LA ZONE -

Grand-messe

Le 18/01/2009
par Traffic
[illustration] Après cinq crash d’avions dont un de 428 personnes sur Kuala Lumpur et trois assassinats de bébés violés à l'occasion d'une tournante de retraités des chemins de fer français en mal d’amour, j’ai éteint la télé. Pas que ça me lasse, le malheur du monde. Mais la salope qui présente le vingt heures n’arrêtait plus de pérorer, il était évident que ça ne finirait pas en gang bang. Et ça m’énervait.

La dernière fois que j’avais rêvé, j’avais bien réussi à lui faire se mordre les lèvres à cette grosse chienne. Enfin, ce n’était pas la première fois que je devrais me débrouiller seul avec ma queue.

Je considérais plutôt cela comme une fin en soi tout à fait acceptable. Et puis, j’avais aussi le choix d’aller me faire sucer aux putes et en second, je pouvais opter pour une option intermédiaire comme appeler Babeth la fille moche qui pouvait te presser l’huile des olives par simple sollicitation, agréant à la perfection par cette attitude ses qualificatifs de salope et de grosse pouf.

Ca l’excitait. C’est scientifique, y a tout un tas de gens qui rentrent dans des états pas pensables dans ce genre de situation. C’est comme s’ils n’avaient plus rien à perdre, ça les détend un max et les voila capables des pires bassesses. En plus, ça ne leur cause aucune problème et ils sont souvent plus équilibrés que ceux qui se font tout un évènement d’une pipe à un inconnu ou d’une sodomie entre mecs.

Mais moi non. Je préférais encore regarder les actualités avec la pute du journal en train de faire briller son gloss car c’était elle la plus érotique. Gang Bang de 20 millions de téléspectateur. Ejaculation sur la chute du CAC 40, branlette sur l’autopsie d’un type retrouvé dans un canal deux mois après sa disparition, le râle doucereux sur l’ouverture du festival de coutellerie à Vienne, toujours ce gloss, ce sale gloss, cette poitrine qui pointe sous le chandail.

Je dois changer tout ce bordel. Je ne peux continuer ainsi, je le sais.

Pendant l'écran de pubs qui a suivi, je me suis détendu en faisant des nœuds. J’ai la passion des nœuds étant enfant de marin. Tout petit j’en ai appris une centaine et je garde toujours des bouts de corde chez moi. Tout fait l’objet d’un nœud au fond. Au bout de cinquante nœuds, j’ai décidé de sortir.

Je me suis promené le long de la Seine. Il y avait des lumières sur les péniches, j’étais excité comme un fou et aussi nostalgique. J’aimais tellement quand je voyais des images qui me rappelaient mon enfance. Mon père qui me promenait sur les épaules et qui me montraient les péniches. « Tu vois mon fils ce sont des bateaux comme le travail de Papa ».

Même si mon père, je ne l’ai pas beaucoup connu, je reste mélancolique à son évocation. Il est mort quand j’avais quatre ou cinq ans. Noyé sur son bateau de pêche au thon dans une collision avec un cargo, l’horreur des marins ces grands bâtiments qui coupent la mer de façon impitoyable. Je ne sais si le souvenir que j’en ai est vrai ou s’il s’agit d’une pub Saupiquet que j’ai vu quand j’étais gosse. Ma mère n’a jamais voulu me parler de lui. Je crois qu’elle préférait tout oublier. J’ai compris qu’il lui avait gâché sa vie en lui donnant cet enfant et en l’abandonnant pour remonter dans sa Bretagne. Ce qui la rendait le plus folle c’était quand je faisais tous ces nœuds. Ses yeux faisaient du yoyo.

Je suis remonté à l’appart et j’ai donné des croquettes à des chats errants. Je me suis couché et je me suis astiqué en pensant à un déraillement de train. La nuit, la journée de boulot aux abattoirs et le lendemain soir arriverait.

J’étais à l’heure sur mon canapé avec un plat de moules parce que c’est pas cher et que le travail aux abattoirs, ça rend pas riche. Je regardais la salope. Elle avait mis un chemisier noir ouvert d’un bouton. Il y avait eu un ouragan et on voyait des gens pleurer et d’autres allongés morts dans la boue. Tout était souillé, marron et puis les caméras sont revenues sur son visage sublime.

Encore une information sur un détournement de fonds de la part du responsable de la Croix Rouge et un viol sur des africaines par des responsables de RSF. Le Sida était évoqué comme en augmentation. Des gens avaient été contaminés par une usine nucléaire qui refusait de le reconnaître. Une vue de côté avait montré que la salope portait une jupe courte. Des bas aussi. Sans doute les plus fins du marché.

Je me suis éjaculé dans le froc. Putain de merde. Je suis mal là. J’aimerais arrêter le bruit dans ma tête, le malaise la culpabilité. Une fois j’ai cassé la télé. Le lendemain j’en ai acheté une à un prix exorbitant en sortant du boulot.

La journée a été longue. Un de mes chefs a voulu aider un débutant et il s’est fait arracher le bras par la machine à broyer. Il est parti à l’hôpital et son bras a été haché avec le bœuf. Le tout finira au rayon surgelé.

Ce soir, c’est le dernier avant le week-end. Le journal télévisé débute à nouveau sur son générique affriolant. Encore un enlèvement d’enfants et aussi un attentat à Islamabad, le plus violent depuis le début de la guerre, 400 morts sur un marché à coté d’une mosquée. Un violeur a pendu à un crochet de boucher une femme blonde. Ses lèvres sont droites et ses yeux ne laissent trahir ni admiration, ni réprobation. Pourtant c‘est bien d’elle qu’il s’agit et de sa vanité. Moi je suis relégué devant tant de classe. Je suis son jouet. Elle est apprêtée chaque soir pour se rendre au bal de la mort. Et comme les reines cruelles, elle finit toujours par soulager l’apocalypse d’un peu d’art, de la douceur de maternité.

Ma mère ne supportait pas que je lui parle de mon père et pourtant cet homme a été le seul que je lui ai connu. Quand j’ai eu 16 ans, j’ai cru comprendre à mes hormones débridées que je devais faire l’amour à cette femme. Elle dormait et je l’ai aimé. Je suis sur qu’elle a aimé mes caresses. Mais à un moment je ne sais quelle furie l’a prise et elle s’est mise à me hurler de la lâcher et à se débattre. J’ai joui et je lui ai foutu un bon coup de poing dans la tête. Je l’ai assommée pour le coup. Elle gisait au milieu du grand lit blanc avec le nez ensanglanté. J’ai pensé pratique. Comme souvent. Il y en a qui sont doués pour réfléchir mais moi ce n’est pas mon cas. En général je m’embrouille et j’ai peur. Elle a ouvert les yeux et m’a regardé lui glissé le nœud, ce nœud coulant qu’elle haïssait tant, preuve qu’elle avait raison de s’en méfier, autour de son cou fripé. Comme une tentative de reset, enfin, j’ai serré.

Mon week-end s’est passé. C’est tout ce que je peux en dire. Journée du lundi à l’abattoir normale. Du sang, des animaux gisant et de la transformation de viande. On a un nouveau chef. Il a un gros nez et il respire fort. Pour l’instant, il me laisse tranquille mais c’est en général comme ça. Les gens ne posent pas de problèmes aux hommes de Un mètre quatre vingt douze-Cent vingt kilos. Je suis en banlieue. Tout le monde marche le nez baissé vers une soirée de repos. J’ai quelque chose à faire. Un extra disons. Rien de bien différent de ma journée au fond.

Attraper l’animal fuyant, le bloquer contre un mur entre mes bras puissants, frapper fort, ne pas me préoccuper du regard fou de la bête. Faire taire les cris. Tuer. Nettoyer. Suspendre.

Assis devant mon repas du soir. Je la regarde. Elle est belle. Vêtue de strass. C’est la star des petites gens. Un bateau de pêcheurs a encore disparu, il y a des tempêtes sur l’atlantique, 12 marins noyés. Le phénomène du home-jacking est en hausse. Des gens sont retrouvés assassinés ou torturés à leur domicile depuis trois mois. Ce serait le fait d’un groupe de roumains qui sillonnerait l’Europe. Une femme a été retrouvée pendue à un crochet de boucher. Un plan social a été annoncé chez Renault. 12000 chômeurs en prévision. L’expo Picasso fait un tabac. L’essence ne baissera pas avant trois mois. Un chat a parcouru deux cent kilomètres pour revenir chez ses maitres en Finlande. Elle sourit à l’évocation de la bête. Nous sommes sous le charme, anesthésiés, repus de ce monde fracassant. L’audience est en hausse.

= commentaires =

mallaury

Pute : 0
    le 18/01/2009 à 22:15:22
s'il s'agit ici du pire de ce dont est capable l'auteur, je vais sûrement frétiller devant son meilleur.

je suis pas certaine que la comparaison soit pertinente, mais je me suis sentie comme devant un film d'almodovar. une dimension tendre et poétique, à en faire oublier les déviances du personnage.
et j'aime l'effet brouillon de l'insertion des souvenirs. un peu moins la teneur.
et puis pour satisfaire les plus sanguinaires, il a quand même broyé un bras. c'est pas rien.


(première critique, timidité, amour du prochain, toussa)

Das

Pute : 0
    le 18/01/2009 à 22:17:08
Pas d'accord avec le résumé, bordel, dans lequel j'ai d'ailleurs cru déceler un faute : le "ses conditions" est censé être démonstratif. Bref, les souvenirs d'enfance font chier, comme la mise en place du décor fait chier. Mais dans la mesure où ça sert la suite du texte, on va pas cracher dessus. Le jeu des échos entre passé et présent, informations télévisées et le psychopathe est tout à fait bon.Le style cohérent et séduisant dans la création de l'intrigue psychologique plutôt que factuelle. En un mot, je trouve le texte bien maitrisé.
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 19/01/2009 à 23:28:04
Perso, j'ai lu le résumé après coup, et suis plutôt d'accord (oui, je suis admin ; non, je ne suce pas ; oui, je mets des points-virgules dans les parenthèses ; et ta soeur, elle aime les structures ternaires ?).

J'ai commencé en me préparant à m'ennuyer sec - vocabulaire ordurier et considérations cyniques assez banales, tueur en série, etc... -, mais le texte se lit tout seul, malgré un assez profond sentiment d'inintérêt, ce qui reste bon signe, mais ça ne tiendrait sans doute pas la longueur sur des pages et des pages.

Et vive le service publique.
Marquise de Sade

Pute : 0
    le 25/01/2009 à 01:23:43
Je sais pas qui fait les critiques, mais sur les textes de Traffic, je suis toujours en désaccord.
Quand la critique le trouve bon, je trouve le texte pathétique, quand le texte est descendu, c'est certain qu'il fera partie de ceux que je préfère chez Traffic.

Ca n'a pas manqué cette fois-ci encore.
Traffic

Pute : 1
    le 30/01/2009 à 23:04:22
Mes textes ne sont jamais pathétiques sauf ceux qui parlent de tritons crêtés mais, ceux là, je les garde pour la presse régionale gardoise.
Marquise de Sade

Pute : 0
    le 31/01/2009 à 00:10:17
Tant que la presse échappe à ton approche érotique du cultripède à couteau, elle a encore un peu de dignité
Voilà
Voilà    le 31/01/2009 à 12:16:01
Et voilà, maintenant tout le monde connaît le cultripède à couteau de bon matin alors que c'était un sujet de décalage unique et merveilleux. Tout est perdu, vulgarisé, notre époque est celle de la déchéance des valeurs et de la banalisation du sacré.
Traffic

Pute : 1
    le 31/01/2009 à 17:10:06
Celui qui craint pour la perte de ses richesses les croyant uniques passe en vérité à coté des tas d'or et d'onguent subtilement dérobés à sa perspicacité.

Citation grecque d'environ l'époque du Choc des Titans
Conforama
Parfait    le 31/01/2009 à 17:21:20
Et qu'on peut lire au-dessus de tous les rayonnages de téléviseurs full HD.
Surtout à Confo.

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