LA ZONE -
Voilà la mort... Des pourritures partout... Le vent glacial qui sort des poumons en putréfaction, des poumons tuméfiés de cancéreux... De la chair à vendre contre un peu d'humanité, du moins ce qu'il en reste : tout juste un enfant, rien qu'un enfant tout seul qui pleure comme une fontaine, un enfant qui chiale des torrents de larmes rouges sang et qui chiale et qui chiale d'avoir perdu ses parents dans l'Apocalypse ; elle a eu lieu comme ça, comme un souffle du sphincter, un pet non retenu aux odeurs délicates du pétrichor. La chose se réglerait à l'amiable si toutefois ils étaient deux, si l'enfant était au pluriel sinon s'il se voyait dans le reflet d'une eau phosphorescente voire pittoresque quasi transparente, dans la folie luminaire des arcs-en-ciel terrestres ou sinon à travers son propre-reflet dans un miroir, rien qu'un petit miroir qui tiendrait dans ses petites mains d'enfant de putain, d'une putain qui a claquée comme toutes les autres et comme le monde entier a craqué sous ses yeux juvéniles encore pleins de cette innocence et de cette docilité pour le domaine maternelle. Il téterait bien au sein d'une mère en décomposition s'il le pouvait mais il peut à peine marcher, il respire déjà avec difficulté ; l'air est insupportable comme s'il sortait d'une église. Appelons l'enfant Joseph. Joseph a le ventre mou parce que le ver dans ses entrailles lui est sorti par le nez lors de l'explosion. Tout le monde sait que les vers se tirent du nez. Cadavres de diplômés, de dépareillés solitaires, de pouffiasses aux hymens déchirés… tant de nourritures à se mettre sous la dent, sous son unique dent de lait. Il reste de cette espèce de ver qui suce comme un vampire le sang de la terre. Les pailles sont pour les chiens. Le monde aujourd'hui pue très fort, l'odeur est nauséabonde et l'enfant crache ses poumons tel un tuberculeux. Le ciel lui tomberait sur la tête qu'il ne s'en rendrait même pas compte. Ça craint vraiment. Faute de pouvoir marcher il se traîne à quatre pattes ou que dis-je, à quatre moignons pendants comme quatre petits boudins ou comme quatre petits chibres mous de quatre sexagénaires étouffés sexuellement par la vieillesse de leurs épouses respectives quoique bien peu respectables. S'il avait cinq ans il sonnerait facilement les angélus du complexe œdipien en voyant là et las sur le sol des parquets et des dalles en béton et des morceaux de bois et de cartons rangés par l'humidité des nuits et des termites gémir les morts dans leur mort la plus grandiose et jouir une dernière fois en partant l'âme en peine pour le purgatoire éclipsaire, à mi-chemin entre le soleil et la lune, entre le jour des imbéciles et la nuit des heureux, dans une chaleur infernale les faisant tous suffoquer ici-bas, aux pieds de Dieu et face au Diable en personne qui lui fait la pédicure et lui lèche chacun de ses orteils en prêtant bien attention aux mycoses et aux ecchymoses. Alors voilà l'enfant Joseph qui part en ne sachant rien, à peine âgé de deux ans, chiant dans sa couche dégueulasse à craquer de merde alors que c'est déjà à peine s'il ne sait pas chier tout court ; l'anus frétillant, encore neuf, frais comme un gardon, n'ayant jamais connu les douleurs de la sodomie gouvernementale et administrative et physique et cérébrale de queues bandantes et tendues comme les cordelettes des archers si bien que même Robin des bois pisserait dans son froc en assistant à ce pitoyable spectacle. L'enfant ne connait rien de rien mais sa vie continue et qu’elle continue ! que la vie t’offre sur son plateau d’argent et dans son non-sens le plus complet sa virginité canine bonne à prendre en levrette ! Vas-y mon petit Joseph ! rampe à ses pieds et regarde les montagnes inaccessibles te toiser de si haut que tu croirais voir un bout du Paradis... Là-bas, regarde comme tes parents dorment, l'épouse dans les bras de son mari, nue et froide, semblable à cette nuit bleutée et rigide comme un bâton de fer ; lui masculin et viril comme tu ne le seras jamais et tes frères et sœurs la tête écrasée sous une voiture en flammes et le cerveau pulvérisé divisé en de petits fils dégoulinants sur le macadam... L'Apocalypse est une chose merveilleuse. C'est beau à en faire bander une gonzesse, carrément.
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= commentaires =
J'adore la prose monobloc de Sinté, c'est une sorte de bélier littéraire qui lui sert à défoncer la boîte cranienne du lecteur afin d'y faire pénétrer par effraction ses propos dans le cerveau. Il devrait en toucher un mot aux politiciens qui cherchent à nous vendre leurs lessives conceptuelles à la con parce que ce serait super efficace pour endoctriner les foules. Le propos cependant, j'y suis un peu hermétique et j'ai pas trop capté mais je sais qu'il m'a déchiré l'hymen de mon cortex pré-frontal. Tiens d'ailleurs, en parlant d'hymen, je trouve quand même que les femmes sont pas traitées avec trop de galanterie dans le texte et de manière un peu gratuite mais je ne vais pas me lancer dans un trip mansplaining, je suis certain qu'elles demanderont des comptes à l'auteur à ce sujet mieux que je pourrais le faire.
C'est pour le coup, Lapinchien, que tu pourrais demander à l'IA une interprétation psychanalytique de ce "bloc" de prose.
Espérons que l'écriture ait servi de catharsis à son auteur, souhaitons qu'il y ait déchargé son dégoût du monde, son ressentiment contre l'État et sa haine des femmes qui sont toutes, nous le savons, des putes.
Mais "pute" n'étant pas une insulte sur la Zone et, comme le dit Sinté lui-même, tout le monde y étant ravi de se faire traiter de pute, tu t'inquiètes sans raison que les femmes n'y soient pas traitées "avec trop de galanterie".
Personnellement, je ne demanderai pas de compte à l'auteur. En revanche, peut-être a-t-il, lui, des comptes à régler avec sa mère, son ex-femme, son inspectrice des impôts, que sais-je ?
J'adore le style, mais pourquoi j'ai pas mieux adhéré à l'histoire... Pourtant elle colle bien... L'image d'illustration excelle a capter mon "expérience lecteur".
Un texte boursouflé comme un steak génétiquement modifié, qui baigne dans son jus comme une cuisine de Stéphane Plaza, et qui donne envie de gerber, tout en réussissant à conserver un indolence protectrice, comme un film a surgelés. Bref un sacré morceau, qui mérite le label Zone a mon avis.
Merci pour les retours, et faut pas y voir grand-chose de personnel dans ce texte, c'est de l'écriture automatique pour me défouler avec L'Apocalypse en thème de fond.
Donc Sinté, on peut parler de catharsis si tu te défoules ?
Une catharsis c'est quelque chose de plus personnel.