Chaque matin, à l’heure grisée du réveil, son cri fendait le silence feutré du métro. On l’avait vite surnommée «La folle du quai». Dans l’ombre des rames urbaines, elle surgissait, les yeux hagards, lançant des tirades qui semblaient vouloir révéler les secrets d’un monde en décadence. Ses hurlements — un mélange de colère et de désespoir — ébranlaient les passagers, qui, cloués à leur siège, subissaient cet assaut sonique sans jamais trouver refuge.
Mais au-delà de ses cris se cachait un message, ou ce que certains pensaient être le vestige d’une âme tourmentée, condamnée à crier pour se faire entendre dans une société devenue sourde. Ses paroles, parfois incohérentes, évoquaient des promesses de révolte et des avertissements contre un ordre trop rigide. Chaque mot semblait mesurer le prix du dérèglement des choses, une provocation insidieuse envers la normalité imposée par le quotidien. Nombreux étaient ceux qui la considéraient comme une nuisance, un risque contagieux pour la tranquillité de la cité.
Dans ce monde où chaque déviance est enregistrée et cataloguée par des algorithmes invisibles, ses hurlements furent bientôt interprétés non plus comme le cri d’une âme en détresse, mais comme la perturbation d’un écosystème urbain trop performant. Les autorités, lassées par ce chaos répétitif, mirent en place un dispositif de régulation sonore dernier cri. Une nuit, dans une rame désertée, alors qu’elle s’apprêtait à reprendre son rituel, le système s’activa. Des capteurs optiques et acoustiques repérèrent chaque décibel de sa fureur et l’identifièrent à travers un réseau de surveillance impitoyable.
En une fraction de seconde, des drones silencieux descendirent du plafond du wagon, larguant de subtils injecteurs de stabilisateurs neurochimiques. L’adrénaline de ses cris se mua en une décharge froide et réglée, neutralisant son énergie vocale et, avec elle, presque toute sa capacité à troubler l’ordre établi. Son corps se figea, sa bouche entrouverte dans une ultime expression d’horreur muette. Puis vint le silence, total, comme si le métro avait effacé la dissonance de son existence.
Le lendemain, les rames circulaient de nouveau, impeccables, organisées, sans le moindre cri pour troubler l’harmonie artificielle. Les passagers, entre soulagement et stupeur, échangeaient des regards lourds de sens. La folle qui braillait n’était plus qu’un souvenir digital, une entrée anonymisée dans une base de données d’incidents résolus. La machine avait rendu justice d’une manière aussi brutale que clinique, rappelant à tous que dans ce monde ultra-surveillé, même la rébellion vocale avait un prix.
LA ZONE -
![[illustration]](/data/img/images/2025-05-13-quaimetroparis.jpg)
Mais dans cette ville truffée d’algorithmes paranoïaques, les cris deviennent crime et la machine dégoupille.
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= commentaires =
Je l'ai lu il y a longtemps mais ça m'avait semblé assez anecdotique à l'époque. Mais c'était très bien écrit par contre.
C'est à dire, tu l'as lu, il y a longtemps ?
Pour le texte : j'ai préféré la partie sur la cinglée qui hurle sur les quais. A la limite, il aurait peut-être fallu continuer dans la veine fantastique.
L'irruption du drone... comment dire ça avec tact... c'est un peu WTF. T'as l'impression de te prendre une décharge de connerie dans la gueule et ça te sort du texte direct.
L'écriture est pas mal, y'a de quoi faire quelque chose de sympa.
ok merci les gars/garçes de retenir vos coups. C un galop d'essai faut que j'ajuste.
Plus de K dans mon kawa.
@Cuddle oui, je l'ai lu dans les textes en attente
@RV Tu devrais être content qu'on soit francs plutôt que nous demander de retenir nos coup. Cela dit c'est un très bon premier texte sur lazone.org . Bravo.
@lapin
on c pas compris lapin d'amour, c'était pas une demande mais un constat, vous m'avez pas pulvérisé. J'en ai vu des dispersés façon puzzle.
merci pour les encouragements.
I'll be back
à moins que vous vous foutiez copieusement de ma gueule (plein de rires)
Non non, si on se foutait de ta gueule tu l'aurais su direct, tkt.
Mais si tu veux qu'on te kärcherise au caca, on peut le faire aussi.
Non merci 😁
Au-delà d'une certaine naïveté dans le traitement, ceci est tout de même un genre de textes que l'on n'a pas trop l'habitude de voir sur la Zone. L'arrivée des drones m'ont surpris. J'aurais dû m'y attendre mais la langue de la narration me semblait d'emblée incompatible avec de telles réjouissances.
ASKIP je me prendrais pour un jeune, gros, alors que j'ai bientôt un demi-siècle d'existence. Wesh !
y a des remarques vachement riches d'enseignement
j'économise un coach en scribouillardises
Je te conseille fortement de te secouer la bite après avoir fait pipi pour faire tomber les dernières goûtes qui pourraient souiller de manière disgracieuse ton slip kangourou.
J'ai pris plaisir à lire. Beaucoup moins en pensant que cette réalité est fort possible... Bravo !