Hier soir, j’ai marché. Longtemps. Je n’arrivais pas à dormir. C’est pratique les médocs, ou la télé, pour s’abrutir le soir. Ici, il n’y a rien. Je ne bois même pas. Je vous l’ai dit, pas de plaisir, je pèlerine à froid. Attention, je n’en tire aucune fierté, c’est juste le hasard des occasions manquées, l'héroisme des planqués.
Hier, ma balade m’a poussé jusqu’au quartier des prostituées. Enfin, quartier est un grand mot : un parking étroit, un bosquet enclavé et le tour du propriétaire est fait. Certains profitent de l’abri tout relatif des arbres, d’autre se garent et font leurs petites affaires façon drive. Moi, je m’en fiche, je ne se suis pas là pour regarder. L’idée même de me poster derrière un arbre pour me soulager ne m’a jamais effleuré. Vous voyez, j’ai de vieux restes de fierté, c’est tenace la dignité.
Tête baissée, je me contente de bouts de femme : un coin de résille, un talon élimé, un ongle rouge vif… Je respire leurs parfums bon marché. On les trouve tous au Monoprix d’à coté et mon nez a appris à les reconnaitre. Avec elles, c'est facile, elles s’en aspergent des litres entiers.
J’ai remarqué que les parfums changeaient suivant qui les portait. Chaque fille a sa propre odeur et le muguet, par exemple, ne sent pas pareil sur l’une ou sur l’autre. Je ne connais pas leurs prénoms, mais je peux me les nommer au nez : il y a muguet aigre, muguet sucré, muguet tourné, etc.
Certaines filles se trompent de parfum, j’en suis persuadé. La pivoine irait mieux à cette brune qu’à cette blonde par exemple. J’aimerais leur en parler, je suis certain que ça leur serait utile, mais quel crédit accorder à un homme qui sent perpétuellement le chien mouillé ?
La plupart m’ignorent, certaines me hèlent parfois pour me glisser une pièce. Elles prennent toujours de petits airs pincés. Ça doit les soulager d’être pour une fois du bon côté. Je suis d’insalubrité publique qui sait….
Une fois, une toute jeune, une pas encore rodée aux us et coutumes de ses ainées, est venue me parler. On a fumé une cigarette ensemble, échangé quelque banalités. En parlant, elle s’est appuyée sur mon épaule le temps de retirer un caillou dans sa chaussure. Son parfum lui allait bien. C’était un des moins chers du Monoprix, mais le flacon était joli.
La nuit se terminait, la rue était presque déserte. Je sentais les trente euros pliés en quatre dans ma chaussette. Ça aurait été peut-être assez pour elle. Elle qui regardait sa montre, la rue déserte et commençait à s’impatienter.
« Tu joues aux échecs ? », c’est ce qu’elle m’a demandé. Elle a sorti de son sac un petit jeu en plastique. C’était le jeu de son gamin. C’était moins triste à garder qu’une photo. Les rouges pour elle, les blancs pour moi. Je me suis donné du mal pour ne pas la battre trop vite. Nos épaules se touchaient presque et mes trente euros me démangeaient dans le fond de ma chaussette. Dans un mois, deux tout au plus, elle ferait semblant de ne plus me reconnaitre, c’était maintenant ou jamais.
J’aurais bien aimé un peu d’eau de toilette. Je voyais bien que je l’incommodais. Elle faisait mine de rien, mais elle en était à son troisième chewing-gum qu’elle mâchait bouche grande ouverte. Alors mes trente euros, ils m’ont servi à acheter du tabac et des saucisses le lendemain. Parce que même pour moi ça sentait trop mauvais la menthe et le rat crevé. Crevé comme le serpent au fond de mon slip qui, devant les reines de plastique, ne fait plus que s’incliner.
LA ZONE -
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= commentaires =
Perso, je trouve pas que ce soit si mal écrit que ça. Il y a quelques fautes oubliées à la relecture qui traînent mais un style clair se dégage et j'ai apprécié de le lire. J'avais bien aimé le premier texte de l'auteur sur les radio associatives et la reconversion des punks. C'était comme un reportage en immersion. Là, j'ai l'impression que le sujet traité est de la fiction pure mais je n'imaginais pas que certains mecs fantasmaient sur l'odeur des prostituées. Je trouverais ça assez dégueu comme lubie vue que certains gars qui couchent avec se lavent à peine selon Brassens.
Le style, clair et net.
L'histoire, touchante.
La partie d'échecs, surprenante.
Qui a dit que c'était mal écrit ? C'est très bien écrit, au contraire. Il y a du rythme, et des phrases bien tournées, sans emphase. On sent dès les premières lignes que ce texte sort du lot.
Et l'histoire est très touchante. Le narrateur est pudique, il ne s'épanche pas. C'est un choix de l'auteure, et on le comprend suffisamment quand le narrateur parle de "dignité".
"On effleure à peine sa solitude" écrit l'auteur du résumé. Je réponds que la subtilité, c'est de laisser le lecteur imaginer. Et je pense que la fixation du narrateur sur le parfum et l'aveu de son impuissance sexuelle sont des indices suffisants de sa misère affective.
J'ajoute que ce narrateur est d'une délicatesse extrême : il a peur d'incommoder ces femmes, il les respecte, et il est suffisamment attentif à elle pour savoir quel parfum leur irait le mieux. Un peu de finesse dans le monde de brutes de La Zone.
Enfin, Lapinchien, "quelques fautes oubliées à la relecture", c'est une exagération. Je n'en vois que deux, probablement des fautes de frappe.
Attentif à elleS.
Je trouve ce texte beau
Fin
Doux et violent sans l'être.
Ce texte ouvre l'imaginaire de tous...par exemple lorsque un autre commentaire affirme ce que le texte ne dit pas... l'impuissance sexuel du personnage principal.
Personnellement je n'y ai vu aucune allusion à l'impuissance.
Peut être que c'est ce que recherchait l'autrice...
Un paumé qui joue aux échecs avec une prostituée.
Plutôt que de la baiser... c'est forcément un impuissant.
Il va s'acheter à bouffer le lendemain.
Puisque l'autrice nous ouvre l'imaginaire avec ce genre d'ellipses, de flous...
Et que chacun y va de son interprétation ( bien joué à l'autrice)
Je dirais que ce gars a recherché une chaleur un peu humaine....
Et qu'elle ne passait pas par sa bite et surtout pas avec seulement trente euros.
Ses trente euros il les a utilisé pour bouffer.
Enfin ça
J'en sais rien
Merci bcp pour cette belle lecture
Très profond
Et très puissant
Les odeurs..de parfums
Il est impuissant et c'est écrit en toutes lettres : "Crevé comme le serpent au fond de mon slip qui, devant les reines de plastique, ne fait plus que s’incliner. "
Je pense que cette phrase est de trop : "Je me suis donné du mal pour ne pas la battre trop vite." En tous cas, j'ai tilté dessus en me demandant ce que l'auteure voulait insinuer.
Je n'en sais rien
Oui effectivement
Ça semble vouloir dire ça au
1er degré
Tu dois avoir raison
J'y ai vu autre chose
J'ai eu tord
Mais pourquoi ce jeu d'échecs ?
D'échecs
Parce qu'elle semble suggérer qu'une pute est forcément conne alors que ça doit être le même ratio que dans les autres catégories socio-professionnelles.
Qu'est-ce qui n'est pas clair ? Il est bon aux échecs, pas elle. Mais il ne veut pas l'humilier.
Pas sûr
C'est un gros pd
Ou un pédophile
Et elle est moche et elle pue
En plus elle est débile
Du coup il ne bande pas
Ce gros pervers
Ah ! J'ai pensé aussi que c'était une parabole de leur vie ? Enfin, j'en sais rien, c'est un peu limite aussi.
Pas sûr ? Mais de quoi d'autre peut-il s'agit que de la battre aux échecs ?
Elle n'avait pas de jeux de cartes la salope
Mongolito caca, tu n'es pas obligé d'en rajouter dans la bêtise et l'abjection. Ton pseudo en dit déjà assez.
C'est une référence au joueur d'échecs
C'est farpaitement certain
C'est un message codé
En même temps, c'est elle qui a le jeu d'échecs, pas lui. C'est elle qui propose de jouer donc ça doit vouloir dire qu'elle est pas forcément nulle. En tous cas, perso, si j'étais nul aux échecs (et c'est le cas car je maîtrise même pas les règles) alors je ne proposerais pas à un inconnu de jouer contre moi.
Ben je fais comme je peux
Bien d'accord en revanche avec toi
Sur ton analyse de ce texte sur le fond comme sur la forme
Il n'avait pas de jeu de dames
Eurêka
Je laisse tomber la discussion. Vous me désespérez.
Mon dernier mot sera pour l'autrice : Bravo, et MERCI pour ce très beau texte. Merci à toi qui sais suggérer au lieu de montrer.
Je suis sûr qu'il y a plein de symboles dans ce texte. Déjà, le titre : pourquoi 'plastiques' au pluriel ? J'ai d'abord pensé aux capotes et la plastique de ces femmes, l'esthétique, quoi. ça fait deux plastiques donc pluriel.
Bien dit !
Oui merci à l'autrice pour ce texte fabuleux
Je vous laisse chercher des symboles kabbalistiques et franc-maçonniques car là je vais matter comme un porc maniaque Harry Potter et le Prince de Sang-mêlé jusqu'à en perdre 10 points de QI et je suis excité comme une puce et je raconte n'importe quoi.
Oh, merde... C'est Canteloup... Quelle bande de casseurs d'ambiance.
Bien dit
Moi je vais aller me branler
Ce texte m'a excité
La phrase relevée par LC m'a fait un peu tiquer également.
Je n'ai pas trouvé la phrase très sympa envers la prostituée contrairement au reste du texte.
Cela peu traduire une certaine lucidité de la part du narrateur ou tout du moins une volonté d'être factuel.
Cela peut traduire également une façon pour lui de se rassurer, se sentir performant sur au moins un domaine.
Peut-être nous montrer qu'il n'est pas aussi gentil qu'il paraît.
C'est peut-être un volet de la vie de Garry Kasparov très peu documenté ?
C'est qui ?
C'est un site culturel on dirait
Effectivement
Pareil
JME casse
Je préfère la suggestion
Pédant
Je ne vois pas de misogynie dans la phrase sur le jeu d'échecs. La prostituée est "toute jeune". Et elle a déjà un enfant. On imagine mal dans ces conditions qu'elle soit née dans un milieu favorisé où on lui a appris à jouer aux échecs. Elle y joue pour partager cela avec son fils.
Le narrateur, plus âgé, dont on ne sait rien du passé, sait très bien jouer, lui, et n'a pas voulu l'humilier.
C'est qui le Garry Kasparov ?
Partage nous ta science
Le partage est le débit euh début du cerclage
Ah ça y est
Je me souviens c'est qui
Cette phrase "Je me suis donné du mal pour ne pas la battre trop vite." m'a aussi fait penser à Bertrand Cantat.
Ah mon avis
Quand elle était petite
À part le club Dorothée....
C'est d'ailleurs grâce à ça qu'elle a appris à parler
C'est une référence à trent reznor
Il y a une poésie réelle dans ce texte, mais une poésie un peu miteuse, celle d’un clochard céleste qui voudrait passer pour profond sans oser assumer qu’il patauge surtout dans sa propre légende.
Le texte se donne l’air de l’humilité, du pauvre type qui ne demande rien, qui marche, qui observe, qui ne dérange pas… mais en réalité, tout est raconté du point de vue d’un homme qui se place systématiquement au-dessus des prostituées, tout en prétendant l’inverse. Il se dépeint comme « insignifiant », « puant », « pauvre », mais paradoxalement il se donne un rôle d’expert : spécialiste des parfums, analyste de ce qui irait mieux à quelle femme, observateur moral de « celles qui prennent des airs pincés ». Il en sait trop, voit trop, juge trop.
C’est joliment observé, oui, mais toujours avec ce petit air de supériorité déguisée en modestie - une posture qui suinte autant que ses chaussures.
C’est touchant, presque… puis ça bascule dans l’autojustification déguisée en lyrisme.
Cette oscillation permanente entre authenticité et posture. On lit, on hésite, on n’est jamais tout à fait sûr de ce qu’on doit penser du narrateur… ni de ce que lui pense réellement de lui-même. Et cette incertitude, volontaire ou non, donne au texte une étrangeté qui le sauve du banal.
Pute ?
C'est trop sombre
Ce site est malsain
Parfaitement d'accord avec Lindsay
Le fond est jugé
Ce qui n'a aucune importance
Le fond comme la forme de ce texte sont excellents
Ce qu'en pense idéologiquement le lecteur
On s'en fout totalement
Mongolito Caca tu m'as fait ma soirée... T'as même réussi a occulter le texte didon
Et vous m'avez perdu aussi avec les analyses, j'ai pas le bon GPS... Moi au début j'ai cru qu'il fantasmait sur des mannequins en plastique. Bon après la symbolique du jeu d'échecs et l'ambiguité du verbe "battre"... J'avoue que moi j'ai juste lu sans devoir m'y reprendre c'est déjà appréciable. Et que j'apprécie l'équivoque, justement c'est ça qui est bien, ça nous oblige a imaginer.
Il y a quelque chose d'amer dans ce texte que la narration parvient à faire passer comme une dragée. Le tableau est noir mais on ne sombre pas dans le pathos ou le scabreux, ni dans l'édulcoration lyrique. Plutôt habile et intéressant.
Ah ben c'était pas mon intention
Désolé
Faut être con pour lire les commentaires totalement inutiles
On s'en fou
Le texte de cette autrice est top
Suffit juste de mettre 👍
À son texte
Le responsable de ce site peut il effacer mes commentaires à la con?
Merci d'avance
Je ne saurais dire quels sont les commentaires à la con et les pas à la con entre tous tes commentaires.
Ok
Tu as raison lapin chien
Jsuis d'accord
On a tous raison
De toute façon
J'ai pas vu un commentaire qui n'était pas d'accord avec nous mêmes
On a valdingué
Grâce à ce texte !!