......
J'aime beaucoup le titre, qui me rappelle mon enfance sur Multimania.com
Hormis ça, un peu de mal avec la structure du début genre "puzzle qui se rassemble petit à petit", parce que du coup on met longtemps à piger ce qui lie les paragraphes entre eux. Je sais c'est voulu, mais moi j'emmerde les volontés perverses d'un auteur de bazar. Et le confort du lecteur, merde !
tu viens de manquer de respect au Grand Lapinchien. je te prierais de retirer ces innomables et terribles grossieretes a l'égard de Notre Maitre a tous. et dans le cas contraire je me verrais obliger de lancer une campagne de propagande pour te discrediter. (a coup de bisounours et de hello kitty) Reste a savoir coùbien de temps tu tiendras...
alors obtempere, tout de suite
merci, merci, vous aurez tous droit à votre fiche technique recette de cuisine détachable , supplement à 2€ de la Zone...
L'ultime fin reléve pas mal la fin et tout le texte par la même occasion. J'aime bien le concept qui nourrit agréablement l'histoire et donne tout son intérêt au texte.
L'ensemble de commentaire démontre la profonde vacuité intérieure de son auteur, agréablement masquée sous des atours à la Télérama®. Ce constat donne tout son intérêt au commentaire. Blurb.
Pour un commentaire Télérama, il manquait les mots "border line", "contemplatif" et "asiatique".
Pas mal, pas mal. d'un autre coté, coté dénonciation, le thème reste super classique. Mais des fois faut enfoncer les portes ouvertes. Mais globalement j'aime bien voir celui qui habituellement a tout le monde, se faire avoir en beauté.
Règle N°1 : essayer de ne pas oublier de dans une phrase.
l'avantage d'enfoncer des portes ouvertes c'est qu'on a pas besoin d'élan * (attention cette métaphore peut gravement nuire à la santé mentale des lève-tôt)
*rupture d'anévrisme*
Chouette nouvelle, je trouve l'idée de base excellente.
Le style est efficace, pas trop compliqué malgré l'usage du champ lexical scientifique, le rythme donné par l'alternance des phases action/description donne un certain dynamisme au déroulement de l'histoire.
Mais le meilleur de l'histoire, reste à mes yeux la signature. Simple, racée, une véritable démonstration d'élégance et de raffinement. Ces deux grands yeux qui scrutent le lecteur, avides d'une reconnaissance amplement méritée, sont liés par ce trait horizontal symbolisant une bouche à la parole alliant sobriété à efficacité. Cet avatar au franc-parler qui nous regarde dans les yeux ne peut qu'inspirer notre confiance, en s'adressant ainsi à ce qu'il y a de plus noble en chacun de nous, l'honnêteté et la droiture. L'ensemble est délimité par deux parenthèses, donnant à ce visage une solide cohésion, une indiscutable unicité qui deviendra sans nulle doute une référence en la matière pour les années à venir. L'équation "yeux+bouche+contours=visage" a une fois de plus fait ses preuves, et l'auteur a su prouver non sans maestria qu'il avait su intégrer et s'approprier les subtiles nuances intrinsèques au concept même de signature, voire à l'essence de ce concept. Magnifique, tout simplement.
mdr
c'est vrai que mon combat pour l'horizontalisation des smileys du web est quant même un brun désuet... un peu comme la tournure de ma derniere phrase. Putain, pourquoi je cause comme un personnage de comic strip d'abord ?
ce qui est bien avec mon texte, c'est qu'il a su émouvoir les filles, les vraies...
Pourquoi, c'est pas un site gay ici ?
Si, mais seulement avec des mecs de deux sexes.
Futé et amusant.
Ce sera vite oublié, parce qu'il n'y a qu'une seule (bonne) idée, mais le style est fin : ça passe comme une compote de soudanais.
Miam.