LA ZONE -

La Nuit chaude d'Ivan le Terrible

Le 08/10/2025
par HaiKulysse
[illustration] Acte 1 : La nuit chaude d’Ivan le Terrible !

Ses naïades laides à mourir déparaient notre trésor de lapis-lazuli volé dans le haut-lieu de débauche de cet oppresseur, rabrouant toutes ses geishas en kimono qui rationalisaient trop et qui s'étaient acquis malgré tout à notre cause. Parmi ces kyrielles de divinités, on ne savait pas bien lesquelles de toutes ces déités seraient avec nous comme sur un petit nuage, si par hasard, on les invoquait pour mettre fin à son régime déjà bien déliquescent…


Ou bien si on prodiguait des offrandes à l'une d'elles, elle serait capable de nous dégoter des casques indestructibles. Nécessaires lors de la conquête sur les immenses territoires d'Ivan le Terrible. Peut-être même qu’elle deviendrait le fleuron indocile de cette émeute et de ce Projet Chaos qui avaient quitté les bas-fonds pour tramer notre complot contre le despote au pouvoir...
Acte 2 : Il est minuit depuis toujours ou comment l'on décrit cette étrange famille de frauduleux et naïfs banqueroutiers vivant dans un terrier la nuit et accoutumée à donner à leur pisciculture ainsi qu'à leurs otaries des fongicides et où l'on découvrira qui mène la danse.


La pisciculture les ennuyait. Ils buvaient de moins en moins d'eau. Une poétesse les écrivit en morse de Tolède où ils décidèrent de s'y rendre. En remontant la Seine à tout hasard, ils entendirent un bruit sourd qui ne paraissait pas venir de leur cœur.
Le vent se leva, à l'affût effarant de tout ce qui a du succès et de leurs légendes d'ermites vivant dans des sous-sols mystérieux. Ils furent ainsi poussés nord-nord-est et se retinrent avec peine aux reliefs de leur repas de midi. Le bruit croissait. Ils gardèrent le sang-froid de leur race et purent sans naufrage accoster à la pointe d'une île arrachée au sommeil du juste...
Ils se sentirent en sécurité dans ce havre où Raoul Duke vivait nonchalamment.

Ils géocalisèrent, à l’aide d’une application d’un genre singulier, des clairières verdoyantes où toutes sortes de tralalas liturgiques s’ébauchaient. Tout autour, il y avait des huttes dont les fenêtres étaient étrangement en verre dépoli : avec le journaliste Gonzo, c’était la première fois qu’ils voyaient le ciel pour de vrai.

Ces lieux et ces cercles vaudous étaient sillonnés d’un ruisseau aux berges occupées par des vivisecteurs ; cours d’eau qui, conjugué à sa position retranchée, sur une colline en pente douce, théâtralisait à point le sanctuaire. Les visiteurs comme eux n'accédaient au saint des saints que revêtus d'un certain boubou obligatoire (et très cher) ; tout ça pour la seule convenance d'un seul et unique gourou. Un ténébreux éventreur jadis vendéen.

Les rangs des fidèles s'élargissaient tous les jours un peu plus au pied de l'autel : tout le monde hurlait, criait, gémissait dans une transe à dynamiter tous les coupe-circuits des appareils les plus sophistiqués. Et qui avait fait perdurer le mythe et l'existence d'un pied-bot gigantesque, couvert de pourriture, avec de petits yeux verdâtres et horrifiques...


Acte 3 : Souvenir de la cité d'Ys


« Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. »
« On avait deux sacs bourrés d’herbe, 75 plaquettes de mescaline, cinq feuilles complètes d’acide en buvards, une salière à moitié pleine de cocaïne, une galaxie multicolore de remontants, sédatifs, hilarants, larmoyants, criants, en plus une bouteille de tequila, une bouteille de rhum, une caisse de bière, un demi-litre d’éther pur, et deux douzaines de Poppers. Non qu’on ait eu besoin de tout ça pour le voyage, mais quand on démarre un plan drogue, la tendance, c’est de repousser toute limite... »


Essayer de les appâter, ses pèlerins, aurait été une aberration. Et même une aliénation pour nous, cœurs fragiles.

Figé comme une idole, comme la statue perverse d'un homme-singe en haut de l'un des nombreux pitons de l'île, Raoul Duke voyait en contrebas des dames se déshabiller au bord des rivières. Sa bicyclette, dont le garde-boue était entaillé d'une croix d'argent et d'une médaille, l'avait dispensé de se mouiller en traversant les courants des petits vaux de ce pays tiède, ombragé de sycomores.

Il se dirigea ensuite à travers des forêts d'une couleur d'albâtre, et des campagnes arides où des gargotes se disputaient des clients déjà ratatinés.

Et parvint en vue d'une ville ardoise et ocre piquée de tours et de clochers qui servaient de garçonnières pour des agents du KGB. Ceux-ci, dont le visage hâve témoignait d'un temps trop long à passer des auditions dans les sous-sols, l’attendaient assis sur des caisses. Et dont, à l'intérieur, on avait placé une pelisse en peau de lièvre à garniture rouge, posée sur un drap, autrefois blanc, mais maintenant de la couleur du sang depuis qu'un mystérieux alchimiste, pour l'étudier, avait brisé la fontanelle d'une paysanne, morte sous le coup.

Il connaissait bien la route malheureusement. Improvisant parfois de la place Marina Beg-Meil au centre Loctudy pour cause d'événements conjoncturels comme une manifestation de néogothiques ou de néonazies, il œuvrait, avec une application de géolocalisation, à la formation d'un ouragan politique...



Acte 4 : Smoke

Les rues étaient désertes et elle ignorait les panneaux stop, ne ralentissant que dans les virages en épingle à cheveux. Elle prit la 7e, et ce fut une erreur. Sa voiture baignait à présent dans un gros trou, une cuve où tout le sang des succions de la ville fermentait. Elle s'extirpa de la décapotable dans la pénombre et elle sortit du coffre une bouteille de whisky.

Quand elle fut ressortie de là entièrement, elle faillit être prise de vertige mais au moins c'était une bonne planque pour la bagnole volée. Plus loin le traitement des eaux dormantes d'un étang avait été mis au rebut, plus personne ne s'aventurait par-là.

Tout à l'heure un type avait appelé au sujet d'un feu de cheminée. Pour cette enquêtrice spécialisée dans les feux criminels des pyromanes, bien que ce soit l'heure du couvre-feu, elle recommença à faire la synthèse de tous les appels recensant les incendies d'hier et d’aujourd’hui.
Par vidéotransmission avec ses responsables, elle expliqua son plan qui l'obsédait ; ses idées ambivalentes aussi sur le psychopathe qui sévissait depuis plus de deux ans.


Trois kilomètres plus loin, à pied, l'asphalte cédait de la place à de la terre battue. Elle arriva finalement jusqu'à sa chambre d'hôtel. Et sa climatisation vivifiante l'aida encore, avant qu'elle se couche, à gribouiller, sur un exemplaire de Plains Truth, ce qui était de l'ordre des fabulateurs et sur ce qu'on devait réhabiliter dans les dossiers classés sans suite jusqu'à maintenant.
Mais plus haut, on s'en tamponnait des pistes qu'elle avait suggéré à ses chefs.

Et ce matin, dans les égouts, à l'endroit où les souterrains font un coude et se séparent, tandis que ses supérieurs renâclaient à lui donner une mission d'envergure ou même à lui verser une prime, elle voyait les tags se succéder sur les murs, à la recherche d'un indice.

Acte 5 : Les autres dimensions

« Notre grande risée, au moins, nous apprit que les commencements et les fins se succèdent toujours dans l'ordre.
Et lorsqu’ils en eurent fini avec notre lynchage, les mystères du tao on les appréhendait aussi simultanément que clairement et sans jamais être confus !
Et lorsqu’on ouvrit le journal de Kurt Cobain, nous savions à ce moment précis que pendant des siècles sur cette planète de nouveaux événements continueraient à exister dans une autre dimension de l’espace…. »

Cependant, une nuit à traîner et à fouiner dans les poubelles d’une clinique de liposuccion, assez curieusement et par un hasard tout à fait étrange, on découvrit cette résine de cannabis qu’un veilleur de nuit avait oublié là non loin des déchets et des dépôts de graisse des clientes fortunées.
Elle nous révéla, lorsqu’on la fuma après l’avoir un peu broyée, les secrets brûlants de tous les scandales retentissants que le Tsar tentait de dissimuler… Notre risée, avait pour origine la disparition inquiétante et mystérieuse de l’enquêtrice spécialisée dans les feux criminels. Tout comme notre lynchage que les tagueurs s’opiniâtraient à raconter sur les murs comme s’il s’agissait des peintures et des gravures dignes de Lascaux…

= commentaires =

Lapinchien

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Pute : 67
à mort
    le 07/10/2025 à 18:56:10
Le HaiKulysse nouveau est arrivé ! HK est dans la place ! Comme d'hab, je suis client à 100% sans le moindre bémol. Et ça me fait de sacrées économies de drogues psychotropes depuis le temps.

HaiKulysse, j'espère bien que tu répondras à l'appel à textes parafoutraux, rencontre entre érotisme et paranormal, ce serait vraiment top avec ton cut-up de derrière les fagots.
Lapinchien

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Pute : 67
à mort
    le 07/10/2025 à 19:00:25
3.800ème texte de la Zone, en plus ! Tout est là pour bien le célébrer.
A.P

Pute : 24
alors là, chapeau l'artiste    le 07/10/2025 à 19:25:10
Quand Hunter rencontre le vieux Bill en plein trip psychédélique ça donne ce texte.
Alors oui, pour aimer ce genre de délire, il faut pas avoir peur de faire du cubisme avec des disques et peinturlurer tout ça comme un Pollack sous LSD.

Je serai bien incapable de vous dire de quoi parle ce texte, par contre je pourrais vous dire ce que j'ai ressenti en le lisant (désorientation, bousculade comme dans un pogo en plein milieu d'un grand huit et putain ce que c'est fun!).

Et au final c'est bien aussi de ressentir quelque chose sans rien comprendre plutôt que de comprendre sans ressentir quoique ce soit.

Du coup tu as bien mérité ton Merci pour ce texte et cet exploit.
Lindsay S

Pute : 79
    le 07/10/2025 à 21:01:01
Alors… oui. Clairement, c’est TROP. Mais c’est TROP avec cœur et avec passion. Et pour ça, je peux applaudir.
Trop de personnages, trop de détails, trop d’actions qui se chevauchent, trop de substances, trop de digressions… et on pourrait continuer la liste encore un moment.💛

Ou bien on sent la passion derrière chaque phrase. Chaque excès se veut choisi, chaque débordement assumé. C’est comme un cadeau explosif : ça ne se savoure pas doucement, ça se reçoit en pleine figure, et c'est un peu collant. Il y a quelque chose de volontaire à voir un texte oser tout, sans compromis.

Alors oui, je me perds. Oui, je saigne des yeux et des oreilles. Mais il y a une énergie folle, presque câline, qui traverse ce chaos. Et ça, ça mérite un sourire.

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