LA ZONE -

L'affaire Roswell

Le 09/07/2023
par HaiKulysse
[illustration]
L’affaire Roswell

Tu ne peux pas te rappeler ce clochard adolescent de la rue du Tonkin, moi si. Il croupissait, dormait, pestait et grognait, urinait, pourrissait parmi des cartons et plastiques, habitant le trottoir. Notre trottoir, côté Impasse des Neiges, en remontant, à cent mètres du porche ferré et vitré du 88.

C’était un tout jeune homme, de dix-sept ans peut-être. Si charmant sous sa chevelure drue typiquement coiffés en arrière, dans le désordre crasseux complet qui était sa condition, que votre mère l’appela James Dean. D’abord, il portait beau, sitôt apparu il traînait toute la journée aux alentours de Mandeville, il branchait vaguement les nanas, il tournait autour de l’usine de séminal du carrefour Europe. Cependant, toujours tendanciellement replié sur lui-même, il se mettait à pleurer. À gros sanglots déprimés, comme les gars quand les filles ne sont pas là, il reniflait tout seul, le cœur gros.

Ça, il pouvait toujours pleurer tout ce qu’il voulait ; vu la santé qu’il tenait (jour et nuit dehors à glander sans être plus malade que ça ?) vu l’âge qu’il avait, vu sa beauté, on s’en foutait et contrefoutait. Pas un rond, pas une seconde d’attention, pas ça. D’ailleurs, il pouvait crever, quelle serait la différence ? Cette indifférence lui avait refilé une rage incommensurable mais il ne savait pas encore que cette colère bien noire allait engendrer un être aussi énigmatique que diabolique. »

James Dean se méfiait du monde, préférant la nuit s’installer dans les bois qui hantent la ville à quelques kilomètres à pied de là. Il s’éveillait le matin à sept heures, dans sa tente qu’il avait aménagé au centre d’une clairière, dérangé par les premiers rayons du soleil. Pourtant cette nuit, avant même qu’il fasse jour, il assista à un truc qui ne semblait même pas exister dans les rêves les plus fous. Il entendit d’abord un boucan de tous les diables, et par curiosité ou parce qu’il avait l’intention d’engueuler fermement l’auteur, il sortit de sa tente. Il n’avait pas les moyens de changer souvent les piles de sa lampe de poche ; aussi, ce fut dans la faible lueur qu’il aperçut d’abord une silhouette. Elle était vaguement humanoïde et sa tête semblait difforme.
Il s’approcha. La créature se retourna et il vit, malgré l’obscurité, qu’elle n’était clairement pas de notre espèce. Son atterrissage avait été repéré par les services spéciaux de l’armée et plus tard on l’appellerait Roswell. Et une équipe se dirigeait à présent sur les lieux. »

Galvanisé par la peur du jeune vagabond, Rosswell le fixa de ses yeux jaunes et malades et lorsque l’adolescent écarquilla les yeux elle fut prise d’une violente colère surhumaine et, décuplée par sa force surnaturelle, elle l’insémina et le fertilisa d’un germe à danser comme une chèvre avec tous les boucs du diable en lui ouvrant les entrailles.
Puis Rosswell disparut, se cachant dans un van abandonné près d’une autre forêt et l’équipe des militaires perdit sa trace mais ils retrouvèrent la capsule par laquelle l’extraterrestre était venu nous visiter, et sa pauvre victime. Lorca, le capitaine, décida de prélever des échantillons et fit la grave erreur d’emporter ce qu’il restait du vagabond.
Au labo, on s’aperçut que le germe était un fœtus et déjà les supérieurs de Lorca songeaient à le supprimer au plus vite. Mais on devait faire appel à l’administration pour ce genre de problème et pendant que les préfets et autres politiciens palabraient pendant des heures pour savoir ce qu’on devait faire, Lorca, profitant d’une absence des gardiens, le dissimula dans son sac et passa inaperçu quand il franchit les portes du labo.

Il l’avait maintenant en sa possession et il avait pris le risque de le dérober malgré les règlements stricts car il avait beaucoup de problèmes d’argent, jouant aux jeux de hasard dans les casinos et il était endetté jusqu’au cou. Il connaissait un contact qui était obsédé par les aliens et qui était prêt à payer le prix pour ce type de curiosité scientifique.
Il se rendit donc le soir même dans un pub où ils s’étaient donnés rendez-vous. Parnell était déjà là et semblait impatient de découvrir ce qu’il y avait dans le sac de sport.

- Ne le sors pas du sac… ce que je fais là est rigoureusement interdit par l’armée.
- Tu t’entends un peu, Lorca ? Tu te rends compte de ce que tu deviens ? Tu as perdu du poids, c’est peut-être la seule chose que t’ait apporté la formation. Tu es physiquement plus affûté, mieux dans ton corps et ça se sent. Mais ta tête se ferme. (Il encaisse, Parnell s’adoucit) Qu’est-ce que c’est ?
Lorca n’a pas envie de jeter un œil. Il voudrait partir et ne plus en parler, même s’il sait ce qu’il renferme, il a une furieuse envie d’encaisser les billets de Parnell et d’aller jouer à la roulette avant que l’établissement ferme comme il est tard.
- Regarde par toi-même…

2.
Des ombres se mirent à bouger puis à danser devant le château qui servait de repère néo-nazi mais Parnell ne les calcula pas du tout. Et Parnell, en soufflant ainsi dans le brouillard à couper aux couteaux de la vapeur que l’air froid de l’hiver cristallisait, monta les marches en marbre. Pour les éloigner, il devait se débarrasser du sac mais à part l’odeur nauséabonde il ne s’en souciait pas plus que ça. L’asphalte, le bitume et même les vieilles pierres des marches du château sur lesquelles il marchait se fissuraient et semblaient sur le point d’éclater.
Un peu partout, à l’intérieur c’était une grande orgie qui se préparait. Après avoir laissé son sac aux vestiaires, il suivit un couloir où des nymphettes avec de grandes plumes d’autruches et masquées circulaient en gloussant. »


Le couloir s’ouvrait sur la grande salle de banquet. De longues tables blanches étaient dressées, avec des candélabres toutes les quatre chaises. Un quatuor à cordes jouait sur l’estrade, leurs archets s’unissant à la perfection. Des couples virevoltaient en cercles sur la piste de danse, évoquant le mécanisme miniature d’une horloge. Les hommes portaient des uniformes SS, formant un arrière-plan de manteaux foncés et de brassards rouge écarlate. Les femmes égayaient la scène de leurs robes colorées, prune et abricot, orange et vert concombre - un mélange de jeunes et de plus âgées.

La soirée ayant depuis longtemps débuté, et les verres d’absinthe s’étant vidés avidement jusqu’à l’ivresse de tous les participants, Parnell n’eut aucun mal à étreindre presque à son arrivée une détestable pimbêche. Ils se galochaient lorsqu’une blonde rondelette dans une robe lamée rouge toisa la bécasse de la tête aux pieds, s’arrêtant sur ses chaussures. Parnell suivit son regard jusqu’aux escarpins de son flirt récent. Elle se dépêcha de les cacher sous son ourlet. Un serveur approcha avec un plateau de flûtes remplies d’un liquide bleu ou vert. Il en tendit une à Parnell.
- Pour vous. Mais doucement. On ne connaît l’effet de l’absinthe que quand on y goûte.

De l’absinthe. Ajoutée à la séminal de Mandeville, il risquait de ne pas avoir la force ni la conscience claire d’enquêter sur le fœtus difforme de l’alien dès son arrivée chez lui.
D’ailleurs il n’en aurait pas la possibilité : le fœtus se développait rapidement et se nourrissait encore de sa première victime : cet ancien embryon que Roswell avait implanté dans les tripes de James Dean s’était métamorphosé : il avait crevé avec ses pieds le sac de sport, mesurant maintenant presque deux mètres et se présentait désormais sous les traits fins d’un jeune homme, au teint éclatant de blancheur, à la blondeur juvénile, au corps musclé, à la taille mince. Il émanait de lui une puissance maléfique qui alourdissait l’atmosphère, il quitta la pièce sans être vu, l’employé nazi du vestiaire étant trop occupé à écluser en cette fin de soirée et n’attendant plus de visiteur ; et d’un battement de paupière, le nouveau James Dean déguisa les yeux reptiliens que la croissance de son espèce mutante avait révélé. Ce faisant, il trouva assez d’affaires dans la salle pour ne pas déambuler nu dans la partouze hitlérienne.



Jacquerie et Au-delà pour Chats Noirs

Birdie entra dans la boutique, déterminée à avoir enfin des réponses. Un air de jazz s’échappait d’enceintes au-dessus de sa tête. Un homme lisait le journal, installé à une table, devant une tasse de café. Une blonde mince mais robuste s’affairait derrière le comptoir, renversant un plateau de petits pains croustillants dans un panier. La vénusté mentalement invraisemblable de Birdie seyait bien à ce lieu cher aux poètes, même si on ne servait pas d’absinthe ni consommait du séminal que dans l’arrière-salle, et à l’aventure onirique qui allait suivre.
Des rêveurs lascifs la convoitaient mais finalement quand Birdie faisait sa moue méprisante ils s’en gaussaient tout de même et bien souvent ne le prenaient pas mal. Et des rêveurs, il y en avait, tous planqués et agglutinés sur des lits de fortune dans l’arrière-salle de la boutique de Youssouf, l’Alchimiste.
Quand les clients avaient fumé tout l’opium et que leurs intraveineuses commençaient à gouter pour les envoyer sur les terres des aventures oniriques, que recherchaient-ils vraiment comme effets et résultats en s’endormant ? C’était une sorte de voyage à travers les limbes du rêve et ce qu’ils kiffaient par-dessus tout, c’était d’atterrir au milieu d’un rêve, par exemple se retrouver devant une œuvre d’art qui défiait le temps et les diverses interprétations. Lorca était l’un d’eux, quand il ne traînait pas dans les salles de jeux, et une nuit alors qu’il dormait sous perfusion avec la drogue et l’opium de l’alchimiste, il se souvenait d’avoir admiré un mélange de toiles s’entremêlant et presque entièrement peintes dans des couleurs chaudes. La chimère d’un tableau sans ombre, tant poursuivi par les Chinois, était réalisé. Tout était rayon et clarté ; la teinte la plus foncée ne dépassait pas le gris de perle.

Toujours à l’intérieur de la boutique mais à l’étage, il ne savait pas encore que le James Dean reptilien, avait passé la première nuit à fumer en réfléchissant à l’art et la manière de construire de quoi lire un mystérieux cylindre en bois. Il venait de massacrer tout un tas de fachistes dans un château qui n’avait rien de féerique et il avait découvert ce cylindre bien caché et aussi énigmatique que la Pierre de Rosette mais il ignorait que ce cylindre perdu dans le monde des rêves mais existant bel et bien dans le monde réel, était un vectographe primitif. Avec la dendrochronologie, une méthode de datation des objets en bois reposant sur le décompte des années, on pouvait sans abuser affirmer qu’il venait d’un temps très antique où les extraterrestres nous avait visité. Emportant avec eux leur secret à l’époque des pharaons, James Dean plaçait tous ses espoirs dans cette technique, persuadé que le cylindre avait comme point commun les rouleaux abîmés que le vectographe cylindrait à chaque rêve et pour chaque rêveur. Des espoirs pas tant que ça placés à fond-perdu car il était sur la bonne piste, et obtiendrait des résultats significatifs.

Mais avant, il devait se débarrasser de Lorca, annuler les effets de ses pouvoirs hypermnésiques car il enregistrait en permanence chaque détail de la vie d’un rêveur, chaque détail des parchemins que les vectographes avaient frénétiquement imprimés lorsqu’ils se réveillaient. Qu’avait-il choisi de sceller cet alchimiste dans ces machines cabossées qui lui servaient de mémoire et qui le définissaient à l’insu des aventuriers oniriques ?
Et il le savait, il le savait tout autant que cette foule de gens venue pour payer les substances et pour ne plus jamais se réveiller. Quand leurs jeeps s’embourbaient dans leur rêve au sommet du col de l’Izoard qu’ils devaient passer pour descendre par caravanes dans la ville de l’alchimiste et qu’ils voyaient d’en haut et à l’horizon les dômes de tous ces palaces aux voûtes d’un bleu vénitien, ils n’avaient d’autres solutions que de pleurer des larmes magnifiques de gratitude. Ils voulaient éternellement rester dans ce pays de cocagne. Autrefois ils auraient pu se satisfaire d’une Réalité plus fastidieuse et laborieuse mais dès qu’ils étaient accros ils ne fréquentaient que ce soit la nuit ou le jour que les palaces de ce pays imaginaire. Après le voyage onirique, on leur servait enfin un souper passable, ou du moins que l’appétit leur fit trouver tel. Ils replongeaient alors pour vingt-heures d’affilés et James Dean se méfiait de leur gourou, de son charisme digne du chef du Projet Chaos.



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L’ambiance de cette salle de bal vide qui régnait dans l’usine de séminal à cette heure du jour glaçait le sang. Il ne subsistait plus aucune trace de ce qui s’était déroulé en ces lieux la journée précédente. Pas plus que l’on ne pouvait déceler le moindre signe avant-coureur de la fureur et du bruit qui allaient s’abattre entre les murs dans les minutes à venir.

James Dean traversa le hangar d’un pas traînant. Il s’approcha des deux ivrognes qui étaient bien les seuls à être restés après la fête. Sur un tas de détritus l’un continuait de rire, et l’autre de maugréer. Sa capsule avait été récupérée par ces deux fêtards et elle trônait sur un empilement d’enceintes crachant du son bien grunge. Tous les trois après de longues négociations houleuses s’arrangèrent finalement sur un accord : James Dean allait retrouver sa capsule gratuitement et pour les remercier d’avoir désembourbé sa capsule des marécages de la Louisiane, il leur donna un gadget électronique permettant d'éloigner les mauvaises pensées dont beaucoup de gens se plaignaient ces derniers temps. Il leur raconta que la morosité et les ondes négatives jouant sur les nerfs des humains, se dégageait mystérieusement de l’engin spatial, et de ce fait prédit un nombre croissant de dépressifs…


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Birdie était une employée de Youssouf. La vénusté de Birdie, certes mentalement invraisemblable, seyait bien quand elle passait entre les lits de camps du backroom de la boutique cachée de Youssouf, elle réhaussait de sa beauté l’aventure onirique que tous les rêveurs partageaient par intraveineuse mais ils s’en gaussaient tout de même et ne s’en amourachaient pas plus que ça, étant obsédé par une unique chose : la drogue et le rêve.
Sa beauté en avait malgré tout affolé plus d’un et même les vectographes et les Kelvinomètres enregistrant l’épopée onirique avaient perdu le nord. Le lendemain, ils n’étaient plus en mesure, ces rêveurs, d’en garder un souvenir à leur réveil. Ils parcoururent alors les immenses hectares des jardins ultramarins de la ville basse et on dût attendre, un soir noir comme un curé irlandais, le crépuscule suivant pour qu’ils retrouvent leur esprit.
Leur esprit et leurs corps, et même les pages qu’ils avaient écrits quand ils étaient en transe. Et tout ça s’était révélé incroyablement faux et amer lorsqu’au petit déjeuner ils avaient attaqué déjà l’indécent anis et la féconde absinthe… mais elle faisait quand même tourner toutes les têtes, la jeune employée de Youssouf qui s’était endormie très tard auprès d’eux et qui leur avait fourni d’autres tord-boyaux, tord-boyaux qui avaient un goût d’essence bien noire comme le sang du Seigneur de la Louisiane !


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A la Société du chemin de fer de Mandeville, on les appelait comme ça : « des chats noirs » les gens ayant décidé de sauter volontairement sous les rails des trains. Une danse inouïe dans la boue eut lieu dans le centre-ville de la ville haute pour conjurer le sort et le destin de ces âmes perdues et tourmentées qui avaient tous choisi le suicide.
Était-ce une révolte ? C’était bien évidemment une émeute de chats noirs ; elle avait gangrené toutes les strates de la société et lors de l’une de ces jacqueries on déplora une centaine de suicidaire. A la télé, le maire de Mandeville, sans craindre les questionnements hasardeux du journaliste, apprit à ses concitoyens la présence d’une capsule ayant servi à l’atterrissage de Roswell, et qu’elle était à l’origine de ces événements macabres… et qu’il avait mis une équipe d’une douzaine de chercheurs sur la piste pour retrouver l’alien et son OVNI ; personne ne semblait croire à ses salades, et pourtant le lien qui à la fois séparait les chats noirs et qui les réunissait à Rosswell, aurait pu nous aider à appréhender les mystères de l’Au-Delà…

Les statues avaient cillé quand elles avaient vu un énième chat noir se faire happer par le train qui devait théoriquement arriver à midi… mais qui n’arriverait jamais à destination pour cause « d’accident de personne » et tous les notables de Mandeville en étaient indignés ; l’un d’eux contemplant, après des siècles à attendre qu’on les débloque de cette situation ennuyante, sa tasse de thé qui avait fini par s’évaporer, se pencha par-dessus la fenêtre, il apercevait les collines de Twin Peaks et le grand Réservoir de séminal ; on les avait fait venir ces influenceurs de loin mais, forcément après l’arrêt inopiné du train, ils avaient essayé de gagner la ville à pied et s’étaient perdus dans les forêts sombres qui ornent la campagne des environs ou s’étaient tous noyés en traversant les marécages et le Lac Supérieur de Floride.




Riff surréaliste et Grunge Napoléonien.

Le secret est une drogue puissante.


Les statues avaient cillé à nouveau lorsqu’elles remarquèrent qu’on ramassait à la pelle, sans aucune sorte de remord ni de convenance, ce cadavre gênant ; Et, parmi les survivants de cette marche à pied périlleuse, l’un d’eux était raide et affamé.


Mais il n’était plus très loin de la ville, il avait dévalé les collines enneigées de Twin Peaks et désormais dans la proche banlieue, il apercevait des devantures de magasins fracassés et des miroirs de chambre à coucher brisés, des rames de métro en flammes, des ascenseurs aux câbles coupés, des perches de tournage renversées et des cabines de projection démolies, il y avait aussi des boutiques porno et des centrales électriques détruites ; cependant le grand Réservoir de séminal alimentant la cité était toujours debout et contrastait avec les ruines.
Manson était différent des autres, avait patienté plus aisément que ces collègues lors de l’accident. Et à vrai dire il jouissait d’un don surnaturel : le troisième œil du poète, car à force de labeur, de travail de longue haleine, depuis ses dix-sept ans il se passionnait pour la poésie et avait développé un sens certain pour faire des vers, souvent à la gloire de la beauté des femmes et les honorer par son inspiration. Sur l’un de ses manuscrits on pouvait remarquer qu’il était vraiment doué pour décrire la splendeur des milles diadèmes de ses muses, la douceur mais aussi l’amertume de leurs milles parfums.

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Sur l’écran de télévision, la speakerine s’était déplacée, avait quitté l’usine de séminal pour pénétrer dans la fumerie d’opium de Youssouf vandalisée, une des plus vénérables arrière-salles de la ville, et racontait l’histoire qui s’était déroulé après que la machine à cylindrer des rêves avait rendu l’âme.

-    Depuis la destruction gratuite de tous nos établissements bien-aimés, il y a eu de nombreux outrages, dit-elle. Nos cinémas ont été saccagés, nos maisons et nos lieux de travail pillés, nos rues et notre métro soumis à la terreur.

À mesure qu’elle énumérait ces crimes, sa manche où se cachaient encore des carrés d’as, s’effilocha, et elle perdit le fil de la plus grande partie de son discours mais tout le monde avait compris qu’elle était en train de sombrer, d’osciller et de vaciller la ville ; cette cité qui accueillait tous un tas de malandrins à présent ; des voleurs et des rebelles armés lourdement qui avaient malgré tout laissé intact pour une raison mystérieuse l’usine de séminal, peut-être que leur découverte d’une malle secrètement cachée dans un train abandonné en était à l’origine.


Ce train rouillait et pourrissait dans l’une de ces gares géorgiennes qui desservent la ville, mais le coffre en bois de chêne et en cuir semblait avoir appartenu à l’un de ces rêveurs très sérieux et surtout très fortunés, il contenait toute une discographie délirante et psychédélique, des albums poussiéreux de hard rock, de jazz, de grunge aussi ; je dis sérieux parce que l’ancien propriétaire de la malle avait non seulement assez de Napoléons pour un séjour de plus d’une année chez Youssouf mais aussi parce qu’à fois qu’il fermait les yeux pour dormir, les vieux cylindres ne manquaient pas d’enregistrer un rêve d’une puissance vibratoire et magnétique jamais vue auparavant… et générant d’étranges musiques, des refrains venant du futur.
Même l’alchimiste, qui en avait vu pourtant passer des clients aux pouvoirs médiumniques, l’admirait et même le craignait un petit peu car il savait que lors de son dernier rêve quelque chose d’incroyablement singulier allait germer ; et lui-aussi devait beaucoup à son troisième œil, ce poète de la haute aristocratie qui éloignait les démons d’un rêve en lambeaux pour les remplacer par des kyrielles de guitaristes fous et désaccordés manifestant leur rage par des mélodies à la Kurt Cobain…
Du son lourd et une alchimie subtile aux quintessences colériques pour le faire peut-être revenir à la vie, le cœur brisé de Jack.


Sorcières et Pharmacopéra

Nous sommes les fils et les filles
Des sorcières que vous n'avez pas brûlées
Les fils et les filles des sorcières...
Nous sommes les descendants de celles
Que vous n'avez pas pu lapider
Nous sommes les lesbiennes sans mariage
Les césariennes du moyen-âge…

Guerilla Poubelle.

1.
Près d’un motel, une étroite trouée entre deux immeubles, petite brèche qui fait osciller sa lumière d’un jet cérébral ; dehors et un plus loin, tout en clopant assis sur la rambarde du parvis d’une église, une bande de jeune matait un portrait-robot, sans comprendre les raisons du criminel ni de sa folie. Encore plus loin, un groupe de chercheurs japonais se hâtait en direction de la cabane où avait eu lieu le meurtre d’hier soir. J’attendais paisiblement leur retour dans une chambre d’hôtel ; au plafond, un ventilateur antédiluvien tournait au ralenti et découpait de grosses tranches d’air tiède qui me tombaient sur le visage. Avec Beth, on avait monté en grade et était devenu des journalistes d’investigation, un métier qui nous permettait d’obtenir des informations importantes… malgré la résistance farouche qu’on rencontrait face aux flics, aux juges et autres avocats véreux ne désirant pas que les affaires de mœurs s’ébruitent, surtout dans cette atmosphère tendue.
Je commençais seulement à comprendre que je sentais les choses de la même manière que le groupe d’ados ; c’est que j’allais bientôt partir me mesurer, tel un nain, à un adversaire dont la taille serait supérieure à celle de n’importe quel Goliath. Un adversaire invisible et inconnu, qu’on appelait Charlie mais qui en réalité ne portait pas de nom, tout enveloppé de légendes et de craintes…
J’étais pour l’instant seul dans le salon avec Beth, mais les scientifiques ne devaient pas tarder de rentrer et me livrer leurs rapports. Charlie dont le corps remplissait désormais toute la baignoire, marinait dans son propre jus couleur sang, dormait dans la salle de bain devenue insalubre, en attendant sa becquée, insouciant du mal qu’il avait infligé la soirée d’avant… et nous devions tout faire pour cacher son existence, le disculper, et trouver quelqu’un d’autre ou une quelconque créature aussi affreuse pour lui faire porter le chapeau.


2.
Peu après quatorze heures, le shérif Cowan était à la cabane lorsque nous y arrivâmes. Les gens de la police scientifique déambulaient maintenant sans but précis, entrant et sortant sans prendre réellement des notes. Il faut dire, malgré l’ancienneté de leurs carrières, qu’ils n’avaient jamais rien vu de semblable en terme de boucherie… au milieu de la cabane, un vieux canapé poussiéreux à la mode anglaise, avait bel et bien longtemps perdu son chic d’antan : il était déchiré de toute part, était renversé, et gisait sur un sol maculé de sang et où toutes sortes de bouteilles cassées traînaient avec des cadavres putréfiés et de voir un tel spectacle fit d’abord jaillir en moi une seule idée : on pouvait peut-être sous-entendre que c’était un squat en fait, je pensais déjà leur dire que des vagabonds dans un furieux combat s’étaient entretués pour avoir un toit et ne plus dormir dehors ; mais d’après l’analyse des chercheurs japonais, il y avait eu des survivants et bonne ou mauvaise fortune pour nous ils étaient connus des services. Apparemment parmi eux, il y avait un gamin, et d’après l’expertise, il y avait eu certes une lutte sanglante mais aussi un enlèvement, des preuves de fuite qui, en mon for à moitié opérationnel, me faisaient penser en fin de compte à un kidnapping.

######

Ronald Grady n’avait plus aucun moyen de prévenir qui que ce soit ; il se trouvait complètement à leur merci. Parnell et Lorca roulèrent toute la nuit, et presque le jour qui suivit. Ils écoutèrent Marilyn Manson : Ronald n’arrivait pas à dormir. Parnell ouvrit la fenêtre pour respirer le grand air : le petit Grady avait froid. Ils n’empruntèrent que les petites routes. Quand ils s’arrêtaient, Parnell s’étirait, fumait une cigarette tout en gardant un œil sur son otage. Ronald chercha désespérément du secours autour de lui, dans la campagne nocturne, autrefois chef-lieu et maquis pour yankees, mais il comprit qu’il lui serait impossible de leur fausser compagnie. Si l’attention de Lorca diminuait, Parnell prenait le relai.
Au bout de quelques heures seulement après le carnage, le gosse réalisa qu’ils n’idolâtraient que le diable et l’argent et que leur paroisse était du genre trash, métal, hardcore, underground, secte survivaliste, extraterrestre et compagnie.

Puis vint à nouveau la nuit. La deuxième nuit et déjà l’affaire commençait à s’étouffer dans les journaux, la presse américaine étant davantage préoccupée à attirer l’œil du chaland par le cas des « Chats Noirs » et des émeutes à Mandeville les précédant et les succédant. Ce qui nous arrangea, même si on se devait de fournir une explication plausible pour effacer le fait divers définitivement. Cependant une question lancinante nous posait problème, et nous rassurait aussi dans un sens : peut-être que Charlie n’avait pas échappé à notre vigilance et contrairement à ce que l’on croyait il ne s’était peut-être pas engouffré dans les canalisations pour ressortir par la cuvette des toilettes de la cabane… ça restait à démontrer.

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Manson avait sans doute aperçu quelque chose ou quelqu’un utile à l’enquête, la veille, étant juste à côté lorsque le carnage avait eu lieu. Il portait un vieux costard un peu miteux qu’il conservait depuis des années. L’arrière-salle de Youssouf avait bien changé : elle s’était transformée en cinéma et Manson, seul, sur un siège rouge éventré regardait défiler de vieux films en accéléré, les images notamment avaient été tourné dans les quartiers de la finance de Mandeville. Une époque révolue. Mais Manson ignorait que des hackers, en ce moment même, transmettaient à de potentiels « Chats Noirs » ces séquences d’images via leur ordinateur ; suite à ça, un homme d’une trentaine d’années, fatigué de vivre, crapahutait depuis quelques heures au sommet d’un palais épiscopale qui était encerclé par les buildings du quartier nord de la finance… Il l’avait localisé, coincé entre une tour de verre et une autre d’acier, grâce aux pirates informatiques. Ceux-ci avaient ajouté des légendes aux images vues d’un drone, des astuces et de bons conseils pour passer le portique de style néogothique de l’édifice sans être vu par les gardiens de nuit. Et avaient joint au tout des incitations au suicide, un peu comme le Blue Whale Challenge ou le Momo Challenge.
Le dépressif était métis, il avait la peau basanée, un aspect négligé ; il avait une manière bien à lui de parler peu, mais de temps à autre il pinaillait avec un autre Chat Noir au sujet du dérèglement de l’antenne sur le toit du palais qu’ils devaient s’acquitter, avant son numéro de kamikaze. Cela permettrait sans doute de brouiller les ondes hertziennes pendant au moins toute la soirée, car il passait à cette heure sur presque toutes les chaînes des émissions où l’omniprésence du Maire de Mandeville, surnommé Ivan le Terrible, nous exhortait à toutes les lapider et à les brûler ces sorcières du moyen-âge, responsables selon lui des événements morbides de la mégalopole… nous exhortait aussi à faire disparaître aussi ses idées dangereuses comme de dresser des autodafés et effacer la plupart des livres des mémoires collectives.

Et pendant que les étoiles brillaient, ainsi que d’autres astres, et que les deux chats noirs commençaient leur opération de sabotage, Lorca et Parnell avaient adopté une stratégie infaillible pour ne pas être ennuyés par les flics (retourner dans une clairière, non loin de la cabane, où ils bivouaquaient avec leur otage, l’endroit le plus ahurissant et le plus improbable où l’on pourrait les retrouver) et le shérif parlait toujours : des notes et des dessins de pierre tombale se trouvaient sur un bureau presque totalement démoli dans la pièce, qui constituait presque tout le rez-de-chaussée de la cabane, à l’endroit exact où il les avait découverts. Ils étaient la propriété de l’administration de Mandeville et devaient être retournés au bureau du shérif.

Sur le seuil, il se retourna pour nous lancer une dernière flèche ; il nous dit qu’il espérait que nous ne resterions pas trop longtemps, ajoutant « Bien que je ne partage pas toutes ces idées saugrenues - ça ne s’est pas révélé si sain que ça pour certains suspects et journalistes qui sont venus par ici. »

- Manson sait ou soupçonne quelque chose, me dit Beth aussitôt après. Il nous faudra entrer en contact avec lui quand le shérif ne sera pas dans les parages.
- Birdie n’avait-elle pas écrit qu’il était assez peu loquace dès qu’on en arrivait aux faits concrets ?
- Exact, mais elle indiquait la façon de le faire parler. L’alcool.

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Les Sorcières vivaient en autarcie et pendant de longs mois où elles avaient fui les contrôles et les répressions qu’elles subissaient suite aux décisions politiques du maire, elles furent elles-mêmes bluffées par leur ingéniosité car peu de temps après s’être installés dans un autre hôtel moins tapageur que le nôtre et préparé les choses en vue d’un séjour harassant, cloisonné entre quatre murs, elles venaient d’achever leur invention démoniaque, le moteur à cylindrer des rêves…



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Les temples et les sanctuaires des sorcières avaient commencé à être écroulés et toutes les exigences d’Ivan le Terrible qui s’inspiraient un peu de tout, des inquisiteurs d’abord, mais aussi du nazisme et d’autres théories fachos en étaient bien sûr responsables. Mais elles avaient ri et s’en moquaient, les garces maléfiques et dans la poussière qui tombait avec l’orage elles dansaient nues à la gloire de Satan, ne cédant leur place que pour des chanteurs de jazz, égarés là par hasard. Car elles avaient un endroit sûr maintenant, même si le climat les indisposait aux jours des grandes chaleurs. Elles dansaient dans la boue et sous la pluie. Cette pluie qui les rafraîchissait après toutes ces canicules. Nous étions en pleine jungle équatoriale pas loin de Mandeville, mais un milieu suffisamment hostile pour ne pas être harcelé et, avec toute cette moiteur torride façon hammam et tous ces moustiques harcelants, ce n’était pas non plus des vacances de rêves, ce qui ne semblait pas gêner cet homme qui lisait son journal, installé à une table, calme et tranquille devant une tasse de café. Il aurait préféré admirer des nymphes se masturbant dans la boue mais le spectacle était folklorique tout de même : les vieilles peaux bougeaient bien malgré leur corps flétri, il aurait aimé aussi qu’on lui serve une absinthe mais du côté de ce pays-là l’alcool était prohibé. Par dépit, lorsqu’il eut terminé son café, il entra dans l’établissement pour trouver un coin tranquille, à l’abri des regards, et consommer des sachets de séminal dans l’arrière-salle.

C’était l’un de ces rêveurs lascifs, et malgré qu’elle fût tempérée par le souvenir du merveilleux rêve de la nuit précédente et même s’il semblait qu’ici on ne connaissait pas l’existence de majorettes délurées si on les interrogeait ces bouseux et ces bouseuses, en tout cas pas dans le secteur, ce quartier de huttes de paille en pagaille, sa rencontre avec une tepu de passage et à l’air renfrognée qui s’appelait Beth ne l’avait pas refroidi. Mais il ne s’était pas rendu compte qu’il n’avait plus les clés de sa tire. Après la danse de la boue de tous ces sauvages, il partit pour un pays tout aussi imaginaire, aux fleuves invisibles se répandant en cascades noires ; d’autres illustres poètes qui les convoitaient ces sources d’eau chaude, fréquentes dans ce patelin, avaient déjà poursuivi le même itinéraire qu’il avait attaqué en ce début de soirée orageuse.
Il avait laissé sans surveillance son ordinateur qui trônait sur une table de camping, au milieu de la pièce étouffante d’une cabane en terre séchée. Mais il ne savait pas encore que ces gens-là construisaient à mesure qu’ils détruisaient tout ce qu’on appelait la technologie, qu’elle soit de pointe ou dépassée : ainsi les autochtones aidés par les sorcières, pendant son absence, avaient commencé à endommager le matériel électronique avec l’idée de le recycler après pour des choses improbables. Lorsqu’à tour de rôle, des forains venant tout juste de débarquer dans ce bled pour des affaires louches, entrèrent dans la cahute en chassant les indigènes, ils emportèrent la plupart des affaires de ce Docteur en journalisme. En chemin, pour vite déguerpir avant qu’on les lynche et amène du renfort, leur caravane passa devant la Décapotable du Docteur, toujours aussi propre qu’un sou neuf.
Ils eurent l’impression que quelque chose tournait mal pour leur rafle quand ils aperçurent qu’au volant de la belle voiture il y avait une jeune fille ravissante d’une vingtaine d’année qui tentait de chasser des papillons miteux tout en conduisant. Elle avait des cheveux auburn et un visage adorable, des yeux profonds, couleur noisette, de minces poignets dont chaque os délicat se dessinait sous la peau claire. Le chef des malandrins au pouvoir tyrannique ordonna de tout de suite lui barrer la route. Après s’être avisés que les dieux étaient peut-être avec eux, ils lui proposèrent ou plutôt l’incitèrent lourdement à échanger la bagnole volée sans la dénoncer contre l’ordinateur dérobé lui aussi, ayant entendu dire d’après les rumeurs que cet ordinateur était révolutionnaire et prétextant qu’elle n’aurait pas d’autres occases de « modifier, de contrôler et de caviarder toutes les pages web et tous les textes écrits et à venir sur la toile. »

Mais au bout d’une longue négociation bien hard, l’affaire était conclue et Beth, quand elle fut seule, se rappela qu’autrefois avant de disparaître mystérieusement, sa sœur Angela avait possédé aussi une telle machine, bien plus puissante qu’un MacBook ou un PC haut de gamme. Elle savait qu’avec une pareille machine on pouvait transformer toutes les meilleures proses en fictions bâclées. Elle se trouvait actuellement à équidistance entre le campement du Docteur et le bidonville perdu dans l’un de ces trous du cul du monde, tellement reculé qu’elle fut immensément surprise lorsqu’en se frayant un chemin parmi les diverses plantes carnivores, elle découvrit une petite clairière avec, au centre, une maison digne de ce nom. À l’extérieur, on avait installé de grandes carcasses de viandes sur des tréteaux et le sang coulait lentement des rebords en formant des gouttes sur la terre.
Il y avait aussi sur des planches près des cadavres d’animaux éventrés d’énormes couteaux à lui taillader un sourire de Glasgow sans commune mesure, parfaitement alignés par ordre de grandeur, elle pensa alors qu’elle devait rebrousser chemin et partir en courant à toutes jambes ; ça lui était venu ces idées comme les infects errements sans vie d’un subconscient malade mais elle les ignora, réprimant ses angoisses… La vieille maison victorienne, qui était à la fois l’habitation de Manson et son lieu de travail, se trouvait à côté d’un marécage. Elle ne le connaissait malheureusement pas très bien, mais il l’intriguait et c’était l’occasion rêvée de l’interroger, n’ayant rien à perdre et tout à glaner comme des scoops, Manson étant le plus proche voisin du lieu du crime. Faut dire qu’on racontait beaucoup de ragots sur lui ; lui aussi était un rêveur plutôt crado qui vivait seul, et lorsqu’elle héla pour savoir s’il y avait quelqu’un, il sortit après cinq minutes en se cognant à la porte, en renversant des chaises sur sa petite terrasse, il titubait et il avait l’air assez soûl.

Elle s’efforça de lui adresser un sourire insipide en lui tendant la main.
- Manson ? Elle dit. Beth Grankvist, de l’équipe qui bosse sur la jacquerie des chats noirs, mentit-elle. Il leva à peine le bras et lui serra mollement la main, comme si elle n’était pas digne de l’effort qu’elle lui demandait.

Il la fit entrer, s’installèrent dans une salle calme avec des bibelots sur la cheminée parfaitement alignées qui assumaient à eux-seuls un genre très rococo ou très kitsch à l’intérieur.

Dehors, fébrilement, le professeur Parnell, spécialiste de l’exobiologie, approchait de la demeure de Manson, et tout en se cachant dans les bruyères et les feuillages qui entouraient son habitation, il examinait un insecte. Il avait entendu des rumeurs comme quoi des nuées d’insectes nécrophages et allant jusqu’à ronger et à perforer les crânes des humains encore vivants, avaient envahi les lieux dernièrement et l’insecte que Parnell prit avec des gants en était bien un, et le plaça dans un tube qu’on voit dans les laboratoires. Et sur le chemin lui aussi, Roswell avait trouvé une arme redoutable dans sa capsule et comptait bien s’en servir lors de cette soirée dans la baraque de Manson tandis qu’à ce moment Beth me téléphonait pour me demander de les rejoindre. Il y avait aussi Lorca en route pour la cahute de Manson, il venait de cambrioler une armurerie et pour étouffer les cris des salariés il les avait bâillonnés puis avait tout incendié comme ces pauvres gens brûlés vifs dans une église à Oradour-Sur-Glane par les SS ; Sur l’écran du tableau de bord de la capsule extraterrestre Roswell avait tout vu, chiffrant avec précision le nombre de victime de sa folie et plaignait l’administration et surtout les fossoyeurs qui devraient se débarrasser ensuite de leur squelette. À condition que le grand brasier ne laisse pas seulement la possibilité de récupérer quelques cendres des défunts mais aussi peut-être des indices permettant de remonter à l’origine du crime.
Donc tout était en place pour une nuit sanguinaire, à l’image de « La nuit des longs couteaux » ou l’opération nazi « Nuit et brouillard » chacun des protagonistes étant animés d’un désir de vengeance ou fiévreusement obsédés par une soif de pouvoir ou une terrible envie de revenir à une autre vie qu’ils avaient pourtant du mal à imaginer, ils n’en démordraient pas et convergeaient tous vers la future scène de la bagarre à venir.

Le vagabond que Roswell avait éliminé pour donner naissance à son fœtus et agrandir son cercle d’alliés et qu’on surnommait James Dean était actuellement congelé dans un caisson cryogénique et les laborantins de la morgue s’occupaient à décrypter les mystères auréolant sa mort par des analyses aussi douteuses qu'infructueuses ; et tout ça, Manson et Beth le savaient, étant en ce moment penchés sur l’ordinateur et avaient réussi à pirater les écrans de surveillance du labo.


Et pas très loin, Parnell se préparait à les assaillir et à se battre jusqu’à la mort, il se plaça entre les deux fenêtres de Manson et le tube à la main, il était convaincu que s’il relâchait à travers les carreaux ouverts l’insecte nécrophage et vorace celui-ci ne mettrait pas beaucoup de temps à arracher la peau et ronger nos os. Mais pour l’instant je venais de garer la Dodge sans le remarquer et passais la porte pour retrouver Beth et Manson. Ils m’expliquèrent rapidement leur plan si tôt arrivé : pour atteindre le point culminant de la cruauté, grâce à l’étrange ordinateur, ils avaient repéré que le liquide du séminal, qui était entièrement contenu dans le grand réservoir de Twin Peaks et les perfusions en intraveineuse de Youssouf étaient gérés informatiquement, ils leur avaient suffi d’hacker le système de tuyauterie permettant d’alimenter toute la ville…

En ouvrant toutes les vannes pour déverser les fluides cristallins dans une rivière peuplée de crapauds qui deviendraient complétement cinglés et défoncés, les réservoirs étaient à présent taris : foin du liquide séminal qui était tellement addictif qu’on pouvait espérer qu’ils s’entre-tueraient tous avant la fin du crépuscule, et pas davantage d’opium et les autres substances diverses, psychédéliques qui avaient ce don miraculeux pour les rêveurs de leur faire affronter la réalité ennuyeuse et laborieuse et de partir dans le monde du rêve pour s’y réfugier sans plus se soucier aucunement de leurs soucis.

Ça leur permettait de mettre un pied debout et avancer leurs pattes traînante jusqu’à leur taf, les jours où il fallait dès potron-minet retourner au turbin. Donc là ce n’était plus seulement le sac de la ville de Mandeville dès que tout le monde fut réveillé en plein milieu du rêve c’était un incendie d’une ardeur sans limite qui embrasait à l’heure actuelle toute la citée. Roswell, armé désormais de son criquet infernal (une arme à feu minuscule mais terriblement effroyable par son lance-flammes) était en train de longer le muret qui suivait l’entrée de la propriété de Manson.

Et il mit en route son criquet infernal fonctionnant seulement après les trente secondes suite à son allumage lorsqu’il aperçut Parnell accroupi sous la fenêtre d’où l’on voyait Beth, Manson et moi nous exclamer encore sur les kyrielles de dégâts causés par l’appareil d’un genre nouveau et fêter ça, nous croyant malheureusement à l’abri de l’apocalypse ; aux dernières secondes avant que le lance-flammes transforme Parnell en brochette cramée, celui-ci se retourna, sentant une présence dans son dos et à cause de la stupeur ou par un excès d’intelligence froide et machiavélique il lança le tube dans notre direction, celui-ci se cassa aux pieds de la table où nous planchions et libéra l’insecte destructeur. Et au moment même où les flammes sortirent en trombe et brûlèrent Parnell, l’insecte de Shiva dans son vol fou et meurtrier fit tomber les verres de vin s’entrechoquant puis se brisant sous la table ; et en voulant le chasser il nous désarçonna de nos chaises, et dans notre chute nous fûmes tailladés avec les débris des tessons de verre.


Il entra d’abord par les narines de Manson qui se mit à baver du sang, puis, l’insecte bousillant un peu plus l’intérieur de sa cervelle, il en dégueula tellement qu’en moins d’une minute il se vida complétement de son hémoglobine. On voyait encore Parnell comme une torche humaine courir dans tous les sens et finir sa course, entièrement cramé, fixé comme une araignée au mur de barbelé que Manson avait commencé à construire pour se protéger des pilleurs.
Et l’insecte, une fois terminée avec lui, entreprit de besogner cette fois Beth en s’engouffrant sous sa robe et atteignit rapidement son utérus en bourdonnant follement et percée de toute part une mare proche par sa couleur au sang se déversa sur le plancher et je compris qu’on avait perdu Beth également. Ainsi, poursuivi à mon tour par cette mouche sanguinaire, je montais quatre à quatre les escaliers qui menaient au premier. Roswell regardait se débattre encore une dernière fois Parnell mais bientôt le dernier râle de son agonie retentit et en s’assurant sur son passage que Beth et Manson avaient bel et bien trépassés, il monta presque tout à fait victorieux les marches, il se trouva devant la porte de la chambre que j’avais fermé à clef, et au moment où la mouche allait passer à travers la serrure de la poignée de la porte, il l’arrosa de son lance-flammes et tout prit feu à bribe abattu. Satisfait de ce spectacle et me croyant définitivement condamné aux flammes, il rentra, se croyant enfin le dernier rescapé de toutes ces exterminations ; mais au-dessus de moi, une fenêtre fut entrouverte et en me défenestrant j’atterris dans une petite cour poussiéreuse, le visage bouffis et empâté, puis me sauvai à toute berzingue, courant jusqu’à embraser mes poumons et mes jambes.


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Aujourd’hui, ayant déménagé loin de cet enfer, dans le Languedoc, seul survivant avec Roswell qui me croit mort et qui doit sévir toujours, en cette nuit chaude de juin à écrire avec des mots lapidaires cette histoire qui s’est réellement passé, car je n’ai plus un zeste de raison pour développer, je me demande pourquoi Mandeville a à ce point sombré dans le chaos le plus total ; par les rumeurs que des vagabonds comme James Dean colportent, j’ai ouï-dire que cette anarchie profitent pleinement aux sorcières qui ont remplacé en terme de population tous les « chats noirs » morts en pagaille sous les trains.

Mais des gonds grincent à l’autre bout de la bibliothèque, puis un pas décidé martèle le parquet dans un cliquetis d’éperon dans la pièce d’à côté. Mon labrador que le bruit grandissant achève de réveiller, ne me sera d’aucune utilité pour me défendre ; je touche ma veine jugulaire là en haut du cou qui pulse un sang noirâtre et angoissé. Mais après tout, même Kennedy n’a pas réussi à échapper à la malédiction, et si cette nuit mes plaies ne suppurent que maintenant le pus jaunâtre, c’est bien que je vais bientôt rejoindre la lune, le crotale, l’insecte et le lézard dans le tempo final.

James Dean en enfer, au paradis ou au bistrot doit être en train d’insérer son unique pièce dans un juke-box et de là où est la fenêtre face à mon bureau, j’observe une mystérieuse lueur verte qui s’est abattue dans le bois et les champs de lavande et après m’être langé dans des draps sales, définitivement en train de devenir cinglé, je lis le dernier jet que j’ai écrit et que j’écrirai sûrement sur la machine à écrire qui vient de le vomir donnant ça :

« Les Frères Lumière ont vraiment inventé quelque chose de désastreux. La non-violence prônée par Ghandi sera elle-aussi sévèrement admonestée par tous les humains et toutes les autres créatures de la planète. De là naîtra, quand il n’y aura plus rien à se mettre sous la dent au cinéma, seulement une succession d'images noircies. Je m’inquiète de la désinvolture avec laquelle le monde va traiter cette relique du passé confiée au départ uniquement aux Maîtres de la Griffe Noire. J’entends le cormoran des limbes appeler mon nom. On dit qu’un roi perd son royaume quand il perd la vue… Mais pour croître ou déchoir, il a quelque chose d’essentiellement inerte : surtout ses yeux - qui ne sont que de petites fentes étroites sans expression ni étincelle. »

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 09/07/2023 à 23:28:13
HK a fait long en fusionnant quatre ou cinq textes en un seul. Ce n'est pas en soi un problème, même si ça a manifestement effrayé les admins et retardé la publication du texte. Désolé pour ça. J'ai aussi un gros retard de lecture de certaines participations à cette Saint-Con.

Moi, ça me va très bien de lire un texte en me contentant de l'ambiance, du rythme, des images et en me foutant du côté narratif foutraque et des références qui m'échappent. J'aime bien Capdevielle.

Mais ici, je ne sais pas si c'est lié à la taille du truc ou à l'envie de l'auteur de faire vite pour que le texte soit accepté pour la Saint-Con 2023, mais c'est moins bien torché que d'habitude : fautes de syntaxe, expressions incongrues, fluctuation de niveau de langage (je n'ai pas tout noté mais notamment : "mettre un pied debout", "tout prit feu à bribe abattu" et "berzingue" pour le niveau de langage).
Un Dégueulis

Pute : -139
chiquée pas chère
    le 10/07/2023 à 00:54:13
J'ai lu le texte. Contrairement à Dourak, je pense que c'est très bien écrit.

Haikulisse a fait des progrès et ça se voit.

Il a les fesses qui pendent comme celles d'un ragondin des marais.

Il prose en vers à l'envers.

Il coupe les coupe-coupe des coupe-cou en f'sant "coucou" comme un coucou.

Il est bien, le Haiku.

Je voterai pas pour lui, notez bien, je voterai pas pour lui.

Bon j'avoue j'ai pas lu j'y arrive plus pitié.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 10/07/2023 à 13:30:56
Aidez-moi ! Achevez-moi ! j'ai tout lu jusqu'à la fin. C'est comme si David Lynch m'avait enculé à mort.
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 10/07/2023 à 14:03:04
J'y ai trouvé aussi un petit arrière-goût du dernier Tarentino (Once upon a time in Hollywood, notamment la très saint-connesque combustion au lance-flammes dans la piscine).
Lunatik

Pute : 1
    le 10/07/2023 à 21:44:55
Les références aux textes de Clacker aident un peu à suivre le bousin, mais ça emmêle quand même pas mal les neurones, ou ce qu'il en reste après une dizaine de phrases.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 10/07/2023 à 21:59:06
Ah mais oui, je me disais bien que j'avais déjà lu ça quelque part aussi
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 10/07/2023 à 22:14:54
Chipeur,Chipeur, arrête de chiper !
Clacker

Pute : 3
Langue ichoreuse ou glaucome de femme-anchois    le 11/07/2023 à 22:20:59
J'apprends donc que Beth a une soeur affublée d'un prénom de tapineuse d'autoroute, que Charlie se déplace allégrement de chiottes en chiottes (content de voir qu'il garde la pêche), qu'à Mandeville on a délaissé le post-parallaxe pour... du jazz (la mode est un éternel recommencement, blablabla comme moi DTC,s) et enfin que cylindrer est un verbe, et donc qu'on peut cylindrer une pâte sablée ou bien du parmesan ou bien sa bite à l'aide de tout objet de forme cylindrique.

Je me suis donc cultivé en diable en lisant ce texte. J'ai aussi déclaré une maladie neurodégénérative toute neuve, encore inconnue de l'OMS, et je saigne sans discontinuer de la narine droite. De ce fait, je me sens spécialement spécial.

Pour en revenir au texte, je dirais que le début laisse penser qu'on va y paner quelque chose, et c'est à peu près le cas pendant le premier tiers du bazar, après ça commence à démanger le lobe temporal, puis on passe en hypoxie, on a envie de réserver un lit en salle de réanimation juste au cas où, et si on ne fait pas une pause très rapidement dans sa lecture, on finit par se dire que Proust, finalement, c'était pas si mal.
Un Dégueulis

Pute : -139
chiquée pas chère
    le 19/07/2023 à 03:19:19
Je propose de remplacer avantageusement Haikulisse par une version locale de GPT-2.
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 19/07/2023 à 13:31:20
Pour quel avantage ?
Un Dégueulis

Pute : -139
chiquée pas chère
    le 19/07/2023 à 23:12:16
POUR

Heu...

...industrialiser...

...la production...

...d'Haikul...

Nan oubliez j'ai rien dit Haiku est très bien comme il est bisous.

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